(1903-1963)
54 films
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histoire du cinéma : néoréalisme
1 - Biographie

Né le 12 décembre 1903 à Tokyo dans le quartier de Furukawa, Yasujirô Ozu part vivre très jeune à Matsuzaka près de Nagoya avec ses parents tous deux commerçants. C'est à 10 ans qu'il se prend de passion pour le Cinéma après la vision de Civilisation signé Thomas Ince. Dès lors, il se rend fréquemment à Nagoya pour y voir des films importés d'Occident, et découvre des cinéastes tels que Chaplin, Murnau ou Lubitsch. Dans une interview, Ozu a déclaré que son réalisateur préféré était Ernst Lubitsch, et son film préféré L'homme que j'ai tué. Les allusions à la culture française sont aussi nombreuses dans ses films : Jean Marais et Gérard Philippe cités dans Le goût du riz au thé vert et Printemps précoce comme modèles de la beauté, reproduction de Picasso dans Eté précoce, affiche de Marianne de ma jeunesse dans Printemps précoce.

C'est en 1923, après avoir raté son concours pour l'Ecole Supérieure de commerce de Kobe, qu'il entre à la Shochikû ("Cie du Pin et du Bambou"). Il devient assistant caméraman, puis rapidement assistant réalisateur. Son premier film date de 1927 et s'intitule Le sabre de pénitence ; c'est un film historique inspiré par Kick In de George Fitzmaurice (1916). Ce film marque également la première collaboration de Ozu avec Kôgo Noda, qui deviendra son scénariste attitré. Appelé sous les drapeaux, il ne termine pas le film.

De retour à la vie civile en 1928, il se consacre alors à des drames contemporains, gardant le plus souvent la même équipe technique et les mêmes acteurs. Les influences occidentales et le modèle américain sont très présents dans ses films d'avant-guerre. Il s'essaye au film noir, au film de gangsters ainsi qu'aux comédies de mœurs comme par exemple avec J'ai été diplomé, mais... et La vie d'un employé de bureau en 1929.

Au fil des années, son style s'affine et devient de plus en plus nippon dans l'âme. S'investissant dans des films très populaires au Japon, les shomin-geki, qui content la vie des petits gens, sa manière de filmer et de conduire la narration s'éloigne peu à peu des pratiques occidentales (caméra basse à la hauteur d'un homme assis, décors traditionnels - tatamis, portes coulissantes -, refus des mouvements d'appareils, des fondus, faux raccords). On retrouve ces caractéristiques dans Gosses de Tokyo (1932) par exemple, filmé à hauteur d'enfant.

Les 34 films muets, de 1927 à 1936, sont ainsi majoritairement des films sociaux avec une forte présence des enfants mais où l'on trouve aussi films noirs et de gangsters. Ils ont pour thème la pauvreté, la misère et mettent en œuvre des conflits, des histoires sinon de véritables drames. Misère et "histoire" disparaissent en général, des films de l'après-guerre, qui se passent sauf exception, non plus chez les pauvres mais dans les classes moyennes. Lentement, imperceptiblement avec l'apparition tardive de la musique et de la parole, le style d'Ozu se transforme, les conflits s'amenuisent, le cinéma d'action se métamorphose en un cinéma d'état jusqu'a devenir dans les grands films, la vision, l'écoute de l'impermanence.

Ozu résiste au parlant jusqu'en 1936, date du Fils unique, alors que le premier film parlant nippon est tourné en 1931. L'histoire d'Otsune, ouvrière qui donne tout pour que son fils unique puisse profiter d’une bonne éducation à Tokyo et qui treize ans plus tard lui rend visite croyant qu’il a réussi dans la vie est pourtant le premier de ses chefs-d'oeuvre et une préfiguration de Voyage à Tokyo. Ozu enchaine avec La danse du lion (1936), film de commande à visée culturelle, puis Qu'est-ce que la dame a oublié ? (1937).

A l'automne 1937, alors qu'il a 34 ans, Ozu est mobilisé et se rend sur les fronts de Shanghai, Nankin et Hankou. Cinéaste pourtant déjà célèbre, il est libéré de ses obligations militaires à l'été 1939, profondément marqué par le contraste entre la cruauté de la guerre et la splendeur de la nature. Il tourne Les frères et sœurs Toda (1941), qui connaît un grand succès public et Il était un père (1942). Ozu est de nouveau mobilisé en 1943, non plus comme soldat mais comme cinéaste. Il est envoyé à Singapour, occupé par les Japonais, pour réaliser un film de propagande sur l'indépendance de l'Inde qu'il ne tournera jamais. Une fois la défaite certaine, Ozu reste oisivement à Singapour et visionne les films américains confisqués par l'armée japonaise (Les hauts de Hurlevent, qu'elle était verte ma vallée, Rebecca, Autant en emporte le vent, Fantasia, Citizen Kane), jusqu'en aout 45 avant d'être fait prisonnier au printemps 1946. Il revient au pays en 1947 et réalise immédiatement Récit d'un propriétaire, puis Une femme dans le vent l'année suivante.

Printemps tardif en 1949 est à l'origine de sa réputation internationale jusqu'à nos jours. De 1949 à 1963, entouré presque toujours par la même équipe technique et artistique, il réalise treize films qui sont autant de démonstrations réussies d'une harmonie parfaite entre un propos humaniste et une mise en scène parfaitement nuancée. La nécessaire et douloureuse séparation des enfants et des parents est ainsi le thème majeur de Printemps tardif (1949), Eté précoce (1951), Voyage à Tokyo (1953), Fleurs d'équinoxe (1958), Fin d'automne (1960), Dernier caprice (1961) Le goût du sake (1962). La thématique du couple domine dans Les soeurs Munakata (1950), Le goût du riz au thé vert (1952) et Printemps précoce (1956), Herbes flottantes (1959) et la transmission est au centre Bonjour (1959).

Yasujiro Ozu, Yûharu Atsuta sur le plateau de Printemps tardif (1949)

C'est en 1958 qu'Ozu cède à la couleur, sept ans après la première tentative nippone, sans jamais céder pour autant à la tentation de l'écran large alors que le cinémascope est adopté au Japon dès 1956. Fleur d'équinoxe expose quatre attitudes face au mariage, de la plus progressiste à la plus aveugle : Toshihiko Kawai qui, au début du film, laisse sa fille se marier selon son désir ; Wataru Hirayama, le personnage principal, qui finit par rendre les armes après avoir refusé puis accepté du bout des lèvres le mariage de sa fille ; Shukichi Mikami qui ne s'est réconcilié qu'à moitié avec sa fille, partie vivre avec un musicien ; Hatsu Sasaki qui fait semblant de vouloir marier sa fille pour mieux la garder auprès d'elle. Bonjour est un remake de Gosses de Tokyo , Herbes flottantes (1959), un remake de Histoires d'herbes flottantes et Fin d'automne un remake de Printemps tardif. Dernier caprice en 1961 et Le goût du saké en 1962 concluent sa filmographie.

