National Gallery

2014

Festival de Cannes, quinzaine des réalisateurs 40e Fesival du cinéma américain de Deauville 2014 Avec : Nicholas Penny, Susan Foister, Larry Keith, Dawson W. Carr. 2h53.

La National Gallery vue depuis Trafalgar square. Des tableaux : Noli me tangere, Les époux Arnolfini, Les trois âges.... Un cireur de parquet passe dans une salle qui va bientôt être ouverte au public. Des visiteurs regardent des tableaux de Vermeer : Femme debout devant son virginal, La ruelle...
 
La conférencière du Couronnement de la vierge (Jacopo di Cione, 1371) captive son auditoire. Elle demande à son public de s'imaginer dans l'église de saint Pierre Maggiore en 1377, telle qu'elle est reproduite en miniature dans le grand retable, et de regarder alors le polyptyque comme s'il était vu à la lueur vacillante des cierges : on peut croire que l'ensemble des saints bougent. Bien réels, pourquoi alors n'entendraient-ils pas nos prières et intercèderaient pour nous auprès du Christ et de la Vierge. Cette adéquation entre la figure de la chose et la chose est parfois encore très présente poursuit-elle en proposant la métaphore du dessin d'un chat auquel aujourd'hui encore on n'oserait trop lancer des fléchettes dans les yeux de peur qu'un chaton réel en souffre.

Nicholas Penny, directeur du musée, et Susan Foister, chargée des relations avec le public : faut-il sans cesse amener la peinture vers le public moins cultivé d'aujourd'hui, ou, comme le pense le directeur, continuer des expositions pointues, risquées, au milieu d'expositions plus populaires ? Les 5,2 millions de visiteurs pour lesquels les grands maitres sont une attraction touristique, ne comprennent pas ce que propose la National Gallery. Il faudrait dialoguer avec le public, le mobiliser, lui indiquer "Voila pourquoi vous devez venir".

Dans l'atelier pour aveugles, l'animatrice a distribué un dessin en relief de Boulevard Montmartre la nuit (Camille Pissarro, 1897) pour une lecture sensible par des aveugles travaillant en binôme avec un voyant. Le tableau est vu depuis une fenêtre d'hôtel. Tout est vu à distance, sans distinction sociale possible entre les passants. Des 14 vues du boulevard Montmartre, c'est la seule qui soit de nuit. Le tableau à la forme d'un drapeau avec sa surface composée selon trois triangles, celui du ciel formant un vrai "V". Le point de fuite est discrètement souligné par une petite lumière

Des visiteurs regardent Bacchus et Ariane et La mort d' Actéon du Titien.

Un médiateur  auprès des jeunes enfants leur montre Moïse sauvé des eaux (Orazio Gentileschi, vers 1630) et leur explique qu'ils pourront trouver d'autres épisodes de sa vie dans le musée ou d'autres histoires si celle de Moïse les lasse

Un conférencier décrit Christine du Danemark, peinte par Holbein en 1538 qui cherchait pour le roi d'Angleterre une autre épouse après Jane Seymour. Celle-ci refusera dit-on d'être reine d'Angleterre : "Si j'avais deux têtes, j'en aurais volontiers mis une au service du roi d'Angleterre". Portrait frontal qui ne doit pas laisser à penser qu'il pourrait chercher à cacher des défauts en ne représentant qu'un profil. Christine apparait presque narquoise, intelligente, en pleine possession de ses moyens.

Une conférencière interroge les détails de certains tableaux : la plante de La Vierge au rocher, la pose de La Vénus au miroir, la position du Whistlejacket (George Stubbs, 1762), la ligne bleu dans la symphonie de jaunes des Tournesols de Van Gogh. Il faut regarder, réfléchir et décoder dit la confèrencière aux étudiants. Ce n'est pas tant une question de savoir mais plutôt trouver quelle position prendre pour ramener à ce que dit le tableau aujourd'hui.

Dans l'atelier de restauration, des retouches de noirs sont appliquées sur une grande toile. Dawson W. Carr, le restaurateur en chef, demande à Larry Keith une proposition de restauration, s'il s'agit de reprendre des retouches ou des craquelures du vernis.

Des visiteurs, fatigués, curieux, au téléphone, avec des écouteurs, handicapés, jeunes et vieux. Une gardienne assise.

