Le programme des prochaines séances est disponible chaque jeudi soir sur cette page :
Jeudi 5 décembre : Napoléon (en replay sur France Télévision et Jeanne Dielman (en replay sur Arte)
Jeudi 12 décembre : Grand tour de Miguel Gomes programmé au Lux depuis le 27 novembre.
Le film est vu avant la séance par les étudiants, une semaine au cinéma et une semaine à la télévision (si les programmes télé sont assez riches). Il s’agit de construire au fil de l’année une histoire, ou plutôt une géographie du cinéma, en replaçant chaque film dans son école esthétique, son genre et un thème. La séance s’organise ainsi :
Rencontre du jeudi 28 novembre
La plus précieuse des marchandises.( Michel Hazanavicius, 2024)
Jeudi 21 novembre : relâche. Je suis au Festival des 3 continents de Nantes.
Rencontre du jeudi 14 novembre
Anora (Sean Baker, 2024)
Le film a reçu La palme d'or au festival de Cannes 2024
Développements :
1- La distinction entre le drame social et le portrait de femme peut être difficile à établir. Néanmoins le drame social cherche à réinventer l'agencement des articulations entre les groupes pour leur rendre autonomie et puissance de rupture. C'est le fonctionnement des groupes les uns par rapport aux autres qui est analysé. Quel énoncé chacun peut-il formuler comme représentatif de son groupe ? Le drame social est alors une façon de décrire un "vivre ensemble" de la cité au sens large. C'est une construction quotidienne et à long terme des conditions d'appartenance, fussent-elles conflictuelles, à un monde commun lui-même composé de collectivités de tailles variables qui s'incluent plus ou moins les unes aux autres.
Ainsi dans Anora (Sean Baker, 2024), on peut voir un affrontement entre une femmes des bas-fonds de Brooklyn et les ultra-riches, russes en l'occurrence. Mais il ne s'agit pas de les analyser en profondeur. L'affrontement est individuel et ne met pas en jeu les groupes sociaux des uns (les calls-girls restent à l'arrière-plan) ou des autres (Les Russes sont des caricatures de violence sans état d'âme et n'interviennent qu'à titre individuel). Il s'agit donc bien d'un portrait de femme. Il est certes limité dans le temps (on se sait rien de sa vie passée) mais saisi de la première à la dernière image qui met en scène à la fois la dignité, l'énergie, le courage et la joie de vivre d'Anora mais aussi son aliénation à sa croyance que vendre son corps est une relation humaine normale et une espérance de sortir de son milieu. La rue de la honte (Kenji Mizoguchi, 1957), qui met en scène plusieurs destins de clients et de prostituées, relève lui du drame social.
2-Tout le monde sait répondre à la question "Qu'est-ce qu'un bon film ?". Il suffit de dire : "Pour moi, un bon film c'est... " Mais il s'agit alors moins d'expertiser le film que de parler de soi, rendre public le plaisir que l'on ressent devant certaines qualités. Il n'y a pas de règles pour définir ce qu'est un bon film. Il y a seulement des situations cinématographiques qui donnent lieu à des jugements de valeur qui mobilisent plus ou moins explicitement certains critères permettant de juger de la qualité d'un film.
La situation cinématographique :
a) l'adéquation avec les attentes, qui mesure l'écart entre ce que nous attendions du film et ce qui nous est donné
b) l'adéquation avec la situation, qui évalue les retombées des investissements en temps, en argent et en sociabilité consentis pour voir le film.
Les critères de qualité :
Film |
1 succès |
2 réussite technique |
3 apprend quelque chose |
4 émeut |
5 original |
6 cohérent |
Anora | prix |
My darling Clementine | populaire | expressionnisme profondeur de champ |
Western | Sur la tombe de James | Légende de l'Ouest | Violence/ Loi, Est, feminisme |
La Sirène du Mississipi | non | Scène finale | Inversion homme/femme | Amour fou |
All we imagine as light | prix | Bleu/Rouge | Mumbay | Fantôme du mari | original | cohérent |
Toutes les communautés cinéphiles ne s'accordent pas sur le sens à donner à ses critères. Chaque communauté de façon quelquefois explicite, mais le plus souvent implicite, 1) précise quelles sortes de gens le succès doit toucher pour compter, 2) explicite le sens à donner au terme "technique", 3) définit le domaine d'instruction pertinent, apr. exemple, soi-même, le monde, l'histoire du cinéma, 4) dit quelle sorte d'émotion compte et qu'elle sorte est à fuir, 5) liste les traits susceptibles d'être originaux et 6) précise où exactement doit se situer la cohérence.
Extraits de films : Tangerine (Sean Baker, 2015) et Red Rocket (Sean Baker, 2021).
Rencontre du jeudi 7 novembre
La poursuite infernale (My darling Clementine, John Ford, 1946)
diffusé le dimanche 3 novembre à 21h00 sur Arte.
Pour Patrick Brion: "Comme plus tard L'homme qui tua Liberty Valance, My darling Clementine décrit le passage de la nature -souvent sauvage- à la civilisation. La première est naturellement symbolisée par les paysages superbes de Monument Valley où le cinéaste n'était pas retourné depuis La Chevauchée fantastique, sept ans plus tôt, la seconde par cette ville de Tombstone qui s'édifie peu à peu. L'inauguration de la cloche de l'église et la séquence de la danse témoignent de ce passage du Far West à une Amérique en mutation.
