La vie de Jésus

1997

Avec : David Douche (Freddy), Marjorie Cottreel (Marie), Geneviève Cottreel (Yvette), Samuel Boidin (Michou), Kader Chaatouf (Kader). 1h36.

Bailleul, petite ville du nord de la France, entre Lille et Dunkerque. Freddy vit avec sa mère, Yvette, qui tient le café "Au Petit Casino". Les jours du jeune homme s'écoulent dans la monotonie, entre les soins à l'hôpital pour des crises d'épilepsie qui le complexent et les virées sur des mobylettes trafiquées avec les copains, tous désœuvrés et chômeurs comme lui. Seule lueur dans la grisaille et la routine ambiantes : Freddy est membre d'un club de pinsonneux, qui, chaque dimanche, se lancent des défis avec des pinsons entraînés à émettre leurs trilles.

Mais surtout, il y a Marie, la caissière du supermarché, avec qui il fait souvent l'amour parce qu'ils s'aiment, simplement et fortement. Les garçons sont troublés quand ils rendent visitent à un de leurs amis qui meurt du sida à l'hôpital. Ils font également partie de la fanfare municipale et ne comprennent pas bien pourquoi, après une parade à laquelle ils ont participé, on les accuse du viol d'une majorette, alors qu'ils disent l'avoir juste un peu bousculée.

Un jour, dans le café d'Yvette, ils adressent à Kader, un Beur de leur âge, des plaisanteries racistes. Les choses se compliquent quand Marie est courtisée par Kader. Elle le tient d'abord à distance, puis le provoque car elle croit qu'il veut juste coucher avec elle mais, devant la délicatesse du jeune homme, elle s'excuse et répond à ses avances.

Cela, la bande de copains et surtout Freddy, ne peut l'admettre : il faut donner une leçon à Kader. Après quelques poursuites vaines, c'est le face-à-face en rase campagne. Kader est tué sauvagement. Freddy est arrêté, s'évade du commissariat, part seul dans un champ où il s'offre au soleil qui perce les nuages.

analyseLa Vie de Jésus est un drame sur la coexistence du Bien et du Mal, l’incarnation conjointe de ces deux forces dans la réalité ordinaire de l’existence de Freddy. La contradiction du titre avec l’histoire d’un antihéros est un programme qui s'inscrit en faux pour une conscience morale occidentale, pure et claire, formée à les tenir toujours fermement opposés. La référence à la résurrection de Lazare cohabite ainsi avec le prénom Freddy qui fait penser à l'incarnation du diable telle qu'elle apparaît dans Freddy et ses Griffes de la nuit (Wes Craven, 1984). Kader est lui plus proche de Jésus. Il parle d'amour et, le temps d'un plan le reliant à une ogive puis au ciel, il est sanctifié avant de vivre plus tard le martyre.

Le meurtre est d'une logique tellement simple qu'il semble paradoxalement arriver par inadvertance. Le mobile le plus évident est bien sûr le racisme ; mais ce stade là est dépassé depuis longtemps. Un motif tout aussi évident est le crime passionnel. Mais il y a plus simple encore : cette fille c'est avant tout le sexe du groupe, l'expression la plus évidente de sa virilité - si Freddy est le chef de la bande c'est parce qu'il est "celui qui couche" comme le disent ses copains. Et cette précieuse marchandise, il est naturel (et vil à la fois) que chacun la convoite pour en tirer sa puissance, et y tienne plus que sa propre vie.

Fin inspirée par La Strada de Fellini. Quelques rares échappées vers le spirituel (le ciel) : funiculaire, Marie et Kader dans la ruine du jardin et la fin pour des personnages pris dans la terre du Nord.

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