Yasujirô Ozu meurt le 12 décembre 1963, le jour de ses 60 ans, quelques mois après la sortie de son dernier film Le goût du saké. Cinéaste de la famille, Ozu ne se maria jamais. Il habitait à Kita-Kamakura avec avec sa mère dans une modeste habitation. Ozu s'est en revanche entouré d'une troupe d'acteurs que l'on retrouve de film en film : Setsuko Hara (1920-2015), Chishû Ryû (1904-1993), Shin Saburi (1909–1982), Nobuo Nakamura (1908–1991).

 

2 - Réception critique et analyse

En 1950, la représentante D'Italia Film à Tokyo remarque Rashomon d'Akira Kurosawa et le recommande à la Mostra de Venise. Il reçoit le Lion d'or en 1951 puis l'Oscar du meilleur film étranger. C'est l'acte de naissance du cinéma japonais pour les occidentaux.

Malheureusement et malgré certaines tentatives pour sortir Ozu de l'ombre, entre autres celle de Donald Richie qui l'introduit au festival de Berlin en 1963, le cinéaste ne prendra pas la route de l'Occident comme Kurosawa ou Mizoguchi. Le motif est sans appel : le caractère considéré comme fondamentalement japonais d'Ozu, « ses images immobiles » (D. Richie) resteraient imperméables à un public occidental. En un mot Ozu est trop japonais !

Alors que de plus en plus de « visas » sont accordés à des films japonais pour des festivals, Kurosawa, Mizoguchi débarquent dans les salles d'Occident. Dans leur sillage, toutes sortes de films. Leurs points communs : kimonos, samouraï, geishas et grandes épopées historiques... A côté, le cinéma d'Ozu aurait peine à trouver sa place, lui qui ne peint que ses contemporains, dans un resserrement du quotidien, bien loin de l'exotisme dont raffolent les occidentaux...

Pourtant, en 1963 et 1972, sous l'influence d'Henri Langlois, la Cinémathèque française projette certains de ses films. Mais la critique française reste presque muette sur le cinéaste, un nombre infime d'articles lui sont consacrés et seuls quelques cinéphiles connaissent ses films.

En 1972, Paul Schrader publie Transcendantal style in film : Ozu, Bresson, Dreyer où  il démontre que des réalisateurs issus de cultures très différentes peuvent utiliser des procédés similaires afin d'exprimer le sacré dans leurs oeuvres.

En 1977, Donald Richie publie la première monographie : Ozu : His Life and Films. Selon lui, "Ozu est un porte-parole, marqué du véritable « goût » japonais. Parler ici de « goût japonais » est pertinent : le Japon reste conscient au plus haut degré de sa propre identité. La civilisation moderne n'est qu'une laque apposée sur une culture asiatique forte d'une tradition de plus de 2000 ans". Le ton est donné : Ozu sera vu et étudié comme "le plus japonais des cinéastes". Une vision culturaliste partagée par de nombreux exégètes qui liront son œuvre. Richie se préoccupe des nombreux exemples de mono no aware (expression designant la complexité d’une émotion éprouvée dans une situation poètique ou psychologique), l'un des principes pivot du zen, dans les films d'Ozu. Il s'agit d'une façon très japonaise d'accepter un monde en transition dans lequel l'existence n'est qu'un passage, d'être dans le présent avec ce qui est, et ce qui n'est pas, de recevoir avec plaisir la permanence dans l'impermanence. Autrement dit, d'éprouver une certaine tristesse sereine. Donald Richie convoque un concept zen pour définir l'esthétique typiquement japonaise d'Ozu : wabi. Wabi affirme que plus le réceptacle est ordinaire ou pauvre, plus l'effet produit est puissant, ainsi le chrysanthème dans un simple vase de terre ou le lilas dans une grossière bouteille de saké. Ainsi en serait-il des films d'Ozu : l'intrigue minimaliste, la retenue de la structure narrative, mais surtout une forme perçue comme ascétique conféreraient force et beauté à l'ensemble.

En 1978 c'est  la sortie commerciale à Paris de Voyage à Tokyo, vingt-cinq ans après son tournage, quinze ans après la mort de son auteur (1963). C'est ce film qui fait d'Ozu l'un des cinéastes nippons les plus appréciés de l'Hexagone au même titre que ses deux illustres prédécesseurs, Akira Kurosawa et Kenji Mizoguchi. La même année Paris Film distribue Le goût du Saké (1962), Fin d'automne (1960) et Dernier Caprice (1961) puis, l'année suivante, Gosses de Tokyo (1932). Jusque dans les années quatre-vingt en France, seuls ces cinq films circuleront et feront référence.

Dans les rares films en circulation jusque dans les années quatre-vingt, Ozu semble avoir simplifié sa technique et opté pour une utilisation limitée de la grammaire cinématographique. La caméra est fixe, l'objectif utilisé est invariablement un 50mm, le cadrage est presque systématiquement frontal, la composition est picturale, Ozu pratique un montage cut et insère des plans sans personnage (ciels nuageux, rues, paysages, mais aussi objets du quotidien, intérieurs de maisons...). Les discours autours du cinéaste se définissent alors fréquemment par la référence au manque : manque de mouvements, manque de variété dans le choix des angles de prise de vue, manque de variété dans les raccords etc... Les films d'Ozu apparaissent à beaucoup comme un cheminement vers l'épure et le dépouillement. Du coup, son œuvre est perçue comme un mouvement progressif d'élagage, comme si c'était là le but ultime de l'artiste. Tout ceci n'enlève rien à l'admiration qu'il suscite, bien au contraire, mais comme le relèvent de nombreux auteurs c'est une vision partielle de son travail de création.

