Thèmes du cinéma

On traitera ici successivement des mers, des rivières, des lacs et des étangs, de la pluie, de la neige et des constructions humains : canaux, piscines, jets d'eaux, douches et aquariums.

1 - Les mers

lieu de loisir, décor de la passion amoureuse, mer purificatrice, mère nourricière ou lieu de mort. Deux lieux particuliers : le port et le phare.

1-1 la mer, lieu de loisirs

A propos de Nice (Jean Vigo, 1930, 0h45)

Dans La comtesse aux pieds nus, le très riche comte Favrini emmène Maria Vargas sur la riviera. L'été, dans les lieux souvent très fréquentés, les plaisirs de la mer dépendent fortement des conditions sociales. Ces plaisirs sociaux, c'est justement ce à quoi va s'attaquer Jean Vigo dans A propos de Nice (Jean Vigo, 1930, 0h45).

Dans ce film, il n'y a pas ici d'histoire à proprement parler, mais une suite de vues de Nice et de ses environs, sans commentaire, choisies et montées avec humour et une forte charge sociale.

Ici c'est la séquence des plaisirs bourgeois juste après la séquence d'ouverture. Un hydravion se pose dans la baie, on joue au tennis ou aux boules, la foule se presse au rallye automobile de Monte-Carlo.

C'est juste avant la séquence où riches bourgeoises, jeunes ou vieilles déambulant sur la promenade des anglais (célèbre montage greffe d'une autruche juste après l'une de ces riches bourgeoises très collet monté), on a aussi un marin qui devient noir de s'être exposé au soleil et une femme qui change de toilette toutes les trois secondes avant de s'exhiber complètement nue.

On verra comme Vigo fait jouer un rôle plus actif à l'eau. On note, qu'ici, on est très proche d'une illustration des plaisirs de l'eau, du canotage et de la voile qu'ont souvent représentés les impressionnistes en peinture.

1-2 La mer décor de la passion amoureuse : Tant qu'il y aura des hommes ,Vertigo

Tant qu'il y aura des hommes (Fred Zinnemann ,1953)
Vertigo (Alfred Hitchcock,1958)

 

1-3 La mer purificatrice

L'homme du large (Marcel L'Herbier, 1920)
Les 400 coups (François Truffaut,1959)

 

1-4 La mer où l'on travaille : pêche, le remorquage, le transport

Remorques (Jean Grémillon, 1941)
Finis terrae (Jean Epstein, 1929)
Pêcheur d'Islande (Jacques de Baroncelli, 1924)

 

1-5 La mort

Cœur fidèle (Jean Epstein 1923)
Une étoile est née (Georges Cukor, 1954)
   
Les dents de la mer (Steven Spielberg, 1975)
Titanic (James Cameron, 1997)
   

Cœur fidèle de Jean Epstein (1923, 1h07). Jean a demandé la main de Marie à ses parents adoptifs qui la lui ont refusé. Pire, Marie ne vient pas au rendez-vous.

Une étoile est née de Georges Cukor (1954). Avec : Judy Garland (Vicki Lester), James Mason (Norman Maine). 2h57. Ancienne idole du cinéma, Norman Maine noie dans l'alcool ses déboires professionnels. Un soir, il découvre une jeune chanteuse qui lui semble avoir les qualités cachées d'une future grande actrice. Ils s'aiment et se marient. Norman dégringole aussi vite qu'Esther grimpe vers la gloire (Célèbre scène de l'Oscar reçu par Vicki et où Norman provoque un scandale). Esther confie à Niels sa décision d'abandonner sa carrière pour se consacrer entièrement à son mari. Norman, qui a surpris la conversation et ne veut pas être un poids pour sa femme, se suicide.

Autre grande séquence du passage vers la mort : le naufrage du Titanic. Titanic de James Cameron (1997). Avec : Leonardo DiCaprio (Jack Dawson), Kate Winslet (Rose DeWitt Bukater). 3h14. L'architecte du bateau a arrêté l'heure, les vieux sont emportés par la mort et les jeunes aussi puisque qu'une mère endort ses enfants avec un conte sur le retour au Pays de la beauté. Même l'art est emporté vers le néant. Ici un Etang aux nymphéas de Monet, des Danseuses de Degas. Cameron montre trois fois ces tableaux : preuve du goût de Rose, une seconde comme art poétique lorsque Rose est dessinée nue par Jack entre deux tableaux et, ici, comme marque d'un naufrage total.

