Le western est le genre dans lequel les Américains ont reconnu leur idéal de conquête. Dans le cadre de l'Amérique des pionniers, entre 1860 et 1890, il raconte la quête d'un individu ou d'une communauté. Dans la culture américaine, le western joue le même rôle que le roman d'apprentissage du XIXème siècle dans la culture européenne.
Dans Le western ou le cinéma américain par excellence (préface au livre du même titre de Jean-Louis Rieupeyrout 1953), André Bazin définit ainsi les archétypes du western :
Dans Evolution du western, un article des Cahiers du Cinéma de 1955, Bazin constate que seuls des hommes forts, rudes et courageux pouvaient conquérir les paysages de l'Ouest alors que la police et les juges profitent surtout aux faibles. Il définit ainsi deux époques du western classique où l'on passe de l'épopée à la tragédie.
Nous envisagerons d'abord une brève histoire du western avant de proposer nos top20 et top70 du genre.
Légitimant de la conquête de l'ouest face à des indiens violents jusque dans les années 50, émerge ensuite le doute face à la diffusion des témoignages sur la violence de l'extermination des indiens et l'exploitation des pionniers pauvres (Johnny Guitar, La flèche brisée, un homme nommé cheval). Le western se fait ensuite réflexion globale sur la violence constitutive de l'Amérique à l'aune de la guerre de Corée puis du Vietnam (L'homme de l'ouest, Il était une fois dans l'ouest, Les portes du paradis), avant que n'émerge la question de l'autre aux Etats-Unis, de l'altérité des noirs et des Indiens (Danse avec les loups, Impitoyable).
L'évolution du western se lit à travers celle de John Wayne dans les films de John Ford. Du manichéisme du Ringo Kid de La chevauchée fantastique , (1939) au paternalisme bienveillant du capitaine, incarnant les valeurs traditionnelles de la cavalerie, dans La charge héroïque, (1949) jusqu'au paria de La prisonnière du désert, (1956) ou le Tom Doniphon de L'homme qui tua Liberty Valance (1961).
1 - 1 Les origines (1903-1929)
Les origines du genre se confondent avec la naissance du cinéma. L'attaque du grand rapide (1903) d'Edwin S Porter est considéré comme le premier western et la première tentative américaine de montage narratif.
Les premières stars du western sont Gilbert M Anderson alias Broncho Billy, William S. Hart, connu en France sous le nom de Rio Jim, et surtout Tom Mix.
Les premiers grands réalisateurs de western sont Cecil B. DeMille avec Le Mari de l'Indienne, (1914), Raoul Walsh et surtout John Ford avec Le cheval de fer, (1924) et Trois sublimes canailles (1926).
Avec l'arrivée du parlant, le western, esclave de la technique, se fige et s'alourdit. Seul Raoul Walsh parvient à réaliser des chefs-d'œuvre : In Old Arizona (1929) et surtout La piste des géants, (1930), tourné en 70 mm, qui marque le début en vedette de John Wayne.
1-2 L'apogée (1939-1952)
Avec La chevauchée fantastique de John Ford, l'invention s'impose à nouveau et l'espace reprend ses droits.
Dégingandé, sobre et charismatique, John Wayne interprète pour la première fois le héros fordien marginal, solitaire et intègre, timide et courtois avec les femmes, même prostituées. Sont évoquées:
Dès Le massacre de fort Apache, Cochise et ses guerriers sont montrés comme des hommes dignes et valeureux, susceptibles de négocier la paix mais régulièrement trahis par les agents indiens (Silas Meacham) ou par des officiers arrogants et racistes (le colonel Thursday). Cette critique novatrice sera encore plus marquée dans La flèche brisée de Delmer Daves ou La porte du Diable d'Anthony Mann.
2-1 Le surwestern
Dans les années 50 apparaît ce que Bazin dénomme le surwestern : "un western qui aurait honte de n'être que lui-même et chercherait à justifier son existence par un intérêt supplémentaire d'ordre esthétique, sociologique, moral, psychologique, érotique".
Le train sifflera trois fois (1952) de Fred Zinnemann, allégorie démocratique sur le bien, le mal, la dénonciation la lâcheté est, selon André Bazin la modèle achevé de ce surwestern.
Les valeurs traditionnelles de l'Amérique sont également mises à mal chez Anthony Mann avec Les furies (1950) ou L'appât (1953).
