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Pour une poignée de dollars

1964

Genre : Western

(Per un pugno di dollari). Avec : Clint Eastwood (Joe), Gian maria Volonte (Ramon Rojo), Marianne Koch (Marisol), Josè "Pepe" Calvo (Silvanito). 1h40.

San Miguel, une petite bourgade près de la frontière mexicaine est le lieu d'incessantes violences entre deux clans rivaux, celui des Rojos et celui des Baxter. "L'homme sans nom" arrive en ville, se vend à l'un et l'autre clan et sauve la mexicaine, maitresse malgré elle de Ramon Rojo, et la rend ainsi à son mari et à son fils.

1964 est l'année où sortent Les cheyennes et La charge de la huitième brigade, les derniers westerns respectifs de John Ford et Raoul Walsh. Leone engage un acteur remarqué dans la série de télévision Rawhide, Clint Eastwood. De cette rencontre accompagnée par la musique de Ennio Morricone va naitre le premier des grands westerns italiens.

Le film est produit comme une série B et ne bénéficie que d’une diffusion restrainte : il ne sera projeté que dans une seule petite salle à Florence fin août. Contre toute attente, le film fait venir le public en masse et devient un succès inespéré. Leone offre ainsi le premier chef-d’œuvre à un genre que les critiques nommeront avec un certain mépris western spaghetti.

Sous l’influence de l’opéra et de la Commedia Dell’Arte, Leone transforme le western en fresque épique et picaresque où se côtoient la violence, l’humour, un humanisme profond, un cynisme mêlé à une ironie farouche. Il réinvente les codes, pose les futurs archétypes et renouvelle intégralement l’esthétique du genre : les dilatations du temps à l’extrême (inspiré par le cinéma japonais), lenteur suivie d’une décharge de violence aussi brutale que soudaine, dissonances visuelles en alternant plans généraux et gros plans resserrés, métaphysique des grands espaces, utilisation des courtes focales sur les gros plans, très grandes profondeurs de champ pour multiplier les actions dans le plan, amorces d’un élément (botte, main, revolver) au premier plan, des personnages charismatiques, mais sales, visages abîmés, aux phrases laconiques proches de l’aphorisme,sur une musique d’Ennio Morricone aux élans lyriques proches de l’opéra couplés et une orchestration soignée

Le film de Leone, on le sait, est une réinterprétation du film d’Akira Kurosawa sorti en 1961 intitulé Le garde du corps (Yojimbo), premier volet d’un diptyque avec Sanjuro en 1962 qui suit les aventures d’un samouraï rônin interprété par Toshiro Mifune. Leone explique qu’il a tout de suite reconnu le roman La Moisson Rouge de Dashiell Hammett (1929) dans le film de Kurosawa, et il souhaitait rendre aux Etats-Unis l’histoire de Yojimbo en la replaçant dans le Far West. Leone se trouve d’autant plus légitime qu’il sent dans le roman de Hammett l’adaptation d’Arlequin Valet de deux maîtres de l’italien Carlo Goldoni (1745). Ne s’attendant pas à un tel succès, Leone voit son film exporté et distribué. Kurosawa découvre le remake et fera un procès aux producteurs Colombo et Papi. Il obtiendra les droits d’exploitation du film sur le sol japonais. Ironie du sort cependant, le film de Leone marche bien mieux que le sien, ce qui lui laissera une certaine amertume sur le sujet.

En convoquant Hammett et Goldoni lors des interviews, Leone fait tout de même preuve de mauvaise foi car son film est bel et bien un remake de celui de Kurosawa. Très peu de choses changent entre les deux films : l’amitié naissante entre le personnage principal et le tavernier, le rôle du croque-mort, le premier duel avec cette violence abrupte, l’homme qui aide la famille, le passage à tabac. La séquence du cimetière est toutefois propro à Leone. « Tu sembles te sentir bien ici » lance Silvanito au personnage mystérieux interprété par Clint Eastwood lorsqu’ils arrivent dans le cimetière. Ils viennent y mettre en scène deux cadavres de soldats tués par Ramón un peu plus tôt dans le film afin d’extorquer de l’argent aux Baxter et aux Rojo. L’Homme sans nom dira à Silvanito : « Tu sais, on est très injuste avec les morts. Personnellement, ils m’ont aidé à me tirer de situation difficile plus d’une fois ».

Source : Vincent Capes pour Zoanima , juillet 2016.

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