(1853-1890)
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Post-impressionnisme |
Peintre autodidacte, Vincent van Gogh peint son premier chef-d'œuvre en avril 1885. Pour ces Mangeurs de pommes de terre, il s'inspire de ses compatriotes Rembrandt et Frans Hals. Lorsqu'il part pour Anvers en novembre, Van Gogh découvre la couleur de Rubens, les estampes japonaises mais aussi l'expressionnisme de James Ensor. A Paris, entre février 1886 et février 1888, son utilisation de la couleur est encore modérée. Mais, sous l'influence de Gauguin et de Lautrec, il utilise le pouvoir symbolique de celle-ci et la déformation expressionniste de la ligne. Van Gogh accentue ce mouvement après son arrivée à Arles, en 1888, où le choc de la lumière méridionale le pousse à la conquête de la couleur. Il s'autorise toute liberté de modifier les couleurs naturelles pour favoriser l'expression de ces sujets. Par la dramatisation des scènes, la simplification, voire la caricature, les traces empâtées et granuleuses des coups de pinceaux qui caractérisent alors son œuvre, jusqu'à Racines d'arbres, son dernier tableau le 27 juillet 1890, il annonce l'expressionnisme.
Parterres de fleurs en Hollande | 1883 | Washington, National Gallery |
La vieille tour de Nuenen | 1884 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Les mangeurs de pommes de terre | 1885 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Meules de foin | 1885 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
La butte Montmartre | 1886 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Le Moulin de la galette | 1886 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Les souliers | 1886 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Autoportrait | 1887 | Chicago, Art Institut |
Agostina Segatori | 1887 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Scène de rue à Montmartre | 1887 | Collection privée |
Le père Tanguy | 1887 | Paris, Musée Rodin |
Autoportrait | 1887 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Ponts sur la Seine à Asnières | 1887 | Zurich, Fondation E. G. Bührle |
Autoportrait | 1887 | Detroit, Detroit Institute of Arts |
Verger de pruniers en fleurs (d'après Hiroshige) | 1887 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Pont sous la pluie (d'après Hiroshige) | 1887 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Courtisane (d'après Eisen) | 1887 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Autoportrait au chapeau de feutre | 1888 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Pont à Arles (Pont de Langlois) | 1888 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Verger avec cyprès | 1888 | Collection privée |
Le semeur au soleil couchant | 1888 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Autoportrait en bonze | 1888 | Cambridge, Fogg Museum |
Tournesols dans un vase | 1888 | Munich, Neue Pinakothek |
Tournesols dans un vase | 1888 | Londres, National Gallery |
La Mousmée | 1888 | Washington, National Gallery |
Terrasse du café le soir | 1888 | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Le café de nuit | 1888 | New Haven, Yale University |
La nuit étoilée | 1888 | Paris, Musée d'Orsay. |
Chambre de Vincent à Arles | 1888 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
La vigne rouge | 1888 | Moscou, Musée Pouchkine |
Souvenir du jardin à Etten | 1888 | Leningrad, Musée de l'Ermitage |
Le semeur au coucher du soleil | 1888 | Zurich, Fondation E. G. Bührle |
L'Arlésienne | 1888 | New York, Metropolitan |
Portrait d'Armand Roulin | 1888 | Essen, Museum Folkwang |
Autoportrait à la pipe | 1889 | Chicago, Collection Leigh B. Block |
Autoportrait à l’oreille bandée | 1889 | Londres, galerie Courtauld |
Portrait du docteur Felix Rey | 1889 | Moscou, Musée Pouchkine |
Tournesols dans un vase | 1889 | Philadelphie, Museum of Art |