En 1983, un ouvrage bouscule les diverses théories autour du cinéaste. L'auteur est japonais, il se nomme Shiguéhiko Hasumi, et selon lui Ozu est... le moins japonais des cinéastes ! Il souligne les traits qui placent le cinéaste à l'extrême opposé ce qu'on peut appeler l'esthétique typiquement japonaise : "son image, à la fois subtile et audacieuse, ne s'imprègne jamais du lyrisme de la rhétorique traditionnellement japonaise". Il dénonce les théories du manque et de la soustraction. "Définir Ozu en enchaînant les discours négatifs, l'absence et le manque, revient à déposséder ses films de leur vie éclatante d'images en mouvements. Si nous sommes touchés, c'est par des « signes » productifs qui vivent le présent, c'est-à-dire par la présence affirmative des signes, qui ne pourraient nullement être circonscrits par le manque. Certes, Ozu a exclu quelques procédés cinématographiques, mais ce ne sont pas ses manques qui nous émeuvent, ni ce qui est resté après élagage". Si Ozu supprime progressivement certains mouvements de caméra parmi les plus évidents, c'est pour inventer son propre système, pour créer les signes d'un nouvel univers visuel et cognitif.

En 1985 parait l'oeuvre majeure de Gilles Deleuze, L'image temps qui analyse complètement le système de signes à l'oeuvre chez Ozu et le rapproche, paradoxalement, du courant européen moderne du néo-réalisme.

Yasujiro Ozu, cinéaste néo-réaliste ?

Pour Gilles Deleuze, Ozu construit dans un contexte japonais une œuvre qui réussit à rendre visibles et sonores le temps et la pensée. Pour lui, les Européens ne l'imitèrent pas en créant le néoréalisme, mais le rejoignirent par leurs propres moyens. Ainsi, en dépassant le cadre historique du néoréalisme italien, est-il possible de rattacher Ozu au mouvement néoréaliste entendu comme s'attachant à rendre des situations optiques et sonores pures. C'est l'opsigne qui rend sensible le temps et la pensée qui les rend visibles et sonores. Dans la banalité quotidienne, l'image-action tend à disparaitre au profit de situations optiques pures, qui découvrent des liaisons d'un nouveau type, qui ne sont plus sensori-motrices mais qui mettent les sens affranchis dans un rapport direct avec le temps, avec la pensée.

Mutation et travail du temps

Chez Ozu, tout est ordinaire ou banal, même la mort ou les morts qui font l'objet d'un oubli naturel. Les célèbres scènes de larmes soudaines (celle du père de Fleurs d'équinoxe qui se met à pleurer silencieusement après le mariage de sa fille, celle de la fille de Printemps tardif qui sourit à demi en regardant son père endormi, puis se retrouve au bord des larmes, celle de la fille de Dernier caprice qui fait une remarque aigre sur la mort de son père, puis éclate en sanglots) ne marquent pas un temps fort qui s'opposerait aux temps faibles de la vie courante, et il n'y a aucune raisons d'invoquer comme le fait Paul Schrader l'émergence d'une émotion refoulée comme action décisive.

Pour Ozu, la vie est simple et l'homme ne cesse de la compliquer en "agitant l'eau dormante" (ainsi des trois compères de Fin d'automne). Et si, après guerre, l'œuvre d'Ozu ne tombe nullement dans le déclin qu'on a parfois annoncé, c'est parce que l'après-guerre vient confirmer cette pensée, mais en la renouvelant, en renforçant et débordant le thème des générations opposées : l'ordinaire américain vient percuter l'ordinaire du Japon, heurt de deux quotidiennetés qui s'exprime jusque dans la couleur lorsque le rouge Coca-Cola ou le jaune plastique font brutalement irruption dans la série des teintes délavées, inaccentuées de la vie japonaise. Et, comme dit un personnage du Goût du saké : si ç'avait été l'inverse, si le saké, le samisen et les perruques de geisha s'étaient soudain introduis dans la banalité quotidienne des Américains… ?

La nature n'intervient pas, comme le croit Paul Schrader, dans un moment décisif ou dans une rupture manifeste avec l'homme quotidien. La splendeur de la nature, d'une montagne enneigée, ne nous dit qu'une chose : tout est ordinaire et régulier, tout est quotidien. La nature se contente de renouer ce que l'homme a rompu, elle redresse ce que l'homme voit brisé. Et, quand un personnage sort un instant d'un conflit familial ou d'une veillée mortuaire pour contempler la montagne enneigée, c'est comme s'il cherchait à redresser l'ordre des séries troublé dans la maison, mais restitué par une nature immuable et régulière, telle une équation qui nous donne la raison des apparentes ruptures "des tours et retours, des hauts et des bas", suivant la formule de Leibnitz.

Images directes du temps : espace vide ou nature morte

La vie quotidienne ne laisse subsister que des liaisons sensori-motrices faibles, et remplace l'image-action par des images optiques et sonores pures, opsignes et sonsignes. Chez Ozu, il n'y a pas de ligne d'univers qui relie des moments décisifs, et les morts au vivants, comme chez Mizoguchi ; il n'y a pas non plus d'espace-souffle ou d'englobant qui recèle une question profonde, comme chez Kurosawa.

Les opsignes de Ozu sont de deux natures. Ils sont, soit espace ou paysage vides, soit nature morte. Il y a certes beaucoup de ressemblances, de fonctions communes et de passages insensibles. Il arrive que l'on hésite entre les deux, tant les fonctions peuvent empiéter et les transitions se faire subtiles. La distinction n'en et pas moins celle du vide ou du plein, qui joue de toutes les nuances ou rapports entre la pensée chinoise et japonaises comme deux aspects de la contemplation. Si les espaces vides, intérieurs ou extérieurs constituent des situations purement optiques (et sonores), les natures mortes en sont l'envers, le corrélat. Mais ce n'est pas la même chose, une nature morte ne se confond pas avec un paysage.

Les espaces vides, sans personnages et sans mouvements, ce sont des intérieurs vidés de leurs occupants, des extérieurs déserts ou paysages de la nature. Ils prennent chez Ozu une autonomie, même dans le néo-réalisme qui leur maintient une valeur apparente relative (par rapport à un récit) ou résultante (une fois l'action éteinte). Vidés de contenu dramatique, ils atteignent à l'absolu, comme contemplations pures, et assurent immédiatement l'identité du mental et physique, du réel et de l'imaginaire, du sujet et de l'objet, du monde et du moi.

Espaces vides; extérieur et intérieur de Printemps tardif (1949)
contemplation d'une permanence des choses et de la nature qui echappe au temps humain

Les espaces vides d'Ozu sont élevés à l'état d'espaces quelconques, soit par déconnexion, soit par vacuité comme chez Antonioni. Les faux-raccords de regard, de direction et même de positions d'objets sont constants, systématiques. Un cas de mouvement d'appareil donne un bon exemple de déconnexion : dans Eté Précoce, l'héroïne avance sur la pointe des pieds pour surprendre quelqu'un dans un restaurant, la caméra reculant pour la garder au centre du cadre ; puis la caméra avance sur un couloir, mais ce couloir n'est plus celui du restaurant, c'est celui de l'héroïne déjà revenue chez elle.