La conférencière du début parle de Samson et Dalila (Pierre Paul Rubens, 1610), la belle espionne envoyée chez l'ennemi. Samson ment à chaque visite de Dalila qui l'interroge sur l'origine de sa force. Mais son désir devient plus grand à chaque fois. La conférencière interpelle son public : "Vous êtes envoyé chez l'ennemi et ce qui était faux au début devient vrai.... Ils font fait l'amour, il s'est endormi ; ça arrive ! Les philistins sont à la porte. Dalila ne triomphe pas ;  elle penche tendrement la tête et a, de la main, un geste tendre sur son dos. Il lui est pénible de savoir qu'il va mourir à cause d'elle mais, d'un autre coté, elle est contente d'avoir aidé son pays".

Les visiteurs dans la salle des Rubens, Le portrait au chapeau, un écolier prend des notes

Une conférencière explique que le tableau est comme un film ancien. Il faut en extraire le point important pour mieux le comprendre.

Salle multimédia.

Réunion de l'équipe dirigeante au sujet  de Sport Relief, la manifestation sportive et caritative. Ils ont été mis devant le fait accompli que le marathon se terminerait devant Trafalgar square ce qui va obstruer l'entrée du musée pendant une demi-heure au moins. Ils veulent s'opposer à ce qu'une projection publicitaire soit faite, en plus, sur la façade du bâtiment. "Nous ne sommes pas à vendre" résume Nicholas Penny, directeur du musée. Susan Foister, chargée des relations avec le public, pense aux 18 millions de spectateurs qui seront touchés. La National Gallery pourrait ainsi être associée à la culture populaire et descendre de son piédestal ; se montrer le plus accessible possible vaut bien une demi-heure de publicité par an.  Les retombées en terme d'images ne seront pas toutes positives réplique Nicholas Penny qui pense cette publicité trop hétérogène: sur les stades de football la publicité est en rapport avec le sport, jamais pour les musées. De plus, pour le tournage de Harry Potter, aucune des mesures promises n'a été tenue.

Des visiteurs contemplent les Goya.
 
La conférencière décrit un troisième tableau, Les ambassadeurs (Holbein, 1533), Jean de Dinteville et Georges de Selve, les deux ambassadeurs ont convoqué le meilleur peintre d'Angleterre et lui disent quoi peindre. C'est Jean de Dinteville qui ramenera le tableau au château de Polisy. La tête de mort en anamorphose est très inhabituelle dans un portrait. Cela signifie sans doute qu'elle est toujours présente mais cachée : que ces deux hommes soient jeunes, riches et beaux, intéressés et concernés par le monde, la mort gagnera toujours. Tout doit donc s'observer depuis la connaissance de Dieu, crucifix que l'on osberve dans la perspective de l'anamorphose depuis le coin droit en bas jusqu'au coin haut en gauche.

"Tout ce qui vous intéresse est dans l'art" dit la conférencière, spécialiste des installations, qui s'attache à montrer en quoi ce qui est dans un tableau du 16e ou du 19e siècle peut nous intéresser.  Elle rappelle ainsi la collection d'Angerstein, sur laquelle s'appuie la National Gallery, mais aussi bien des chefs-d'eouvre du British museum sont issus, pour la plus grande honte de l'Angleterre, de l'argent de la traite des noirs.

Stubbs dit la conférencière est un peintre autodidacte déjà connu par ses travaux sur l'anatomie humaine. Pendant 18 mois, il s'installe dans une ferme avec des poulies, courroies et crochets, il reconstitue un cheval à partir de son squelette et des morceaux de chevaux qu'on lui amène.

Spectateurs devant Durer Memling, Bouts (cartels très visibles).

Un médiateur explique à des adolescents L'assassinat de saint Pierre martyr (Giovanni Bellini, 1507). Comment raconter une histoire en une seule image ? Pourquoi avoir représenté des bucherons ? Saint Pierre de Vérone tué près de Milan. Plus tragique car les autres ne s'en aperçoivent pas comme dans l'interprétation de La chute d'Icare par le poème de W. H. Auden.

Séance de pose : femme nue au bâton; celui-ci, explique la professeur, fait surgir un récit.

