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La poursuite infernale

1946

Voir : photogrammes
Genre : Western

(My darling Clementine). Avec : Henry Fonda (Wyatt Earp), Linda Darnell (Chihuahua), Victor Mature (Doc Holliday), Walter Brennan (Le vieux Clanton), Tim Holt (Virgil Earp), Cathy Downs (Clementine Carter), Ward Bond (Morgan Earp), Alan Mowbray (Granville Thorndyke), J. Farrell MacDonald (Mac, le barman), Russell Simpson (John Simpson). 1h37.

En 1882, les quatre frères Earp, Wyatt, Morgan, Virgil et James, conduisent du bétail en Californie lorsqu'ils rencontrent le vieux Clanton et ses fils. Clanton propose d'acheter leur troupeau, mais Wyatt refuse sèchement de vendre. Clanton semble ne pas s'en offusquer et signale que les cow-boys pourront s'amuser dans la ville toute proche de Tombstone en plein essor. Les frères aînés décident de s'y rendre, laissant le plus jeune, James, comme gardien. Le trio se rend bientôt compte que Tombstone est une ville sans loi, sans marshal : Wyatt s'avère le seul homme de la ville prêt à affronter un Indien ivre tirant sur les habitants de la ville. Wyatt refuse la proposition qui lui est faite de devenir marshal : il veut juste se faire raser la barbe tranquillement.

Lorsque les frères retournent dans leur camp, ils trouvent leur bétail volé et James assassiné. Wyatt retourne à Tombstone. Cherchant à venger le meurtre de James, il accepte cette fois le poste de marshal de la ville et fait face aux Clanton en gardant son sang-froid devant leur sourire ironique alors qu'il les sait coupable. Son nom, celui de l'ancien shérif de Dodge city, les fait toutefois frémir.

Le lendemain matin, Wyatt enterre James sur le lieu où il a été assassiné. Il lui promet d'agir : "Peut-être que quand nous quitterons ce pays, les jeunes gars comme toi pourront grandir et vivre sans danger". Plus tard, Virgil vient informer à Wyatt, qui habite les locaux de la prison, que des traces de bétail conduisent bien vers le ranch des Clanton. Wyatt décide d'attendre pour agir. Le soir Chihuahua, l'amoureuse latino de Doc, chante dans le saloon local en improvisant des paroles ironiques sur la perte des 10 000 têtes de bétail de Wyatt. Wyatt reste calme mais la brusque lorsqu'elle tente d'informer un joueur professionnel de sa main au poker. Comme elle proteste avec colère et le gifle, Wyatt la plonge dans une auge pour chevaux.

Doc Holliday arrive alors et s'en prend d'abord au joueur professionnel auquel il rappelle son ordre précédent de quitter la ville. Il s'apprête à défier Wyatt lorsque celui-ci refuse de le mettre au-dessus des lois. En sortant son arme, il le provoque en duel mais l'arrivée de Morgan et Virgil, prêts à défendre leur frère, fait tomber la tension. Alors que Wyatt et Doc, réconciliés, partagent un whisky, on annonce l'arrivée de l'acteur Granville Thorndyke et de sa troupe pour un spectacle théâtral. Le chahut a déjà gagné la salle car l'acteur a disparu. Wyatt et Doc vont le chercher au bar et constatent qu'il est retenu prisonnier par les frères Clanton qui l'obligent à réciter Hamlet. Lorsque l'acteur, forcé à boire, renonce, c'est Doc qui termine la tirade. Wyatt et Doc libèrent ensuite Thorndyke et désarment les frères Clanton. Le vieux Clanton vient s'excuser de l'attitude de ses fils puis les admoneste "lorsque tu tires, tu dois tuer ton homme".