Tournesols dans un vase | 1889 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Tournesols dans un vase | 1889 | Tokyo, Sompo Japan M.of Art |
Iris | 1889 | Malibu, Paul Getty Museum |
La nuit étoilée | 1889 | New York, M.O.M.A. |
Autoportrait à Saint Remy | 1889 | Paris, Musée d'Orsay |
Le surveillant en chef Trabuc | 1889 | Solothurn, Kuntsmuseum |
Autoportrait sans barbe | 1889 | Collection particulière |
Pieta (d'après Delacroix) | 1889 | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Champ de blé avec cyprès | 1889 | Londres, National Gallery |
Chambre de Vincent à Arles | 1889 | Chicago, The art institute |
Chambre de Vincent à Arles | 1889 | Paris, Musée d'Orsay |
Meules de foin sous un ciel nuageux | 1889 oct | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Les grands platanes | 1889 nov | Clevenland, museum of art |
La méridienne ou La sieste | 1889 dec | Paris, Musée d'Orsay |
La ronde des prisonniers | 1890 fev | Moscou, Musée Pouchkine |
L'Arlésienne (Madame Ginoux) | 1890 fev | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Branches fleuries d'amandier | 1890 fev | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Le Bon Samaritain (d'après Delacroix) | 1890 mai | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Vieil homme triste (À la porte de l'éternité) | 1890 mai | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Route de campagne en Provence de nuit | 1890 mai | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Iris | 1890 mai | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Iris | 1890 mai | New York, Metropolitan |
Roses | 1890 mai | Washington, National Gallery |
Roses | 1890 mai | New York, Metropolitan |
Roses et anémones debut | 1890 juin | Paris, Musée d'Orsay |
Marguerite Gachet dans son jardin | 1890 juin | Paris, Musée d'Orsay |
Eglise d'Auvers | 1890 juin | Paris, Musée d'Orsay |
Portrait du docteur Gachet à digitale | 1890 juin | Paris, Musée d'Orsay |
Portrait du docteur Gachet | 1890 juin | Collection particulière |
Maisons à Auvers-sur-Oise | 1890 juin | Toledo (Ohio), Museum of Art |
Vignes à Auvers-sur-Oise | 1890 juin | Saint Louis Art Museum |
Escaliers à Auvers-sur-Oise | 1890 juin | Saint Louis Art Museum |
Epis de blé | 1890 juin | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Portrait de jeune paysanne assise | 1890 juin | Berne, collection H. R. Hahloser |
L'homme au bleuet | 1890 juin | Lieu inconnu |
Le jardin de Daubigny | 1890 juin | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Jardin à Auvers-sur-Oise | 1890 juin | Collection particulière |
Sous-bois avec deux personnages | 1890 juin | Cincinnati, Art Museum |
Paysage au crépuscule | 1890 juin | Amsterdam, Musée Van Gogh |
La plaine d'Auvers | 1890 juin | Vienne, Palais du Belvédère supérieur |
Adeline Ravoux (en robe bleu pâle) | 1890 juin | Collection particulière |
Adeline Ravoux | 1890 juin | Collection particulière |
Adeline Ravoux (aux roses) | 1890 juin | Clevenland, museum of art |
Portrait de jeune femme | 1890 juin | Otterlo, Musée Kröller-Müller |
Marguerite Gachet au Piano | 1890 juin | Bâle, Offentliche Kunstsammlung |
Les bords de l'Oise à Auvers | 1890 juil | Detroit, Detroit Institute of Arts |
Champ de blé aux corbeaux | 1890 juil | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Champ de blé sous un ciel orageux | 1890 juil | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Plaine près d'Auvers avec ciel nuageux | 1890 juil | Pittsburgh, Museum of art |
Plaine près d'Auvers avec ciel nuageux | 1890 juil | Munich, Neue Pinacothèque |
Le jardin de Daubigny avec un chat bleu | 1890 juil | Bâle, collection Rudolf Staechlin |
Les champs | 1890 juil | Zurich, Collection privée |
Champ de blé avec moissonneur | 1890 juil | Toledo (Ohio), Museum of Art |
Pluie-Auvers | 1890 juil | Cardiff, Musée national d'Ecosse |
Le jardin de Daubigny | 1890 juil | Hiroshima, Museum of art |
