Les grands mouvements esthétiques retracent les différentes manières de ressentir. Ce que Wölfflin a appelé les bouleversements du sentiment décoratif (ce qui mérite d'être représenté) et du sentiment imitatif (comment le représenter).
Nous reprendrons les grands mouvements esthétiques, tels que Gilles Deleuze les a proposés dans L'image-temps. Même s'ils partagent souvent les mêmes noms, la correspondance des mouvements de la peinture et du cinéma ne respecte pas le même ordre chronologique ni ne répond toujours aux mêmes concepts. Néanmoins nous rechercherons progressivement les rapports entre écoles de peintures et écoles de cinéma à partir du tableau ci-après :
Peinture
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ex.
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Cinéma
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Renaissance | Classique | Image-action | Classique | |
Image-situation | Classique | |||
Maniérisme | Classique | Crise de l'image action | Classique | |
Baroque | Classique | Puissance du faux | Moderne | |
Romantisme | Classique | Pointes de présent | Moderne | |
Réalisme-naturalisme | Classique | Naturalisme | Classique | |
Impressionnisme | Classique | Impressionnsime | Classique | |
Expressionnisme | Moderne | Expressionnisme | Classique | |
Constructivisme | Moderne | Ecole soviétique | Classique | |
Abstraction géométrique | Moderne | Cinéma du cerveau | Moderne | |
Expressionnisme abstrait | Moderne | Abstraction lyrique | Classique | |
Color field peinting | Moderne | Néoralisme | Moderne | |
Art in situ | Moderne | Nouvelle vague | Moderne | |
Primitifs modernes | Moderne | Résistance des corps | Moderne | |
Art minimal | Moderne | Cristaux de temps | Moderne | |
Art conceptuel | Moderne | Pensée et cinéma | Moderne |
Modernité pour le cinéma et la peinture
Griffith invente le montage parallèle comme Brunelleschi inventa la perspective. Tous deux sont à l'origine de l'âge classique de leur art. Pour la peinture, l'âge classique se perpétue jusqu'aux impressionnistes qui terminent le programme de mise en ordre du visible. L'expressionnisme avec ses déformations assumées de la ligne et de la couleur est le premier mouvement moderne de la peinture.
Le cinéma reste classique tant qu'il opère par enchaînement d'images. Tant qu'il cherche à rendre le plus clair possible l'enchaînement action-réaction et subordonne les coupures à cet enchaînement. Les coupures optiques (fondu-enchaîné) ou faux raccords fonctionnent alors comme de simples lacunes, c'est à dire comme des vides encore moteurs que les images enchaînés doivent franchir. Les coupures rationnelles déterminent toujours des rapports commensurables entre séries d'images et constituent par là toute la rythmique et l'harmonie du cinéma classique.
Dans le cinéma moderne, l'image est désenchaînée. La coupure se met à valoir pour elle-même, c'est une coupure irrationnelle qui détermine des rapports non commensurables entre images. Les images ne sont certes pas livrées au hasard, mais il n'y a que des réenchaînements soumis à la coupure, au lieu de coupures soumises à l'enchaînement. Le néoréalisme invente ainsi l'image optique pure alors que, parallèlement, la nouvelle vague invente des dispositifs où se confrontent imaginaire et posture des corps donnant naissance à des mouvements radicalisant leur position entre cinéma du cerveau et cinéma des corps.
Même s'ils portent le même nom et expriment les mêmes intentions avec des méthodes similaires, l'expressionnisme en peinture et l'expressionnisme au cinéma différent par le fait qu'il s'agit d'un mouvement moderne pour la peinture et d'un mouvement classique du cinéma. Cette distinction qui n'a pas lieu pour l'impressionnisme cache pourtant des différences sans doute plus grandes, le terme impressionnisme au cinéma n'ayant été donné que par raccroc à l'école française et serait plutôt plus proche du cartésianisme. Le terme d'abstraction lyrique en peinture, renvoie au geste et, au cinéma, à la lumière.