Le mythe américain par excellence du droit à la liberté est systématiquement compromis par la cupidité, la vengeance ou la mégalomanie des hommes. Quatre étranges cavaliers (1954) de Dwan démontre la fragilité des institutions démocratiques. Le jour de l'Indépendance et de son mariage un homme innocent est poursuivi par ses concitoyens qui veulent le lyncher. Le méchant, Mc Carty, est tué grâce à un faux message d'un faux chérif et une cloche d'église. Dans les sept westerns que Budd Boetticher réalise avec Randolph Scott, le style est aussi simple que les héros impassibles. Dans L'homme de l'Arizona, (1957), tout se joue sur des parties de poker. Les bons et les méchants sont difficilement discernables; ils ont les mêmes rêves, la même solitude, le même code moral.
Avec Le gaucher (1958) d'Arthur Penn apparaît un anti-héros, suicidaire en manque de père, incarnant le mal des adolescents. La même année Anthony Mann réalise L'Homme de l'Ouest avec Gary Cooper, une oeuvre mortifère.
2-2 le western baroque
Si le surwestern tente de transposer les valeurs de l'Amérique dans le western, le western baroque s'intéresse à la face sombre de cette transposition, lorsque le héros vit comme une perte ou un déclassement l'entrée dans un monde moderne dont il se sent exclu. Ainsi Duel au soleil (King Vidor, 1946), L'ange des maudits, (Fritz Lang,1952) Johnny Guitare (Nicholas Ray, 1954), L'homme qui n'a pas d'étoile (King Vidor, 1955), La prisonnière du désert (John Ford, 1956) et Quarante Tueurs (1957) de Samuel Fuller.
Avec Les deux cavaliers (1961) et L'homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford, la légende de l'Ouest est définitivement considérée comme un mythe caduc.
Comme La prisonnière du désert, Les deux cavaliers a pour thème le drame des blancs faits prisonniers par les indiens. Que sont devenues les femmes ? Qu'est-il arrivé aux enfants ? Sont-ils encore des blancs ou totalement des indiens ? Mais alors que La prisonnière du désert était à la fois lyrique et inquiet, Les deux cavaliers est un film tragique et crépusculaire. Nathan accomplissait ce qui lui semblait être son devoir. Le personnage de McCabe, pourtant joué par l'incarnation de la justice, James Stewart, reconnaît qu'il touche 10 % sur tout ce qui se passe dans sa ville.
L'homme qui tua Liberty Valance est aussi une vision désenchantée et crépusculaire de l'Ouest américain. Le directeur du Shinborne Star fait remarquer au sénateur Stoddard que "dans l'Ouest lorsque la légende devient la réalité, c'est elle qu'on imprime". Il ne peut alors s'empêcher de penser à ce qui se serait passé si on avait su quel était le véritable héros responsable de la mort de Liberty Valance : Tom aurait sans doute épousé Hallie et serait devenu une figure légendaire du Far-West, alors que lui, Ransom, serait demeuré un petit avocat de province.
Les cheyennes (1964) de Ford ouvre aussi la voie de la dénonciation historique du génocide indien. Ainsi comme il avait tracé la voie du western classique, Ford ouvre la voie du western moderne dont vont s'emparer Sergio Leone et Arthur Penn. Le western renaît une seconde fois lorsqu'il devient le miroir des problèmes contemporains.
Le western spaghetti et ses déclinaisons en western zapata (analyse politique ancrée dans la révolution mexicaine) ou même western fayot (parodique et vulgaire) a permis au genre du western de survivre entre les anciens (de John Ford à Robert Aldrich) et les modernes (de Peckinpah à Eastwood) en se faisant l'expression d'une lucidité politique et sociale proche de celle de la comédie italienne, genre qui lui préexiste et qui mourra tout juste un peu après lui.
Vera Cruz de Robert Aldrich en 1954 avait passé le témoin au western Zapata. Et, Jean-Baptiste Thoret assure à juste titre que, sans le détour par l'Italie, le genre du western serait sans doute mort. C'est le western politique italien qui assure le passage de témoins vers La horde sauvage (Sam Peckinpah, 1969), Sierra Torride (Don Siegel, 1970), John Mac Cabe (Robert Altman, 1971) et Little Big man (Arthur Penn, 1970), Pat Garrett et Billy the Kid (Sam Peckinpah, 1973).
L'échec public en 1980 des Portes du paradis de Michael Cimino fait reculer un peu plus l'intérêt pour le western. En 1990 Costner réintroduit les préoccupations écologiques avec Danse avec les loups. En 1992 avec Impitoyable, Eastwood démontre que la violence malmène l'âme de tout être qui y est confronté.