Les gerbes de blé | 1890 juil | Dallas Museum of art |
Champ de blé avec des meules de foin | 1890 juil | Berne, Collection privée |
Fermes près d'Auvers | 1890 juil | Londres, Tate Gellery |
Racines d'arbres | 1890 juil | Amsterdam, Musée Van Gogh |
Né aux Pays-Bas, Vincent Van Gogh est le fils aîné d’un pasteur. Issu d’une famille bourgeoise, il doit son prénom à son oncle, Vincent «Cent» Van Gogh, qui avait bâti sa fortune en s’imposant comme le plus important marchand d’art de Hollande. Autant dire que ses parents, en lui octroyant ce prénom, souhaitaient qu’il reprenne ce commerce lucratif. D’ailleurs, Vincent s’y emploie dès l’âge de 16 ans. Bien que, dans son enfance, il ne se soit pas spécialement intéressé à l’art et n’ait pas fait preuve d’aptitude particulière en la matière, Vincent tente d’apprendre tout ce qu’il peut sur la peinture. Entre 1869 et 1877, il est employé de la galerie d'art Goupil et voyage entre La Haye, Londres et Paris. Ses goûts littéraires le portent vers La Bible, Zola, Dickens, Michelet, Hugo Ses influences picturales le portent vers Rembrandt, Daumier, Millet :
"Pour moi ce n'est pas Manet qui est le peintre extrêmement moderne, mais Millet, qui pour beaucoup de gens ouvre des perspectives lointaines." Lettre à Théo depuis Saint-Rémy.
Mais son bagage encyclopédique ne l’empêche pas d’être écarté au sein de l’entreprise, puis d’en être licencié définitivement, car on estime qu’il n’a pas l’esprit commercial.
Son échec est très humiliant pour ses parents et Vincent tente de se racheter en voulant devenir pasteur comme son père, après avoir vainement cherché à être enseignant en Angleterre et vendeur dans une librairie de La Haye. Pourtant, lorsqu’il s’avère qu’il n’a pas le niveau académique pour réussir ses études de pastorat, ses parents vivent ce nouvel échec comme une humiliation de plus – d’autant qu’ils lui ont payé des cours particuliers pendant un an. Malgré tout, son père lui obtient le poste subalterne d’assistant de prédicateur – tout en bas de l’échelle hiérarchique de l’Église protestante – dans la région minière très pauvre du Borinage. Là encore, Vincent est licencié car il est jugé "excessivement religieux". En effet, il offre les biens de l’Église, ses propres repas et même ses vêtements aux mineurs de fond.
Refusant désormais toute aide de sa famille, Vincent est au plus mal et se voit réduit à vivre dans une grange du Borinage. Son frère cadet tant aimé, Theo Van Gogh, qui prospère dans le commerce de l’art, lui rend visite pour tenter de le sortir de sa dépression. Theo suggère à Vincent de tirer profit de sa passion pour la peinture… et de devenir artiste. Âgé de 27 ans, Vincent voit là une occasion de s’en sortir et se met à étudier le dessin à partir des manuels que lui procure son frère. Bien qu’il n’ait pas une prédisposition pour le dessin, il finit par progresser, grâce à son dévouement absolu, n’hésitant pas à s’entraîner toute la journée et même la nuit.
Son oncle par alliance Anton Mauve, plus célèbre peintre hollandais alors en activité, décide de le prendre sous sa protection. Cependant, Vincent se brouille avec lui, notamment parce qu’il héberge une prostituée et ses enfants dans son atelier ("Sorrow", un dessin de femme représentant sa triste compagne d'alors) Toute sa famille est scandalisée. Theo, qui jusque-là subvenait entièrement à ses besoins, lui coupe les vivres et le contraint à revenir vivre chez ses parents.
A Nuenen (dec 1883 - nov 1885), décidé définitivement à devenir peintre, Van-Gogh signe avec son prénom : Vincent. Il s'inspire de Rembrandt et Hals pour les empattements et le clair-obscur. "Je ne suis pas mécontent que certains peintres actuels nous privent du bistre et du bitume avec quoi on a peint tant de choses magnifiques". Les mangeurs de pommes de terre est son premier chef-d'oeuvre.
