Générique : nuit d'émeutes opposant de jeunes voyous à la police, dans la cité des Muguets à Chanteloup-les-Vignes, en région parisienne. Ces émeutes sont consécutives à la tentative d'assassinat commise par un inspecteur du commissariat qui a provoqué la mise en coma d'un jeune résident de la cité, Abdel Ichana, lors d'une garde à vue. Pendant les émeutes, un policier perd son revolver.
10:38. Saïd observe les cars de CRS et tague "Saïd baise la police" sur l'un des camions. Il vient chercher Vinz, qui dort encore après avoir participé à la nuit d’émeutes, dans sa famille. Les deux amis viennent retrouver Hubert dans la salle de boxe de la cité, détruite dans la nuit, une voiture ayant enfoncé la porte. Ils rejoignent le haut d’un immeuble en terrasse où des adolescents du quartier font griller des merguez. Ils sont bientôt délogés par la police après que Nordine, le frère aîné de Saïd, ait menacé de ne pas bouger puis accepté de négocier avec Samir, un inspecteur du quartier qui le connaît bien. Vinz, Saïd et Hubert se retrouvent dans une aire de jeu désertée.
12:43. Une journaliste de la télévision, bien protégée dans sa voiture essaie de les interviewer : « On n'est pas à Thoiry ici" crient les jeunes gens en colère. Hubert explique à Vinz que Thoiry est un zoo qu’on visite en voiture. Un ami receleur, Darty, a vu sa voiture brulée. Dans une nouvelle aire de jeu désertée, un gamin raconte à Vinz une histoire de caméra cachée, pesant sur une célébrité qui croyait toujours être piégée.
14:12. Les frères d’Abdel passent en voiture avec un fusil à pompe. Vinz révèle qu’il a une arme et la montre. Hubert lui en fait le reproche. Vinz après avoir hésité à la cacher dans une planque, la prend sur lui sans rien dire à ses amis.
15:47. La santé d'Abdel inquiète les trois amis. Ils tentent de le voir à L'hôpital. Ils sont refoulés par la police. Saïd est embarqué au poste, bientôt suivi par ses deux amis et Samir qui fait rapidement sortir Saïd de prison et leur donne des conseils d'apaisement. Hubert en colère contre Vinz qui leur a caché porter l'arme du policier, rentre chez lui. Il y retrouve sa sœur en 5e et une mère aimante qui s'inquiète pour un autre de ses fils en prison... qui tente désespérément de passer le bac. Hubert prépare les doses de shit dont il fait commerce et fume un pétard en voyant rentrer ses potes. Un voisin semple du rap mâtiné d’Edith Piaf, fenêtre ouverte sur la cité. Vinz tente de coiffer Saïd et promet de tuer un flic si Abdel meurt à l’hôpital.
17:04 Saïd est en colère contre Vinz qui a fait des trous dans sa chevelure. Hubert dans le hall de la gare observe des jeunes qui pratiquent du Hip hop. Soudain des cris retentissent. Les frères d’Abdel tirent sur la voiture de police de Samir et Notre Dame avec leur fusil à pompe. La police arrive en force. Les trois amis sont pourchassés et, face à un CRS qui leur bloque le passage, Vinz sort son arme. Hubert déséquilibre le policier pour éviter le pire. Les trois amis, silencieux, prennent le RER et arrivent à Paris.
18:22. Dans les toilettes d’un bar, Saïd essaie de réconcilier Vinz et Hubert. La haine attire la haine. Les pérégrinations du trio les mènent à Paris, d'abord dans un bar où ils rencontrent un vieil homme, juif polonais, qui leur raconte comment un ami qui avait eu besoin de chier dans un train les conduisant en Sibérie durant la guerre était mort de froid pour n’avoir pas pu remonter son pantalon à temps alors que le train redémarrait. Dans le métro, une femme et un homme font la manche et s'attirent les railleries de Saïd. Ils arrivent devant l'immeuble où Saïd doit récupérer son argent, chez Astérix. Vêtu d’un simple pagne, défoncé à la cocaïne celui-ci vit dans un appartement luxueux et fait du nunchaku. Vinz pour l’impressionner sort son arme. Astérix le provoque en introduisant une cartouche et lui imposant la roulette russe avec une seconde balle dans le chargeur. Vinz refuse et une bagarre s'en suit avant qu'Astérix ne révèle qu'il y n’avait aucune balle dans l’arme. Les trois amis s’enfuient mais sont arrêtés à la sortie par une voiture de police, vraisemblablement prévenue par la concierge. Vinz parvient à s’échapper pendant que ses amis sont amenés au poste. Vinz entre par la sortie de secours dans un cinéma qui projette Le retour de l'inspecteur Harry (1983) et Massacre à la tronçonneuse (1974).
20:17. Hubert et Saïd sont tabassés et humiliés par deux policiers sous prétexte de montrer à leur jeune collègue comment pratiquer la torture sans déraper.
22:08. Vinz retrouve ses amis de la cité dans une salle de boxe et prend la voiture avec eux pour se rendre dans une boite de nuit. L’entrée leur étant refusée, l’un des jeunes tire au travers de la porte sur le vigile qui s'écroule. Vinz s’enfuit.
00:33 A la gare Saint-Lazare, Hubert et Saïd ratent le dernier train pour la cité. Vinz les attendait et les retrouve. Les trois amis entrent dans une galerie d’art contemporain où a lieu un vernissage. Ils mangent et boivent sans vergogne et draguent grossièrement de jolies filles. Ils sont priés de partir. Hubert a volé une carte bleue et ils tentent vainement de rentrer en taxi avec cette carte volée. Ils volent une voiture mais ne savent pas conduire. Ils sont sauvés de la police par un ivrogne désespéré d'avoir été quitté par sa femme.
