Jeux de nuit

1966

Avec : Ingrid Thulin (Irene), Keve Hjelm (Jan), Lena Brundin (Mariana), Naima Wifstrand (Astrid), Jörgen Lindström (Jan à 12 ans), Naima Wifstrand (Tante Astrid), Lauritz Falk (Bruno), Rune Lindström (Albin), Christian Bratt (Erland), Lissi Alandh (Melissa), Monica Zetterlund (Lotten). 1h50.

Jan conduit Mariana, les yeux bandés, dans le riche domaine de son enfance où, il y a vingt ans de cela, il vécu une enfance merveilleuse. Du moins c'est ce qu’il lui dit avant de l’abandonner pour grimper un escalier et ramener un portait de sa mère, fermer une pièce à clé et monter à l'étage où il se remémore qu’il interrogeait l’amant de sa mère, Bruno, et Albin, son ami, sur l'absence de sa mère. Ils répondaient en tirant à la carabine sur une carte du monde où ils imaginaient qu’elle pouvait être. Dans la pièce voisine, Jan enfant voyait un faux évêque demander à ce que l'on embrasse sa bague, des musiciens jouaient, on tatouait les fesses dune femme. Ces dérèglements des invités se faisaient dans l’attente de la fête organisée par Irene pour son accouchement sous l'œil désapprobateur de tante Astrid. Musique, docteur et sage-femme n’y avaient rien fait. Par son imprudence assumée, Irene accouche d’un enfant mort-né, ainsi qu'elle le désirait probablement tout en le regrettant. Jan voyait alors sa mère s’éloigner en voiture avec Bruno par une journée de printemps.

Jan voit maintenant Mariana sur le perron dans un paysage de neige. Par jeu, il l'enferme dans la niche d'un mur, lui demande si elle une enfant comme lui, enfermé dans les choses du passé. Va-t-elle lui offrir un avenir ? Il lui demande de déballer ses affaires et de prendre le temps de s'installer. Jan retourne dans une pièce attenante où il revoit tante Astrid qui peint des œufs de pâques sur le grand billard. Elle veut lui apprendre à leur séparer la tête, où résident les penséespuis les manger pour les vider de leurs entrailles mais ne pas les casser car il reste quelque chose. Jan en mal de sa mère n'y croit pas et va dans sa chambre ; il se remémore dans la loge de sa mère, sous ses jupes, pendant que Bruno se montre pressant. Jan-enfant suce un tissu de la robe de sa mère.

Le matin, Jan regarde les toits et leurs stalactites. On apporte le courrier à Jan. Il se revoit recevoir une carte de sa mère depuis Paris. Astrid avait construit une maison en papier de Paris ou d'ailleurs, partout où pouvait être Irene, qu'ils avaient brulée. Jan conduit vite et imprudemment, sous la pluie, un camion 4x4 avec Melissa, la première des invités à la fête. Ils traversent un terrain miliaire. Melissa,consciente du danger, lui demande de la laisser sortir. Jan la jette par la portière et la ramène maculée de boue dans la remorque. Melissa crie sa rage d'amante délaissée devant Mariana qui revient alors avec la robe d'Irene. Jan, jusque là impassible, regardant des images de la seconde guerre à la télévision, s'emporte contre Mariana. Il la poursuit jusque dans la chambre de la mère. Il se souvient : il avait joué avec ses objets : elle l'avait repoussé, il s'était longuement maquillé; elle l'avait repoussé encore. Mariana se déshabille. Elle lui demande de renoncer à leur mariage. Il ramène la robe et se souvient quand il était malade, dans la chambre au tableau d’une copie inachevée de la Venus d’Urbino, elle avait pris soin de lui. Alors que Mariana s'est rhabillée, Jan continue de se souvenir. Irene s'était montré très caressante après qu'elle a posée son fils, nu dans son lit, et lui avait lu le cantique des cantiques : "Je vais me lever, et je ferai le tour de la ville, dans les rues et sur les places ; je chercherai celui que mon cœur aime… Je l'ai cherché et je ne l'ai pas trouvé. Les gardes qui font le tour de la ville m'ont trouvée : Avez-vous vu celui que mon cœur aime ?" Jan s'était masturbé; elle s'était alors mise en colère contre la lubricité torve des hommes et l'avait laissé, nu, humilié. Jan s’endort  le soir avec Mariana