Mais ses rapports avec ses proches se dégradent. Vincent s’est déclaré profondément hostile à l’Église et s’est disputé âprement avec son père. Lorsque ce dernier succombe prématurément à une attaque cardiaque, ses soeurs et sa mère lui en font porter la responsabilité, déclarant qu’il a fait subir un tel calvaire à son père qu’il en est mort. Il part pour Anvers (nov 1885 - fev 1886) où il découvre Rubens au musée et qui le sensibilise à la couleur et les estampes japonaises. (Tête de mort à la cigarette, résonances Ensoriennes).
Vincent à Paris
Puis Vincent se tourne de nouveau vers son frère qu’il vient voir à Paris en février 1886. Son utilisation de la couleur est encore modérée. Mais sous l'influence de Gauguin et de Lautrec, il utilise le pouvoir symbolique de celle-ci et la déformation expressionniste de la ligne, il étudie les estampes japonaises et en réhausse les couleurs.
Grâce aux contacts de Théo, le peintre fréquente l’atelier Cormon où il croise de jeunes peintres brillants comme Toulouse-Lautrec et Émile Bernard. Vincent est plutôt boudé par les artistes plus jeunes jusqu’à ce que Theo, à la demande de sa galerie, se mette à acheter des toiles impressionnistes. Le marchand devient alors l’ami le plus courtisé des peintres attachés à ce nouveau courant… tout comme Vincent dont on recherche désormais la compagnie. Pendant trois mois, Vincent, accompagné de Theo, est la nouvelle coqueluche des cercles de peintres les plus novateurs. Pourtant, la santé de Theo pâtit gravement de ce style de vie dissolue et Vincent a le sentiment de stagner.
Vincent à Arles
C’est alors que le peintre décide, en février 1888, de mettre le cap sur le sud de la France, en quête de climat ensoleillé et d’arbres en fleurs, comme dans les estampes japonaises qu’il adore. Il va chercher dans le midi, dont Lautrec lui a parlé, plus de lumière, plus de couleur.
Le 20 février 1888, il s'installe à Arles, dans la vieille ville à l'intérieur des remparts à l'hôtel-restaurant Carrel, au 30, rue de la Cavalerie. Il loue également une partie de la « maison jaune » pour en faire son atelier. Quelques jours après, il loge au Café de la Gare, 30, place Lamartine et s'installe ensuite, à partir du 17 septembre, dans la Maison Jaune, juste à côté,
Bien qu'il arrive dans la cité avec un temps de neige, on voit aussi naître un nouveau style chez Vincent croisant sa période hollandaise, les approches esthétiques découvertes à Paris et son étude des estampes japonaises. Il dépasse la dispersion impressionniste et son caractère allusif avec son dessin aux accents forts et une couleur étale et tenue ainsi de Café la nuit ou L'Arlésienne. Il envoie toujours ses tableaux à Theo. Trois de ses premiers tableaux sont présentés à la 4e exposition annuelle de la Société des artistes indépendants. Au début du mois de juin 1888, ayant reçu un billet de 100 francs de son frère Theo, il se rend en diligence aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour un séjour de cinq jours. Il y peint la barque Amitié et le village regroupé autour de l'église fortifiée.
Devenu extrêmement prolifique, Vincent souhaite créer un atelier d’artistes ouvert à ses confrères parisiens. Il loue ainsi la Maison jaune. Seul Gauguin, séduit par la perspective d’un logement gratuit, fait le déplacement et rejoint Van Gogh le 23 octobre. Les deux hommes s’entendent d’abord à merveille et commencent à travailler ensemble, par exemple sur la série de tableaux consacrés aux Alyscamps. Mais la tension et l’exaltation permanentes qu’implique leur démarche créatrice débouchent sur une crise. Ils se considèrent bientôt comme des rivaux et la rancoeur empoisonne leurs relations.
Gauguin et Van Gogh se déchirent de plus en plus violemment et un soir, après une terrible dispute, le 23 décembre 1888, Vincent se tranche l’oreille et l’offre en trophée à sa putain préférée. Le lendemain de sa crise, Van Gogh est admis à l'hôpital et soigné par le docteur Rey dont il peint le portrait. Theo, inquiet de la santé de son frère, vient le voir et retourne à Paris le jour de Noël accompagné de Gauguin. Ce dernier, après son séjour mouvementé à Arles, accompagnera à travers ses lettres la vie de Van Gogh. Au bout de deux semaines, Vincent semble totalement rétabli.