La National Gallery, de nuit, de jour. L'exposition temporaire : Leonardo Da Vinci : Painter at the Court of Milan (9 novembre 2011, 5 février 2012) fait le plein, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur avec des visiteurs écouteurs rivés aux oreilles devant La vierge au rocher, Saint Jérôme, La belle Ferronnière, La dame à l'hermine ou Saint Jean-Baptiste. Le commissaire interviewé par la télévision parle d'expérience spirituelle, d'une innovation continue.

Dans l'atelier de restauration, travail sur un grand cadre en bois. Prélèvement au microscope d'échantillons de pigments proches de parties abimées ; nettoyage à grands coups de brosse du Portrait de Frédéric Rihel à cheval (Rembrandt, 1663).

Même sous la pluie, la queue pour Leonard est toujours impressionnante. Les visiteurs accèdent aux dessins, au carton de sainte Anne, aux têtes de chérubins, mains, têtes et crânes. La salle de conférence pour la Cène est prête.

Npuvelle réunion de l'équipe dirigeante autour de la discussion du budget qui sera en baisse pour 2013.  3,2 millions de budget en moins. Sans doute pas d'exposition prestigieuse, comme celle consacrée à Vinci. Nécessité de réduire le personnel en réorganisant la surveillance. Les 1,7 millions de ressources propres sont jugées sous-estimées par l'un des conservateurs. La comptable réplique que la marge d'ncertitude est faible vis à vis d'autres : la hausse de 1% de la masse salariale ou la hausse de l'énergie.

Conférence sur Le déclin de l'empire carthaginois de Turner avec, selon les mots du peintre son "crépuscule ensanglanté". Avec sa réflexion sur l'histoire, il se dégage alors de l'influence du Lorrain. Le tableau date de 1817, deux ans après la chute de l'empire de Napoléon en 1815.

Le restaurateur, Larry Keith, explique qu'en enlevant les couches de vernis au solvant sur toute la surface du Portrait de Frédéric Rihel à cheval (Rembrandt, 1663) en costume militaire fantaisiste de la milice, il a permis que le vernis jaune ne fasse plus passer le bleu vers le vert et efface les distinctions entre les noirs et les bruns. En passant le tableau aux rayons X, il a appris que Rembrandt peignait le ciel autour de la tête. Mais il a eu aussi une grande surprise : en retournant le tableau, on voit un autre portrait, inachevé, un portrait en pied, rare après l'échec de la réception de La ronde de nuit. Un quart des œuvres de Rembrandt sont peintes sur une ancienne ébauche mais rare pour une commande de cette importance et pas de préparation nouvelle. Le repentir devient plus visible avec le temps car la peinture à l'huile devient plus transparente.

Photographie des tableaux. Restauration d'un cadre à l'or fin. Dawson est à son tour interviewé par une télévision sur l'apport de l'exposition à notre connaissance de La vierge au rocher. Deux étapes pour le dessin de la version de La National Gallery, dialogue entre les œuvres après trois mois d'exposition, toujours pas pourquoi deux versions. Séance de pose avec un homme.

Sur la façade de La National Gallery, Greenpeace installe une banderole "It's not oil painting. Save the Artic" contre les plateforme pétrolières de Shell.

Un film pédagogique est en préparation autour du Dernier voyage du Téméraire de Turner. Sens métaphorique de l'eau. Balise noir et remorqueur, forme précise des voiles, paysage urbain à l'arrière-plan.

Tableau du Doge de Venise, époussetage des meubles et nettoyage des vitres.

Luxmètre devant le retable de la Crucifixion (Maître du retable d'Aachen, vers 1490-95). L'éclairage à 120 est trop faible ; concentrer les caches sur chacune des trois parties pour atteinte entre 140 et 150. Le conservateur  bon grés, mal grés s'accommode de l'ombre portée et félicite l'équipe.

Un autre conservateur explique à deux jeunes femmes que les premiers conservateurs incluaient toujours dans la description du tableau d'où venait la lumière. Notre habitude moderne d'éclairer frontalement et uniformément les tableaux a fait perdre cette attention. Il les conduit devant Samson et Dalila (Pierre Paul Rubens, 1610) qui a d'abord été exposé au-dessus d'une cheminée chez Rockox, son  commanditaire. La lumière provenant de la gauche et le souffle de la bougie s'explique par le fait que la fenêtre de la pièce se trouvait sur la gauche. Les parties sombres étaient mal éclairées par la lumière qui provenait de la cheminée et se réfléchissait sur le sol. Les vernis laissaient dans l'ombre des parties peintes rapidement qui n'étaient pas destinées à être vues  de près.