Vers une recherche des correspondances
Renaissance et Image-Action : Paolo Ucello - David W. Griffith.
Griffith invente le montage parallèle comme Brunelleschi inventa la perspective. Tous deux sont à l'origine de l'âge classique de leur art.
Renaissance et Image-Situation : Pierro della Francesca - C. Chaplin
Les cinéastes de l'image situation sont tout aussi virtuoses que ceux de l'image action. Ils ne cherchent pas rétablir une situation dégradée par une action mais à révéler une situation non perçue au départ.
Manièrisme et crise de l'image-action : Le Parmesan - Wong Kar-wai
Le maniérisme se traduit par l'exacerbation du "moi", de la singularité du créateur à travers son expression spécifique : "la maniera". En ce sens, le maniérisme recouvrira toute tendance à la transformation arbitraire et à la déformation du réel, au service de "l'expressivité" et de la recherche du "grand style".
Les caractéristiques de ce style : la perte de clarté et de cohérence de l'image, la multiplication des éléments et des plans, le goût prononcé pour un érotisme esthétisant, la déformation et la torsion des corps, le goût des schémas sinueux, dont la "figure serpentine" (en S), la recherche du mouvement, la modification des proportions des parties du corps, les contrastes de tons acides et crus, l'allongement des formes.
Si le cinéma a cherché des circuits de plus en plus grands pour unir une image actuelle à des images monde, il cheche également le plus petit circuit qui accole l'image actuelle à une sorte de double immédiat, symétrique, consécutif ou même simultané.
Alors que l'image-souvenir développe un grand circuit du présent au passé, l'image cristal connecte une image actuelle avec l'image virtuelle d'un passé qui reste toujours présent selon un circuit minimum. Le grand circuit est organique, le petit circuit minéral, cristallin.
Dans ce processus de contraction et non de dilatation, l'image actuelle est toujours coupée de son prolongement moteur. Au lieu de se développer organiquement, elle cristallise avec sa propre image virtuelle dans le plus petit circuit intérieur possible.
Baroque et puissance du faux : Le caravage - Welles
Sortant de l'impasse où la conduisaient les maîtres du maniérisme, la peinture baroque accéda à un style beaucoup plus riche de possibilités. Dans les chefs-d'uvre du Tintoret ou du Greco, l'accent était déjà mis sur le rôle de la lumière et de la couleur, l'abandon d'une stricte symétrie dans la composition au profit d'agencements plus complexes.
Wollflin regoupe en cinq catégories les mutations apparues au cours du XVIIème. Le baroque, par rapport au classique, privilégie : le Pictural sur le Linéaire ; la Profondeur sur la superposition des plans ; la Forme ouverte sur la Forme fermée ; la Multiplicité sur l'Unité, l'Obscurité sur la Clarté.
Dans ce devenir perpétuel, les corps n'ont plus de centre. La force n'a plus de centre précisément parce qu'elle est inséparable de son rapport avec d'autres forces alors les plans courts ne cessent de s'affronter les uns aux autres alors le plan séquence (début de La soif du mal) suscite un fouillis de centres évanouissants, les aberrations de mouvement prennent leur indépendance, les mobiles et les mouvements perdent leurs invariants. Le mouvement fondamentalement décentré devient faux mouvement et le temps fondamentalement libéré devient puissance du faux. Le montage court présente des images planes aplaties qui sont autant de projections qui expriment les métamorphoses d'une chose ou d'un être immanent.
Romantisme et pointes de présent : Friedrich -Mankiewicz
'Le romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir. Ils l'ont cherché en dehors, et c'est en dedans qu'il était seulement possible de le trouver....(Baudelaire, salon de 1846)." Ce romantisme intérieur qui fait écho aux paysages extérieurs se retrouve dans l'uvre de Mankiewicz où la mémoire et ses bifircations jouent els premiers rôles.