02 :57. Devant le panorama de la tour Eiffel éclairée. Hubert raconte l’histoire d’un homme qui saute du 50e étage et qui dit : "Jusqu'ici tout va bien ; jusqu'ici tout va bien. Ce qui compte ce n’est pas la chute c'est l'atterrissage". Vinz joue à faire éteindre la tour Eiffel d’un claquement de doigt… ce qu'elle fait quand ils viennent juste de partir. Saïd remplace le "V" par un "N" sur l'affiche dont le slogan devient "Le monde est à Nous". Dans un hall commercial ouvert la nuit, un écran diffuse des nouvelles ; sur la guerre en Bosnie puis annonce la mort d’Abdel Ichana. Saïd et Hubert s'aperçoivent avec effroi que Vinz est parti.
04:27. Vinz tire sur deux policiers verbalisateurs dans la rue. Ce n’était que la vision du crime projeté. Néanmoins effrayés par son attitude et son envie de tuer, ses amis le quittent. Saïd et Hubert sont alors pris à partie par des skins et sauvés par Vinz avec son arme. Hubert l'incite à tuer le skin pour enfin venger Abdel. Vinz craque sous la tension puis va vomir. En son absence, Saïd enjoint au skinhead de s'enfuir. Les trois amis rentrent en train.
06:00. De retour dans leur cité, ils se disent au revoir et Vinz cède son arme à Hubert qui s’éloigne. Saïd et Vinz sont alors pris à partie par deux policiers, agressifs sans motif clair. L'un d'entre eux, Notre Dame, essaie d'intimider Vinz avec son arme et le tue involontairement d'une balle dans la tête.
06:01 Hubert, qui s’était rapproché, et le policier se tiennent en joue mutuellement. Off, le son d'un coup de feu hors-champ sur un gros plan de Saïd qui ferme les yeux ; qui des deux hommes, Hubert ou le policier, a tiré ? Off : "C’est l'histoire d'une société qui tombe et qui dit pour se rassurer : Jusqu'ici tout va bien ; jusqu'ici tout va bien. Ce qui compte ce n’est pas la chute c'est l'atterrissage"
Mathieu Kassovitz commence l'écriture du scénario en s'inspirant de l'affaire Makomé M'Bowolé Zaïrois de 17 ans tué d'une balle dans la tête par un policier lors de sa garde à vue dans le 18e arrondissement de Paris en 1993.
Le film est réalisé en grande partie dans les cités des Muguets et de la Noé à Chanteloup-les-Vignes, de septembre à novembre 1994. La cité est choisie pour son calme relatif, Kassovitz refusant une cité "infernale, avec de la came, où tu ne peux pas filmer, parce que des mecs te tirent dessus". Ses infrastructures sont elles aussi en meilleur état que beaucoup d'autres cités dans lesquelles le film aurait pu être tourné. Le casting est parfait pour interpréter Vinz, jeune blanc et juif, au tempérament agressif, qui souhaite venger Abdel ; Hubert, jeune homme noir pacifiste qui ne pense qu'à quitter la cité pour une vie meilleure et se refuse à provoquer la police, et Saïd, jeune d'origine nord-africaine et musulman, qui tient un rôle de médiateur entre Vinz et Hubert.
L'objectif du noir et blanc est d'avoir un rendu plus distancié, qui évoque les images d'actualité de période de guerre. Kassovitz filmant "ce qu'on voit tout le temps à la télévision", il souhaite le rendre exceptionnel au cinéma, différent de ce que les yeux voient. Et en effet l'esthétisation de la réalité est constante : utilisation alors novatrice du drone pour filmer la cité en plongée; plans longs et virtuoses; entrées dans le champs brunes, gros plans ou personnages petits dans champ élargi, parfois réunis dans un split screen jouant avec des portes (celles des toilettes du bar, à l'entrée de la boîte de nuit); vues au travers des grilles ; rêve de violences. L'utilisation du revolver enfin, un Smith & Wesson 44 Magnum,est un leitmotiv : Vinz le garde en permanence dans sa poche de pantalon, le dégainant à tout-va, s'attirant constamment les remontrances d'Hubert.
Une horloge numérique s'affiche régulièrement : le film couvre une période d'un peu moins de 24 heures, et l'horloge fonctionne un peu comme un marqueur de temps inexorable vers la fin tragique exprimée par la voix off finale. "C’est l'histoire d'une société qui tombe et qui dit pour se rassurer : Jusqu'ici tout va bien ; jusqu'ici tout va bien. Ce qui compte ce n’est pas la chute c'est l'atterrissage"
Le choix du noir et blanc est également un hommage à Raging Bull et Nola Darling n'en fait qu'à sa tête, (Spike Lee, 1986), deux films que Kassovitz aime particulièrement. Vinz imite le personnage de Robert De Niro dans le film Taxi Driver de Martin Scorsese (« you talkin' to me? ») devant son miroir, et Saïd appelle régulièrement Hubert « cousin Hub », réplique des Visiteurs. Enfin, lorsque Vinz, Saïd et Hubert sont dans Paris, ils passent devant une affiche publicitaire qui a pour slogan Le monde est à vous, une référence à la devise de Tony Montana dans Scarface, The World Is Yours. L'histoire de l'homme qui tombe de l'immeuble et se dit « jusqu'ici tout va bien » est plus ou moins reprise du film Les sept mercenaires (John Sturges, 1960) où le personnage de Steve McQueen raconte l'histoire de l'homme tombant se disant "so far, so good" (jusqu'ici, tout va bien).