Dans la salle des Titien, on prépare un nouveau sol. La commissaire discute avec le chorégraphe pour savoir si les deux danseurs, Ed et Carlos, auront assez de place pour s'exprimer ; les spectateurs seront contenus derrière une barrière.

Une conférencière parle des Titien de la Bridgewater Collection : Diane et Actéon (1559) et La mort d'Actéon (1565) étaient destinées à Philippe II mais ce dernier tableau n'a jamais été envoyé et est resté jusqu'à la mort du Titien dans son atelier. A sa place, Titien a envoyé Diane et Callisto. Dans sa lettre à Philippe II, Titien qualifie ses tableaux de poèmes.

Conférence  "Dix minutes" sur La mise au Tombeau (Michel-Ange, 1501). Depuis 50 ans, nous ne savons toujours pas pourquoi il est inachevé. Mystère des intentions de l'artiste.

Tableau Still Life with Drinking-Horn (1653, Willem Kalf), un homard entre une corne d'abondance qui subsistera longtemps contrairement à l'éphémère et légère écorce du citron.

Autour de L'adoration du veau d'or (The Adoration of the Golden Calf, Nicolas Poussin, 1633-4), un vieil homme raconte à une jeune femme l'histoire de Moïse descendant du mont Sinaï : "OK j'ai discuté avec lui, il est descendu à dix... mais l'adultère est toujours dans la liste". Il  y a deux mois, un vandale avait tagué le tableau, le lendemain il était à nouveau en place. Il avait été nettoyé en une nuit.

The scale of love (Jean-Antoine Watteau,1715-18). Deux conservateurs qui vont exposer la toile en France discutent avec les conservateurs. Selon William Christie il ne s'agit pas d'une vraie partition, ni pour le chant ni pour guitare, en revanche c'est une vraie guitare du  XVIIe qui est représentée. Diana and Endymion (Pierre Subleyras, 1740) ; il faut qu'elle touche le berger pour s'assurer que sa beauté est bien réelle.

Conférencière parle de Christ washing the Feet of the Disciples (Jacopo Tintoretto, 1575-80) à propos de la mission éducatrice de la peinture, ici l'amour fraternel entre les hommes, en opposition à la contre-réforme qui voit dans les images de dangereux replicants de Dieu.

Le Christ dans la maison de Marthe et Marie de Velasquez a perdu, au cours de restaurations successives, les vernis teintés que le peintre avait appliqués pour marquer les ombres. Du coup, on ne sait plus si la scène du fond est une image sur un mur ou une scène réelle. Larry keith se propose ainsi d'appliquer de nouveaux vernis réversibles pour marquer les ombres sur le mur. Ces vernis pourront être enlevés en un quart d'heure; le restaurateur moderne acceptant que des années de travail disparaissent si son approche n'était pas pas ultérieurement jugé satisfaisante. Restaurer n'est pas rénover. Il est probable que les deux servantes sont derrière un passe-plat et écoutent Marthe qui se plaint. L'hypothèse d'une gravure au mur est contredite par le jeu des ombres à peine perceptibles. Néanmoins le sens de la scène reste ambigu. La vieille servante pourrait aussi bien dire : "Dépêche-toi" que "Réserve du temps à la vie spirituelle" ou, au contraire citer le mot de sainte Thérèse d'Avila : "Dieu est aussi dans les casseroles".

Concert privé devant Perseus turning Phineas and his Followers to Stone, ( Luca Giordano, 1680), tableaux Le jeune garçon mordu par un lézard (Le Caravage, 1594), Witches at their Incantations (Salvator Rosa, 1646).

La National Gallery de nuit. L'ouverture de L'exposition temporaire, Turner Inspired : In the Light of Claude (14 mars, 5 juin 2012).

Un restaurateur bègue parle fort bien du cadre en bois d'ébène d'un Rembrandt.