Mais en février, sa santé se dégrade à nouveau. Des voisins, adressent une pétition au maire d’Arles, dans laquelle ils se plaignent du comportement de l’artiste qui "se livre à des excès de boisson après lesquels il ne se trouve dans un état de surexcitation tel qu’il ne sait plus ni ce qu’il fait ni ce qu’il dit". Et d’ajouter qu’il est par conséquent : "Un sujet de crainte pour tout [sic] les habitants du quartier, et principalement pour les femmes et les enfants". Une trentaine de personnes signent ce texte qui réclame que des "mesures énergiques prises". Le docteur Delon et le commissaire de police concluent en février qu'il pourrait devenir dangereux. En mars, Vincentl connait une période de répit, où il peint Autoportrait à l'oreille bandée. Cependant, à la suite de nouvelles crises, il est interné d'office sur ordre du maire à l'hôpital d'Arles. À la mi-avril, il loue un appartement au docteur Rey dans un autre quartier d'Arles. Le 18 avril Theo et Johanna se marient à Amsterdam.
Vincent à Saint-Rémy-de-Provence
Le 8 mai 1889, Vincent quitte Arles, ayant décidé d'entrer de son plein grès dans, l'hospice de Saint-Paul de Mausole que dirige le médecin Théophile Peyron, à Saint-Rémy-de-Provence, dans les Alpilles
Il y reste un an, au cours duquel il a trois crises importantes : à la mi-juillet, en décembre et la dernière entre février et mars 1890. Malgré son mauvais état de santé, Van Gogh est très productif. Ce n'est que pendant ses crises de démence qu'il ne peint pas. Dans l'asile, une pièce au rez-de-chaussée lui est laissée en guise d'atelier. Il continue à envoyer ses tableaux à Theo. Deux de ses œuvres font partie de la 5e exposition annuelle de la Société des artistes indépendants de Paris. Un des premiers tableaux de cette époque est l’Iris et une grande série de peintures de champs de blé qu'il pouvait admirer de sa chambre.
Il développe un dessin souple et sinueux avec une densité de matière plus nette, plus expressionniste. Il veut "exprimer avec le rouge et le vert les terribles passions humaines."
Theo rencontre le docteur Paul Gachet sur les recommandations de Pissarro. Theo encourage Vincent à sortir de l'asile et à se rendre à Auvers-sur-Oise, où il pourra consulter le médecin et être près de son frère. Van Gogh commence également à être connu. En janvier 1890, un article d’Albert Aurier dans le Mercure de France souligne pour la première fois l’importance de ses recherches. Un mois plus tard, la peintre Anna Boch acquiert l’un de ses tableaux, La Vigne rouge pour la somme de 400 francs. Le 31 janvier 1890 naît le petit Vincent, fils de Theo. Lorsque le nouveau-né tombe malade sans gravité, Vincent éprouve de la tristesse et du découragement. Vincent quitte l'hospice de Saint-Paul de Mausole le 19 mai 1890 quand il se sent suffisamment rétabli.
Vincent à Auvers-sur-Oise
Il repart vers le nord du pays pour se rapprocher de Theo, et souhaite malgré tout se tenir à distance de l’effervescence et des distractions de Paris. Il s’installe donc le 20 mai 1890 dans le paisible village d’Auvers-sur-Oise à une heure de la capitale. Il lui reste 70 jours à vivre.
La commune attire depuis longtemps les peintres, dans la droite ligne de Charles Daubigny, et la plupart des grosses propriétés sont les résidences secondaires de Parisiens fortunés. Outre la bienveillance affichée à l’égard des peintres, Vincent est venu à Auvers parce que c’est là qu’exerce le docteur Paul Gachet, spécialiste des dépressions chez les artistes et fervent partisan de l’école impressionniste. Il soigne d’ailleurs d’autres peintres comme Pissarro, ami des Van Gogh. Gachet est lui-même peintre à l’occasion et aurait bien aimé être davantage qu’un ami des artistes. Au départ, le cadre d’Auvers-sur-Oise semble bénéfique à Vincent : il s’investit pleinement dans son travail et se lie d’amitié avec le docteur Gachet.