Le lendemain, Clementine Carter, l'ancienne fiancée de Doc arrive de sa ville natale de Boston pour retrouver Doc Holliday. Celui-ci ne rentrera que le soir et on lui donne une chambre dans l'hôtel où il réside. Accompagnée de Wyatt, elle visite sa chambre. Thorndyke quitte Tombstone remercié par tous pour son spectacle de la veille. Le soir, Caroline attend dans le saloon le retour de Doc. Celui-ci qui souffre gravement de la tuberculose et a fui Clémentine auparavant, est mécontent de son arrivée. Il lui dit de retourner à Boston ou il quittera Tombstone, ce qu'elle accepte. Puis il retourne dans sa chambre et fracasse la vitre de son diplôme où son visage se reflétait. Il descend ensuite boire au bar, ce que déplorent Mac, le barman, et Chihuahua qui tente en vain de lui arracher un baiser et qu'il méprise ouvertement. Wyatt tente à son tour de le raisonner en parlant de Clementine mais, à bout d'arguments, assomme Doc et le reconduit dans sa chambre.

Le lendemain dimanche, Wyatt se fait raser de près et parfumer par le barbier. Les frères sont surpris du monde qui vient assister à l'office. John Simpson, l'enthousiaste diacre, leur apprend qu'il ne s'agit pas d'un office en plein air d'une cérémonie sur les lieux du temple dont le toit sera posé la semaine suivante. Virgil et Morgan partent se recueillir sur la tombe de James. Chihuahua vient rendre visite à Doc, non s'en s'être assurée que Clementine partait. Doc lui promet le mariage puis de partir avec elle au Mexique. Clementine s'apprête à partir mais Wyatt lui signale que le dimanche la diligence ne part qu'après le déjeuner. La cloche du temple sonne et le son émeut Clementine qui ne l'avait pas entendu depuis longtemps. Elle propose à Wyatt de l'accompagner pour rejoindre  toute la communauté qui s'est rassemblée pour le chant chrétien Shall we gather at the river. John Simpson, le diacre, annonce que l'église étant consacrée, c'est le moment de danser. Wyatt invite Clementine et John Simpson leur fait l'honneur de dégager un instant le plateau de danse pour "Le marshall et sa demoiselle". Virgil et Morgan de retour de la tombe de James sont stupéfaits de voir Wyatt danser avec Clémentine. Wyatt et Clementine déjeunent avec la communauté dans l'hôtel quand Doc descend de sa chambre et renouvelle sa demande que Clementine quitte la ville. Wyatt lui reproche d'avoir, par deux fois en trois jours, donné des ordres de départ qu'il n'est pas autorisé à donner. En colère, Doc lui conseille de porter une arme à leur prochaine rencontre. Il part accompagner la diligence pour Tucson, chargée de la paie des éleveurs dont il donne sa part à Chihuahua, qu'elle voit partir sans lui. En colère contre le départ précipité de Doc, Chihuahua entame une dispute avec Clémentine. Wyatt les sépare. Il remarque que Chihuahua porte une croix en argent qui a été prise à son frère James la nuit où il a été tué. Elle prétend que Doc la lui a donnée.

Wyatt entame une "poursuite infernale" pour rattraper la malle-poste en prenant des raccourcis par les cols et ayant recours à des chevaux frais. Il rejoint ainsi Doc qui l'oblige à tirer pour le désarmer du pistolet qu'il tenait à la main. Tous deux retournent à Tombstone pour interroger Chihuahua, qui s'empresse de faire fuir Billy Clanton par le toit. Après avoir été interrogée, Chihuahua avoue que la croix d'argent lui a été donnée la veille au soir par Billy Clanton. Pendant l'interrogatoire, Billy tire sur Chihuahua à travers une fenêtre et part à cheval, mais est blessé par Wyatt. Wyatt ordonne à son frère Virgil de le poursuivre. La poursuite mène à la ferme Clanton, où Billy meurt de ses blessures. Le vieux Clanton tire alors sur Virgil dans le dos, de sang-froid.

En ville, Doc est réticent à opérer Chihuahua. Il n'a cependant pas le choix et se réjouit que Chihuahua se rétablisse. Les Clanton arrivent alors, jettent le corps de Virgil dans la rue et annoncent qu'ils attendront le reste des Earp à l'O.K. Corral. Chihuahua meurt et Doc décide de rejoindre les Earp, marchant aux côtés de Wyatt et Morgan jusqu'au corral au lever du soleil.