Développements:
Exrtraits :
La chevauchée fantastique (1939): La sortie de la diligence de Tonto , La diligence avec les trois buttes de Monument Valley, L'attaque des Indiens au même endroit de Monument Valley
Rencontre du jeudi 17 octobre
Le film choisi en commun pour cette troisième rencontre était La Sirène du Mississipi (François Truffaut, 1969, 2h00) diffusé le lundi 14 octobre à 20h55 et le mercredi 16 à 13h35 sur Arte
En hommage à François Truffaut, décédé il y a 40 ans, le 21 octobre 1984, Arte diffuse ce même lundi 14 octobre à 22h55 Les deux anglaises et le continent (1971). Et, en replay, Domicile conjugal (1970) et L'amour en fuite (1979), les deux derniers volets de la saga Antoine Doinel.
Scènes clés relevées par les participants : L'arrivée de Julie avec son canari ; l'inquiétude de Louis après la mort du canari ; les indices de la tromperie, la malle, la bague, la dispute avec Richard ; la fin, difficile à interpréter ; la scène des ouvriers noirs sur la plantation de tabac.
Développements :
le titre du film qui ne vient ni du roman ni d'une localisation plausible dans la transposition à l'île de la Réunion. L'inversion des rôles attendus entre l'homme et la femme (effondrement psychologique, choix de la voiture...)
Extraits :
- La mort du canari et la stratégie de Marion pour annihiler le doute de Louis
- Fin du film et fin de La grande illusion (Jean Renoir, 1937), auquel est dédié le film, qui confirme la fin plus ouverte que dans le roman.
- Scène finale de la pièce La disparue dans Le dernier métro (1980)qui reprend la séquence finale de La sirène du Mississipi
- La gondole-cendrier de Haute pègre (Ernst Lubitsch 1932), moment de compréhension de ce qui arrive au personnage comme avec la bande-dessinée de Blanche neige dans La sirène.
Le film choisi en commun pour cette deuxième rencontre était All we imagine as light de la réalisatrice indienne Payal Kapadia. Le film a reçu le Grand prix au festival de Cannes 2024
Scènes clés relevées par les étudiants: l'autocuiseur rouge serré contre les cuisses de Prabha le soir après la tempête (clôt la 2e journée, centrée sur Anu et sa sexualité libre, anticipe sur la couleur rouge prédominante dans la seconde partie) ; la scène de l'échographie du chat et celle du jeu avec le stéthoscope : refus d'un folklore indien (les vaches, les singes) marque la fantaisie d'Anu. Le plan final signe d'allégement et de lumière au bout du tunnel, vu pas tant du point de vue des protagonistes (vus de loin dans un cadre qui les dépasse puisqu'englobant la danse en arrière plan du barman et les étoiles) que de celui du spectateur auquel il est ainsi donné puissamment le sentiment de ce qu’elles ressentent. Le portrait sensible de trois femmes déracinées qui trouvent à s'alléger des contraintes qui pèsent sur elles; un espoir plus qu'une solution.
Aspect documentaire du film : la scène d'ouverture du marché de nuit temporaire et les voix off qui font de Mumbai une ville à la fois dure et fascinent. C’est également le cas de la scène finale de la première partie : le festival de Ganapati où est énoncé "l'esprit" Mumbai : même si tu dors sur le trottoir tu n'as pas le droit de te plaindre.
Développements :
- localisation des états d'où proviennent les trois femmes
- répartition des films indiens par langues des différents états
- histoire du cinéma indien : le cinéma muet, le cinéma des studios, le cinéma indépendant des années 60, populaire des années 70 jusqu’aux blockbusters, invisibles en France
Extraits :
- La naissance de Krishna (Dhundiraj Govind Phalke, 1918)
- Devdas (P.C. Barua, 1936)
- L'intouchable (Franz Osten, 1936)
- La famille indienne (Karan Johar, 2001)
- Jawan (Atlee, 2023)
En début de rencontre :
Toute une nuit sans savoir (Payal Kapadia, 2021)
Rencontre du jeudi 3 octobre
Pour cette première séance, nous avons choisi l'analyse de deux films vus majoritairement par les étudiants durant l'été ainsi que Dahomey de Mati Diop
Films |
Thèmes abordés |
|
Emilia Perez | Drame musical | Changement ou non du personnage principal |
Le comte de Monte-Cristo | Mélodrame | Adaptation d'Alexandre Dumas |
Dahomey | Documentaire sur l'art | - Forme poétique ; incarnation par la voix, le fantôme derrière le rideau, l'arrivée sur la plage et dans la ville - Le débat dans un film - L'art africain |
Je vous propose aussi de lire :
Qu'est-ce qu'un bon film ? de Laurent Jullier ; Paris Éd. La Dispute. 2e édition revue et corrigée en 2012. 252 pages. 20 euros
Il nous servira de fil rouge toute l’année.
Jean-Luc Lacuve, le 3 octobre 2024
Voir :