Madres paralelas

2021

Genre : Mélodrame

Avec : Penélope Cruz (Janis), Milena Smit (Ana), Israel Elejalde (Arturo), Aitana Sánchez-Gijón (Teresa), Rossy de Palma (Elena). 2h00. .

Janis est photographe pour un journal de mode que dirige son amie Elena. Toutes deux sont du même village où l'on a découvert récemment l'emplacement du charnier dans lequel ont été. jetés les corps des républicains assassinés par les franquistes durant al guerre d'Espagne. Janis veut excaver cette fosse commune pour rendre hommage aux morts de la commune et a contacté pour cela Arturo, un spécialiste de l'anthropologie judiciare. Celui-ci vient la retrouver à la fin d'une séance de photographies et lui explique que ce travail demande du temps, des autorisations administratives et de l’argent. Il lui promet d'apporter son soutien quand elle va déposer un dossier auprès de la fondation privée qui pourra fournir les fonds dans un délai de quelque mois. Entre Janis et Arturo la séduction est immédiate et ils deviennent amants.

Neuf mois plus tard, Janis est à l'hôpital sur le point d'accoucher. Elle en est très heureuse. Sa voisine de chambre, Ana, 17 ans, est en revanche effrayée par ce qui l'attend. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu'elles marchent dans le couloir de l'hôpital. Les quelques mots qu'elles échangent pendant ces heures créent un lien très étroit entre elles. Janis ayant été chassée par son père, entretient aussi une relation complexe avec sa mère, Térésa, une actrice de théâtre qui, à quarante ans, connait enfin une possibilité de percer dans son métier.

Janis a accouchée dans la joie et se consacre à son bébé alors qu'elle a aussi l'aide efficace de sa femme de ménage et un peu moins celle de la jeune fille au pair censée l'aider. Heureusement son amie Elena vient souvent la voir, étonnée quand même de l'aspect assez typé du bébé. Janis n'est pas particulièrement heureuse de la visite d'Arturo de passage à Madrid. Elle se souvient de sa visite quand elle lui annonça sa grossesse. Il ne pouvait divorcer de sa femme malade et ne souhaitait pas l'enfant. Janis lui avait dis vouloir l'assumer seule et avait changé de numéro de téléphone. Arturo, venu avec des roses banche, est charmant comme à l'accoutumée et prêt à vivre ave elle après le décès de sa femme. Mais lorsqu’il va dans la chambre, il ne reconnait pas le bébé comme sien. Janis en est offusquée et ne le retient pas.

Inquiète toutefois elle demande un test ADN par correspondance par l'intermédiaire dune multinationale trouvée sur internet. Elle reçoit ainsi un kit de prélèvement à effectuer sur elle et le bébé. Le test est sans appel: le bébé n'est pas le sien. Une fois le choc passé, Janis n'en considère pas moins le bébé comme  sien et tait le résultat du test. Elle désire néanmoins reprendre le travail.

Elle prend un café en attendant son taxi et rencontre Ana qui est serveuse. Le hasard n'est pas si grand lui explique celle-ci, comme elle cherchait à la rencontrer elle s'est assise au café et on lui a proposé une place de serveuse. Comme elle ne s'entendait plus avec sa mère, elle a profité de ce travail pour prendre son indépendance. Comme, elle ne peut faire face son travail et à la arde du bébé, car elle a renvoyé la jeune fille au pair, Janis décide d’embaucher Ana à la plus grande joie de celle-ci. Ana découvre en effet, les talents de cuisinière de Janis et son assurance professionnelle et en matière politique. Elle tombe amoureuse d'elle.

Ana raconte à Janis la mort subite du nourrisson emporté son enfant et que finit ainsi tragiquement son existence déjà difficile puisque faisant suite à un viol collectif, qu'elle avait tue à son père qui l'avait ensuite chassée. En regardant la photo du groupe de violeurs, où figure un homme d'Amérique du sud, Janis est prise d’un doute sur la paternité possible de son enfant. Elle craint un échange de bébé à la maternité. Elle redemande un test ADN qu'elle impose comme une mesure d'hygiène à Ana. Le résultat est sans appel : Ana est la mère du bébé.

