La politique culturelle connait un petit âge d'or au début des années 90, épisode vite refermé par le règne des marchands au CNC et au sein des organisations professionnelles lorsque les ministres Dominique Douste-Blazy et Catherine Trautmann manquent de vision politique.
Le petit âge d'or du début des années 90.
Le petit âge d'or est du à l'intervention de Lionel Jospin en faveur de l'idée d'un idéal cinématographique porté par Lang et Toscan du Plantier, aux initiatives de Pierre Chevalier qui produit des collections de téléfilms/ films réalisés par des cinéastes ambitieux, à la politique d'actions culturelles de Dominique Wallon à la tête du CNC.
L'idée d'un idéal cinématographique, forgée par Lang et Toscan du Plantier, trouve des échos dans la profession chez les politiques et dans les médias. C'est à partir d'elle qu'il a été possible de mener la campagne héroïque du GATT en 1993 et qui servira de nouveau dans le remake en mineur que sera, en 1998, la mobilisation contre une autre tentative de faire sauter les systèmes d'aide au nom d'un libéralisme débridé, le projet de traité international connu sous le nom d'AMI (Accord multilatéral sur les investissements) qui sera torpillé à l'échelle internationale notamment grâce au véto du premier ministre d'alors, Lionel Jospin, sujet à une levée de boucliers très vaste mais où le monde du cinéma a joué un rôle important. Jospin a été élu contre un gouvernement de droite discrédité après les grandes grèves de l'hiver 1995. L'un des derniers coups, et non des moindres, a été porté au pouvoir en place un mois avant les élections d'avril 1997 qui allaient permettre l'alternance : une mobilisation d'ampleur nationale contre un projet de loi dit "Pasqua-Debré" qui vise à aggraver considérablement la répression contre les immigrés sans papiers et à contraindre les citoyens français à les dénoncer. Il se trouve que c'est une initiative de la nouvelle génération de cinéastes français (Desplechin, Ferran, Philibert, Claire Denis, Tonie Marshall, Goupil, Klapish, Dridi, Guedigian...) qui a lancé le mouvement, bientôt suivi par des dizaines d'autres puis des représentants de toute la société civile.
"Tous les garçons et les filles", ensemble de films commandés par la chaine Arte par son responsable des fictions télévisées entre 1991 et 2003, Pierre Chevalier, à une dizaine de réalisateurs français. La collection est un ensemble de films uniques et non une série, réalisés par des cinéastes d'âges différents, chacun racontant l'histoire qu'il veut mais située à l'époque de sa propre adolescence avec, pour unique passage obligé, une fête qui permettent d'entendre les musiques populaires auprès des jeunes de ce moment. André Téchiné (les roseaux sauvages), Chantal Akerman, Claire Denis, Olivier Assayas (L'eau froide), Patricia Mazuy (Travolta et moi), Cédric Kahn (Trop de bonheur), Laurence Ferreira Barbosa, Emilie Deleuze, Olivier Dahan. Pierre Chevalier produit aussi le film de Jacques Doillon, Du fond du cur, qui s'appelle Germaine et Benjamin à la Télévision ainsi que le téléfilm La vie de Marianne de Benoit Jacquot. Le débat entre uvre télévisée et cinéma s'envenime quand Robert Guedigian sort en salle Marius et Jeannette, toujours produit par Arte en ouverture de Un certain regard à Cannes en 1997. Du coup, la collection de téléfilms réalisés chaque année avec la nouvelle promotion de jeunes acteurs du Théâtre national de Strasbourg, initiée avec L'âge des possibles, et poursuivie par Qui sait ? (Philibert, 1999) se verra interrompue au cours du tournage du téléfilm de Cédric Kahn.
Dominique Wallon dirige le CNC jusqu'en 1995, année de la célébration du centenaire du cinéma en France. Il contribue au plan nitrate pour sauvegarder le patrimoine à la création d'un fonds d'aide aux productions d'Europe de l'Est qui vient s'ajouter au fonds sud, fort soutien au cinéma africain. Les années 90 voient l'essor des pratiques enseignantes liées au cinéma tandis que les cours de cinéma dispensés à l'université explosent. 30% des films produits sont des premiers films.
