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Les mots réalisme, réaliste, réalité sont d'une utilisation courante, mais assez délicate ; ils peuvent en effet définir plusieurs degrés de référence au réel. Souvent, ils sous-entendent simplement l'observation scrupuleuse faite par l'artiste du modèle représenté qu'il soit figure, visage ou nature morte, même si cette étude aboutit à une composition allégorique ou religieuse.

Le mouvement historique du réalisme est biens circonscrit. Il recouvre tout ce qui, à partir de 1820, réagit par rapport au néoclassicisme et au romantisme par un retour à l'étude de la nature et aux sujets quotidiens. Il a pour précurseur les oeuvres de l'anglais John Constable.

La charrette à foin de Constable
Constable, 1821
L'Angelus de Millet
Millet,1859
La source de Courbet
Courbet, 1862
Le déjeuner sur l'herbe de Manet
Manet, 1863

I - Le réalisme défini par Courbet

Historiquement, le réalisme ne recouvre qu'un groupe assez étroit d'artistes qui gravitent autour de Courbet. Le mot même de Réalisme apparaît, en 1836 dans la chronique de Paris, sous la plume de Gustave Planche.

Influencé par Balzac, Planche y voit une possibilité de régénération de l'art. Cependant dix ans plus tard, il sera un des adversaires les plus acharnés de Courbet et de son goût du laid. On retrouve ensuite le terme dans les critiques de Champfleury, qui est un des promoteurs du roman réaliste et qui prône le retour au réel pour se libérer de la peinture littéraire troubadour et s'opposer à l'art pour l'art de Théophile Gautier. Il trouve un écho favorable chez Castagnary et Edmond Duranty, qui fonde en 1856 la revue réalisme avec Jules Assezat, alors que face aux paysans de Millet et au goût social de Courbet, certains prédisent la révolte et la jacquerie. Vers 1838, Thoré-Bürger utilise le terme dans un sens péjoratif, synonyme d'imitation matérielle et c'est seulement après 1855 qu'il y verra une définition presque élogieuse. Baudelaire, ami de Courbet dès 1847 encourage les débuts du réalisme puis s'en éloigne quand il découvre Egard Allan Poe et son surnaturalisme.

Courbet adopte définitivement le terme, sur le plan historique, dans son catalogue qu'il rédige pour son exposition particulière dans une baraque de l'avenue Montaigne "Exhibition de quarante tableaux" de son œuvre à proximité de l'Exposition universelle de 1855 qui avait repoussé L'enterrement à Ornans. Pour lui, qui exalte le sens social de l'œuvre d'art et l'allégorie réelle, c'est plus un constat qu'une profession de foi : "le titre de réaliste m'a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 celui de romantique".

Ce qualificatif apparaîtra un peu plus tard, chez les critiques littéraires pour définir la littérature française du XIX, de Balzac à Zola, qui s'oppose au Romantisme d'imagination et explore le monde quotidien : réalistes alors les frères Goncourt, ou Alphonse Daudet. Plus peut-être que Zola apôtre du naturalisme qui vers 1871 mêle à sa description du monde ouvrier un goût pour le grossier des préceptes socialistes qui l'éloigne du véritable constat réaliste, qui ne prend pas position .

II - Le réalisme de la fin du XIX

Le terme réalisme s'employait volontiers lorsque l'artiste, dans ses œuvres ajoute au rendu fidèle des choses un désir d'ennoblissement du monde quotidien. Il en va ainsi des "peintres de la réalité" -l'expression est de Champfleury - qui évoquent avec une gravité subtile les scènes familières de la vie paysanne. Ce réalisme des frères Le Nain, loin de toute revendication sociale, est fait d'attention et de ferveur. Il en était de même pour Murillo avec Les jeunes mendiants (Munich Alte Pina.) ou des ménagères pensives de Vermeer, des infirmes de Ribeira.

Alors que la peinture française était en pleine évolution avec les impressionnistes et leurs disciples, nombre de peintres français préfèrent utiliser leur technique leur talent évidents de façon plus conventionnelle en se consacrant à des portraits ou des payasages rémunérateurs. Émile Zola écrit ainsi : "Seulement Carolus-Duran est un adroit ; il rend Manet compréhensible au bourgeois, il s'en inspire seulement jusqu'à des limites connues, en l'assaisonnant au goût du public. Ajoutez que c'est un technicien fort habile, sachant plaire à la majorité". Carolus-Duran sait ainsi naviguer entre l'académisme d'un Cabanel et de ses disciples, et l'expérimentation de ses contemporains plus hardis.

Il en va de même de John Singer Sargent qui rend visite à Claude Monet à Giverny en 1885 mais dont celui-ci dira plus tard : "Il n'est pas un impressionniste au sens ou nous l'entendons, il est beaucoup trop influencé par Carolus-Duran". Pareillement le norvégien Frits Thaulow transfigure les paysages. Le réalisme pourrait englober les études d'après nature de Géricault, mais surtout les paysages des maîtres de Barbizon peignant sur le motif dans la forêt de Fontainebleau et les toiles en plein air de Boudin ou de Lepine qui auront un grand impact sur les impressionnistes.

Le chemin de Sèvres.
Camille Corot, vers 1855
La plage à Trouville
Eugène Boudin, 1865
Deux femmes endormies dans une barque
John Singer Sargent, 1887
Moulin à eau
Frits Thaulow, 1892

III Le nouveau réalisme au XXe siècle

L'influence de Courbet se sent bien davantage dans certains aspects de l'expressionnisme européen et des réalismes politiques du XXe siecle. Les peintres réaliste américains, ceux du Pop'Art et de l'hyperréalisme vont redonner vie à un nouveau réalisme. De même les peintres français du Nouveau réalisme qui, à travers l'exposition de l'objet et l'exaltation de l'acte matériel, veulent depuis 1962 poser le problème du matérialisme peuvent en un sens relever du Réalisme social de Courbet par leur conception de l'art comme manifeste et prise de parti.