Les deux plans successifs de Eté précoce (voir : faux raccord)

La nature morte se définit par la présence et la composition d'objets qui s'enveloppent en eux-mêmes ou deviennent leur propre contenant : ainsi le long plan du vase presque à la fin de Printemps tardif. De tels objets ne s'enveloppent pas nécessairement dans le vide, mais peuvent laisser des personnes vivre et parler dans un certain flou, comme la nature morte au vase et aux fruits de La dame de Tokyo ou celle aux fruits et aux clubs de golf dans Qu'est-ce que la dame a oublié ? C'est, comme chez Cézanne, les paysages vides ou troués n'ont pas les mêmes principes de composition que les natures mortes pleines. ll arrive que l'on hésite entre les deux, tant les fonctions peuvent empiéter et les transitions se faire subtiles. La distinction n'en est pas moins celle du vide ou du plein, qui joue de toutes les nuances ou rapports entre la pensée chinoise et japonaises comme deux aspects de la contemplation. Si les espaces vides, intérieurs ou extérieurs constituent des situations purement optiques (et sonores) les natures mortes en sont l'envers, le corrélat.

Le vase de Printemps tardif s'intercale entre le demi-sourire de la fille et ses larmes naissantes. Il y a devenir, changement, passage. Mais la forme de ce qui change, elle, ne change pas, ne passe pas. C'est le temps en personne, "un peu de temps à l'état pur " : une image-temps directe, qui donne à ce qui change la forme immuable dans laquelle se produit le changement. La nuit qui se change en jour, ou l'inverse, renvoient à une nature morte sur laquelle la lumière tombe en faiblissant ou en croissant (La femme dans la nuit, Cœur capricieux). La nature morte est le temps, car tout ce qui change est dans le temps, mais le temps ne change pas lui-même. Les natures mortes d'Ozu durent, ont une durée, les dix secondes du vase : cette durée du vase est précisément la représentation de ce qui demeure, à travers la succession des états changeants. Une bicyclette peut aussi durer, c'est à dire représenter la forme immuable de ce qui se meut, à condition de demeurer, de rester immobile, rangée contre le mur (Histoire d'herbes flottantes). La bicyclette, le vase, les natures mortes sont les images pures et directes du temps. Chacune est le temps, chaque fois, sous telles ou telles conditions de ce qui change dans le temps.

Natures mortes : Les bicyclettes, le vase de Printemps tardif (1949) (voir : fin)
Figuration du temps, immuable, alors que, entre le plan d'avant et celui d'après, quelque chose a changé

En 1994, Youssef Ishaghpour dans Les formes de l'impermanence : le style de Yasujirô Ozu , fait de Ozu le cinéaste de L'impermanence (Mu jô : rien constant) : le rien comme l'être du monde, qui désubstantialise tout et transforme toute chose en aspect fugace engendre le détachement, l'état de béatitude esthétique : la forme. Attentive à la beauté de ce qui est éphémère, cette connaissance de ce qui va parce qu'il va, cette conscience de la dernière fois, rencontre, chez Ozu, l'une des possibilités ultimes du cinéma : la réduction du monde à la vie ordinaire; la mise à distance de ce que l'on voit et son esthétisation par le détachement. Appliqué à la vie de famille, soumise, dans son essence même, au temps, cet esthétisme est bouleversant. C'est une attention aigue aux moments, aux aspects changeants de la nature, et une prédominance exclusive sur la vie, d'une attitude esthétique et formaliste.

Pour séduisante qu'elle soit, cette analyse reconduit celles de Donald Richie et Paul Schrader qui lient le cinéma de Ozu à sa religion. Or, on n'est bien en peine de trouver un plan de Ozu qui montre l'aspect changeant de la nature. On retiendra ainsi finalement la théorie de Deleuze comme quoi ces plans de nature, vidés de contenu dramatique, atteignent à l'absolu, comme contemplations pures, et assurent immédiatement l'identité du mental et physique, du réel et de l'imaginaire, du sujet et de l'objet, du monde et du moi.

Ozu au XXIe siècle

Ozu influence de nombreux cinéastes d'aujourd'hui de Wim Wenders à Aki Kaurismaki, Paul Schrader ou Hou Hsiao-hsien. Wim Wenders réalise Tokyo-Ga en 1985. Hou Hsiao-hsien, pour le centenaire de la naissance de Ozu, réalise le splendide Café lumière (2004).

De son côté, la chaîne Arte édite en DVD ses films en couleur les plus connus de Fleurs d'équinoxe au Goût du saké. Carlotta Films a acquis les droits de Il était un père (1942) en 2004 et ressort ce film en salle en juin 2005. Un premier coffret de DVD est édité en 2004 et le volume II en février 2007 avec Voyage à Tokyo..

En février-mars 2007, La maison de la culture du Japon à Paris projette les 37 films conservés de Yasujiro Ozu (sur 54) avec des copies appartenant à la Japan Foundation Film Library et Carlotta Films. Ces films sont : Jours de jeunesse (1929), Combats amicaux à la japonaise (1929), J’ai été diplômé, mais... (1929), Le galopin (1929), Femme d’une nuit (1930), Va d’un pas léger (1930), J’ai été recalé, mais... (1930), La femme et la barbe (1931), Chœur de Tôkyô (1931), Gosses de Tôkyô (1932), Où sont les rêves de jeunesse ? (1932), Cœur capricieux (1933), Femmes et voyous (1933), Une femme de Tôkyô (1933), L’amour d’une mère (1934), Histoire d’herbes flottantes (1934), Une auberge à Tôkyô (1935), Un fils unique (1936), La danse du lion (1936), La dame, qu’a-t-elle oublié ? (1937), Les frères et soeurs Toda (1941), Il était un père (1942), Récit d’un propriétaire (1947), Une poule dans le vent (1948), Printemps tardif (1949), Les sœurs Munekata (1950), Eté précoce (1951), Le goût du riz au thé vert (1952), Voyage à Tôkyô (1953), Printemps précoce (1956), Crépuscule à Tôkyô (1957), Fleur d’équinoxe (1958), Bonjour (1959), Herbes flottantes (1959), Fin d’automne (1960), Dernier caprice (1961), Le goût du saké (1962).