Au matin, Jan réveille Mariana avec disque et radio, elle semble désemparée. Elle passe un scanner à l'hôpital. Au manoir, Jan regarde Albin et Erland mettent en scène le corps d’un culturiste en prisonnier nazi que l’on exécute. L'hôpital appelle Jan pour dire que Mariana n'a rien; elle lui dit que c'est sa maison qui les fait mourir à petit feu. Il se souvient qu'Astrid et lui avaient porté une lourde malle au sous-sol et l'avaient jetée dans un puits après une oraison funèbre sur sa vie vide et pleine de souffrance. Un télégramme de Bruno les avaient en effet avertis de la mort d'Irène dans un accident de voiture. Jan fait venir des hommes-grenouilles pour récupérer la malle; elle contient une robe des chaussures. il y voit un signe : "quand tu deviendras un homme, je reviendrai" lui avait dit Irène.

Il voit Mariana vider la chambre de la mère et part se reposer dans la chambre attenante et se souvient  de tante Astrid lui conseillant de se débarrasser de cette maison. Lotte et Albin, son tuteur, s'étaient entendu pour capter l'argent alors que Tante Astrid en colère avaient été internée dans un hôpital. Il l'avaient vu partir un jour d'hiver, se remémorant brièvement la cérémonie funèbre de sa mère.

C'est aujourd'hui le mariage, Mariana est amènée sur le lit nuptiale par les invités. Elle se laisse faire, comme absente. Montage alternée entre Mariana et Jan ne parvenant pas à s'aimer et la projection d'un film érotico-burlesque par les invités. Jan rejoint la serre où il libère les oiseaux. Mariana vient le retrouver, lui demandant de se libérer. Ivre, Jan vomit mais chasse les invités. Il se retourne vers Mariana et lui promet une ultime fête.

Jan annonce à tous les invités qu'il s'agit de l'ultime fête; des ouvriers font courir des fils dans la maison. Jan avertit qu'elle va exploser dans cinq minutes. Pillage de toutes et tous. Explosion dans la nuit sur l'hymne national. Joyeux, Jan et Mariana jouent dans la neige.

Composé de plusieurs flashes back sur l'enfance traumatisante de Jan qui surgissent d'abord comme des flashes mentaux avant les huit particulièrement importants: la cérémonie grotesque de l'accouchement d'un petit frère mort-né ; la séquence des œufs de pâques détruits de Tante Astrid; Jan sous la jupe de sa mère quand Bruno la courtise; ses tentatives infructueuses d'attirer l'attention de sa mère en se maquillant longuement; la maison d'Irène en papier journal, brulée par Tante Astrid : l'accès de tendresse d'Irène envers lui quand il est malade qui se termine en terrible humiliation avec la masturbation découverte; la cérémonie funèbre dans le puis de la crypte avec Tante Astrid; Albin e Lotten prenant l'ascendant sur lui et condamnant Tante Astrid à l'asile. Ils mettent alternativement en scène l'attirance érotique mêlée de pulsion d e mort du jeune Jan envers sa mère et l'attention sincère mais débile de tante Astrid sur le jeune Jan. Jan devenu adulte est donc enfant qui n'a pas grandi dans un corps d'homme. Il se montre ainsi particulièrement cruel envers toutes les femmes comme une sorte de vengeance vis à vis de sa mère (Melissa dans la boue) et une forme autodestruction (deux fois des images de la seconde guerre mondiale) que renforce le piège de la maison.

Mariana tente de mettre fin à cet univers dérégulé mais son personnage, transparent, n'y réussit qu'en se montant imperméable à l'humiliation et les agressions de Jan. Ce n'Ets qu’en l’appelant à se débarrasser de la maison qu'elle parvient à le convaincre d'une ultime fête libératrice pour la détruire. Cette fin semble pourtant davantage laisser les personnages dans une enfance irresponsable plutôt que de leur offre une voie vers la continuation de leur couple. La mise en scène abuse de l'utilisation des plongées (sous les lustres) et contre-plongées (le couple dans les pièces), des reflets dans  miroirs et des flashes back avec une transition assurée par un passage d'une pièce à l'autre; plus rarement du flash-back dans le flash-back ou d'une transition par un raccord regard sur un objet.