 

1-6 Le port

 

La barque sortant du port de Louis lumière (1900)
Pêcheur d'Islande (Jacques de Baroncelli, 1924)
Le quai des brumes (Marcel Carné, 1938)
Finis terrae (Jean Epstein, 1929)
Cœur fidèle ( Jean Epstein , 1923)

Cœur fidèle de Jean Epstein (1923, 1h07). Marie est une enfant trouvée, durement traitée par ses employeurs, le père et la mère Hochon, tenanciers dans un bar du vieux Port de Marseille qui la traite durement comme serveuse et bonne à tout faire. Marie aime Jean, un honnête docker, mais on l'oblige à se fiancer à Petit-Paul, un gredin qui a eu maille à partir avec la police. Ici le désespoir de Marie se matérialise par l'image du port avec ses détritus- exemple rare de pollution dans le cinéma impressionniste français.

Le quai des brumes de Marcel Carné (1938). Avec : Jean Gabin, Michèle Morgan. Le quai des brumes archétype du réalisme poétique. Jean, un déserteur, arrive au Havre en camion et recherche un abri avant de quitter la France il y rencontre une belle jeune fille triste, Nelly. (Le dialogue de Prévert extrêmement important supplée la banalité de l'image)

1-7 Le phare

Gardiens de phare de Jean Grémillon (1928)
Finis terrae (Jean Epstein, 1929)
   
 
Le tempestaire (Jean Epstein,1947)
 

Gardiens de phare de Jean Grémillon (1928). Né à Bayeux en 1901 mais qui se souvient ici de son ascendance bretonne. En Bretagne, dans un petit village côtier, Bréhan et son fils Yvon s'en vont en bateau à vingt-cinq milles de là, en pleine mer vers un phare (celui de Saint-Guénolé) qui se dresse sur un rocher. Les deux hommes en assurent le service pendant trente jours, durant lesquels, sans liens avec la terre et sans pouvoir demander aucun secours, ils doivent éclairer la route des bateaux. Le drame se declare quand Yvon s'aperçoit qu'il a été mordu quelques jours auparavant par un chien porteur de la rage.

2 - Les rivières

lieu de loisir, de naissance de l'amour, les rivières enchantersses, mères nourricière ou lieu de mort. Un lieu particuliers : le barrage.

2-1 la rivière, lieu de loisirs

   

2-2 la rivière, lieu de la naissance de l'amour

La reine de la prairie (Allan Dwan, 1954)
Le déjeuner sur l'herbe (Jean Renoir, 1959)

ces eaux printanières du Montana : La reine de la prairie (Allan Dwan, 1954) avec Barbara Stanwyck et Ronald Reagan.


Le déjeuner sur l'herbe (Jean Renoir, 1959) Avec : Paul Meurisse (Le professeur Etienne Alexis), Catherine Rouvel (Nénette). 1h32. Le professeur Alexis, grand biologiste qui prône la fécondation artificielle est candidat à la présidence des États-Unis d'Europe. Il a organisé un déjeuner sur l'herbe en Provence. Nenette, la cadette voudrait bien avoir un enfant, sans les complications du mariage. Elle pense que le professeur Alexis a la solution de son problème.

 

2-3 La rivière enchanteresse

Images pour Debussy (Jean Mitry, 1952)
Le déjeuner sur l'herbe (Jean Renoir, 1959)

 

2-4 La rivière nourricière

La nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955)
Le fleuve (Jean Renoir, 1951)

Le fleuve (Jean Renoir, 1951). Le fleuve qui unit, non pas seulement un couple ou une famille mais un peuple entier, un accord par le fleuve entre le monde présent et l'au-delà, et même l'acceptation de la mort (celle de l'enfant) comme un accident faisant partie de la vie même.

2-5 la rivière où l'on meurt

La nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955)
Piranhas (Joe Dante ,1978)

La nuit du chasseur de Charles Laughton (1955). Avec : Robert Mitchum (Harry Powell), Shelley Winters (Willa Harper), Lilian Gish (Rachel Cooper. 1h33.

Powell déguisé en prédicateur se rend dans la ferme de Harper son compagnon de cellule quia caché un gros magot sans en révéler la cachette avant d'être exécuter. Powell se rend En Virginie, au bord de l'Ohio Il ne tarde pas à s'apercevoir que les enfants savent quelque chose. Il séduit leur mère, Willa, et l'épouse. Quand il comprend que Willa ne sait rien, il la tue et fait croire qu'elle est partie en voyage. En fait son cadavre, placé dans sa voiture, repose au fond de la rivière, les cheveux mélangés aux algues flottant au gré du courant comme ceux d'Ophélie.

