Marc Rossignol, l'instituteur de Saint-Juire au sud de la Vendée, explique le fonctionnement des propositions subordonnées circonstancielles qui emploient des locutions conjonctives. Ainsi les propositions subordonnées de condition commencent généralement par "si" entonne la classe.
Chapitre I : Si, à la veille des élections régionales de mars 1992, la majorité présidentielle n'était pas devenue une minorité...
Régis Lebrun-Blondet discute à Paris dans la brasserie Lip sur la France qui serait à droite, cause alors obligatoire de son échec aux régionales.
Chapitre II : Si Julien, après sa défaite, ne s'était pas brusquement épris de la romancière Bérénice Beaurivage...
Dans sa belle bâtisse bourgeoise, Julien a invité Bérénice qui lui conseille de monter faire de la politique à Paris. Il veut en passer par une implantation locale pour être fort à Paris et s'est allié aux écologistes. Il lui fait visiter les alentours, lui montre les dindons et les clématites persistantes, des poiriers qu'elle prend pour des pommiers des salades, des lys de la madone, des fritillaires pintade à damier qu'il faut protéger. Bérénice, qui s'étonne de ne pas trouver de poires en avril alors qu'il y en a dans les supermarchés, conclut que la campagne c'est reposant, c'est beau... mais pas plus de trois quatre jours. Elle voudrait que Julien vende sa terre pour habiter près de la mer. Julien s'y refuse : "Dans 50 ans, grâce au télétravail, la plupart des gens des villes s'installeront à la campagne qui ne sera plus cultivée mais paysage". Bérénice croit davantage à la nature qui revient à la ville avec des jardins et espaces verts. Car l'attraction de la ville est forte avec ses infinies possibilités de rencontres, le charme des passantes et le spectacle de la foule, la variété des types humains. Mille quartiers, mille expos, mille fêtes, mille cinéma plus dur plus difficile mais plus excitant : tout peut arriver le sentiment profond de l'âme humaine solitude. Préfère être seule et rêver à des milliers de rencontres possibles.
Lors d'une visite à la cave, Julien est soutenu par les vignerons qui savent le canton réactionnaire mais la circonscription de gauche. C'est ensuite la visite au terrain de la future médiathèque. Il est protégé et donc pratiquement inconstructible sauf pour ce projet d'intérêt public qui a obtenu l'agrément des monuments historiques. Julien envisage d'employer une main-d'uvre locale avec un savoir-faire artisanale exemplaire pour construire une médiathèque moderne comprenant bibliothèque, vidéothèque, discothèque, salle d'exposition, théâtre de verdure et piscine. Bérénice trouve le projet énorme et craint qu'il ne cache tout le village. Plaquer des pierres artificiellement lui semble aussi un manque d'idée.
Chapitre III : Si le saule blanc du pré communal n'avait pas miraculeusement résisté à l'assaut des ans
Marc Rossignol, l'instituteur, est encore plus radical dans son opposition. Selon lui, le projet oblige à abattre un arbre centenaire et à polluer avec du béton un cadre "digne de Ruysdael". "Il faut supprimer la peine de mort sauf contre les architectes" s'emporte-t-il. "Parler ou agir ?" lui demande sa fille.
A Paris, Bérénice critique l'architecte Antoine Pergola qui, pourtant, défend bien et en souriant son projet.
Chapitre IV : Si Blandine Lenoir, rédactrice au mensuel Après-demain, n'avait pas, par inadvertance, en voulant enregistrer l'émission de France-Culture débranché son répondeur
Blandine veut enregistrer une émission sur l'impondérable et débranche son répondeur. Elle n'est ainsi pas avertie que Régis voulait repousser son rendez-vous avec elle car Julien veut lui présenter sa compagne. Régis n'aime pas beaucoup son cousin car son obstination à vouloir se présenter aux législatives alors qu'il a été battu aux cantonales lui parait démesurée. Mais Blandine est séduite et veut faire son portait comme représentant de la nouvelle classe politique.