A l'aube du lundi, Wyatt, qui a refusé l'aide du maire et de Simpson et rangé son étoile de marshall pour ce qu'il estime être une affaire personnelle, marche vers OK Corall accompagné de Morgan et de Doc. Une fusillade s'ensuit dans laquelle les fils Clanton sont tués, tout comme Doc. Wyatt contraint le vieux Clanton à se rendre et lui laisse la vie sauve afin que la douleur de la perte de ses fils le hante à jamais. Mais Clanton avait traîtreusement caché une arme. Alors qu'il va faire feu, Morgan l'abat.

Wyatt et Morgan démissionnent des postes de marshal. Morgan se dirige vers l'est dans un cheval et un buggy suivi par Wyatt à cheval qui s'arrête pour faire ses adieux à Clémentine. Il est heureux qu'elle ait accepté le poste d'institutrice. Il part avec son frère atténuer la peine de leurs parents endeuillés. Mais il a pour projet de revenir en conduisant un troupeau de bétail. Lorsqu'il repassera par là, il promet de la retrouver. Il l'embrasse sur la joue en guise de promesse. Montant sur son cheval, il songe à haute voix, "Mademoiselle, j'aime bien ce nom... Clémentine", et part rejoindre son frère.

My darling Clementine écrit la légende de L'Ouest américain ou comment s'effectue le passage de la violence des premiers colons à un nouveau monde civilisé par les valeurs de l'Est et de la féminité. L'inauguration de la cloche de l'église et la séquence de la danse témoignent de ce passage du Far West à une Amérique en mutation. Mais celle-ci ne se fait pas sans difficultés. Si les Clanton sont condamnés, Doc Holliday, personnage shakespearien, l'est aussi. Ford recourt ainsi à une photographie parfois très expressionniste tout autant qu'il revivifie les paysages de Monument Valley. Le cinéaste n'y était pas retourné depuis La chevauchée fantastique, sept ans plus tôt, mais son utilisation symbolique de ces paysages où il retournera cinq fois encore est tout autre. Monument Valley semble cette fois protéger la ville de Tombstone qui s'édifie peu à peu. 

De la violence à la décontraction

Les personnages du films incarnent le passage de la violence des premiers colons à un nouveau monde civilisé par les valeurs de l'Est et de la féminité. Patriarche violent et despotique, le vieux Clanton représente la dureté et le comportement désormais anachronique des premiers colons, prêts à se battre pour arracher et conserver leurs terres. Sa manière de frapper ses fils avec le fouet dont il ne se sépare jamais ou d'abattre ses adversaires dans le dos - c'est ainsi qu'il tue Virgil Earp et probablement James- symbolise l'époque où chacun dictait sa propre loi l'arme à la main.

"Doc" Holliday, lui, représente un style de vie dangereux, malade, ayant la nostalgie de la civilisation de l'est mais l'ayant abandonné : "on pourrait presque suivre ta piste de cimetière en cimetière" lui dit Wyatt Earp. Eduqué, il est médecin, "Doc" Holliday a été la victime de la vie tumultueuse de Deadwood et de Denver. Il a renoncé à son cabinet au profit des tables de jeu. Il impose à Wyatt de boire du champagne et d'écouter la tirade d'Hamlet dans le saloon alors que l'ensemble des spectateurs préféreront "Le serment du forçat" dans la salle de spectacle. Il ne peut être que touché par la célèbre tirade où Hamlet hésite sur la voie à suivre quand plane l'ombre terrifiante de la mort. "Doc" s'est réfugié dans les marges, dans les rêves d'une vie de mort-vivant, dont Clementine ne peut le sortir. Il est lui ainsi prêt à tuer pour survivre, toujours à la limite entre crime et légitime défense. Alors que Doc Boone, le sympathique médecin alcoolique de La chevauchée fantastique se révélait un praticien de premier ordre au moment où le danger l'imposait, "Doc" Holliday est lui un damné. Il ne peut arracher à la mort Chihuahua, la femme qu'il aime, et sa présence aux côtés de Wyatt Earp lors du règlement de compte final- rachat ou suicide ? - lui sera fatale.