Ce succèderont ensuite des films sans vision nouvelle, sans fable nouvelle à réintroduire dans le genre et qui présentent donc peu d'intérêt : Silverado (Lawrence Kasdan, 1985), Tombstone (George P. Cosmatos, 1993), Wyatt Earp (Lawrence Kasdan,1994), Wild Bill (Walter Hill, 1995), Mort ou vif (Sam Raimi, 1995), Open range (Kevin Costner, 2003), Retour à Cold Mountain (Anthony Minghella, 2003), L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (Andrew Dominik, 2007), 3h10 pour Yuma (James Mangold, 2007), Appaloosa (Ed Harris, 2008), The revenant (Alejandro G. Inarritu, 2012), Hostiles (Scott Cooper, 2017).
Dead man (Jim Jarmusch, 1995) western fantomatique, hyper cultivé et référencé,True grit (Joel Coen, 2010) noire réflexion sur la vengeance, et Django unchained (Quentin Tarantino, 2012) montrent toutefois que le genre peut encore générer thèmes et motifs émouvants.
RÉALISATEURS : John Ford, Anthony Mann, Howard Hawks, Raoul Walsh, King Vidor, Nicholas Ray, Fritz Lang, Samuel Fuller, Sergio Leone, Clint Eastwood, Allan Dwann, Bod Boetticher, Dalmer Daves, John Sturges, Fred Zinnemann, Sam Peckinpah, Arthur Penn, Michael Cimino, Sidney Pollack, Kevin Costner
Bibliographie :
Django unchained | Quentin Tarantino | U.S.A. | 2012 |
Dead man | Jim Jarmusch | U.S.A. | 1995 |
Impitoyable | Clint Eastwood | U.S.A. | 1992 |
Les portes du paradis | Michael Cimino | U.S.A. | 1980 |
Il était une fois dans l'Ouest | Sergio Leone | Italie | 1969 |
La horde sauvage | Sam Peckinpah | U.S.A. | 1969 |
El Dorado | Howard Hawks | U.S.A. | 1966 |
Le bon, la brute et le truand | Sergio Leone | Italie | 1966 |
Les cheyennes | John Ford | U.S.A. | 1964 |
L'homme qui tua Liberty Valance | John Ford | U.S.A. | 1961 |
Rio Bravo | Howard Hawks | U.S.A. | 1959 |
L'homme de l'ouest | Anthony Mann | U.S.A. | 1958 |
La prisonnière du désert | John Ford | U.S.A. | 1956 |
L'homme de la plaine | Anthony Mann | U.S.A. | 1955 |
Johnny Guitare | Nicholas Ray | U.S.A. | 1954 |
Je suis un aventurier | Anthony Mann | U.S.A. | 1954 |
La captive aux yeux clairs | Howard Hawks | U.S.A. | 1952 |
Les affameurs | Anthony Mann | U.S.A. | 1952 |
La charge héroïque (She wore.. | John Ford | U.S.A. | 1949 |
La fille du désert | Raoul Walsh | U.S.A. | 1949 |
La rivière rouge | Howard Hawks | U.S.A. | 1948 |
La vallée de la peur (Pursued) | Raoul Walsh | U.S.A. | 1947 |
La poursuite infernale (My darling ...) | John Ford | U.S.A. | 1946 |
La chevauchée fantastique | John Ford | U.S.A. | 1939 |
La ruée vers l'or | Charles Chaplin | U.S.A. | 1924 |
The power of the dog | Jane Campion | U.S.A. | 2021 |
First cow | Kelly Reichardt | U.S.A. | 2019 |
Les frères Sisters | Jacques Audiard | U.S.A. | 2018 |
Hostiles | Scott Cooper | U.S.A. | 2017 |
The revenant | Alejandro G. Inarritu | U.S.A. | 2015 |
Gold | Thomas Arslan | Allemagne | 2013 |
Django unchained | Quentin Tarantino | U.S.A. | 2012 |
Cowboys & envahisseurs | Jon Favreau | U.S.A. | 2011 |
True grit | Joel Coen | U.S.A. | 2010 |
La dernière piste | Kelly Reichardt | U.S.A. | 2010 |
Dead man | Jim Jarmusch | U.S.A. | 1995 |
Impitoyable | Clint Eastwood | U.S.A. | 1992 |
Danse avec les loups | Kevin Costner | U.S.A. | 1990 |
Pale Rider, le cavalier solitaire | Clint Eastwood | U.S.A. | 1985 |
Les portes du paradis | Michael Cimino | U.S.A. | 1980 |
The Missouri breaks | Arthur Penn | U.S.A. | 1976 |
L'homme des hautes plaines | Clint Eastwood | U.S.A. | 1973 |
