Camille arrive à Paris pour jouer le rôle principal de "Come tu me vuoi" de Pirandello dans une mise en scène de son compagnon, Ugo. Elle n'y est pas revenue depuis que, trois ans plus tôt, elle a brutalement quitté Pierre, prof de philo, avec qui elle vivait une passion tumultueuse.
Alors qu'elle entreprend de revoir son ancien amant, Ugo part à la recherche d'un manuscrit inconnu de Goldoni, "Le Destin vénitien". La nuit, le couple joue ensemble la comédie et, le jour, chacun part de son côté poursuivre son intrigue privée dans une sorte de division inversée du temps de travail. Pour Camille, le monde extérieur est un théâtre plus sévère que celui qui accueille la troupe. Après une première entrevue manquée face à Pierre dans un jardin public et à Sonia sa compagne d'aujourd'hui, elle décide de convier Pierre dans son lieu à elle le temps d'une représentation.
Ugo, parti en quête d'un manuscrit inconnu rencontre la séduisante Dominique dans la bibliothèque de l'Arsenal et la retrouve, par hasard, le lendemain chez sa mère où est censé se trouver le précieux document. Dominique le présente à son demi-frère Arthur, voyou charmeur avec lequel elle entretient des rapports ambigus.
Après un repas calamiteux qui réunit Camille Ugo, Pierre et Sonia, Camille tient à s'excuser auprès de Sonia, professeur de danse, au passé trouble dont ne lui reste, comme ultime butin, qu'une bague de grande valeur. Sonia est courtisée à son cours de danse par Arthur.
Camille cherche à revoir Pierre mais celui-ci l'enferme. Elle reussit in etremis à rejoindre le théatre avant le lever de rideau mai pense abandonner les représentations de la pièce. Dominique soffre à Ugo qui résiste difficilment à al tentation.
Camille entre dans un bar prendre un dernier verre et aperçoit, dans un miroir, Sonia et Arthur s'embrassant. Arthur ne cherche qu'à voler la bague de Sonia. Lorsque el vol est commis Sonia demande à Camille de l'aider. Pour une nuit, elle devient la maitresse d'Arthur et lui dérobe la bague cachée dans un pot de farine.
Sur les planches, Sonia vient rechercher sa bague et Dominique vient apporter le manuscrit de Goldoni (trouvé parmi les livres de cuisine : ce n'était pas Le Destin vénitien mais le Festin vénitien) tandis que Ugo et Pierre s'affrontent dans un surréel duel à la vodka où le premier tombé, à défaut de mourir, rebondit piteusement dans un filet de protection.
Sonia offre la bague à camille qui l'offre à Ugo pour sauver la troupe du désastre financier. Arthur et Dominique dansent ensemble. Sonia, délivrée du passé, part rejoindre Pierre.
Au mi-temps du film une boucle pourrait se refermer pour former un trop parfait "cercle vicieux". Une onde imaginaire d'infidélité réarrange les positions des différents personnages : Camille irait avec Pierre, Sonia avec Arthur, Dominique avec Ugo. Dans cette grande transaction sentimentale, c'est moins la moralité qui est sacrifiée que le théâtre. Camille pense ainsi un temps abandonner les représentations de la pièce et Dominique demande à Ugo de choisir entre elle et le manuscrit. Exit donc Pirandello et Goldoni.
Ce n'est qu'à ce point dangereux d'entropie que le film commence à inverser le cours de sa révolution. Insensiblement, il entame un "cercle vertueux" dont l'acte inaugural est, paradoxalement, un vol. Camille entre dans un bar prendre un dernier verre et aperçoit, dans un miroir, Sonia et Arthur s'embrassant. Elle sort mais la caméra reste sur le couple enlacé. Alors que Sonia essaie en vain de se refuser, un plan furtif montre la main d'Arthur prenant une empreinte de sa bague dans un petit cube de pâte bleue. Dans cette savante construction, le moulage du faussaire répond au reflet romantique. Si Arthur vole Sonia, alors il ne l'aime pas et le "cercle vicieux" est brisé. Plus encore que sur un simple plan dramatique, cette scène contient le chiffre secret de "Va savoir". Cette bague mystérieuse qu'il suffit d'inverser par impression pour que l'univers change de sens, possède en effet une inscription cachée qu'Arthur oubliera significativement de reporter sur la contre-façon : tempus fugit, amor manet, "le temps s'enfuit, l'amour demeure".
Cet éloge classique de l'amour prend ici une tournure plus inquiétante.
Ce qui a mené la ronde des désirs jusqu'alors, était-ce
bien l'amour ou son seul fantôme ? La question se pose explicitement
dans le cas de Camille et Pierre mais vaut également pour Sonia qui
poursuit une image de sa jeunesse rebelle et pour Dominique qui manque d'une
figure paternelle. En volant la bague, Arthur rompt le "mauvais"
enchaînement des passions - celui qui refuse le passage du temps. .
A partir de cette ruture, le film entame un mouvement de repli sur lui-même qui inclut et entraîne avec lui tout ce qu'il avait déployé. Chacun des personnages venus séparément au théâtre voir la représentation, s'y retrouve pour un ultime chassé-croisé. Sur les planches, Sonia vient rechercher sa bague (que Camille a récupéré dans un pot de farine) et Dominique vient apporter le manuscrit de Goldoni (trouvé parmi les livres de cuisine) tandis que Ugo et Pierre s'affrontent dan un surréel duel à la vodka où le premier tombé, à défaut de mourir, rebondit piteusement dans un filet de protection.
Ce grand final, d'une légèreté éblouissante, ne représente pas seulement la victoire de l'amour sur l'infidélité ou même celle de l'artifice sur la réalité. S'il y a bien magie du spectacle c'est parce que le théâtre de cette dernière scène est à la fois cantine, point de rencontre, aire de jeu et piste de danse. Espace en perpétuel mutation, il n'est pas figé dans le passé mais espace de création, échanges des désirs que chacun y a emmené depuis l'extérieur. En permettant ces échanges, il inclut la découverte, la révélation, la nouveauté pour des personnages obsédés jusque là par leur amour défunt. Cet espace de vie s'oppose au cagibi dans lequel Pierre avait voulu enfermé Camille. En s'enfuyant par les toits Camille était déjà revenue à la vie dont elle trouvera le plein accomplissement sur les planches : pour que l'amour demeure, il convient que le temps soit création.
Jean-Luc Lacuve
On retrouve dans ce film lumineux nombre d'échos du beaucoup plus sombre
Paris nous appartient dont il est comme
un double bonnifié par la maturité... ou la transformation du
"destin" en "festin" ici moins vénitien que parisien.
Les thèmes du complot et du théâtre étant omniprésents dans l'oeuvre de Rivette on les retiendra moins que le jeux sur les thèmes visuels et lieux chers au metteur en scène.
BIBLIOGRAPHIE :