Wyatt Earp, au contraire du vieux Clanton et de "Doc", indécis et malchanceux, symbolise la loi et l'ordre. Il en fait la promesse sur la tombe de son frère James le lendemain de son assassinat : "Peut-être que quand nous quitterons ce pays, les jeunes gars comme toi pourront grandir et vivre sans danger". Ce dialogue avec un mort l'inscrit dans une histoire plus longue que la sienne et le rattache aux mêmes méditations devant la tombe que dans Judge Priest, Vers sa destinée ou La charge héroïque.

Quand Doc l'interroge, espérant qu’il s'en ira vite, il lui vient une inquiétude : "Tu ne t'ai pas mis dans la tête de nous débarrasser de tous nos maux ? - oh je n'ai pas pensé exactement à ça mais ce n'est pas une mauvaise idée, c'est pour ca que je suis payé. -Que ferais tu si je m'avisais de violer la loi ? -Tu l’as déjà fait en chassant ce tricheur de la ville. Ce n'est pas  ton affaire".

Wyatt se montre en effet intransigeant sur sa seule incarnation de représentant de la loi. Il reproche à Doc d'avoir par deux fois en trois jours donné des ordres de départ qu'il n'est pas autorisé à donner, au tricheur et à Clementine. Cette distinction entre représentant de la loi et vengeance personnelle, il la pratique au matin du "règlement de compte à OK corral". Il range son étoile de marshal pour ce qu’il estime être une affaire personnelle. Il n'accepte l'aide du maire et du diacre Simpson qu'en ayant déchargé leur arme et que pour servir de leurre aux Clanton. Ils marchent à côté de lui pendant que Doc et Morgan s'infiltrent sur le coté. Ce n'est que lorsque Clanton a refusé de se soumettre à ses mandas d'arrêt qu'il tire son premier coup de feu.

Il incarne une vision plus apaisée et décontractée que celle de Doc, toujours rapide et rigide. Sa façon de jouer avec sa chaise est devenue proverbiale; le destin ne le poursuit pas; il change de métier et aime le poker parce que "à chaque main, c'est un autre problème". Tout l'humour du film repose sur lui. Il sè leve de sa chaise lors de l'arrivée de Clementine Carter. Morgan, stupéfait de l'empressement de Wyatt auprès de Clementine, met sans s'en apercevoir sucre sur sucre dans sa tasse. Wyatt qui n'avait voulu que la barbe (il le répète de nombreuses fois) accepte pour elle de se faire couper les cheveux et d'être parfumé ce qui surprend d'abord ses frères qui croient sentir l'odeur du chèvrefeuille puis Clementine "l’odeur des fleurs du désert", obligeant Wyatt a faire deux fois la même remarque "non c'est moi". Wyatt voyant s'éloigner Clementine du saloon demande au barman : "-Mac tu n'as jamais été amoureux ? -Non j'ai été barman toute ma vie".

La danse est le moment où se ressoude la communauté et où se forme son noyau cher à Ford, le couple et bientôt la famille.

 

Le souvenir de l'expressionnisme

La désintégration familiale est en effet ici représentée avec plus de force que dans les films antérieurs. Les deux familles sont décimées par leur confrontation. Les Clanton sont exterminés, deux des frères Earp sont tués avec leur allié Doc Holliday. La famille Clanton est aux antipodes de l'idéalisation fordienne de la famille. C’est ainsi l'un des films les plus noirs de Ford : neuf cadavres de personnages principaux jalonnent une narration particulièrement violente qu'atténue toutefois la description idyllique de l'admiration tendre que voue le shérif Earp à la jeune Bostonienne. Le film progresse à l'aide de nombreux contrastes : action dure et violente parsemée de scènes lyriques et paisibles, vision mythique des personnages basée autant sur leurs hauts faits que sur le détail pittoresque et familier de leur comportement.


