1845, Oregon. Une caravane composée de trois familles a engagé le trappeur Stephen Meek pour les guider à travers les montagnes des Cascades. Meek prétendait connaître un raccourci sur une piste non tracée à travers les hauts plateaux désertiques mais, après cinq semaines d'errance, ils ont bien l'impression d'être perdus.
Autour de la rivière où ils font provision d'eau, les trois hommes parlent de pendre Meek. Soloman raconte à Emily que le plus jeune d'entre eux, Thomas Gately, qui en fit la proposition retira bien vite celle-ci quand il s'aperçut que Meek avait entendu leur conversation. Le convoi reprend sa marche. Tous craignent que Meek ne les abandonne mais il revient toujours même si ces conseils de prudence sont dédaignés par les hommes qui sont parfois prêt à de longues marches harassantes dans le désert de pierres.
Un jour, Meek annonce enfin de l'eau. Mais c'est un lac salé. L'exaspération est à son comble et, lorsque Meek propose un contournement par le sud, les trois hommes répliquent qu'ils veulent aller au nord. Ils se séparent finalement pour explorer chacun une piste à cheval alors que les femmes gardent les chariots. Alors qu'elle ramasse du bois, Emily se trouve soudain face à un Indien qui la dévisage avant de s'enfuir à cheval. Emily tire deux coups de fusils et les hommes reviennent.
Thomas Gately casse l'essieu de son chariot et les familles s'unissent pour le réparer. Jimmy l'enfant des White s'éloigne et trouve de l'or. Les colons prennent le temps d'aller le ramasser. Au retour, Jimmy aperçoit de nouveau l'Indien.
Meek décide alors de pourchasser l'Indien qui est certainement un Paiute, cruel et imprévisible, qui, dit-il, risque de rassembler sa tribu pour les tuer. Soloman décide d'accompagner Meek.
Le lendemain, Meek et Soloman ramènent l'Indien prisonnier. Meek l'a capturé mais Soloman refuse qu'il soit exécuté. D'après lui, l'Indien, en bonne santé, sait certainement où se trouve un point d'eau. En dépit des conseils de Meek, Soloman assume le risque de garder l'indien prisonnier. Thomas Gately lui offre une couverture.
Le convoi repart en espérant trouver de l'eau d'ici deux jours. Les réserves sont presque vides. En chemin Emily, répare la chaussure de l'Indien espérant ainsi qu'il se rappellera lui devoir quelque chose. Elle lui apporte à manger et à boire sous le regard désapprobateur de Meek. La nuit, la jeune Millie Gately est prise d'une crise d'hystérie quand elle voit l'Indien laisser une pierre au sol qu'elle interprète comme un signe pour rameuter sa tribu.
Le lendemain l'Indien les conduit au sommet d'une colline et semble indiquer que derrière l'autre, devant eux, se trouve de l'eau. Les chariots sont descendus du haut de la colline avec des cordes. Meek ne peut empêcher que le troisième ne se brise. L'Indien est narquois. Il ramasse quelques cuillères tombés du chariot, ce qui déclenche la colère de Meek qui lève son arme pour le tuer.
Emily met Meek en joue et lui ordonne de baisser son arme. La marche reprend. des signes de la tribu des crayeux se multiplient sur les falaises, inquiétant chacun. Puis, au milieu de la plaine déserte, surgit un arbre. Au milieu de l'inquiétude qui assaille chacun, et notamment Mille qui veut rebrousser chemin, c'est un signe d'espoir. Le groupe décide finalement d'écouter Emily qui n'a d'autres solutions à proposer que de continuer sous la conduite de l'Indien.
Bien mieux que le titre français, l'ironie du titre original, Meek's cutoff (le raccourci de Meek) place le spectateur face à la problématique adoptée par la réalisatrice. Au sein d'un dispositif formel impeccable mais qui pourrait paraitre un peu vain, Kelly Reichardt propose une nouvelle variation sur l'altérité, thème dont s'est emparé le western après ses phases successives. Face aux raccourcis masculins (ceux de la vantardise, de la violence immédiate, du ressassement religieux), Emily Tetherow s'affirme progressivement par son intelligence comme le chef de ce convoi qui, à défaut d'être certain de sa destination, s'attache à ne pas détruire ses chances de survie.
Le bruit de la rivière, le son du couteau qui grave sur le bois, les chariots qui grincent, le café que l'on moud au moulin, l'oiseau dans sa cage, Thomas récitant ses prières, c'est d'abord par la pureté du son se manifeste la grandeur de l'espace. Sa saisie d'abord hors champ étend le champ du visible au-delà de ce que le format scope pourrait engendrer.
Le son donne ainsi sa valeur ethnologique au plan que viendront encore renforcer la présence massive des bufs, les chariots inscrits dans la diagonale du champ, les couchers de soleil, les grands espace désertiques mais aussi le temps pris à recharger le fusil, l'attachement à saisir l'étroitesse des chariot et, par voie de conséquence à se défaire d'objets inutiles ou l'évocation des champs aurifère trois ans avant la découverte de l'or en Californie.
Le dispositif formel impeccable de Kelly Reichardt n'a pas pour autant vocation à se satisfaire de lui-même. A l'image de son héroïne, Emily il dit aussi toute l'invention dont est capable sans emphase mais avec obstination une héroïne de western.
Trois chariots identiques, trois couples animés des mêmes intentions, trois femmes aux visages cachés par les mêmes coiffes. Les enjeux n'ont pas à être dramatisés à l'excès. Il ne fait pas trop chaud, on se raconte des histoires en marchant. Ce sont les hommes qui s'individualisent le plus tôt : Meek et sa rocambolesque chasse à l'ours qui le conduisit à garder les cheveux longs. William White, lecteur ressassant l'ancien testament, Thomas Gately, l'impulsif.
Chez les femmes, Millie est de plus en plus fragile alors que Glory White protège son fils et accessoirement son mari perdu dans son esprit de sacrifice au point de risquer d'en mourir en refusant de puiser dans les réserves d'eau pour lui-même. Emily Tetherow, loyale envers son mari dont elle fait confiance à l'instinct initial doute néanmoins. Elle pourrait agir dans le seul but de contrecarrer Meek dont elle a percé la vantardise aussi bien comme guide que comme frustre connaisseur de la psychologie féminine. Alors que tous s'obstinent à communiquer par la parole elle cherche un rapprochement par les objets : une chaussure, des cuillères... En espérant que le lien ainsi créé sera suffisant.
Jean-Luc Lacuve le 05/07/2011.