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| Nuages d'été (Mikio Naruse, 1958) | La ferme des Bertrand (Gilles Perret, 2023) |
Le cinéma est une invention citadine qui s'est rarement promenée aux champs. Louis Lumière préfère les vues des grandes villes et Georges Méliès est un adepte du trucage en studio.
En U.R.S.S., Eisenstein s'intéressera tout pareillement à l'avant-garde minoritaire des ouvriers dans La grève avant de décrire un kolkhoze naissant dans La ligne générale puis de réaliser Le prè de Benjine en 1937. Entre-temps, Alexandre Dovjenko aura réalisé le panthéiste, La terre (1930).
Aux Etats-Unis, Murnau ouvre la voie à la description des travaux des champs dans le Minesotta en 1930 avec City girl. Aucun film important de fiction ou documentaire américain n'abordera ensuite le contexte agricole contemporain. Dans Les moissons du ciel, Terence Malick, en 1978, s'intéressera à la condition paysanne ... de 1916.
En France, il faut attendre pareillement les années 1930 et Marcel Pagnol, qui, en complice de Jean Giono, amoureux de la terre, des arbres et des collines, décide de planter sa caméra dans un bourg de campagne et d'enregistrer les bruits de la nature. Précurseur, en un sens, des défenseurs de l'environnement, Jofroi (1933) conte l'histoire d'un vieux paysan qui a dû vendre son champ mais ne supporte pas que le nouveau propriétaire veuille abattre les arbres, fussent-ils desséchés. Il défend ces squelettes de verger à coups de fusil et menace de se pendre si la loi lui donne tort. Affaire de résistance, encore, dans Regain (1937), où un couple s'acharne à faire pousser du blé dans une haute Provence désertée.
Ces films dessinent un paysage confirmé par les statistiques : un monde condamné, des valeurs en voie de disparition. Documentaires de Georges Rouquier, Farrebique (1947) et Biquefarre (1983) dépeignent les travaux et les jours dans une ferme de l'Aveyron qui passe de la tradition pastorale à la mécanique productiviste.
Le régime de Vichy, qui encourage le retour à la terre, rend plus hasardeuse toute exaltation de la vie à la campagne. Inspiré de Pierre Véry, Goupi Mains rouges (1943), de Jacques Becker, échappe au soupçon : dans une famille de paysans cupides des Charentes, où l'ancêtre n'avale plus qu'une "petite lichette de vin rouge sur un biscuit", le fils indigne parti en ville incarne le sang neuf.
A qui ressemble l'agriculteur tricolore ? Dans les années 1930, à des seconds rôles : Charles Blavette avec casquette et moustache, Marcel Pérès à l'oeil revêche du garde-champêtre. Puis à Bourvil, tendre nigaud, qui débute en 1945 dans La Ferme du pendu, de Jean Dréville. Mais encore ? A Jacques Dufilho s'il est gascon et rusé, Louis de Funès, Jean Carmet et Jacques Villeret s'il est adepte de la symphonie pétomane (La Soupe aux choux, de Jean Girault, 1981). A Jean Gabin s'il est provençal et buté, dans la peau de Gaston Dominici (L'Affaire Dominici, 1973). A un Daniel Auteuil naïf dans Jean de Florette (1986), de Claude Berri.
Condescendants, gaulois ou mélancoliques, les films sur le monde rural sont rares mais ont souvent du succès. Ce fut le cas de La Ferme du pendu, puis des Enfants du marais (1999), de Jean Becker, Une hirondelle a fait le printemps (2001), de Christian Carion, et Je vous trouve très beau (2005), d'Isabelle Mergault.
Depuis le début des années 2000, de nombreux films dressent
un portrait plus juste du monde paysan. Dans Les Terriens (2000) Ariane
Doublet brosse un portrait juste et très sensible d’agriculteurs
de Vattetot-sur-Mer, village du pays de Caux, à l’époque
« zone de totalité » de la fameuse éclipse solaire
du 11 août 1999. Le film mêle finement la vie ordinaire des travailleurs
de la terre et l’évènement extraordinaire qui s’annonce,
où les plus folkloriques sont assurément les hordes de touristes
débarquant avec leurs lunettes spéciales en carton.