Monument Valley

John Ford n'était pas retourné filmer Monument Valley depuis La chevauchée fantastique, sept ans plus tôt, mais son utilisation symbolique de ces paysages où il retournera cinq fois encore est tout autre. Monument Valley semble cette fois protéger la ville de Tombstone (située en réalité à 800 kilomètres plus au sud) qui s'édifie peu à peu. 

La ville de Tombstone se situe à 800 kilomètres au Sud de Monument Valley où elle est filmée avec des décors auxquels participent les Indiens de la réserve.. qui ne sont pas filmés. Emplacement tel qu'en 2022 : Sur la photo, de gauche à droite : Eagle Mesa, Brighams Tomb (en partie caché par le bâtiment), King-on-his-Throne (2 points effilées), Stagecoach (formation divisée en 3 blocs) et Big Indian, complètement à droite.

Ainsi Monument Valley qui, dans La chevauchée fantastique, était le lieu de tous les dangers, notamment l'attaque finale des Indiens, est ici un lieu protecteur. Caractéristique de ce changement, le même plan de la barrière frontière et protectrice de la ville avec au loin le "sauvage" Eagle peak. Ce plan est utilisé au début de La chevauchée fantastique pour marquer le départ de la diligence de Tonto qui va affronter les périls. A la fin de My darling Clementine, Clementine reste protégée dans Tombstone, alors que Wyatt et Morgan Earp vont de nouveau traverser la nature pour rejoindre la Californie.

Au début de La chevauchée fantastique Fin de My darling Clementine

 

Réécrire l'histoire

Ford prend quelques libertés avec l'histoire du règlement de compte final à OK Corral, le combat n'a pas eu lieu en 1882, comme indiqué sur la pierre tombale de James mais en octobre 1881 ; James Earp n'était pas le plus jeune, mais le plus âgé des frères de Wyatt Earp ; ce dernier n'a jamais convoyé du bétail jusqu'à Tombstone et le vieux Clanton était déjà mort lorsqu'à eu lieu le règlement de comptes d'OK Corral. Et surtout Wyatt Earp était un pistolero et joueur de cartes notoire qui s'opposa en octobre 1881 avec son frère à la famille Clanton qu'il extermina au cours de ce qui relevait davantage du massacre confus et sans gloire que du classique et chevaleresque règlement de comptes. La légende, fausse, l'avait même transformé en shérif de la ville de Tombstone en Arizona, poste occupé en fait par son frère Virgil. Ford se vantera d'avoir rencontré le véritable Wyatt Earp alors qu'il était assistant-réalisateur sur des westerns muets dans les années 1910 et d'avoir respecté au plus près les faits historiques qui lui ont été raconté alors. Doc etait dentiste et non medecin.

Initialement, le film durait plus de deux heures. Darryl F. Zanuck insista pour pratiquer lui-même les coupes qu'il jugeait indispensables, choisissant de clarifier l'ouverture, d'élaguer considérablement le personnage de Kate Nelson, la tenancière de la "maison" locale, essentiellement des scènes de comédie. De même, alors que Ford aurait préféré que le film se termine avec Wyatt Earp restant à Tombstone, la version définitive voit Wyatt et Morgan quitter Tombstone et s'achève sur la phrase que Wyatt adresse à Clementine : "Ma'am, I sure like that name… Clementine". Une phrase qui annonce son très probable retour. En refusant la participation de Ford aux modifications qu'il estimait nécessaires, Zanuck mettra fin à une collaboration exemplaire qui avait par le passé produit des films à la fois importants et commercialement bénéfiques comme Les Raisins de la colère (1940) ou Qu'elle était verte ma vallée (1941). Pour cette raison, sans doute, John Ford gardera toujours un souvenir amer du tournage, qui le confirmera dans sa décision de devenir très vite son propre producteur.

Ford présente une vision de l'histoire de l'Amérique qui ne fait pas mention des Indiens si ce n'est pour les présenter comme des alcooliques que l'on exclut de la civilisation à coup de pied. Sa réflexion sur la face cachée de l'histoire trouvera ainsi une dimension plus complexe dans L'homme qui tua Liberty Valance (1962) ou Les cheyennes (1964).