Le 17 juin 1890, Vincent Van Gogh reçoit de son frère Théo une importante cargaison de toiles. Du 20 juillet jusqu'à son suicide fin juillet, Van Gogh peint treize grandes toiles au format double carré. Ces œuvres sont uniques dans sa carrière par leur format et par le fait qu'elles semblent constituer une série. Toutes les toiles à double carré, sauf une, Marguerite Gachet au piano, sont des paysages horizontaux.
Le 8 juillet 1890 Van Gogh entreprend Champ de blé aux corbeaux, tableau au format double carré, que l'on a longtemps cru être son dernier tableau, prémonitoire de son suicide.
Pourtant, Vincent continue à se sentir préoccupé par sa survie financière, son état de santé, son frère et le nouveau-né de ce dernier, et sa grande solitude. Ses rapports chaleureux avec le docteur Gachet se dégradent et, deux mois et demi seulement après son arrivée au village où il a peint 70 toiles, Vincent revient à l’auberge Ravoux un dimanche soir, le 27 juillet, grièvement blessé à la poitrine. Il explique qu’il s’est tiré une balle. Il meurt deux jours après, le 29 juillet 1890, son frère Theo à ses côtés.
Ce dimanche 27 juillet, selon la thèse en vigueur, le peintre emprunte un pistolet au propriétaire de l’auberge où il vit, Arthur Ravoux. Il se rend ensuite dans un champ de blé, soulève sa chemise, retourne l’arme contre lui et se tire une balle dans le thorax. Blessé mais vivant, il s’évanouit et égare le revolver. A son réveil, à la nuit tombée, il reprend le chemin de l'auberge de la famille Ravoux, qui s'était habituée à ce qu'il parte chaque jour travailler dans la campagne environnante. Ce 27 juillet, il n'est pas revenu pour son repas du soir. Connaissant la ponctualité de Vincent en matière de dîner, M. et Mme Ravoux et leur fille s'inquiètent. Vincent arrive titubant dans l'auberge, vers neuf heures, grièvement blessé. Lorsque Ravoux lui demande ce qu’il a fait, il répond: «J’ai essayé de me suicider». Tôt le lendemain matin, Théo est informé. Il se précipite de Paris au chevet de Vincent, où il reste jusqu'à ce que son frère meurt la nuit suivante, le 29 juillet à 37 ans, des suites de sa blessure, malgré les soins que lui prodigue le docteur Paul Gachet.
L’arme est retrouvée dans un champ d’Auvers-sur-Oise vers 1960 par l’agriculteur qui l’exploite. Elle est remise aux propriétaires d’alors de l’auberge Ravoux. Est-ce bien elle que le peintre a utilisée ?
Les Américains Steven Naifeh et Gregory White Smith dans une biographie très détaillée, Van Gogh, the Life, fruit de dix années de travail, publiée en 2011, avancent que Van Gogh ne s'est pas suicidé. La thèse de l’homicide n’y figure qu’en annexe. Mais elle a cependant assuré la publicité de l’ouvrage. C’est entre les murs de l'auberge Ravoux où est mort Van Gogh qu’a eu lieu le lancement du livre dans l’émission de CBS "60 minutes", l’un des shows les plus regardés aux États-Unis. La thèse réactive une rumeur qui a circulé à Auvers dans les années 50 selon laquelle il avait été abattu par des écoliers.