L'offensive contre l'exception culturelle
Le soutien politique à l'ensemble du cinéma, avec les prérogatives de l'exception culturelle au nom de la promesse d'art que recèle chaque film (promesse tenue seulement par certains d'entre eux) va se transformer en exigence d'une défense systématique de tout le cinéma français, promu bastion de la civilisation, en permanence attaquée par les hordes barbares d'Hollywood et de la télévision. Cette dérive en faveur de l'industrie du cinéma dont on besoin les nouveaux canneaux de diffusion qui se mettent en place, et non plus de l'idéal cinématographique, est organisée par le CNC et soutenue par nombre de cinéastes, excédés qu'on ne les reconnaisse pas comme artistes.
En 1995, Dominique Wallon doit céder sa place à la tête du CNC à Marc Tessier. C'est un patron qui succède à un militant de la politique culturelle et c'est l'amorce d'une dérive organisée du CNC en faveur de l'industrie et donc au détriment l'art. Philippe Douste-Blazy, ministre incompétent, laisse Marc Tessier mettre en place une conception de l'action publique dans le cinéma qui tend à marginaliser les enjeux culturels et à survaloriser le soutient au succès commercial, tout en augmentant le poids des grandes organisations professionnelles.
Canalsat, né en 1992 sous le nom de Canal Satellite, est véritablement opérationnel depuis 1996 avec le passage au numérique et l'utilisation d'un nouveau satellite Astra1 et TPS nait cette même année 1996. Une véritable cacophonie dans les négociations jusqu'à l'absorption de TPS par Canalsat en 2007.
A la fin de 1999, mise en circulation d'une violente attaque de certains réalisateurs contre les critiques de cinéma. Issues de l'ARP et fédérés autour d'une lettre de Patrice Leconte. Ces attaques visent la démarche même du travail critique. Largement relayé par la presse, l'affaire bénéficie d'un retentissement important aussi du fait de la prise de position de nombreux autres cinéastes, pour ou contre la déclaration de Leconte. Ce clivage traduit peu ou prou le clivage entre cinéastes académiques et cinéastes modernes. Patrice Leconte, réalisateurs de comédies et de films d'action à grand succès, a cherché une reconnaissance artistique avec des films différents et estime n'avoir pas été suffisamment reconnu à ce titre, celui d'artiste, par ceux qui ont effectivement cette fonction de reconnaissance esthétique, les critiques. Le cas de Leconte n'est pas unique, Zidi et Berri, Annaud ou Besson relèvent d'un statut comparable, tandis que Miller, Lelouch, Tavernier, Beineix, Wargnier, auteurs dont les uvres déplaisent le plus souvent à une part significative et influent qui voient en eux les continuateurs de l'inusable qualité française, se rallient à la même dénonciation.
Reprise des entrées en salle
1992 est le point bas de la fréquentation du cinéma en France. A partir de cette date, la construction des premiers multiplexes va générer, via le succès des Visiteurs, la remonté du nombre de spectateurs en salles. L'adoption du tournage en numérique peut aussi permettre une économie plus réduite écartelant encore davantage le fossé entre grandes et petites productions.
Total des entrées annuelles en France de
1956 à 2010
En 1992, La sentinelle, premier long-métrage de Arnaud Desplechin révèle une troupe d'acteurs (Emmanuel Salinger, Emmannuelle Devos.. ) et une scénariste Pascale Ferran qui deviendra réalisatrice. Le personnage principal est sensible aux évènements politiques de l'époque (l'après guerre froide) mais surtout vit avec des qualités intellectuelles et morales qu'il impose à son environnement.
Un groupe de metteurs en scène, tous nés après 1950, et d'acteurs fait donc le portrait d'une société en proposant à travers leur héros un exemple de comportements moraux qu'il leur paraît important de défendre. Ils retrouvent ainsi la tradition du grand cinéma américain (Stewart, Grant, Cooper) mais surtout prolonge l'apport esthétique de de la Nouvelle vague (Truffaut, Godard). Ils sont en rupture par rapport à deux autres groupes de cinéastes, l'un perpétuant la tradition du cinéma d'observation psychologique ou social, l'autre se plaçant sous le signe de l'imaginaire.