2-6 les barrages

 

3/ Les étangs

 
L'Aurore (Murnau ,1927)
 

4 - La pluie

Si le monde est ma volonté, il est aussi mon adversaire. Plus grande est la volonté, plus grand est l'adversaire… Le monde est ma provocation.. Je comprends le monde parce que je le surprends avec mes forces incisives, avec mes forces dirigées, dans la juste hiérarchie de mes offenses, comme des réalisations de ma joyeuse colère, de ma colère toujours victorieuse, toujours conquérante (p181). L'adversité surmontée c'est le marcheur contre le vent et le nageur contre le couran

..et pourrait-on rajouter, le danseur ou l'amoureux contre la pluie. La pluie incessante des amours contrariés dans In the mood for love

 

Entr'acte (René Clair, 1924)
La pluie (Joris Ivens, 1929)
   

Entr'acte (René Clair, 1924) Marcel Duchamp et Man Ray (les joueurs d'échecs), surimpression et montage Une chute d'eau totalement injustifiée; c'est l'eau qui semble, de son propre fait, animée d'un mouvement propre, participer à la grande course surréaliste d'Entr'acte

La pluie (Joris Ivens, 1929). Amsterdam, bateaux qui fendent l'eau, jeux de lumière sur les marchandises transportée, vent dans les arbres ou dans le linge, reflet dans l'eau, vols d'oiseaux ou d'avion zébrant le ciel qui se couvre, lumière d'une fenêtre qui s'ouvre. Les premières gouttes de pluie dans les canaux. Parapluie qui s'ouvre et vasistas qui se ferme. Eau qui tombe d'une gouttière, traces de pneus sur l'asphalte mouillé, reflet des pas sur le sol mouillé, affairement des gens vers les trams, dépassement sur route mouillée, virages sous la pluie. Pluie et brumes. L'eau qui ruisselle des tuiles, des bâches de commerces. Eau serpentant sur une vitre, les reflets du soleil revenu sur le pavé mouillé, jeu du soleil sur les gouttes d'eau. Changements d'axes de vue Recherche du maximum de mouvement qui systématise les recherches amorcées avec Études des mouvements à Paris.

5 - la neige

Son emploi au cinéma est symbolique, lorsque son apparition surprend, ou dramatique, lorsqu'elle est le décor de l'action. Dans ce cas néanmoins, un choix de mise en scène, gros plan, recadrage ou répétition insistante permettent de faire émerger une dimension symbolique et, partant, émouvante.

a/ Emploi symbolique

Surprenante est la neige qui envahit l'écran, au début de Citizen Kane (Orson Welles, 1941), alors que la caméra avait survolé un palais plutôt exotique avant de s'approcher de la fenêtre où la lumière s'éteint brusquement. La neige se révèle être une vision mentale de Kane, mourant en ayant observé la petite cloche de verre faisant tomber la neige sur la maison qu'elle contient en prononçant "Rosebud". Il faudra toute l'enquête pour que la signification de ce mot, "Rosebud", soit révélé aux seuls spectateurs, la luge de l'enfance.

La neige se révèle donc mystérieuse et ambivalente. Elle recouvre quelque chose disparue à jamais, l'innocence de l'enfance. Elle associe donc mort et espoirs, ici inaboutis : Kane, en dépit de sa fortune, ne sera jamais aussi heureux qu'enfant.

Tim Burton fait tomber la neige sur les logos de la Twentieth Century Fox dans Edward aux mains d’argent (1990) puis sur celui de la Warner Bros dans Batman 2 (1992). Cette apparition surprenante de la neige, dès les débuts de générique, signale l'importance symbolique qu'elle va acquérir durant le film.

La séquence de la sculpture de glace de Edward aux mains d’argent n'est techniquement pas exactement une scène de neige. Créature aux mains de ciseaux, Edward taille une statue de glace et crée ainsi des flocons de neige sous lesquels danse l'adolescente dont Edward est amoureux et qui l'aime aussi. C'est elle qui au début du film prend en charge le récit et explique à sa petite-fille la beauté du monde mais aussi son cruel inachèvement

Dans Batman 2, les parents du Pingouin vont jeter leur bébé le jour de Noël le condamnant ainsi à une vie de dégénéré. La violence de l'acte est renforcée par le fait qu'il est lieu un jour de Noel dans un contexte de fête et de pureté que souligne la neige.

Dans Sleepy Hollow (Burton, 1999) film noir s'il en est c'est à la fin du film que Burton fait tomber la neige sur sa famille recomposée arrivant à New York enfin libérée du mal.

