L'appât

1953

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Genre : Western

Avec : James Stewart (Howard Kemp) Robert Ryan (Ben van der Groat), Janet Leigh (Lina Patch), Ralph Meeker (Roy Anderson), Millard Mitchell (Jesse Tate). 1h34.

Kansas, 1868. Howard Kemp se dirige vers les Rocheuses d'Abilene, à la poursuite de Ben Vandergroat dont la tête est mise à prix 5 000 dollars. Une somme qui serait suffisante pour racheter le ranch dont Howard Kemp vient d'être dépossédé. Kemp, paysan plutôt calme et têtu devenu chasseur de prime, recrute deux aides : un vieux chercheur d'or, Jesse Tate, et un ex-lieutenant de cavalerie, Roy Anderson.

Tous trois s'emparent du fuyard qu'accompagne une jeune femme, Lina, qui croit à l'innocence de son compagnon. Ils doivent conduire leur captif et Lina jusqu'à une ville lointaine. La route est semée d'embûches : le petit groupe doit faire face à une attaque d'indiens au cours de laquelle Kemp est blessé.

Et puis les chasseurs ne sont pas d'accord entre eux : Roy, totalement dénué de scrupules, voudrait se débarrasser tout de suite du prisonnier, puisque la prime est accordée à qui ramènera Vandergroat "mort ou vif". Kemp refuse et Ben, observateur narquois de ces rivalités, attise les tensions. Il parviendra même à convaincre le vieux Jesse de le laisser s'enfuir en échange de la promesse de lui révéler l'emplacement d'une mine d'or.

Libéré, Ben abat froidement Jesse d'une balle en pleine poitrine. Lina, enfin consciente de la vraie nature de Vandergroat, se range aux côtés de Kemp et Anderson et leur évite de tomber dans le piège tendu par le bandit. Une violente fusillade éclate, à l'issue de laquelle Ben est tué. Son cadavre va disparaître dans la rivière. Anderson, pour ne pas perdre la prime, plonge le chercher et se noie. Kemp reste seul avec Lina et renonce à retrouver le corps de Ben. Les deux jeunes gens s'éloignent ensemble vers une nouvelle vie et probablement de nouvelles aventures.

L'appât est la troisième des cinq westerns de James Stewart avec Anthony Mann après Winchester 73 (1950) et Les affameurs (1952). Suivront Je suis un aventurier (1954) et L'homme de la plaine(1955). Dans chacun de ces films James Stewart compose un personnage presque identique : témoin passif de la violence des hommes qui, dégoûté, est tout de même conduit à y prendre part. Loué pour son sens de l'espace, son classicisme et sa générosité, le western selon Mann est pourtant le contraire du rêve écologique. Si l'homme se retrouve ici seul dans un environnement naturel, il n'y a pas communion entre lui et les éléments. La nature révèle une autre nature, plus destructrice, celle de l'homme. Cette mise en relation entre un personnage et le décor naturel atteint ici son point culminant. Pas un plan du film ne nous éloigne de la nature omniprésente. Pas l'ombre d'une habitation construite par l'homme. Le paysage dans sa beauté, mais aussi dans sa nudité, est le décor de violences perpétrées par l'homme contre ses semblables : on y voit ainsi un massacre d'indiens dans une clairière ensoleillée, une bagarre à mort sur le bord d'une rivière.

Entre ces cinq westerns, James Stewart a tourné trois autres films avec Anthony Mann, portant à huit sur treize films leur collaboration en six ans. Dans Le port des passions (1953), Romance inachevée (1954) et Strategic air command (1955), Stewart n''y retrouve néanmoins pas la même capacité à réinventer la figure d'un héros en proie à la fatigue et au doute.

The naked spur (L'éperon nu) est à la fois le piton rocheux sur lequel ont été tournées les dernières séquences du film, dans la région de Durango (Colorado), et l'éperon de cavalier utilisé par James Stewart pour l'escalader. C'est aussi cet éperon qui participera au dénouement du film.

Jean-Luc Lacuve, le 7 février 2023