Nicholas Peny explique que dans Le triomphe de Pan, Nicolas Poussin représente l'antique par  la sculpture, allant jusqu'à peindre de rouge Pan, comme on savait alors qu'étaient les sculptures antiques.  Poussin sait qu'il va être comparé à Mantegna qui traita de la même façon l'antiquité. C'est un défi de peintre, la défense d'une idée sophistiquée de l'art. Le tableau est élitiste et son sujet ne peut être compris que d'un public restreint

Une conférencière explique devant Femme debout devant son virginal (Jan Vermeer, 1670) que Vermeer peint une image idéale, séduisante qui aspire par sa beauté. Le tableau ne se défait pourtant pas d'une certaine ambigüité sur l'attitude de la jeune femme. Il est bien de rester curieux du tableau et d'être conscient que, selon son humeur, le tableau est différent à chaque vision.

Larry Keith explique que Le jeune garçon mordu par un lézard (Le Caravage, 1594) doit beaucoup au fond rouge-brun brique de la préparation qui reste telle quel pour une partie du visage et des mains du garçon. Le blanc appliqué sur cette surface devient plus facilement opaque et est plus économique en pigments.

Nouvel accrochage de La vierge au rocher qui revient de l'exposition temporaire. Le conservateur est perplexe: si la composition est florentine, le tableau est globalement milanais ; son accrochage à côté des Verrocchio, maître florentin de Leonard, n'est peut-être pas adequat.

C'est l'exposition Metamorphosis : Titian (11 Juillet 2012 – 23 Septembre 2012).

Nicholas Peny aime bien l'accrochage face à face de Diane et Actéon (1559) et Diane et Callisto (1559). Diane est face à deux de ses victimes, une femme (Callisto) et un homme (Actéon). la mort d'Acteon (1565), prévu initialement ne sera vendu qu'après sa mort. Les tableaux commandés par Philippe II sont restés deux siècles en Espagne, passant au duc d'Orléans, puis dans la collection de la reine de Suède avant d'être achetés par des lords anglais et d'entrer à La National Gallery

Des visiteurs devant Seurat, Renoir, Degas, Cézanne Van Gogh, Pissarro et l'exécution de Maximilien de Manet.

Jo Shapcott récite son poème 'Callisto's Song'. "La poésie se situe entre ce que Callisto a ressenti et mon poème" dit-elle. Un couple de danseurs exécute une chorégraphie entre deux tableaux du maitre vénitien : Diane et Actéon (1559) et la mort d'Acteon (1565).

Regards de Rembrandt au travers de ses autoportraits.

Wiseman reste fidèle à sa méthode pour filmer un lieu institutionnel emblématique. Ainsi après La comédie française (La Comédie-Française ou L'amour joué, 1996), le corps de ballet de l'opéra de Paris (La danse - Le ballet de l'Opéra de Paris, 2009), Le Crazy Horse (2011) ou l'université de Berkeley (At Berkeley, 2013), National Gallery dresse un panorama complet et varié de l'institution muséale.

Wiseman filme tout seul, avec l’assistance d’un opérateur qui s’occupe du cadre et de la lumière, lui-même assurant la prise de son. Il impressionne plusieurs dizaines d’heures, voire bien plus d’une centaine, qu’il monte ensuite pendant plusieurs mois afin d’obtenir un film d'une durée de souvent plusieurs heures en privilégiant le plan-séquence. Wiseman n'aime pas les mouvements inutiles et ne filme que des interventions et propos professionnels se désintéressant des racontars off, des critiques extérieures et s'interdisant tout commentaire off, musiques additionnelles ou interviews .... Son propos est de montrer comment cela fonctionne plutôt que comment cela pourrait ou devrait fonctionner.

Les musées au cinéma

Pas plus que La ville Louvre (Nicolas Philibert, 1990) ou au musée de l'Hermitage dans L'arche russe (Alexandre Sokourov, 2002), National gallery ne se donne pour but de filmer la peinture au moyen du cinéma. Dans la ville Louvre les oeuvres n'étaient pas filmées pour elles-mêmes mais comme objets ayant une taille et un poids qu'il faut transporter ou surveiller. Ici c'est l'institution du musée national que filme Wiseman. Dès lors les tableaux font l'objet de plans sobres et brefs comme étaient filmés les somptueux parcs de l'université de Berkeley entre de grandes séquences de cours ou de réunions du conseil d'administration.