Janis continue de cacher la vérité à Anna mais s'en ouvre à Arturo, venu lui rendre visite. Ana se monte jalouse de la proximité qu'elle sent renaitre entre Janis et Arturo et les deux femmes se disputent. Janis explique qu'elle n'a revue Arturo que parce qu'il est venu lui dire que l'argent pour les fouilles du village venait d'être débloqué. Anna désespéré et jalouse affirme qu'elle n'a jamais pu dire la vérité à son père qui a préfère cacher le scandale comme il lui a caché son activité durant la guerre civile. Janis dit alors que celui qui se tait est certainement du coté des bourreaux et qu'il faudra bien qu'elle grandisse pour exiger la vérité. Se rendant compte qu’elle même est devenue une menteuse, Janis avoue à Ana qu'elle lui a menti et qu'elle est la mère du bébé. Ana en colère décide d'emmener le bébé avec elle. Janis désespérée la laisse partir.

Plus tard, alors que Janis a repris sa relation avec Arturo, Anna vient se réconcilie avec elle. Janis et Arturo sont alors en pleine collecte des ADN et recherche des témoignages des habitants pouvant permettre de reconnaitre les corps dont les ossements sont mis à jour. Anne et son bébé viennent le jour où enfin les veuves du village et leurs amies peuvent venir reconnaitre les corps.

Comme dans nombre de ses mélodrames, Almodovar noue une intrigue où la tragédie du passé trouve une résolution dans un avenir où une naissance vient se substituer à la mort. Ici les traumatismes du passé sont étagés à plusieurs niveaux du temps. On pourra toujours reprocher au réalisateur d'en laisser certains dans l'ombre. Mais on lui rendra grâce de ne pas faire tourner la petite mécanique du mélodrame dans le sens de la douleur et de la gloire d'en sortir mais bien davantage de mobiliser pour la force tranquille de la vérité.

Mélodrames à tous les étages

Le scénario parvient à nouer plusieurs niveaux de mélodrames : les atrocités des franquistes pendant la guerre d'Espagne, le viol d'Ana, son abandon par son père, l'échange des bébés, la mort subite du nourrisson, les deux résultats des tests ADN, les sacrifices à faire sur sa vie quand on veut devenir comédienne, la difficulté de l'Espagne à assumer son passé après la loi d'amnistie qui impose le silence sur les crimes de la guerre civile.

Le potentiel mélodramatique du scénario est tellement fort que certains personnages semblent un peu sacrifiés, ainsi des parents d'Ana : le père, entendu au téléphone et la mère qui joue une pièce célèbre de Lorca contre le franquisme et fait passer sa réalisation personnelle avant son amour filial. Le rôle de la jeune fille au pair semble aussi un prétexte pour laisser ensuite sa place à Ana. L'ambition de nouer tragédie historique et tragédies personnelles ouvre néanmoins sur une résolution plus originale qu'attendue pour Almodovar.

Du coté de tragédies personnelles, la résolution semble en effet d'abord venir d'une maternité enfin convergente et non plus parallèle entre Janis et Ana. L’amour de cette dernière pour celle qui semble alors resplendissante de séduction (beauté, maternité, métier, confort de vie, lucidité politique) offre à Janis la possibilité de se projeter dans une relation homosexuelle qu'elle rejette néanmoins après une nuit d'amour. La résolution, de manière bien plus originale, vient d'une belle scène d'aveu de la vérité. Celle-ci se noue dans une des séquences les plus fortes du film. Ana, désespérée et jalouse après la soirée entre Arturo et Janis, affirme qu'elle n'a jamais pu dire la vérité à son père qui a préféré cacher le scandale comme il lui a caché son activité durant la guerre civile. Janis dit alors que celui qui se tait est certainement du côté des bourreaux et qu'il faudra bien qu'elle grandisse pour exiger la vérité. Se rendant compte qu’elle-même est devenue une menteuse, Janis avoue à Ana qu'elle lui a menti et qu'elle est la mère du bébé. Se noue en un instant la nécessité pour Janis d’être en accord avec ses principes : elle fait tomber la barrière du mensonge. Est mis ainsi fin à la double souffrance de Janis et Ana et un rééquilibrage sur l'indépendance des deux femmes.

Douleur et responsabilité

Le bébé d'Ana est issu d'un viol collectif et il peut paraitre un peu curieux qu'Ana ne soit pas encouragée à porter plainte contre ses agresseurs. Sans doute, Almodovar préfère établir un parallèle entre les atrocités commises à deux niveaux du passé et davantage assurer la responsabilité  d’un présent qui s'assume que de rechercher les coupables. Ceux- ci se désigneraient eux-mêmes par leur silence. Plus important alors de redonner toute leur beauté aux vivants et à ceux qui furent justes dans un passé qu'il ne faut pas oublier.

Jean-Luc Lacuve, le 6 décembre 2021.