En juin 2013, Carlotta ressort en copies numérisées et restaurées Le fils unique, Voyage à Tokyo et Le goût du saké. En aout 2018, une rétrospective en dix films qui est organisée dans les cinémas d'art et essai.

 

3 - Bibliographie :
 
2003

Kiju Yoshida : Ozu ou l'anti-cinéma, Avril, 2004 / 13,0 x 24,0 / 272 pages Coédition ARTE, Institut Lumière. traduit du japonais (2003) Jean Andre VIALA.

le cinéaste Kiju Yoshida évoque la figure de Yasujirô Ozu dont il fut l’assistant. Issu comme lui des studios Shôchiku, il exalte la singularité et la poésie de l’œuvre d’Ozu, ses débuts dans le cinéma muet, sa technique (la légendaire caméra “au ras du sol”) et sa façon de faire de “l’anti-cinéma”

1996

Yasujirô Ozu : Carnets 1933-1963, Ed. Alive, Paris 1996. 800 pages

Les carnets que Ozu a tenu régulièrement entre 1933 et 1963. Son activité quotidienne y est consignée de façon lapidaire, parfois enrichie de haïkus.

1994

Youssef Ishaghpour : Les formes de l'impermanence : le style de Yasujirô Ozu, Yellow now en 1994, puis Ed. Verdier, Paris 2002.

  1994

David Bordwell, Ozu and the pœtics of cinema, Princeton, Princeton University Press, 1994.

1985

Gilles Deleuze : L'image-temps (Chapitre 1 : Au delà de l'image-mouvement p.23-28), 1985.

 

1983

Shiguéhiko Hasumi : Yasujirô Ozu, Ed. Cahiers du cinéma, collection Auteurs, Paris 1998.

   

Max Tessier : Images du cinéma japonais, Ed. Henri Veyrier, collection Cinéma, Paris 1981.

Introduction à Yasujirô Ozu : une documentation, coordonnée par Jean Pierre Brossard, Ed.Cinédiff, 1979.

Bergala, Alain, « L'Homme qui se lève », Cahiers du cinéma, n°311, 1980.

1977

Donald Richie : Ozu : His Life and Films, University of California Press, 1977 puis, en français : Ozu, Ed. Lettre du blanc, 1980.

1972

Paul Schrader : transcendantal style in film : Ozu, Bresson, Dreyer, University of California Press, Juillet 1972. (extraits dans cdC n°286)

Dans ce livre (qui fut au départ sa thèse de doctorat), Schrader démontre que des réalisateurs issus de cultures très différentes peuvent utiliser des procédés similaires afin d'exprimer le sacré dans leurs oeuvres. Ce livre est essentiel car il met en relation le cinéma avec l'art religieux d'une matière synthétique mais jamais superficielle. Par ailleurs, le livre apporte un éclairage intéressant sur les oeuvres postérieures de Schrader en tant que scénariste et réalisateur.

 

4- Filmographie :
 
1927 Le sabre de pénitence
  (Zange no yaiba). Film perdu à ce jour.
   
1928 Epouse perdue
  (Nyobo funshitsu). Film perdu à ce jour.
   
1928 La citrouille

 

(Kabocha). Film perdu à ce jour.
   
1928 Rêves de jeunesse
  (Wakodo no yume). Film perdu à ce jour.
   
1928 Un couple déménage

 

(Hikkoshi fufu) . Film perdu à ce jour.
   
1928 Un corps magnifique

 

(Nikutaibi). Film perdu à ce jour.

Un homme est mené par le bout du nez par sa femme artiste modèle. Quand les patrons de cette dernière flirtent avec elle et humilient le mari, il décide de se venger en essayant de sa propre main de peintre.

   
1929 La montagne au trésor

 

(Takara no yama). Film perdu à ce jour.

Un jeune homme tombe amoureux d'une des geishas de la maison où il habite. La romance ne trouve pas grâce auprès de son père ou sa petite amie...

   
1929 La vie d'un employé de bureau
 

(Kaishain seikatsu). Film perdu à ce jour.

Lorsque Sakamoto est licencié, il ne peut pas se résoudre à le dire à sa femme. Au lieu de cela, il étudie d'autres possibilités pour un travail..

   
1929 Jours de jeunesse
(Gakusei romance: Wakaki hi). Avec : Ichirô Yûki, Tatsuo Saitô, Junko Matsui, Chôko Iida, Chishû Ryû. 1h43.

Watanabe, étudiant à Tôkyô, met une annonce "chambre à louer" dans sa pension de famille pour trouver une fille jeune et belle parmi les visiteurs. C'est ainsi qu'il fait la rencontre de Chieko. Mais Yamamoto, camarade de Watanabe, va lui aussi en tomber amoureux.

   
1929 Combats amicaux à la japonaise
  (Wasei kenka tomodachi). Avec : Atsushi Watanabe, Hisao Yoshitani, Eiko Takamatsu, Ôuni Ichirô. 1h15.

Deux amis qui tirent le dable par la queue se battent pour avoir les faveurs d'une fille... qui partira avec un étudiant.

   
1929 J'ai été diplomé, mais...
  (Daigaku wa deta keredo). Avec : Minoru Takada (Tetsuo Nomoto), Kinuyo Tanaka (Machiko Nomoto). 0h12 sauvegardés.

Un diplômé d'université n'arrive pas à trouver un travail. lorsque sa mère et sa fiancée arrivent, il entend leur cacher la situation.

   
1929 Un garçon honnête
  (Tokkan kozo / Le galopin). Avec : Tatsuo Saitô, Tomio Aoki, Takeshi Sakamoto. 0h15.

Un petit garçon kidnappé va causer les pires ennuis à ses deux ravisseurs. Tournée en à peine trois jours, cette comédie loufoque est tirée d'une nouvelle d'O.Henry. Howard Hawks en fera un remake dans un film à sketchs O.Henry's Full House (La sarabande des pantins, 1952).

   
1930 Femme d'une nuit
  (Sono yo no tsuma) d'après From Nine to Nine de Oscar Schisgall. Avec : Tokihiko Okada, Emiko Yagumo, Mitsuko Ichimura, Tôgo Yamamoto. 1h05.

Un homme se résout à voler de l’argent pour payer les frais d'hospitalisation de son enfant.

   
1930 Introduction au mariage
  (Kekkongaku nyumon). Film perdu à ce jour.
   
1930 Va d'un pas léger
 

(Hogaraka ni ayume). Avec : Minoru Takada, Hiroko Kawasaki, Nobuko Matsuzono, Utako Suzuki. 1h36.