Dans chacun de ces films de Tim Burton, la neige se révèle toujours signe de pureté en opposition avec les peines et douleurs du mondes (la main écorchée de à la fin de la séquence de sculpture de glace qui va précipiter le drame, l'abandon du pingouin ou les terribles secrets de Sleepy Hollow)

Dans Y-aura-t-il de la neige à Noël ? ( Sandrine Veysset, 1996), la neige incarne le rôle de confiance en l'avenir. Elle tombe à la toute fin alors que la mère s'apprêtait à tuer ses sept enfants. Le symbole est d'autant plus appuyé qu'il est accompagné de la chanson off d'Adamo mais le recadrage du visage derrière la vitre où les enfants envoient des boules de neige est incontestablement émouvant.

A l'inverse la neige est symbole de mort pour le père dans Shining (Stanley Kubrick, 1980) qui se perd dans le labyrinthe de son esprit

On trouve ce même emploi de la neige associé à la mort qu'elle lave, cette fois de manière dérisoire et douloureuse à la fin de Tirez sur le pianiste (Truffaut, 1960).


b/ Emploi dramatique

Un certain nombre de films se passent, pour presque l'ensemble de leur déroulement, dans un paysage de neige. C'est donc moins son apparition qui est symbolique que certains cadrages ou prise de vue. On en trouve de nombreux dans La chevauchée des bannis (André de Toth, 1959), Fargo, (Joel Coen, 1996), Into the Wild (Sean Penn, 2007) ou On the ice (Andrew Okpeaha MacLean, 2011) ou bien encore dans les films de montagne. La neige peut être simple source de chutes et de gags, Les bronzés font du ski (Patrice Leconte, 1979)

Les cadrages symboliques abondent ainsi dans Noi Albinoi (Dagur Kuri, 2003) lorsqu'au premier plan du pré-générique, Noi découvre l'entrée de sa maison barrée par un mur de neige ou, lorsqu'à la fin du film, il doit creuser une tombe près du cimetière à l'aplomb du glacier qui va emporter le village.

Little Odessa (1994), de James Gray (le fils braquant un pistolet contre la nuque du père, agenouillé face contre neige). Mais la neige nappe aussi bien le champ de bataille qui oppose chevaliers teutoniques mortifères et vaillants moujiks (Alexandre Nevski (1938), de Sergueï Eisenstein). Elle enveloppe deux amants que l’Histoire sépare (Le Docteur Jivago (1965), de David Lean), marque une mère nature supposée innocente qui se révèle meurtrière ­(Jeremiah Johnson (1972), de Sydney ­Pollack), embaume Jean-Pierre Léaud dans un hommage dadaïste à la Nouvelle Vague ­(Visage (2009), de Tsaï Ming-liang), essentialise somptueusement la survie d’un fugitif en danger de mort (Essential Killing (2010), de Jerzy Skolimowski).

 

 

6/ Les canaux

le premier travelling du cinéma est lié à à un canal de Venise:

 

La fille de l'eau (Jean Renoir, 1924)
L'hirondelle et la mésange (André Antoine, 1920)

 

1906 : Panorama du Grand Canal vu d'un bateau d'Alexandre Promio
L'Atalante (Jean Vigo, 1934)

7-les piscines

 

La natation (Jean Vigo, 1933, 0h11 parlant)
Sunset boulevard (Billy Wilder, 1950)

Jean Vigo dans La natation (1933, 11 mn parlant) se moque i de ceux qui barbotent dans l'eau mais fait un film à la gloire de Jean Taris, détenteur de tous les records de France sur les distances de 100 à 1500 mètres et recordman du monde du 800 mètres. Pour ce documentaire, il n'hésite pas à faire défiler la pellicule à l'envers dans la caméra une fois puis deux.

La piscine de Sunset boulevard de Billy Wilder (1950) Avec : William Holden, Gloria Swanson, Erich Von Stroheim. 1h50. L'histoire commence par l'image du cadavre de Joe Gillis flottant dans une piscine, et c'est Joe Gillis lui-même qui entreprend de raconter comment il en est arrivé là.


8-Les jets d'eaux

L'arroseur arrosé (Louis Lumière, 1896)
Lumière d'été (Jean Grémillon, 1943)

 

9- Les douches et aquarium

Paranoïd park (Gus van Sant, 2007)

La douche associée à un évènement salvateur, les aquarium plus glauques.

 

 

 

Source : Conférence de Jean-Luc Lacuve, mardi 8 décembre 2009 de 19h00 à 20h30, Auditorium du Musée des Beaux-arts.

 

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