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1 - Causes historiques

Au XVIème siècle, l'Eglise catholique était devenue immensément riche. Le luxe qui régnait à la cour papale, alors que le peuple vivait dans la pauvreté, indignait les réformistes protestants. La riche société romaine, elle, vivait dans une fête continuelle. Afin de rendre la foi catholique plus attrayante que la pratique austère des disciples de Luther, le Saint-Siège utilisa sa richesse à la construction d'églises de monuments et de fontaines dans un style caractérisé par la liberté des formes et la profusion des ornements. Les architectes qui illustrèrent ce nouveau style avec le plus d'éclat furent Le Bernin et Francesco Borromini. Pour les peintres (Annibale Carrache, Le Caravage…), l'image a pour fonction d'enseigner la foi aux chrétiens, de se substituer à l'écriture pour les analphabètes, de refléter la puissance divine pour tous.

Le Concile de Trente et la Contre-réforme permettent une nouvelle assurance, excessive peut-être dans la foi chrétienne. Cette euphorie est provoquée par la victoire de Lépante sur les Turcs en 1571, et par l'abjuration d'Henri IV. Le baroque se répand dans toute l'Europe sous l'influence de deux livres marquant. Le premier est "L'Iconologia" de Cesare Ripa écrit en 1593, traduit en français en 1644, en allemand en 1669, et en anglais en 1709. Le second est "La perspective dans la peinture et l'architecture" d'Andrea Pozzo en 1693. Hors d'Italie, les principaux peintres baroques sont le Flamand Rubens qui vint à Rome en 1600 alors âgé de vingt ans, son élève Van Dyck (1599-1641) qui devint peintre de la cour anglaise en 1632, l'Espagnol Diego Velasquez (1599-1660) et les Français Poussin, Le Lorrain et Philippe de Champaigne.

Velasquez, 1659
Rubens , 1618

Le mouvement baroque finira au XVIIIème, dégénérant vers le Rococo, le Kitsch Bavarois de Louis II, la préciosité. La découverte de Pompeï incite à comprendre l'homme dans son accord avec la nature. Le siècle des Lumières, adepte de la raison, critiquera vivement les guerres de religions et ses excès Le goût commun de La Fontaine, Boileau (art poétique 1674), Bossuet, Racine et Molière (+1673), oriente l'art vers le classicisme.

 

2- Causes artistiques

Sans nier l'importance des phénomènes historiques, Wölfflin dans Les Principes fondamentaux de l'art fait du baroque le grand mouvement artistique du XVIIème. Les peintres de ce siècle vont en effet tous éprouver le même bouleversement du sentiment décoratif (ce qui mérite d'être peint) et du sentiment imitatif (comment le peindre).

Le sentiment décoratif est bien entendu extrêmement différent entre les peintres de la contre-réforme qui se feront les tenants de la gloire terrestre et céleste de Dieu et ceux des terres réformées contraints à ne peindre que la nature ou des portraits.

Néanmoins, et c'est ce qui picturalement importe le plus, tous ces peintres vont entretenir les mutations du sentiment imitatif apparues au cours du XVIIème que Wölfflin regroupe en cinq catégories. Le baroque, par rapport au classique, privilégie : le pictural sur le linéaire ; la profondeur sur la superposition des plans ; la forme ouverte sur la forme fermée ; la multiplicité sur l'unité, l'obscurité sur la clarté. Ces caractéristiques se retrouvent aussi bien chez les peintres de la contre-réforme qu'en Hollande chez l'exubérant Van Hals, le chatoyant Rembrandt ou le méditatif Vermeer.

Rembrandt,1662
Vermeer, 1658
Hals, 1653

Dans son Histoire de l'art, Gombrich souligne que le mot baroque n'a été employé que tardivement par des auteurs qui voulaient lutter contre les tendances du XVIIème siècle et désirait les tourner en ridicule. Baroque (qui vient du portugais barroco qui désigne une pierre irrégulière) signifie en effet absurde ou grotesque et a été employé d'abord par des gens qui estimaient que les éléments de la construction antique n'auraient jamais du être employés ou combinés autrement que ne l'avaient fait les Grecs et les romains. Ainsi de l'église du Gésu à Rome en 1575 qui combine des éléments classiques et quelques éléments décoratifs nouveaux (pilastres, volutes de séparation pour les deux étages) pour un effet d'ensemble radicalement nouveau. L'architecture baroque trouvera son point d'aboutissement dans l'église romaine de Sainte Agnès achevée en 1653 selon les plans de Francesco Borromini.