Dans Paul dans sa vie (2006),
Rémi Mauger et Guy Milledrogues dressent un portrait en sage de Paul
Bedel, une célébrité de la Manche, agriculteur mais aussi
pêcheur et bedeau, septuagénaire attachant, sur le point d'arrêter
ses travaux. Dans Secteur 545 (2006) Pierre Creton suit un contrôleur
laitier en Normandie qui passe dans les fermes pour optimiser la production
de lait. Dans Yvette, bon Dieu ! (2007), Sylvestre Chatenay réalise
un document quasi ethnographique où la pratique de la polyculture en
Touraine impose la conduite du tracteur. La Part animale (2007), de
Sébastien Jaudeau est situé en Ardèche dans un élevage
de dindons. Dans Retour
en Normandie (2007) Nicolas Philibert revient sur les lieux du tournage
d'un film où il était lui même assistant et mène
une enquête autour des paysans qui ont « fait » l’acteur.
Un beau film composite sur l’aventure humaine que constitue tout engagement,
que ce soit dans l’art ou les métiers de la terre. En 2008, Raymond Depardon avec La
vie moderne semble terminer un cycle entrepris huit ans plus tôt
avec Profils paysans (1) : L'approche.
Petit paysan (Hubert Charuel, 2017), récompensé par trois César, dont celui du meilleur premier film, lance la mode des histoires à la ferme, hélas souvent sans grand intérêt : Ce qui nous lie (Cédric Klapisch, 2017) chez les vignerons bourguignons ou Normandie nue (Philippe Le Guay, 2018) où un photographe américain habitué à déshabiller les foules a l’idée de prolonger sa démarche avec un village normand. Plus intéressant, toujours sous la forme un peu fantastique, La nuée (Just Philippot, 2020).
Bien plus forts toutefois sont les documentaires Les vaches n’auront plus de nom (Hubert Charuel, 2019), Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes (Rodolphe Marconi, 2019), La ferme des Bertrand (Gilles Perret, 2023).
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Principaux films sur les paysans
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| La ferme des Bertrand | Gilles Perret | France | 2023 |
| Le retour des hirondelles | Li Ruijun | Chine | 2022 |
| Nos soleils | Carla Simon | Espagne | 2022 |
| La nuée | Just Philippot | France | 2020 |
| Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes | Rodolphe Marconi | France | 2019 |
| Les vaches n’auront plus de nom | Hubert Charuel | France | 2019 |
| Au nom de la terre | Édouard Bergeon | France | 2019 |
| Va, Toto ! | Pierre Creton | France | 2017 |
| Petit paysan | Hubert Charuel | France | 2017 |
| Toril | Laurent Teyssier | France | 2016 |
| Trois soeurs | Wang Bing | Chine | 2012 |
| Bullhead | Michael R. Roskam | Belgique | 2012 |
| Tous au Larzac | Christian Rouaud | France | 2011 |
| Le quattro volte | Michelangelo Frammartino | Italie | 2010 |
| L'apprenti | Samuel Collardey | France | 2008 |
| La vie moderne | Raymond Depardon | France | 2008 |
| Retour en Normandie | Nicolas Philibert | France | 2007 |
| Paul dans sa vie | Rémi Mauger | France | 2006 |
| Secteur 545 | Pierre Creton | France | 2006 |
| Profils paysans (2) : Le quotidien | Raymond Depardon | France | 2004 |
| Etre et avoir | Nicolas Philibert | France | 2002 |
| Les bêtes | Ariane Doublet | France | 2001 |
| Profils paysans (1) : L'approche | Raymond Depardon | France | 2000 |
| Les Terriens | Ariane Doublet | France | 2000 |
| C'est quoi la vie ? | François Dupeyron | France | 1999 |
| Jean de Florette | Claude Berri | France | 1986 |
| Biquefarre | Georges Rouquier | France | 1984 |
| Tess | Roman Polanski | G.- B. | 1979 |
| Cochon qui s’en dédit | Jean-Louis Le Tacon | France | 1979 |
| Les moissons du ciel | Terence Malick | U.S.A. | 1978 |
| 1900 | Bernardo Bertolucci | Italie | 1976 |
| La parcelle | Jacques Loiseleux | France | 1971 |
| Le cochon | Jean Eustache | France | 1970 |
| Fermière à Montfaucon | Eric Rohmer | France | 1967 |
| Nuages d'été | Mikio Naruse | Japon | 1958 |
| Farrebique | Georges Rouqier | France | 1947 |
| Les raisins de la colère | John Ford | U.S.A. | 1940 |
| Le pré de Benjine | S. M. Eisenstein | Russie | 1937 |
| Regain | Marcel Pagnol | France | 1937 |
| Notre pain quotidien | King Vidor | U.S.A. | 1934 |
| Jofroi | Marcel Pagnol | France | 1933 |
| La terre | Alexandre Dovjenko | URSS | 1930 |
| City girl | F. W. Murnau | U.S.A. | 1930 |
| La ligne générale | S. M. Eisenstein | Russie | 1929 |
