Eglise du Gésu
Giacomo della Porta,
1575.
Rome (voir aussi le plafond
de Baccicio réalisé un siècle plus tard)
Ce ne fut pas seulement une église qui s'ajoutait à toutes les églises de Rome, c'était l'église d'un ordre récemment fondé, l'ordre des Jésuites, qui devait mettre des forces nouvelles au service de la lutte contre la réforme.
La façade est faite d'éléments d'architecture antique ; tout le répertoire s'y retrouve : colonnes (ou plutôt demi-colonnes : colonnes engagées) et pilastres portant une architrave surmontée d'un haut attique couronné d'un fronton. La disposition même de ces éléments suit, sur certains points, la tradition antique : l'entrée principale, encadrée de colonnes et flanquée de deux entrées secondaires, rappelle le thème de l'arc de triomphe aussi familier aux architectes que l'accord parfait aux musiciens.
Rien dans cette façade simple et majestueuse n'évoque l'idée de défi aux règles classiques. Et, pourtant, la manière dont les éléments antiques se fondent en un agencement général montre que l'architecte avait laissé derrière lui les impératifs romains et grecs, et même ceux de la Renaissance. Le trait le plus frappant de la façade est l'emploi jumelé de pilastres, comme pour donner à l'ensemble plus de faste, de variété et de majesté. D'autre part, on sent que l'architecte s'est appliqué à éviter toute répétition et toute monotonie, à combiner tous ses motifs en vue de mettre l'accent sur la partie centrale et sur le double encadrement de la porte principale.
Alors que l'architecture classique paraît simple à cause de la répétition indéfinie du même motif, dans la façade de Giacomo della Porta, tout concourt directement à un seul effet d'ensemble. Le trait le plus caractéristique à cet égard est sans doute le soin apporté par l'architecte à établir une liaison entre les deux étages. Il a fait usage d'espèces de volutes ignorées de l'architecture antique. Il suffit d'imaginer une forme de ce genre dans l'architecture d'un temple grec ou d'un théâtre romain pour voir à quel point elle serait déplacée. Ce sont d'ailleurs ces courbes et ces volutes qui ont été le plus reprochées aux architectes baroques par les tenants de la pure tradition antique. Mais si on cache ces ornements litigieux, si on essaie d'imaginer l'édifice sans eux, on doit reconnaître que ce ne sont pas de simples ornements. Si on les retranche la façade ne tient plus. Ils contribuent à la cohérence et à l'unité de l'uvre, but principal de l'architecte.