Un truand tombe amoureux d’une jeune dactylo et tente vaille que vaille de se ranger. L’influence américaine est particulièrement forte dans ce film d’Ozu qui était à l’époque le réalisateur japonais le plus sensible au cinéma occidental.

   
1930 J'ai été recalé, mais..
  (Rakudai wa shita keredo). Avec : Tatsuo Saitô, Kahoru Futaba, Tomio Aoki, Hirô Wakabayashi. 1h04.

Un étudiant n'arrive pas à obtenir son diplôme dans un contexte de crise économique et de chômage endémique. Il décide qu'il vivra aux crochets de ses parents. Comédie entre humour et critique sociale.

   
1930 Eros, esprit vengeur
  (Erogami no onryo). Film perdu à ce jour.
   
1930 La chance m'a touché aux jambes
  (Ashi ni sawatta koun). Film perdu à ce jour.
   
1930 Jeune demoiselle

 

(Ojosan). Film perdu à ce jour.
   
1931 La femme et la barbe

 

(Shukujo to hige). Avec : Tokihiko Okada, Hiroko Kawasaki, Chôko Iida, Satoko Date. 1h15.

Kiichi, le capitaine du club de kendô d'une université néglige sa tenue. Il se laisse notamment poussé la barbe. Il s'entiche d'une jeune employée de bureau qui lui demande de se raser afin d'être plus à la mode. Il est si méconnaissable et si beau sans sa barbe qu'il attire toutes les filles du campus.

   
1931 Les infortunes de la beauté

 

(Bijin aishu). Film perdu à ce jour.
   
1931 Choeur de Tokyo
  (Tokyo no gassho/ Tokyo no kôrasu) Avec : Tokihiko Okada (Shinji Okajima), Emiko Yagumo (sa femme), Hideo Sugawara (son fils). 1h30.

Père de deux enfants, licencié d'une compagnie d'assurances, Okajima est obligé d'accepter un emploi d'homme sandwich dans un restaurant.

   
1932 Le printemps vient des femmes
  (Haru wa gofujin kara). Film perdu à ce jour.
   
1932 Gosses de Tokyo

(Umarete wa mita keredo). Avec : Hideo Sugawara (Ryoichi, le fils aîné), Tokkan Kozo (le cadet), Tatsuo Saito (Yoshii, le père). 1h40.

Un petit employé de bureau vit dans la banlieue de Tokyo avec sa femme et ses deux garçons. Les enfants prennent conscience que leur père fait des courbettes à son patron afin d'être bien vu. Ils demandent à leur père pourquoi il agit ainsi.

   
1932 Où sont les rêves de jeunesse ?
  (Seishun no yume imaizuko). Avec : Ureo Egawa, Kinuyo Tanaka, Tatsuo Saitô, Harukô Takeda. 1h25.

Horino, riche étudiant hérite de l’entreprise familiale à la mort de son père. Il embauche ses trois amis d’université mais leurs rapports vont se dégrader à cause d’une histoire d’amour.

   
1932 Jusqu'à notre prochaine rencontre
  (Mata au hi made). Film perdu à ce jour.
   
1933 Une femme de Tokyo
  (Tokyo no onna). Avec : Yoshiko Okada (Chikako), Ureo Egawa (Ryoichi), Kinuyo Tanaka (Harue), Shin'yô Nara (Kinoshita), Chishû Ryû (Le journaliste). 0h47.

Une jeune dactylo fait tout pour que son frère étudiant, qui loge chez elle, ne sache jamais qu'en plus de son travail, elle se prostitue le soir pour lui payer ses études...

   
1933 Femmes et voyous
  (Hijosen no onna) Avec : Kinuyo Tanaka, Jôji Oka, Sumiko Mizukubo, Hideo Mitsui. 1h40.

Secrétaire le jour, Tokiko retrouve le soir le gang de voyous dirigé par son amant Jôji. Elle va tenter de le remettre dans le droit chemin. Histoire sentimentale dans la veine hollywoodienne et film très sophistiqué.

   
1933 Coeur capricieux
(Dekigokoro) Avec : Takeshi Sakamoto, Nobuko Fushimi, Den Ohinata, Chôko Iida, Tokkan Kozô. 1h40.

Un homme doit élever seul son fils. Sa rencontre avec une femme plus jeune que lui provoque la jalousie du fils. Un de premiers films d’Ozu sur l’évolution de la famille.

   
1934 L'amour d'une mère
 

(Haha o Kowazuya). Avec : Iwata Yûkichi, Mitsuko Yoshikawa, Den Ohinata, Seiichi Katô. 1h12.

Après la mort subite de son mari, une femme doit s’occuper seule de ses deux fils. Huit années plus tard, les deux frères découvrent qu’ils sont en fait juste demi-frères

   
1934 Histoire d'herbes flottantes
(Ukikusa Monogatari). Avec: Takeshi Sakamoto, Chôko Iida, Hideo Mitsui, Rieko Yagumo, Kozô Tokkan. 1h26.

Une troupe d’acteurs ambulants arrive dans une petite ville de province. Son chef, Kihachi y retrouve une ancienne maîtresse, Otaka qui a eu un fils de lui. Ignorant tout de son père et le supposant mort, le fils accepte la venue de cet homme qu’il considère comme son oncle...

   
1935 Une jeune fille pure
  (Hakoiri Musurne). Film perdu à ce jour.
   
1935 Une auberge à Tokyo
  (Tokyo no yado). Avec : Takeshi Sakamoto (Kihachi), Yoshiko Okada (Otaka), Chouko Iida (Otsune), Tomio Aoki (Zenko). 1h15.

Deux enfants et leur père errent à la recherche d'un emploi. Dans une auberge, ils rencontrent une femme et sa petite fille. Les enfants deviennent amis. Mais la petite fille tombe malade. Le père commettra un vol pour secourir la femme dans le besoin.

   
1936 Vive la fac !
  (Daigaku Yoitoko) (sonorisé). Film perdu à ce jour.
   
1936 Le fils unique
(Hitori Musuko). Avec : Chôko Iida (Otsune), Shinichi Himori (Ryosuke), Yoshiko Tsubouchi (Sugiko), Chishû Ryû (Okubo). 1h23.