L'évolution de la peinture est dans une certaine mesure comparable à celle de l'architecture. Sortant de l'impasse où la conduisaient les maîtres du maniérisme, elle accéda à un style beaucoup plus riche de possibilités. Dans les chefs-d'œuvre du Tintoret ou du Greco, l'accent était déjà mis sur le rôle de la lumière et de la couleur, l'abandon d'une stricte symétrie dans la composition au profit d'agencements plus complexes. En dépit de ces éléments de continuité, la peinture du XVIIéme siècle n'est pas le prolongement du maniérisme. Tel était du moins le sentiment des contemporains. Ils parlaient surtout de deux peintres venus à Rome de l'Italie du nord et dont les principes étaient considérés comme diamétralement opposés. L'un était Annibale Carrache (1560-1609), originaire de Bologne, l'autre Michel-Ange de Caravage (1565 ?-1610) originaire d'un petit bourg voisin de Milan. Tous deux étaient las du maniérisme et voulaient s'affranchir de ses préciosités. Mais c'était là leur seul point commun. Annibale Carrache était issu d'une famille de peintres influencée par l'art vénitien et par le Corrège. Arrivé à Rome, il tomba sous l'emprise du génie de Raphaël. Il rêva de retrouver quelque chose de la beauté et de la simplicité de ce peintre, loin de vouloir s'y opposer comme l'avaient fait les maniéristes (…) Caravage et ses adeptes n'appréciaient guère l'art de Carrache. Pour Caravage, reculer devant la laideur n'était que faiblesse méprisable. Il voulait avant tout la vérité, la vérité telle qu'il la voyait.

 

3 - Les formes historiques du baroque après le XVIIème siècle

Wölfflin conclut ses Principes fondamentaux de l'art en affirmant que chaque période de stabilité artistique assez longue génére sa période classique puis sa période baroque. Ainsi Le groupe du Laocoon est-il le baroque de l'Apollon du belvédaire, ainsi dans le gothique le style normand succède-t-il au Early English. Le romantisme pourrait aussi être le baroque du néo-classique et l'expressionnisme le baroque de l'impressionnisme. Après un retour pour l'intérêt de la ligne avec le cubisme celui-ci est dépassé par le post-modernisme avec ses recyclages, simulacres, déréalisations et détournements, son refus de l'ascétisme et du purisme moderne.

 

4 - Autres pistes

Pour Jean-Joseph Goux dans Les iconoclastes est baroque un monde qui n'a pas de centre, où toute la vie c'est réfugiée à la périphérie. Cette définition correspond bien à la peinture de Simon Vouet, peintre officiel de Louis XIII. D'autres théoriciens diront au contraire qu'est baroque une peinture qui se concentre sur l'essentiel en se référant au Caravage.

Montaigne sépare l'homme public de l'homme privé, lorsqu'il peint Richelieu en habit pourpre, Philippe de Champaigne ne fait pas le portrait d'un individu mais celui d'une fonction, et même d'une pensée politique abstraite. Richelieu crée l'état centralisateur. Il impose un ordre. Il est logique dès lors que le domaine esthétique, lieu de toutes les pulsions, soit par compensation le règne du désordre. L'homme baroque se construit dans une dissociation schizoïde : une apparence, un masque, et un désir de liberté de fantaisie, canalisé par les expressions artistiques. Selon que l'on appuie sur l'un ou l'autre coté, deux tendances majeures se dessinent et s'affrontent : un univers du changement du trouble, des passions de l'eau qui passe, du nuage ; et un monde du miroir, des masques superposés, des machines sans âmes et de l'eau glacée, gelée. D'un côté Circé et Protée, les dieux des métamorphoses. De l'autre le "théâtre du monde", le lieu de l'incessante représentation, où les miroirs ne reflètent que les masques. Si le classicisme est une conscience objectivée de soi-même où prédomine la contemplation le calme, l'harmonie. Le baroque suppose une participation plus active du spectateur. Il doit être sensible au mouvement, aux surprises, ornements, métamorphoses aux excès, au luxe à la sensualité, la séduction, la gratuité, la dépense, la dilapidation, l'impureté, l'instabilité, la transe, à la figure de la spirale et du dionysiaque.

 

Ce n'est qu'en peinture que le Baroque a succédé au mouvement classique : Bernin, Velasquez, Rubens, Tiepolo viennent après Raphaël, Michel-Ange et Leonard. Dans les autres arts, en retard si l'on peut dire, l'art classique vient après l'art baroque. Ainsi, en musique, Bach vient après Monteverdi et Vivaldi. Au théâtre, Racine et Corneille viennent après Calderon, Shakespeare, et Corneille. Le Théâtre baroque est marqué par le goût de la machinerie, de l'action, du drame plus que recherche de la vérité psychologique ou sociologique du personnage. En Philosophie, Kant succède à Descartes, Pascal et Leibnitz.

En Littérature, La Fontaine, Boileau, Bossuet viennent après Montaigne. Position excentrique de Corneille, Descartes et Pascal, vivant et écrivant dans une époque de lutte, où l'aventure personnelle a encore un sens, et fondant leur esthétique sur le doute et l'angoisse. L'esthétique classique, ainsi que l'a montré D. Nissard dans "Histoire de la littérature française", 1861, est tout entière normative, caractérisée par l'idée de convenance ou de propriété esthétique, qui impose une stricte adéquation de la forme et du style au sujet choisi.

 

Sources :