A Saint-Juire, Blandine interroge ainsi Julien. Elle lui demande si l'argent ne serait pas mieux employé que dans un projet culturel pour quelques centaines d'habitants. Jlien réplique qu'il n'a obtenu une subvention du ministre de la culture d'un montant exceptionnel que pour un programme culturel cohérent. Blandine interroge l'épicière qui souhaite une salle des fêtes, l'objecteur de conscience des cultures agricoles non plus de masse (maïs, blé) mais de niche. Un paysan souhaite continuer à nourrir ses vaches au près afin qu'elles soient plus heureuses. Un autre regrette que les gens n'aient plus l'occasion de se parler avec les tracteurs qui parcourent les routes et le boulanger qui n'est plus au village mais vient en voiture livrer le pain.
L'instituteur pense qu'il ne s'agit pas de satisfaire les besoins des habitants de saint-Juire mais de faire venir d'autres gens pour peupler un village qui n'en a pas besoin. Il renonce lui-même à se présenter aux élections et préfère que sa fille de 10 ans se présente aux élections municipales
Chapitre V : Si au moment de la fabrication du numéro, Blandine n'était pas allée justement accompagner une mission de l'UNICEF en Somalie...
Nouvelle classe politique laissé l'instituteur beaucoup plus drôle, l'écologie bon chic bon genre, un arbre en couverture d'un mensuel politique. Bérénice découvre scandalisée que les deux pages sont consacrées à l'instituteur qui préfère l'arbre à la médiathèque. D'abord furieux, Julien pense qu'il s'agit d'une vengeance mesquine de son cousin et espère qu'il apparaitra de gauche.
Chapitre VI : Si Vega, la fille du maire, n'avait pas malencontreusement envoyé son ballon sur le chemin où passait Zoé, la fille de l'instituteur...
Pas d'argent pour les opérations isolées ou ponctuelles mais pour un projet cohérent, regrouper des activés salles des fêtes à emménager piscine pas loin, théâtre de plein air pas à l'abri de la pluie plus fréquente que dans le sud. Lui a son parc mais les autres n'ont qu'un tout petit jardin. Avec le manque d'espace vert à la campagne, les enfants ne peuvent plus jouer dans les prés, cueillir des fleurs maintenant que tout est clôturé avec des barbelés. Pourquoi aller à la campagne s'il n'y a plus d'espace vert ?
Chapitre VII : si un fonctionnaire, par routine ou par ordre ne s'était pas montré trop zélé...
Blandine retouve par hasard Julien à Paris. Elle a démissionné et travaille à l'UNESCO. Julien lui apprend qu'un fonctionnaire de l'équipement a signalé que le terrain n'était pas fiable, obligeant la commune à des travaux de fondation couteux. Pionnier mais pas Don quichotte, le maire accepte beau joueur que son projet puisse ne pas aboutir.
A Saint-Juire, l'instituteur est informé officiellement que l'insuffisance de financement oblige la mairie à abandonner le projet de la médiathèque. Il en attribue le mérite à sa fille Zoé et entonne un chant sur la décroissance.
Le maire a ouvert son parc aux habitants qui peuvent ainsi échanger et chanter ce qu'il fait lui-même avec la chorale locale.
Le titre secondaire est "les sept hasards", l'occasion de confronter la parole de l'homme politique, de la romancière, des journalistes, des enfants aux aléas de la vie. Rohmer applique à la politique sa morale ironique habituellement déployée dans le domaine amoureux : chacun se leurre avec ses discours surtout quand il agit en fonction d'intérêts à courte vue mais, pour qui ne perd pas confiance, le hasard permet parfois de faire aboutir de grands projets.
De la médiathèque au parc festif.
Julien Dechaumes et Blandine Lenoir sont animés d'un vrai projet sérieux et altruiste, construire une médiathèque pour l'un, rédiger un article sur la nouvelle classe politique pour l'autre. L'un et l'autre seront pris à revers : l'un par un fonctionnaire de l'équipement et l'autre par son rédacteur en chef. Pourtant l'un et l'autre trouveront un bien meilleur point de chute à l'issu du film. Julien ayant écouté le plaidoyer de la jeune Zoé pour des espaces verts à la campagne ouvre le parc de son château à ses concitoyens. Ils trouvent là l'espace de convivialité auquel, les interviews de Blandine en témoignaient, ils aspiraient. Quand à celle-ci, dégoutée de la mesquinerie de son rédacteur en chef, elle a démissionné pour un poste à L'UNESCO.
