Tout au sud de la Californie, vers 1860. Un groupe de chercheurs d'or exploite Carbon Canyon, lopin de terre et de roche enclavé dans les multiples possessions de Coy LaHood, industriel cynique qui régne par la terreur sur "sa" région. Le riche propriétaire convoite la malheureuse vallée. Il s'acharne sur ses occupants, espérant les voir partir. Ses hommes de main, menés par son fils Josh, saccagent régulièrement le camp de la communauté.
Après une visite franchement dévatatrice, Magan, jeune adolescente, enterre son chien dans la forêt et implore en priant un miracle salvateur pour elle et ses proches. Semblant naitre de cette prière, un étrange cavalier solitaire s'extirpe de la brume des hauteurs pour mettre sa force surhumaine au service des "gentils". The Preacheur, ainsi le nomme-t-on pour son col ecclésiastqiue, s'installe parmi les opprimés et insuffle dans leurs rangs démoralisés et meurtis un nouvel élan de courage.
Voyant cette communauté remobilisé, Lahhod emploie le Shérif Stockburn, un marshal de Sacramento et ses mercenaires aux méthodes expéditives. Le Preacher troque dans une consigne de gare son col blanc contre des colts usés, dévoilant un indice de son passé. Dans une ville déserte, il liquide tour à tour les hommes de LaHood, ceux de Stockburn et Stockburn lui-même. Le cruel sherif semble reconnaitre en lui un homme qu'il avait tué un an plus tôt. Hull Barrett sauve in extremis the Preacher abattant d'un coup de feu l'industriel qui le mettait en joue discrètement. Lorsque Magan arrive sur les lieux du denouement, le cavalier solitaire a disparu. Ses appels se perdent dans de lointains echos.
Dans L'homme des hautes plaines, réalisé 12 ans auparavant, "l'étranger" surgissait du néant lors du générique initial et y retournant lors du générique final, indiquant ainsi assez nettement qu'il était le shérif Jim Duncan revenu des morts, de l'enfer, pour se venger. Dans Pale rider, Eastwood interprète aussi un étranger sorti du néant, Le révérend (The Preacheur), mais dans une mise en scène plus soignée.
Un cheval blême et celui qui le montait, se nommait la Mort
Le révérend apparait en surimpression pendant que Megan récite des versets des Psaumes. Tout d'abord, Megan, seule penchée sur la tombe de son chien, récite:
"Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ta houlette et ton bâton me rassurent (Psaume 23:4)".
En surimpression, apparait le ciel. Le psaume 23:5 ("Tu dresses devant moi une table, En face de mes adversaires; Tu oins d'huile ma tête, Et ma coupe déborde") est remplacé par une prière nettement moins orthodoxe : "Mais avant, j'aimerais jouir de cette vie et, si tu ne nous aides pas, on va tous y rester. Je t'en pris : fais un petit miracle".
Le révérend apparait alors en surimpression surgissant des hautes montagnes pendant que Megan récite la fin de sa prière :
"Oui, le bonheur et la grâce m'accompagneront Tous les jours de ma vie, Et j'habiterai dans la maison de l'Eternel jusqu'à la fin de mes jours. (Psaume 23:6)."
Son apparition devant Sarah est mise en scène avec la même mystique. Pendant qu'elle prépare à manger Megan lui lit le chapitre 6 de l'Apocalypse, les versets 4 à 8 :
"..et celui qui le montait reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre, et de faire que les hommes se tuassent les uns les autres; et on lui donna une grande épée. 5 Et quand l'Agneau eut ouvert le troisième sceau, j'entendis le troisième animal, qui disait: Viens, et vois. Et je regardai, et voici un cheval noir, et celui qui était monté dessus avait une balance à la main. 6 Et j'entendis une voix au milieu des quatre animaux, qui disait: Une mesure de froment pour un denier, et trois mesures d'orge pour un denier; mais ne gâte point l'huile ni le vin. 7 Et quand l'Agneau eut ouvert le quatrième sceau, j'entendis la voix du quatrième animal, qui disait: Viens, et vois. 8 Et je regardai, et voici un cheval de couleur livide et celui qui était monté dessus, se nommait la Mort, et l'Enfer marchait à sa suite....
et quand Megan prononce Pale horse, le révérend apparait sur son cheval blanc dans l'encadrement de la fenêtre.
Un peu plus tard, Hull Barrett remarque dans le dos du révérend six trous de balles ayant cicatrisées. Ainsi il a bien été abattu un an auparavant par le Shérif Stockburn et son retour est aussi l'occasion de lui rendre ce châtiment.
Il n'y a pas jusqu'aux créatures les plus simples, le géant Club, qui, devant sa puissance, ne change de camp. Club aurait empêché le viol de Megan si le révérend n'était intervenu et il empêche Josh de le tuer d'un coup de fusil lors du dynamitage du camp.
Enfin, encore comme dans L'homme des hautes plaines, le révérend disparait dans le lointain, les hautes montagnes desquelles il était venu, indifférent à l'appel de Megan.
Le long générique final le fait dispraitre dans le ciel.
Un western qui sait aussi être terre à terre
Bien qu'imprégné d'un mysticisme qui en fait son étrange et hiératique beauté, Pale rider est aussi un western écologique. Il fait l'apologie du rude travail des mineurs, broyant les rochers à coups de pioches et tamisant à la main dans les ruisseaux. De longs plans désolés insistent sur la dévastation de la nature par l'extraction hydraulique. La rivière est détournée de son cours et canalisée dans des tuyaux aux diamètres allant se rétrécissant pour alimenter en eau sous pression les canons à eau, détruisant des flancs de montagne.
On notera aussi les plans magnifiques du début avec la chevauchée des hommes de main, alternant avec le travail paisible des mineurs et la juvénile déclaration d'amour de Megan dans le sous-bois.
Le message biblique terrible de l'ancien testament se mêle à celui plus réconciliateur du nouveau avec la transmission de la foi, celle du courage d'accomplir son métier : Spider commet l'erreur d'aller seul en ville alors que le révérend rend courage aux mineurs en leur affirmant qu'en restant unis, les hommes du shérif ne peuvent rien contre eux.
Hull fait preuve de la même détermination que le révérend : auprès de Sarah d'abord mais aussi en allant à pied jusqu'à la ville alors que le révérend avait voulu lui épargner la confrontation finale en chassant son cheval lors du dynamitage du camp. Un "C'est long à pied" suffit à faire de Hull celui qui prendra le flambeau du revérend pour civiliser la ville naissante.
Jean-Luc Lacuve le 29/08/2017.