Une nouvelle vague : des personnages ordinaires, capables d'instants de bonheur, filmés dans la rue et se confrontant aux valeurs de leur temps en essayant de donner un sens à leur vie.
Drames et comédies sociales : Les comédies sociales , Un monde sans pitié (Eric Rochant, 1989) et de La discrète (Christian Vincent, 1990) ont réactivé un cinéma néoclassique à la française avec un romanesque adapté aux mots et aux comportements de l'époque. Alain Rocca, producteur de ces deux premiers films produit également Riens du tout (Cédric Klapisch, 1992). La réunification après la chute du mur de Berlin semble mettre fin aux idéologies alors que les grèves de 1995 mettent la question du social au coeur des préoccupations des cinéastes. C'est le retour du cinéma militant, sous une nouvelle étiquette - celle du cinéma social
Imaginaire :
La décennie voit également des productions particulières qui marquent le box-office : Les visiteurs (1993) de Jean-Marie Poiré ; Le cinquième élément (1997) de Luc Besson, Microcosmos (1996) de Claude Nuridsany.
Parmi la génération des cinéastes nés avant 1950 et reconnus dès les années 70, on retiendra :
Parmi la génération des cinéastes reconnus dès les années 60, on retiendra :
Principaux films français de 1992 à
2001 :
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L'Anglaise et le Duc | Eric Rhomer | 2001 | |
Sauvage innocence | Philippe Garrel | 2001 | |
Va savoir | Jacques Rivette | 2001 | |
Mischka | Jean-François Stevenin | 2001 | |
Merci pour le chocolat | Claude Chabrol | 2000 | |
La captive | Chantal Akerman | 2000 | |
Esther Kahn | Arnaud Desplechin | 2000 | |
Intimité | Patrice Chéreau | 2000 | |
Eloge de l'amour | Jean-Luc Godard | 2000 | |
Intimité | Patrice Chéreau | 2000 | |
Histoire(s) du cinéma | Jean-Luc Godard | 1999 | |
Conte d'automne | Eric Rohmer | 1998 | |
Secret défense | Jacques Rivette | 1997 | |
Le septième ciel | Benoît Jacquot | 1997 | |
Conte d'été | Eric Rohmer | 1996 | |
Comment je me suis disputé | Arnaud Desplechin | 1996 | |
Les voleurs | André Téchiné | 1996 | |
For ever Mozart | Jean-Luc Godard | 1996 | |
Ponette | Jacques Doillon | 1996 | |
Microcosmos | Claude Nuridsany | 1996 | |
Level 5 | Chris Marker | 1996 | |
Le garçu | Maurice Pialat | 1995 | |
La cérémonie | Claude Chabrol | 1995 | |
N'oublie pas que tu vas mourir | Xavier Beauvois | 1995 | |
Une fille seule | Benoît Jacquot | 1995 | |
JLG/JLG | Jean-Luc Godard | 1995 | |
Les roseaux sauvages | André Téchiné | 1994 | |
Petits arrangements avec les morts | Pascale Ferran | 1994 | |
Trop de bonheur | Cédric Kahn | 1994 | |
La reine Margot | Patrice Chéreau | 1994 | |
Jeanne la pucelle | Jacques Rivette | 1994 | |
Le jeune Werther | Jacques Doillon | 1993 | |
Smoking, No Smoking | Alain Resnais | 1993 | |
Hélas pour moi | Jean-Luc Godard | 1993 | |
Ma saison préférée | André Téchiné | 1993 | |
Travolta et moi | Patricia Mazuy | 1993 | |
Conte d'hiver | Eric Rohmer | 1992 | |
La sentinelle | Arnaud Desplechin | 1992 | |
Betty | Claude Chabrol | 1992 | |
Les nuits fauves | Cyrril Collard | 1992 |
Bibliographie :
Le cinéma français, de la Nouvelle vague à nos jours de Jean-Michel Frodon. Editeur : Cahiers du cinéma. 1190 pages au format 12,4cm x 19cm. 30 €. Novembre 2010. |