Bitter Creek, Texas. Silva traverse le désert à cheval pour retrouver Jake qu’il a connu vingt-cinq ans plus tôt lorsqu’ils étaient tous deux tueurs à gages. Silva souhaite renouer avec son ami d’enfance désormais shérif mais ces retrouvailles ne sont pas sa seule motivation…
L'histoire est un peu simpliste. Silva et le shérif Jake, ont été unis par un désir partagé il y a vingt-cinq ans de cela, mais ils ont vieilli et chacun a maintenant un rapport différent avec ce passé. Jake, l’anglo-saxon, se montre distant et hermétique. Il représente la justice et c’est aussi un homme d’honneur, qui avait fait la promesse de protéger la femme de son frère, quand celui-ci est mort. Le fils de Silva a tué cette femme, le plus important n’est pas de renouer avec Silva, mais de faire respecter la loi. Silva, le latino, a une attitude ouverte et chaleureuse, lui, se comporte comme un père qui essaie de sauver son fils, même si celui-ci est a commis un meurtre. Dès les premières images, on voit un jeune homme qui chante le fado Estranha forma de vida, avec la voix de Caetano Veloso. La tonalité mélancolique surgit à ce moment-là et va se mêler à la bravoure.
Strange Way of Life se passe autour de 1910-1915, avant l’arrivée des voitures. Almodovar dit vouloir montrer comment le cinéma voyait les hommes du western, comment il a créé leur apparence et toute une esthétique pour les mettre en scène. Le duel entre Silva et Jake rappelle, en beaucoup plus bref , le duel final à trois du Bon, la brute et le truand. (Sergio Leone, 1966). La veste très colorée que porte Silva apparaît dans Les affameurs (Anthony Mann, 1952) avec James Stewart. La référence pour créer l’apparence du personnage de Jake, joué par Ethan Hawke, est Kirk Douglas de Règlement de comptes à O.K. Corral (John Sturges, 1957) et Dernier Train pour Gun Hill (John Sturges, 1959). Joe, le fils de Silva est inspiré par le costume en cuir de Burt Lancaster dans Vera Cruz (Robert Aldrich, 1954). Et les prostituées mexicaines, qu’on voit dans le flash-back montrant Jake et Silva jeunes, sont habillées comme dans El Dorado (Howard Hawk, 1966).
En faisant ses recherches pour les costumes, qui ont ensuite été créés par Anthony Vaccarello, le directeur artistique de la maison Yves Saint Laurent, productrice du film, il s'est rendu compte que les shérifs étaient toujours habillés d’une manière élégante, avec une veste et un gilet, qui pouvait être en soie, la seule fantaisie. Les vêtements du western sont très masculins, très seyants, et mettent en valeur les acteurs. Ils portent une veste, souvent un foulard autour du cou, les couleurs viennent de leurs chemises à carreaux. C’est très cinématographique, justement parce que le western a été inventé avec le cinéma, pour le plaisir du cinéma.
« Strange Way of Life est un western où j’ai mis toute ma sincérité. Je voulais faire entendre une réponse à une scène du Secret de Brokeback Mountain (Ang Lee, 2005), où le personnage de Jake Gyllenhaal propose de vivre ensemble dans un ranch à Heath Ledger, qui réagit en demandant : « Mais qu’est-ce que peuvent faire deux hommes ensemble dans un ranch ? » La réponse est donnée par Pedro Pascal à la fin de Strange Way of Life ("Ils peuvent veiller l’un sur l’autre se protéger l’un l'autre. Ils peuvent se tenir compagnie). Almodovar veut laisser la fin de mon film ouverte, comme si l’histoire faisait une pause pour laisser respirer Jake et Silva.
Dans l’imagerie gay, le cow-boy représente à lui seul toute une iconographie, car il glorifie la masculinité. Mais pour Almodovar, paradoxalement, cela n’a pas été montré au cinéma, ce sont surtout les artistes plastiques et graphiques qui ont développé cette vision érotique du cow-boy. Pour l’affiche de Strange Way of Life, Ethan Hawke et Pedro Pascal ont repris la posture d’Elvis Presley dans le portrait qu’avait réalisé de lui Andy Warhol, une image très célèbre, notamment dans la culture gay.
Photo de plateau de Flaming star Don Siegel, 1960 |
Double Elvis
Andy Warhol, 1963 |
Strange way of life Pedro Almodovar 2023 |
Dans le ranch, deux tableaux de Georgia O'Keeffe, :