La médiathèque de Julien semble dès l'abord condamnée par Rohmer qui ouvre le film sur le magnifique plan de village vu depuis le non moins magnifique arbre. Les critiques émises par Bérénice Beaurivage, Marc Rossignol et Blandine Lenoir sont aussi justifiées.
Bérénice trouve le projet énorme et craint qu'il ne cache tout le village. Plaquer des pierres artificiellement lui semble aussi un manque d'idée.
Pour l'instituteur, la politique du maire est celle du ministre de la culture et du président lui-même : créer de l'animation dans les campagnes. Pour les gens de la ville, la campagne est inanimée. Le but est d'urbanisation du village ainsi bientôt aggloméré à Luçon, elle-même agglomérée à Nantes et à Paris. Les politiques vont déresponsabiliser les campagnes avec des habitants s'habituant à ce que tout vienne de là-haut. A Blandine qui réplique que la désertification de la campagne est en marche, il répond qu'on ne peut rien prévoir. Qui avait prévu l'effet dévastateur de l'abus d'engrais, les conséquences de la destruction des haies et qui sait si le tiers-monde continuera à vendre ses matières premières à bas prix ? Le but du commerce est de vendre des poires de la nouvelle Zélande pour faire marcher les transports entrainant une folie de déplacement des hommes. Trop de routes et pas assez de proximité : Julien comme de nombreux maire du village n'est propriétaire que d'une résidence secondaire là où il se présente
Blandine demande à Julien si l'argent ne serait pas mieux employé que dans un projet culturel pour quelques centaines d'habitants. Julien réplique qu'il n'a obtenu une subvention du ministre de la culture d'un montant exceptionnel argent que pour un programme culturel cohérent. Mais les intentions politiciennes ne sont pas loin : alors qu'au nord du département la droite brandit l'étendard de la culture traditionnelle vendéenne monarchiste, le gouvernement est intéressé par une réplique du sud républicain pour une tradition plus vivante. Julien se félicite néanmoins que Etat et département n'ai laissé à la charge de la commune que le terrain. Il espère le soutient de Génération écologie et mettre fin à l'opposition droite-gauche devenue brouillée et promouvoir les valeurs du civisme de la tolérance et de la démocratie imprudemment abandonnées aux libéraux.
Un contexte politique précis
Le chapitre premier du film montre des affiches de l'élection régionale de 1992 qui a lieu le 22 mars 1992, le même jour que le premier tour des élections cantonales. Les résultats consacrent l'échec patent des socialistes, alors au pouvoir. Après cette défaite électorale, le président de la République, François Mitterrand réélu en 1988, nomme un nouveau Premier ministre, Pierre Bérégovoy, qui forme son gouvernement 12 avril 1992. Entre temps, le 29 mars, à lieu le second tour le l'élection cantonale, qui voit Julien se présenter... et perdre.
Julien, dans ce contexte n'avait en effet aucune chance de remporter l'élection cantonale sur une terre de droite et d'accéder ainsi à une fonction importante au conseil général du département. Il se leurre sans doute en espérant pouvoir renverser la situation lors des élections legislatives. La circonscription qui englobe son canton a beau être de gauche, c'est une défaite historique qui attend celle-ci aux législatives de 1993 entrainant une seconde cohabitation avec Édouard Balladur comme premier ministre.
Jean-Luc Lacuve le 20/11/2013
Editeurs : Potemkine et Agnès B. Novembre 2013. 30 DVD et leur déclinaison blu-ray pour les 22 films restaurés HD. 200 €. |
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DVD19, L'arbre, le maire et la médiathèque. Suppléments : L'amour symphonique, clip d'Arielle Dombasle (5'), Bois ton café, clip de Rosette + version de travail en super 8 (7') réalisés par Eric Rohmer. Entretien avec Arielle Dombasle et Pascal Gregory (12' et 17'). |