Toutefois, avant et après le discours tenu sur le musée, Wiseman n'oublie pas qu'il reste l'essentiel, l'œuvre d'art. Les plans des Vermeer au tout début et l'adieu à la toute fin avec les autoportraits de Rembrandt sont particulièrement émouvants. Pour l'essentiel cependant, les plans de tableaux, lorsqu'ils n'illustrent pas les propos des médiateurs servent de respiration dans le cours du film au même titre que l'alternance de regards de spectateurs vers ces tableaux ou même, plus simplement les regards seuls des spectateurs, intrigués, distraits ou parfois même fatigués d'une visite obligatoirement longue et éprouvante dans un musée d'une telle richesse.

Pour des explorations plus longues et systématiques des tableaux au moyen du cinéma, on ira voir du côté d'Une visite au Louvre (Jean-Marie Straub, 2003) ou de réussites comme Passion (Jean-Luc Godard, 1982) ou des échecs comme le récent Shirley, un voyage dans la peinture d'Edward Hopper.

Ici le musée est objet de documentaire comme il était objet de fiction pour le musée archéologique de Naples  dans Voyage en Italie (Roberto Rossellini, 1953), pour  The California Palace of the Legion of Honor de Los Angeles  dans Vertigo (Alfred Hitchcock, 1958), pour le parc de sculptures du MoMa  dans Shadows  (John Cassavetes, 1959), pour le  Louvre  dans Bande à part (Jean-Luc Godard, 1964), pour le MoMa pour l'exposition Responsive Eye (Brian de Palma, 1966), pour le musée des beaux-arts de Philadelphie dans Pulsions (Brian de Palma, 1980), ou pour le Walter art museum de Baltimore  dans Les pleins pouvoirs (Clint Eastwood, 1997).

Quels discours vis à vis des publics ?

Lors de la première grande séquence Susan Foister, chargée des relations avec le public, constate que pour  la majorité des 5,2 millions de visiteurs par an que le musée accueille, les grands maitres sont une attraction touristique. Il leur faut une médiation pour qu'ils comprennent ce que propose la National Gallery.  La majorité des plans du film pose ainsi la question : le sens est-il dans l'œuvre  d'art ou faut-il une médiation ? Pour les tenants de la première thèse il ne faudrait pas polluer l'œuvre avec un discours alors que le film ne cesse de montrer qu'il est nécessaire d'avoir des codes pour comprendre. La proposition s'avère de plus en plus évidente tant  les analyses de tableaux par les conférencières et  les restaurateurs s'avèrent passionnantes. Les difficultés liées à l'accrochage d'un tableau et le suivi de trois expositions temporaires complètent ce panorama.

Faire en sorte comme le dit une conférencière que "Tout ce qui vous intéresse est dans l'art", amener le tableau d'une autre époque qui avait alors une toute autre fonction vers le public d'aujourd'hui. Ce n'est alors pas tant un savoir abstrait que déversent conférencières et conférenciers qu'un lien entre le public et le tableau.

Wiseman accorde une place essentielle aux deux premières taches des musées soit, conserver et étudier les œuvres qu'ils possèdent en donnant la parole aux conservateurs, Larry Keith et Dawson W. Carr. Les analyses du Portrait de Frédéric Rihel à cheval (Rembrandt, 1663) et son première portait visible au rayons X, Christ dans la maison de Marthe et Marie. Ces exposés, faits en petits comités, sont complétés par deux autres explications devant des publics restreints par deux autres conservateurs, ceux de Samson et Dalila (Pierre Paul Rubens, 1610) et du Triomphe de Pan par Nicholas Penny lui-même qui y réaffirme son goût pour un art sophistiqué destiné à une élite de spécialistes qu'il estime lui même difficile à faire partager au plus grand nombre.

Il appartient donc aux médiateurs de faire le lien entre l'étude savante, qui finira par être à la portée de tous, et la première vision du tableau, sans clé, à laquelle le visiteur est confronté lors de sa première entrée dans le musée. Ainsi semble devoir être remplie la troisième mission des musées : valoriser leur collection... auprès des publics.

Jean-Luc Lacuve le 08/10/2014