À Shinshu, petit village de montagne au centre du Japon, Otsune, une fileuse de soie élève seule son fils unique, Ryosuke. Bon élève, celui-ci est en âge d’aller au lycée mais la mère s’y oppose car les études sont trop coûteuses. Elle finit néanmoins par accepter, faisant le choix de tout sacrifier pour l’éducation de son fils.Treize années plus tard, Ryosuke s’est installé à Tokyo et sa mère lui rend visite pour la première fois. Malgré les efforts de son fils pour l’accueillir, celle-ci découvre alors qu'il est marié, qu'il a un bébé, qu'il n'a pas réussi et qu'il est très pauvre. Quant à elle, elle lui apprend qu'elle a du vendre ce qui lui restait de son mari. Après quelques temps, elle reproche à son fils moins son échec que son découragement.L'enfant d'une voisine est accidenté. Le fils d'Otsune aide la mère et l'enfant et lui donne un peu d'argent. Otsune approuve ce geste qui la rend profondément heureuse. Elle dit à son fils qu'après tout elle préfère qu'il n'est pas fait fortune. Puis elle rentre travailler dans son usine.

   
1936 La danse du lion
(Kagamijishi). Avec : Kikugorô Onoe VI - Chanté et raconté par Wafu Matsunaga. 1h19.

Projet culturel à but diplomatique dont la production est confiée aux studios de la Shôchiku. Comme Ozu connaissait déjà Kikugorô, c'est naturellement vers lui que se tournèrent ses producteurs pour lui confier ce film de commande. Ozu tourna en 1935 la partie scénique et il lui fallut attendre l'année suivante pour filmer la partie loge.

   
1937 Qu'est-ce que la dame a oublié ?
(Shukujo wa Nani o Wasuretaka). Avec : Sumiko Kurishima, Tatsuo Saitô, Michiko Kuwano, Shûji Sano. 1h13.

Un docteur dominé par une femme à poigne décide de se révolter contre elle en fréquentant une fille moderne.

   
1941 Les frères et soeurs Toda
(Todake no Kyodai). Avec : Hideo Fujino, Fumiko Katsuragi, Mitsuko Yoshikawa, Masao Hayama. 1h45.

Une réunion familiale est organisée pour l'anniversaire du père Toda. Tout va pour le mieux au sein de la famille. Mais après la mort de mort du vieux père des tensions grandissantes et la violence des échanges apparaissent peu à peu. La femme et sa fille sont accueillies avec froideur dans le foyer du fils marié.

   
1942 Il était un père

(Chichi Ariki) Avec : Chishu Ryu (Shuhei Horikawa), Shuji Sano (Ryohei), Shin Saburi (Yasutaro Kurokawa). 1h34.

Un modeste enseignant dans une ville de province est veuf et père d'un garçonnet dont l'éducation lui tient plus que tout à coeur. Lors d'un voyage scolaire à Tokyo, un écolier se noie. L'enseignant, s'estimant moralement responsable de cette catastrophe, présente sa démission, et part s'installer avec son fils dans sa ville natale, où son propre père avait vendu sa maison pour lui payer ses études...

   
1947 Récit d'un propriétaire

(Nagala Shinshiroku). Avec : Chôko Iida, Aoki Hôhi, Eitarô Ozawa, Mitsuko Yoshikawa. 1h12.

Dans les faubourgs de Tôkyô dévastés par la guerre, une veuve irascible est contrainte de s’occuper d’un enfant abandonné. Elle le déteste et fait tout pour le perdre. Pourtant, peu à peu, elle s’attache à l’enfant.

   
1948 Une femme dans le vent

(Kaze no Naka no Mendori). Avec : Kinuyo Tanaka (Tokiko Amamiya), Shûji Sano (Shuichi Amamiya), Chieko Murata (Akiko Ida), Chishû Ryû (Kazuichiro Satake), Hôhi Aoki (Shoichi), Chiyoko Fumiya (Fusako Onada). 1h24.

Tokiko vit seule avec son jeune fils Hiroshi en attendant que son mari Shuichi soit démobilisé. Elle tente de survivre en vendant ses vêtements, sans succès. Hiroshi tombe gravement malade, et Tokiko n’a pas d’autre choix que de se prostituer un soir pour pouvoir payer le traitement. De retour à la maison, Shuichi comprend ce que son épouse a du faire en son absence, et n’arrive pas à lui pardonner. Lentement, il finira par compendre les difficultés économiques de la guerre pour ceux qui sont restés à l'arrière.

   
1949 Printemps tardif

(Banshun). Avec : Chishu Ryu (Shukichi Somiya), Setsuko Hara (Noriko Somiya), Yumeji Tsukioka (Aya Kitagawa). 1h48.

Noriko, jeune fille ayant pratiquement passé l'âge "normal" de se marier, vit seule avec son père à Kamakura. Parfaitement heureuse avec lui, elle refuse tous les prétendants. Son père, aidée par la tante de Noriko, recourt alors à un stratagème afin de la forcer à accepter : lui faire croire qu'il a l'intention de se remarier. Bien que bouleversée par la nouvelle, Noriko décide alors de franchir le pas après un dernier voyage avec son père à Kyoto. Mais une fois partie, son père reste seul.

   
1950 Les soeurs Munakata
(Munakata Shimai). Avec : Kinuyo Tanaka, Hideko Takamine, Ken Uehara, Chishû Ryû.

Setsuko est malheureuse avec son mari alcoolique. Hiroshi, l’homme qu‘elle aimait autrefois, est de retour au Japon après un séjour en France. Mariko, la sœur de Setsuko, tente de les rapprocher mais elle aime aussi Horoshi…

   
1951 Eté précoce
(Bakusha). Avec : Setsuko Hara (Noriko Mamiya), Chishu Ryu (Koichi, son frère), Chikage Awashima (Ayako Tamura, son amie). 2h05.

Un couple âgé vit avec ses deux enfants, sa belle-fille et leurs petits enfants. A 28 ans, Noriko, leur fille, ne souhaite toujours pas se marier. Lorsqu'on lui propose d'épouser un jeune homme aisé, la jeune femme refuse.

   
1952 Le goût du riz au thé vert
(Ochazuke no Aji). Avec : Shin Saburi (Mokichi Satake), Michiyo Kogure (Taeko Satake), Koji Tsuruta (Noboru Okada).

Mariée par arrangement, Taeko mène une vie de couple décevante. Le dialogue entre les deux époux, plongés chacun dans leurs activités se fait de plus en plus rare. Alors que son mari est envoyé en voyage d'affaires, Taeko part se reposer loin de la ville, de ses soucis quotidiens. Elle prend alors conscience de l'attachement qu'elle éprouve pour Mokichi.

