Liz, Marianne et Gunilla, trois actrices répètent Lysistrata dans la riche demeure de la première. Gunilla est vite rappelée chez elle par son mari, Bengt, pour s'occuper de leurs quatre enfants. Au théâtre, Liz (Lysistrata), Gunilla (Cléonice), répètent sous la direction du metteur en scène qui les enjoint à être davantage dans leur rôle, ce qu'elles parviennent facilement à faire en se remémorant les injonctions de leurs maris. Marianne a quitté son petit ami, marié, et a du mal à laisser son tout-petit entre les mains de baby-sitters alors qu'elle part en tournée. Le mari de Liz a une liaison et veut qu'elle parte tandis que Gunilla, mère de quatre jeunes enfants, est exhortée à ne pas partir par son mari qui veut qu'elle reste à la maison pour aider avec les enfants.
Liz, Marianne et Gunilla partent en tournée sous la direction de Hugo et de son assistant Thommy à Kiruna, tout au nord du pays. Liz se rend dans une agence de voyage où, selon ce qui est affiché, on peut rencontrer des familles du pays pour discuter. Comme on lui explique que c'est pour les étrangers, elle demande à voir le patron qui ne s'était pas déplacé jusqu'alors. Lorsqu'il reconnait Liz, qui était passé à la télévision pour présenter la tournée, il lui propose de venir diner chez lui avec sa femme. Ils ont préparé un diner très bourgeois et sont indisposés par les questions franches de Liz sur le couple et le bonheur.
Tout au long de la tournée, ils sont accueillis avec une indifférence polie car les spectateurs ne parviennent pas à saisir le sens de la pièce ou s'ennuient. Après une représentation, Liz demande aux membres du public de rester derrière pour discuter du sens de la pièce, mais lorsqu'elle essaie de leur parler de l'importance des femmes, elles ne réagissent pas et un membre masculin de la compagnie agit comme si c'était juste une suite de la pièce et la fait sortir de la scène. La cascade de Liz attire l'attention de la presse, mais comme Liz n'est pas en mesure d'identifier un seul incident qui a conduit à son explosion, ils l'ignorent. Plus tard, les trois protagonistes sortent dîner et discutent du problème de personne concernant la pièce en se demandant s'il serait peut-être préférable qu'ils organisent un spectacle réservé aux femmes. Au dîner, ils sont dérangés par plusieurs hommes et lorsqu'ils refusent les avances des hommes, les hommes deviennent hostiles et ne partent qu'après que Marianne les a menacés.
Sur la route, un ami du mari de Liz la presse de rentrer à la maison au nom de son mari, disant qu'il a besoin d'une femme pour le soutenir correctement, lui et son travail. Liz soutient qu'elle en a assez de faire passer son mari en premier, mais l'ami de son mari soutient que le travail de son mari est plus important que le sien. Elle reste jusqu'à la fin de la pièce.
La tournée se termine et les femmes rentrent chez elles avec le sentiment que si personne ne veut changer, elles ont au moins rendu les gens plus conscients de la misère de leur vie. Lors d'une fête célébrant la fin de la pièce, Liz dit à la compagnie qu'elle veut divorcer.
Le film est très mal reçu en Suède, très fière d’avoir établi l'égalité des droits entre femmes et hommes dans la sphère publique. Mais, en privé, la domination masculine s'exerce toujours et pèse sur la condition sociale des femmes. C'est ce à quoi sont confrontées trois actrices incarnant les héroïnes de Lysistrata qui ne peuvent voir dans cette comédie grecque d'Aristophane qu'une mise en abyme de leur quotidien. A l’instar de leurs personnages, elles vont engager une lutte pour défendre leurs droits.
Un film profondément féministe
Lysistrata est une comédie grecque antique d'Aristophane écrite en 411 av. J.-C., qui comporte un seul acte. Alors qu’Athènes et Sparte sont en guerre, Lysistrata, une belle Athénienne, aussi rusée qu'audacieuse, convainc les femmes d'Athènes — Cléonice, Myrrhinè, Lampito — ainsi que celles de toutes les cités grecques, de déclencher et de poursuivre une grève du sexe, jusqu'à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent le combat : "Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris". Cette revolte des femmes est plus général dans le texte de la pièce. Plusieurs situations montrent la volonté d'inverser les rôles dans une société qui proclame que : "La guerre est l'affaire des hommes et la maison, celle des femmes" et c’est bien sur ce plan là que travaille Mai Zetterling. Dès la première répétition, les femmes sourient avec le texte d’Aristophane :"Etre une femme au foyer est une tache considérable".
De belles innovations formelles
Aristophane mêle vie intime et engagement politique et l’on retrouve ici les moyens du cinéma quand les actrices, rôle publique, ont des flashes de leur vie privée qui les aide à mieux jouer leur rôle que ce soit des disputes pour Liz, la sollicitation aux tâches du ménage pour Gulina ou même, comme dans le texte de la pièce, l’arrivée en retard pour Marianne qui vient de se fâcher avec son amant. Ensuite le dispositif s’inverse et c’est dans leur vie quotidienne (courses, coiffeur) que leur revient le texte de la pièce.
Autre innovation formelle, Liz marchant dans un parc la veille de son départ en tournée, imagine son mari qui téléphone à sa maîtresse pour fêter ensemble son départ. Deux jeunes femmes successives répondent au téléphone, marquant l'ignorance de Liz sur l'identité de la maîtresse de son mari, blonde ou brune. Là encore le son, la sonnerie, les voix viennent perturber une image très lisse et sans drame; Liz regarde vers le haut pour ce qu'elle imagine alors que la caméra vient la saisir en plongée depuis le haut de l'immeuble à la fin de l'échange téléphonique marquant sa défaite conjugale. C'est ensuite un autre fantasme sonore qui se déclenche pour Gulina. Elle entend dans sa tête son bébé crier lorsqu'elle est dans le magasin. En proie à cette charge mentale, elle doit rentrer précipitamment sous la pluie pour qu'elle le découvre, calme, avec la baby-sitter.
Jean-Luc Lacuve, le 31 octobre 2022