Kamakura au début de l'été. Shukichi et Shige Mamiya, un couple âgé, vit avec ses deux enfants, Noriko et son frère Koichi, la femme de celui-ci, Fumiko, et les deux enfants de ces derniers. A 28 ans, Noriko ne souhaite toujours pas se marier. Elle prend chaque jour le train pour aller travailler à Tokyo comme secrétaire de direction. Son frère, Koichi, prend également le train mais part souvent plus tôt pour rentrer plus tard, très pris par ses activités de médecin à l'hôpital. Fumiko garde à la maison leurs deux enfants, Minoru et Isamu. Noriko s'entend très bien avec sa belle sur et l'aide à gendarmer les deux enfants turbulents et peu obéissant.
L'oncle, le frère aîné du père vient de Yamato pour un séjour d'une semaine. Il se laisse gentiment chahuter par les deux enfants qui s'amusent de sa surdité ou lui font manger des caramels avec le papier. Il s'inquiète surtout de savoir quand Noriko se décidera à se marier. Un soir, les parents ont accompagné l'oncle à un spectacle de Kabuki sur Tokyo et Noriko attend la fin du spectacle chez son amie Ayako dont la mère tient un hôtel restaurant. Son patron, qui attend également là l'heure du train, lui présente une proposition de mariage d'un de ses amis d'école.
Noriko confuse en parle à sa belle-sur pendant que Koichi son frère en entend parler par la mère d'Ayako qui est venue lui demander de l'ausculter pour des problèmes de palpitations cardiaques. Bientôt toute la famille et jusqu'aux voisins sont au courant et souhaitent ce mariage qui a l'air très avantageux.
De son coté Noriko voit se distendre ses liens d'amitié avec Takako et Chaako toutes deux mariées. La première connaît déjà des dissensions dans son couple alors que la seconde vient juste de se marier. Mais toutes deux affirment que l'on ne peut connaître le bonheur qu'en étant mariées. Surtout elles se décommandent le jour où Noriko les avait invitées chez elle au bord de la plage. Noriko essaie pourtant vaillament de faire face avec l'amitié de Ayako. Elles sont des "jeunes filles rebelles" contre le clan des femmes mariées.
Koichi apprend toutefois à la famille que le prétendant de Noriko a quarante ans, douze de plus que sa sur. Tout se dérègle, Koichi houspille sa mère et donne une correction à son fils. Ceux-ci fuguent pour la journée et Koichi finira par apprendre à l'hôpital que Noriko et Kenkichi les ont retrouvés.
Kenkichi est nommé à Akita, une province éloignée. Sa mère est désespérée de devoir déménager pour le suivre ou pour habiter une maison plus petite. Elle s'ouvre à Noriko de sa peine et lui dit avoir toujours espérer sans y croire que son fils aurait pu l'épouser. A sa grande surprise, Noriko accepte sa proposition.
Toute la famille est bouleversée par cette mésalliance d'autant plus que Kenkichi a eu une enfant encore en bas âge de sa femme décédée.
Mais rien ni fait ni les questions de Ayako qui finit d'ailleurs par la persuader qu'elle est vraiment amoureuse, ni celle de Fumiko qui finit par admirer sa belle-sur de se poser ainsi des questions sur le choix de son mari préférant un veuf à un riche coureur de jupons de quarante ans.
La famille se réunit pour une dernière photo de groupe. Noriko s'en va mais aussi Koichi qui va ouvrir un cabinet privé. Les parents vont aller rejoindre l'oncle à Yamato.
Yamato. L'oncle admire le paysage. Derrière lui, la mère se verse le thé. Avec son mari, ils se réjouissent d'avoir été heureux si longtemps. Le vent souffle sur les herbes flottantes.
Chez Ozu, les personnages ont l'air de tant se complaire dans l'ordre naturel des choses qu'il leur est difficile de changer. Mais c'est précisément l'ordre naturel des choses qui appelle au changement, aux mutations qui ne peuvent se faire que dans la souffrance.
Noriko préférait vivre chez ses parents, profiter de son jugement lucide sur la vie de couple que de se marier. Elle sait pourtant qu'elle risque de finir moins rebelle que vieille fille. La nature vient toujours rappeler l'ordre naturel des choses. Ainsi, lorsque l'oncle se fait chahuter par Isamu qui l'insulte de plus en plus fort pour voir jusqu'où ira sa surdité, il se contente de sourire. Puis il regarde à travers la baie vitrée. Suit, dans le raccord regard, un plan du Bouddha.
Ce plan n'est pourtant pas ce que voit l'oncle. Puisque les plans suivants nous le montrent aux pieds de l'immense Bouddha avec ses neveux jouant dans ce lieu de promenade du dimanche. Le Bouddha est le jugement que porte Ozu sur l'ordre de la nature : il est naturel que les jeunes interpellent les vieux et leur demande une place pour exister.
Un autre faux raccord regard intervient lorsque l'on rappelle à la mère la mort de son fils cadet à la guerre. Elle lève les yeux au ciel. Suit un plan de cerfs-volants accrochés haut sur un mat flottant dans le ciel.
Là non plus, il ne s'agit pas d'un montage plan regardant- plan regardé. Il n'existe pas une ouverture suffisante dans la pièce où se trouve la mère pour voir le cerf-volant. Il est justifié par le fait que l'on passe maintenant à une autre journée, celle du dimanche avec ses jeux, que ce soient ces cerfs-volants qu'aperçoivent plus probablement les enfants dans la rue au plan suivant ou les trains avec lesquels vont s'amuser Minoru et Isamu dans la séquence suivante. Mais ce plan de transition tient bien à la volonté d'Ozu de signifier la fragilité naturelle de l'ordre des choses humaines.
Si Ozu impose ces plans symboles, il figure aussi la pensée. Ainsi de ce discret travelling avant sur le pain de mie coupé en deux. Koichi a donné une violente correction à son fils aîné car celui-ci, excédé de ne pas trouver les rails de chemin de fer qu'il attendait dans le paquet ramené par son père, avait brisé le pain de mie qu'il renfermait.
Ces deux morceaux de pain de mie évoquent la pensée du père inquiet de ne pas voir ses enfants rentrer. Difficile en effet de ne pas y voir symbolisés les deux enfants errant que l'on voit au plan suivant.
Enfin, Ozu, maître du néoréalisme tel que l'entendait Gilles Deleuze, ose ce faux raccord magistral. Noriko avance sur la pointe des pieds pour apercevoir le fiancé qu'elle a refusé dans un restaurant tenu par la mère de son amie. La caméra recule pour la garder au centre du cadre. Puis la caméra avance sur un couloir, mais ce couloir n'est plus celui du restaurant, c'est celui de l'héroïne déjà revenue chez elle.
Voir le fiancé aurait été un enchaînement action-réaction psychologique. Ozu préfère introduire l'idée d'un choix inexorable de Noriko conduisant peut-être à son bonheur mais certainement à la désintégration de la famille qui va se réunir, ce soir-là, pour une dernière photo de famille avant que chacun de s'en aille de son côté.
Jean-Luc Lacuve le 09/02/2007.
Editeur : Carlotta,
2007. Langue : japonais. Sous-titres: français. Son : mono. Format
: 1,37.
|
Coffret 5+1 films : J'ai été diplômé, mais… (1929), Choeur de Tokyo (1931), Une auberge à Tokyo (1935), Été précoce (1951), Le Goût du riz au thé vert (1952), Printemps précoce (1956).
|