Pour les Américain, le peintre aurait été tué, accidentellement ou intentionnellement, par les frères Secrétan, deux adolescents d'une grande famille parisienne qui lui cherchaient des ennuis depuis des semaines. Cette thèse repose sur trois éléments principaux : la disparition de l'arme du "suicide", la blessure de Van Gogh décrite par un médecin, et un dessin de l'artiste montrant l'un des frères Secrétan jouer au cowboy avec une arme. Cette thèse à été reprise dans deux films récents La passion Van Gogh (Dorota Kobiela et Hugh Welchman, 2017) et At eternity's gate (Julian Schnabel, 2018)
Cette thèse de l'homicide est néanmoins farouchement combattue par le musée Vang Gogh d'Amsterdam qui garde la thèse classique du suicide affirmée par Van Gogh. Alain Rohan, un historien local, la preprend dans un livre qui fait maintenant référence, Vincent Van Gogh, aurait-on retrouvé l’arme du suicide ? paru en 2012. M. Rohan a établi que l’emplacement du champ où a été retrouvé le revolver, derrière le château d’Auvers-sur-Oise, correspond aux descriptions des quelques témoignages de l’époque. « Il s’était rendu dans le champ de blé où il peignit son dernier tableau. Ce champ est situé derrière le château d’Auvers », écrivait ainsi, en 1954, Adeline Carrié, la fille de l’aubergiste Arthur Ravoux, qui a raconté avoir vu Vincent Van Gogh rentrer, blessé, à l’auberge, le soir du 27 juillet 1890.
Sollicitée par l’historien, la gendarmerie nationale a participé à l’enquête. Se basant sur des notes du fils du docteur Gachet, qui décrivent la blessure du peintre, Yves Schuliar, le médecin chef des services du pôle judiciaire de la gendarmerie, a jugé que l’arme trouvée peut avoir causé la plaie en question. Il expliquait en 2015 dans Le Parisien que, selon lui, « le coup a été tiré à bout portant, à environ 2 cm à 3 cm du thorax, après que Vincent a ouvert et écarté ses vêtements devant le canon ». Les études techniques et scientifiques menées sur le revolver ainsi que son état indiquent que l’arme a bel et bien servi peu avant sa chute, et qu’elle est restée dans le sol entre cinquante et quatre-vingts ans. La gâchette a été retrouvée en position d’action alors qu’elle peut se replier pour éviter qu’un coup ne parte », rappelait encore Le Parisien en 2015, laissant à penser que l’arme a été utilisée puis laissée sur place. Le pistolet vendu (il le sera une nouvelle fois pour 130 000 euros, le 19 juin 2019, à l’hôtel Drouot, à Paris) a par ailleurs reçu la caution du Musée Van Gogh d’Amsterdam, qui l’a intégré, à l’été 2016, dans son exposition « Aux confins de la folie, la maladie de Van Gogh ». Comme le projectile était de petite taille, la blessure ne fut pas immédiatement fatale. L’agonie de Van Gogh dura une trentaine d’heures, agonie au cours de laquelle il aurait déclaré (comme en témoigne une lettre du peintre Emile Bernard exposée à Amsterdam) que "son suicide était absolument calculé et voulu en toute lucidité".
En effet, en juillet 1889, L'Angélus de Millet avait été vendu aux enchères. Le tableau avait soudain rapporté plus d'un demi-million de francs, maintenant que le peintre était mort. Van Gogh trouvait cette situation tout simplement misérable : "Et les prix élevés dont on entend parler, qui sont payés pour des oeuvres de peintres qui sont morts et n'ont pas été payés de la sorte de leur vivant retirent plus d'inconvénients que d'avantages. (Lettre 612)"
"Et pourtant, et pourtant", scande-t-il dans la lettre 638 "Certains de mes tableaux trouveront un jour des amateurs. Mais tout le bruit fait à propos des prix élevés qui ont été payés ces temps derniers pour des Millets, etc., aggrave à mon avis la situation. "
Dans sa dernière lettre il exprime encore plus clairement encore les raisons d'un suicide. Cette lettre, la 652, a été retrouvée dans la veste de Vincent après sa mort. Il n'avait pas souhaité l'envoyer à son frère. Elle lui semblait sans doute trop rude, trop profondément expressive, pour vouloir importuner Théo qui était dans les difficultés jusqu'au cou. Il écrivit à la place une lettre plus neutre et plus superficielle. C'est ainsi que la première lettre, la lettre 652 qui ne partit pas devint le testament de Vincent. Elle se terminait par ces phrases :"Dans un moment où la situation entre marchands de tableaux d'artistes décédés et marchands de tableaux d'artistes vivants est très tendue. Et mon propre travail, eh bien, je mets ma vie en jeu, et mon esprit y est resté pour moitié -bon-, mais pour autant que je sache, tu ne fais pas partie des marchands d'esclaves et tu peux, je trouve, prendre position et agir vraiment humainement- mais que faire ?" Du fait de son suicide, son frère ferait bientôt partie de la première catégorie.