Sources :

Oh, my darling Clementine De Percy Montrose
   
In a cavern, in a canyon
Excavating for a mine
Lived a miner, forty-niner,
And his daughter Clementine

Oh, my darling, Oh my darlong,
Oh, my darling , Clementine !
You are lost and gone forever
Dreadful sorry, Clementine !

Light she was and like a fairy,
And her shoes were number nine,
Herring boxes, without topses,
Sandals were for Clementine.

Drove her ducklings to rthe water
Every morning juts at nine,
Hit her foot against a splinter
Fell into the foaming brine.

Ruby lips above the water,
Blowing bubbles soft and fine
But alas for me, I was no swimmer.
So I lost my Clementine.

In churcyard near the canyon
Where the myrtle doth entwine.
There grew roses ans other posies
Fertilized by Clementine.

Dans une caverne, dans un canyon
Creusé pour forer une galerie,
Vivait un mineur, un quarante-neufard*,
Et sa fille Clementine.

Oh ma chérie, oh ma chérie,
Oh ma Clémentine chérie !
Tu es perdue et disparue à jamais,
J'en suis horriblement triste, Clementine !

Légère elle était, comme une fée,
Elle chaussait du quarante-cinq fillette,
Des caisses à harengs sans couvercle,
Servaient de sandales à Clementine.

Elle menait ses canetons à l'eau,
Tous les matins à neuf heures juste,
Elle se prit les pieds dans une souche
Et tomba dans l'écume saumâtre.

Ses lèvres rouges à la surface de l'onde,
Faisaient des bulles légères et satinées,
Mais hélas pour moi, je ne savais pas nager,
Aussi j'ai perdu ma Clementine.

Dans le cimetière près du canyon,
Où la myrthe s'entrelace,
Croissent roses et fleurettes,
Fertilisées par Clementine

   
* La découverte de l'or en Californie remonte à 1849. D'où le surnom des prospecteurs de l'époque.
   
   

 

Le monologue d'Hamlet (III, 1)

   

To be, or not to be: that is the question:
Whether ’tis nobler in the mind to suffer
The slings and arrows of outrageous fortune,
Or to take arms against a sea of troubles,
And by opposing end them? To die: to sleep;
No more; and, by a sleep to say we end
The heart-ache and the thousand natural shocks
That flesh is heir to, ’tis a consummation
Devoutly to be wish’d. To die, to sleep;
To sleep: perchance to dream: ay, there’s the rub;
For in that sleep of death what dreams may come
When we have shuffled off this mortal coil,
Must give us pause. There’s the respect
That makes calamity of so long life;
For who would bear the whips and scorns of time,
The oppressor’s wrong, the proud man’s contumely,
The pangs of dispriz’d love, the law’s delay,
The insolence of office, and the spurns
That patient merit of the unworthy takes,
When he himself might his quietus make
With a bare bodkin? who would fardels bear,
To grunt and sweat under a weary life,
But that the dread of something after death,
The undiscover’d country from whose bourn
No traveller returns, puzzles the will,
And makes us rather bear those ills we have
Than fly to others that we know not of?

Être, ou ne pas être : telle est la question :
Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir
la fronde et les flèches de la fortune outrageante,
Ou bien à s’armer contre une mer de douleurs,
et à l’arrêter par une révolte? Mourir.., dormir;
Rien de plus... et dire que par ce sommeil nous mettons fin
aux maux du cœur et aux mille tortures naturelles
qui sont le legs de la chair: c’est là un dénouement qu’on doit souhaiter avec ferveur. Mourir.., dormir,
dormir! peut-être rêver! Oui, là est l’embarras;
Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort,
Quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ?
Voilà qui doit nous arrêter. C’est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d’une si longue existence.
Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations et les dédains du monde,
l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté,
les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi,
l’insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes,
s’il pouvait en être quitte avec un simple poinçon?
Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous une vie accablante,
si la crainte de quelque chose après la mort,
de cette région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté,
et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous
lancer dans ceux que nous ne connaissons pas?

   
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