Réalisme et naturalisme : Gustave Courbet - Jean-Claude Brisseau
En peinture, le réalisme naît avec Courbet en opposition au romantisme et va rapidement se transformer en naturalisme sans qu'il soit vraiment possible d'établir une distinction entre ces deux termes. Par contre, le surréalisme, mouvement bien plus tardif, est nettement défini.
Au cinéma, le réalisme renvoie à John Ford et plus généralement au cinéma d'action qui permet l'enchaînement attendu "action-réaction". Le naturalisme de Stroheim, Bunuel ou Brisseau exprime la lutte entre le monde apparent dérivé des mondes originels éternellment cachés sous eux.
L'impressionnisme : Renoir - Renoir
le terme impressionnisme au cinéma n'ayant été donné que par raccroc à l'école française et serait plutôt plus proche du cartésianisme.
L'expressionnisme : Munch - Murnau
Même s'ils portent le même nom et expriment les mêmes intentions avec des méthodes similaires, l'expressionnisme en peinture et l'expressionnisme au cinéma différent par le fait qu'il s'agit d'un mouvement moderne pour la peinture et d'un mouvement classique du cinéma.
Constructivisme -Ecole soviétique : Antoine Pevsner - Serguei Eisenstein
Influencés par les avant-gardes des années 10, les cinéastes soviétiques étaient unanimes sur le rôle du montage mais ils différaient sur la façon de l'utiliser.
Abstraction géométrique - cinéma du cerveau : V. Kandinsky - S. Kubrick
L'abstraction géométrique chaude, celle initiée par Paul Klee ou Vassily Kandinsky tire son inspration du réel pour le transformer en une construction qui évoquera autre chose au spectateur. Paul Klee utilise la métaphore de l'arbre pour parler du processus artistique. L'artiste occupe la position du tronc, intermédiare entre les racines qui puisent l'inspiration dans le réel, et la cime de l'arbre. Celle-ci, magnifique, ne reflète pas les racines dont elle se nourrit. Chez Kubrick, le héros semble bien accrocher à son idéologie mais les épreuves qu'il traverse génèrent une peur qui tranforme son cerveau, sa perception du monde. Dans Full metal jackett, le pacifiste qui avait réussit à échapper au conditionnementdes camps, finira par partir en chantant à l'assaut des viet-congs lorque tous ses amis auront été tués.
L'abstraction Lyrique : Jackson Pollock -Douglas Sirk
En 1945, en partie libérée par les surréalistes émigrés durant la guerre, la peinture américaine explore une voie novatrice où l'énergie du corps est garant de la sincérité du propos. Chez Douglas Sirk, Bresson, le personange même pris dans un piège peut accéder à la liberté morale. Le gros plan de visage explore cette libération possible.
Color field peinting- néoréalisme : Mark Rothko - Roberto Rossellini
Sensation optique pure sans prolongement moteur. Grâce possible.
L'art in situ - la nouvelle vague : Daniel Buren - François Truffaut
La nouvelle vague et l'art in situ sont descendus dans la rue pour inventer une forme d'art à le fois plus ludique, plus jeune et plus optimiste. Ces deux mouvements cherchent à rénover le romantisme en liant passé et présent au sein d"histoires romanesques.
Primtifs modernes-Résistance des corps : Jean Fautrier-John Cassavetes
Travail de la matière et résitance des corps
Art minimal - Cristaux de temps : Donald Judd - Andrei Tarkovski
Le circuit court entre signe et figure ou à l'intérieur du cristal
Art conceptuel - pensée et cinéma : Joseph Kosuth - Jean-Luc Godard
Dans l'un et l'autre cas ce n'est pas la chaise qu'il faut voir mais l'espace qui sépare et qui relie. Chez Kosuth trois façons de jouer ou de s'approprier un objet domestique que l'on croit connaitre. Chez Godard jouer et s'approprier les mystères de l'Evangile ou de l'amour.