Reconnaissance posthume
Un premier article critique sur Van Gogh parait en janvier 1890. En février 1890, achat de La vigne rouge par un peintre belge pour 400 francs. Ainsi, c'est dès l'année même de sa mort que Van-Gogh, dont la première oeuvre d'importance a été peinte tout juste cinq ans auparavant, devient connu. Il a tout de suite eu une influence profonde sur les peintres modernes adeptes de l'expressionnisme. Les fauves français utiliseront la construction du tableau par la touche colorée. Les expressionnistes allemands retiendront la valeur symbolique de la couleur et l'expressionnisme abstrait, la rapidité fébrile de l'exécution.
Jo van Gogh-Bonger, belle-soeur de Vincent et veuve de Theo, a publié pour la première fois au cours des années 1914/15, les lettres gardées par son mari. 652 lettres en tout dont on a conservé la numérotation jusqu'à nos jours. En 1911 Emile Bernard, l'un des amis les plus intimes de Vincent, avait déjà fait publier les lettres qui lui avaient été adressées. Celles-ci ont été numérotées de façon autonome et leur numéro est précédé d'un B. En 1937, Anton Van Rappard, un collègue hollandais de Vincent, rendit accessible les lettres que lui envoya celui-ci. Elles sont marquées d'un R van leur numéro. En 1954, parut enfin un recueil imprimé des lettres adressées à sa soeur Willemina, lettres dont la numérotation est précédée d'un W. On publia également de 1952 à 1954, les réponses de Theo et sa femme, 41 en tout, toutes marquées d'un T. Ce sont au total plus de 800 lettres qui ont pu être conservées.
Conservation des toiles : pertes du rouge (et donc du rose et du violet)
Pourquoi certains rouges de Van Gogh blanchissent ? En 2015 une équipe belge de l'université d'Anvers a obtenu l'autorisation de prélever sur les Meules de foin sous un ciel nuageux un grain de matière, d'environ 0,2 millimètre de diamètre. Cette minuscule bille était d'un gris clair mais, à l'intérieur, le rouge flamboyant d'origine était bel et bien toujours là ! Présent mais caché, enchâssé dans un cocon de matière. Vincent Van Gogh utilisait du minium, un oxyde de plomb servant de pigment rouge depuis l'Antiquité. Le plus souvent, le minium noircit avec le temps, soit parce qu'il se transforme en plattnérite, un autre oxyde de plomb, soit parce qu'il se change en galène (un sulfure de plomb). Il arrive également que le minium, comme c'est le cas avec ce fragment de peinture, blanchisse. Sous l'effet de la lumière des modifications de l'agencement des électrons au sein du solide se produisent qui vont lui permettre de prendre au piège du dioxyde de carbone (CO2). Ce dernier provient soit de l'air, soit... de la peinture elle-même, de la décomposition des acides gras présents dans le liant qu'employait Van Gogh ou son marchand de couleurs (d'où le nom de peinture à huile). En se recomposant avec le CO2, le minium devient un carbonate de plomb, la plombonacrite, une molécule très rarement retrouvée dans les peintures. La réaction chimique ne s'arrête pas là. La plombonacrite va continuer à absorber du dioxyde de carbone, jusqu'à se transformer en céruse, pigment blanc connu lui aussi depuis l'Antiquité, sous le nom de blanc de plomb. Au bout du compte, le grain de minium finit prisonnier, encapsulé dans ses propres produits de dégradation.
Le musée Van Gogh d'Amsterdam présente ainsi une animation pour comparer, La chambre de Van Gogh d'origine, reconstituée (à gauche) à ce qu'elle est aujourd'hui (A droite)
Bibliographie: