Le tableau a atteint, jeudi 25 mars 2021, chez Sotheby's Paris, la somme de 13,1 millions d’euros (11,25 millions d’euros sans frais) alors qu'il était initialement estimé à 5 à 8 millions d'euros. Ce montant de 15,41 millions de dollars le place néanmoins très loin des enchères records pour un Van Gogh.
Ce tableau, acheté dans les années 1920 par la famille de collectionneurs parisiens qui le met en vente aujourd’hui, n'avait jamais été montré au public. Il était l'un des rares tableaux de la période parisienne de Vincent Van Gogh à être conservé aujourd’hui en mains privées. Toutefois, le tableau est connu des spécialistes, étant publié en noir et blanc dans notamment sept catalogues.
Scène de rue à Montmartre (Impasse des Deux Frères et le Moulin à Poivre) fait partie de la période parisienne de Van Gogh, qui compte environ 200 œuvres. L’artiste l’a peinte lors de sa deuxième année à Paris, alors qu’il habitait avec son frère Theo dans la rue Lepic, à Montmartre. Si ses contemporains, comme Henri de Toulouse-Lautrec, ont immortalisé les cabarets et la vie urbaine du quartier, Van Gogh a préféré peindre l’ambiance populaire, champêtre et bucolique d’un Montmartre qui n’existe plus aujourd’hui, le Montmartre encore rural d’avant Sacré-Coeur.
Dans Scène de rue à Montmartre, il représente, à une heure matinale d’une journée de début de printemps, un couple et deux enfants près d’une modeste clôture en bois devant le moulin à poivre (dit aussi Moulin Debray), détruit en 1911 lors du percement de l’avenue Junot. La tradition de la peinture hollandaise est présente dans l’œuvre, notamment avec la présence du moulin et des quelques touches brunâtres, mais l’artiste représente Montmartre comme un lieu de loisir et de plaisir où l’on peut remarquer, dans la partie gauche, un carrousel et, dans l’arrière-plan, une vue plongeante sur le Tout-Paris.
La première année de son séjour dans la capitale, en 1886, l’art de Van Gogh est encore imprégné de la tradition des peintures de paysages hollandais. En 1887, il fréquente l’avant-garde parisienne, côtoie des artistes comme Paul Signac, s’est rendu à la huitième exposition des impressionnistes (1886) où sont présentées des œuvres impressionnistes et post-impressionnistes comme Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte (1884-1886) de Georges Seurat dont il s'inspire pour son autoportrait de 1887.
Si la touche de Van Gogh dans Scène de rue à Montmartre n’est ainsi pas impressionniste, il n'en délaisse pas moins les tons sombres de sa palette pour privilégier la couleur qu’il trouve à Paris et montre , notamment avec les arbres sinueux, les prémices du style de Van Gogh. Toutefois, l’artiste ne met pas encore en lumière les couleurs au détriment du dessin. Une étude à la vision infrarouge du tableau a révélé des dessins préparatoires sous-jacents très travaillés par Van Gogh et typiques de sa technique..