Pat Garrett et Billy the Kid | Sam Peckinpah | U.S.A. | 1973 |
Jeremiah Johnson | Sydney Pollack | U.S.A. | 1972 |
Il était une fois la révolution | Sergio Leone | Italie | 1971 |
John McCabe | Robert Altman | U.S.A. | 1971 |
Little Big Man | Arthur Penn | U.S.A. | 1970 |
Sierra Torride | Don Siegel | U.S.A. | 1970 |
Il était une fois dans l'Ouest | Sergio Leone | Italie | 1969 |
La horde sauvage | Sam Peckinpah | U.S.A. | 1969 |
L'ouragan de la veangeance | Monte Hellman | U.S.A. | 1966 |
The shooting | Monte Hellman | U.S.A. | 1966 |
El Dorado | Howard Hawks | U.S.A. | 1966 |
Django | Sergio Corbucci | Italie | 1966 |
Colorado | Serggio Sollima | Italie | 1966 |
El Chuncho | Damiano Damiani | Italie | 1966 |
Le bon, la brute et le truand | Sergio Leone | Italie | 1966 |
Et pour quelques dollars de plus | Sergio Leone | Italie | 1965 |
Pour une poignée de dollars | Sergio Leone | Italie | 1964 |
Les cheyennes | John Ford | U.S.A. | 1964 |
L'homme qui tua Liberty Valance | John Ford | U.S.A. | 1961 |
Rio Bravo | Howard Hawks | U.S.A. | 1959 |
La colline des potences | Delmer Daves | U.S.A. | 1959 |
La chevauchée de la vengeance | Budd Boetticher | U.S.A. | 1959 |
L'homme de l'ouest | Anthony Mann | U.S.A. | 1958 |
Le gaucher | Arthur Penn | U.S.A. | 1958 |
Le jugement des flèches | Samuel Fulller | U.S.A. | 1957 |
Quarante tueurs | Samuel Fuller | U.S.A. | 1957 |
Trois heures 10 pour Yuma | Delmer Daves | U.S.A. | 1957 |
La prisonnière du désert | John Ford | U.S.A. | 1956 |
L'homme de la plaine | Anthony Mann | U.S.A. | 1955 |
L'homme qui n'a pas d'étoile | King Vidor | U.S.A. | 1955 |
Vera Cruz | Robert Aldrich | U.S.A. | 1954 |
Johnny Guitare | Nicholas Ray | U.S.A. | 1954 |
Je suis un aventurier | Anthony Mann | U.S.A. | 1954 |
Bronco Apache | Robert Aldrich | U.S.A. | 1954 |
La rivière sans retour | Otto Preminger | U.S.A. | 1954 |
Quatre étranges cavaliers | Allan Dwan | U.S.A. | 1954 |
L'homme des vallée Perdues | George Stevens | U.S.A. | 1953 |
L'appât | Anthony Mann | U.S.A. | 1953 |
Le train sifflera trois fois | Fred Zinnemann | U.S.A. | 1952 |
L'ange des maudits | Fritz Lang | U.S.A. | 1952 |
La captive aux yeux clairs | Howard Hawks | U.S.A. | 1952 |
Les affameurs | Anthony Mann | U.S.A. | 1952 |
Rio Grande | John Ford | U.S.A. | 1950 |
Les furies | Anthony Mann | U.S.A. | 1950 |
Le convoi des braves | John Ford | U.S.A. | 1950 |
La flèche brisée | Delmer Daves | U.S.A. | 1950 |
La Charge héroïque (She wore.. | John Ford | U.S.A. | 1949 |
La fille du désert | Raoul Walsh | U.S.A. | 1949 |
Le massacre de Fort Apache | John Ford | U.S.A. | 1948 |
La rivière rouge | Howard Hawks | U.S.A. | 1948 |
La vallée de la peur (Pursued) | Raoul Walsh | U.S.A. | 1947 |
La poursuite infernale (My darling ...) | John Ford | U.S.A. | 1946 |
Duel au soleil | King Vidor | U.S.A. | 1946 |
Les pionniers de la Western Union | Fritz Lang | U.S.A. | 1941 |
Le retour de Frank James | Fritz Lang | U.S.A. | 1940 |
La chevauchée fantastique | John Ford | U.S.A. | 1939 |
Pacific express | Cecil B. De Mille | U.S.A. | 1939 |
La piste des géants | Raoul Walsh | U.S.A. | 1930 |
Trois sublimes canailles | John Ford | U.S.A. | 1926 |
Le cheval de Fer | John Ford | U.S.A. | 1924 |
La ruée vers l'or | Charles Chaplin | U.S.A. | 1924 |
Straight shooting | John Ford | U.S.A. | 1917 |
L'attaque du grand-rapide | Edwin S. Porter | U.S.A. | 1903 |