   
1953 Voyage à Tokyo
(Tokyo Monogatari) Avec : Chishu Ryu (Shukichi Hirayama), So Yamamura (Tomi Hirayama), So Yamamura (Koichi Hirayama). 2h15.

Shukichi et Tomi Hirayama, un vieux couple ayant vécu depuis toujours avec leur fille Kyoko dans le petit port d'Onomichi au sud du Japon, se rendent à Tokyo pour visiter leurs enfants. C'est un très long voyage et c'est sans doute la dernière fois de leur vie qu'ils peuvent l'entreprendre...

   
1956 Printemps précoce
(Soshun). Avec : Chikage Awashima (Masako Sugiyama), Takako Fujino (Terumi Aoki), Ryo Ikebe (Shoji). 2h24.

Un jeune employé d'une grande compagnie passe la plupart de son temps au travail ou dans les bars alentour. Une aventure avec une jeune et jolie secrétaire fait éclater son mariage déjà fragilisé. Sa femme le quitte. il accepte un transfert de poste loin de Tokyo et de ses rumeurs persistantes.

   
1957 Crépuscule à Tokyo
(Tokyo Boshoku). Avec : Setsuko Hara, Inako Arima, Chishû Ryû, Isuzu Yamada, Teiji Yamada. 2h21.

Takako vient de quitter son mari pour aller vivre avec son père et sa jeune soeur Akiko. Les soeurs découvrent que leur mère, qu’elles croyaient morte, vit en fait avec un homme à quelques encablures de là et tient un salon de Mah-jong.

   
1958 Fleurs d'équinoxe
(Higanbana) Avec : Shin Saburi (Wataru Hirayama), Kinuyo Tanaka (Kyioko), Ineko Arima (Setsuko), Miyuki Kiwano (Hisako). 2h00.

Wataru Hirayama est cadre supérieur dans une entreprise. C'est un homme vieillissant qui reste profondément attaché à une organisation traditionnelle de la famille et de la société. Il se montre très réticent lorsqu'il apprend que sa fille Setsuko ne veut plus de son mariage arrangé et souhaite épouser un certain Masahiko Taniguchi, pour des raisons purement sentimentales et personnelles. Pourtant, Setsuko soutenue par sa mère Kiyoko tient tête à son père. Wataru Hirayamaqui se veut "moderne" dans sa vie professionnelle, est influencé par ses amis. Il finit par céder et après un banquet organisé par ses anciens camarades d'université et de régiment va même jusqu'à rendre visite aux jeunes époux, tirant un trait sur son entêtement traditionnaliste.

   
1959 Bonjour
(Ohayo) Avec : Koji Shidara ( Minoru), Masahiko Shimazu (Isamu), Chishû Ryû (Keitaro Hayashi), Kuniko Miyake (Tamiko).1h34.

Minoru et son petit frère Isamu ne disent plus bonjour ; d'ailleurs, ils ne parlent plus à personne... L'arrivée de la télévision provoque des remous au sein de leur famille. Ozu aborde de nouveau le thème du conflit entre générations.

   
1959 Herbes flottantes
(Ukigusa). Avec : Ganjiro Nakamura (Komajuro Arashi), Machiko Kyô (Sumiko), Ayako Wakao (Kayo), Hiroshi Kawaguchi (Kiyoshi Homma). 1h59.

Une troupe de théâtre itinérante arrive par bateau pour se produire dans un petit port isolé du sud du Japon. Son directeur, Komajuro, homme vieillissant, a pour maîtresse l'actrice vedette de la troupe, Sumiko. Dans ce village, il retrouve son ancienne maîtresse, Oyoshi et leur fils Kiyoshi maintenant en fin d'adolescence et qui travaille à la poste afin de se payer des études à l'université.

   
1960 Fin d'automne
(Akibiyori). Avec : Setsuko Hara (Akiko Miwa), Yôko Tsukasa (Ayako Miwa), Mariko Okada (Yukiko Sasaki). 2h08.

Depuis la mort de son père, Ayako vit seule avec sa mère. Mais trois anciens amis de son père se sont mis en tête de trouver un mari à la jeune fille. Seulement Ayako refuse et préfère rester avec sa mère.

   
1961 Dernier caprice
(Kohayagawa-Ke no Akie Kohayagawa). Avec : Avec : Ganjirô Nakamura (Manbei), Setsuko Hara (Akiko), Yôko Tsukasa (Noriko), Michiyo Aratama (Fumiko), Keiju Kobayashi (Hisao). 1h43.

A Kyoto, Hisao, dirige la petite entreprise de distillerie de saké qui appartient à Manbei Kohayagawa, le père d'Akiko et Noriko et de sa femme, Fumiko. Les affaires marchent mal. La famille serait soulagée si Akiko, veuve depuis six ans, se remariait et si la jeune Akiko acceptait un mariage avec le fils d'un banquier. Fumiko est préoccupée car son père à retrouvé une ancienne maitresse, Tsune Sasaki, qui fit pleurer sa mère, et délaisse de plus en plus souvent l'entreprise. Manbei fait une première attaque dont il se remet très vite puis une seconde, fatale. L'entreprise sera vendue. Akiko renonce à se marier et Akiko au mariage arrangé pour partir à Sapporo retrouver celui qu'elle aime.

   
1962 Le goût du sake
(Samma no Aji). Avec : Chishû Ryû (Shuhei Hirayama), Shima Iwashita (Michiko), Keiji Sada (Koichi) Mariko Okada (Akiko). 1h52.

Shuhei Hirayama, un veuf vit avec sa fille Michiko, qui tient la maison, et son fils cadet Kazuo, tandis que l'aîné, Koichi, est déjà marié. Hirayama fréquente quelques amis avec qui il boit volontiers force saké, notamment Horie, qui vient de se remarier avec une femme très jeune et le pousse à en faire autant. Et aussi avec son vieux professeur Sakurna qui vit également avec sa fille dont il avoue avoir gâché l'avenir en la gardant près de lui. Cela fait réfléchir Hirayama, qui tente de décider Michiko au mariage. Celle-ci, amoureuse d'un jeune Homme, Miura, apprend qu'il est déjà fiancé a une autre. Elle accepte alors de se marier pour avec l'homme choisi par son père et la cérémonie a lieu. Après les noces, Hirayama retrouve ses amis puis la barmaid qui lui rappelle son ancienne femme. Malgré la présence de son fils Kazuo à la maison, il réalise l'immense poids de la solitude sans sa fille.