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Batman 2, le défi

1992

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Thème :

Avec : Michael Keaton (Batman), Danny DeVito (Le Pingouin) Michelle Pfeiffer (Catwoman), Christopher Walken (Max Shreck). 2h06.

Né difforme, avec un long nez en forme de bec et des mains palmées, le jeune Oswald Cobblepot fut abandonné par ses parents aux flots de la rivière souterraine qui traverse le zoo désaffecté de Gotham City. Adopté par une bande de palmipèdes, il devint leur chef.

Trente-trois ans plus tard, celui que l'on appelle désormais le Pingouin est décidé à se venger de l'humanité. Associé à une bande de clowns criminels, il fait régner la terreur dans toute la ville, puis il s'allie au cynique Max Shreck, le plus riche citoyen de Gotham. Selina Kyle, la secrétaire de Shreck, ayant découvert les manigances de son patron, celui-ci la précipite par la fenêtre de son bureau. Ressuscitée par une bande de chats, Selina se fabrique, à partir d'un vieux ciré, un costume de féline. Dès lors, Batman n'est plus le seul justicier masqué à hanter la nuit les rues et les toits de Gotham : une tout aussi dangereuse y impose sa loi. Il leur arrive parfois de s'affronter dans des duels aussi violents que passionnés, tandis que, le jour, Selina et Bruce Wayne, ignorant mutuellement leur identité nocturne, tombent amoureux l'un de l'autre. Pendant ce temps, le rusé Pingouin devient la coqueluche des habitants de Gotham, tout en préparant en secret une terrible vengeance : tuer tous les premiers nés de la ville, parmi lesquels Chip, le fils chéri de Max. Après bien des péripéties, le Pingouin sera exécuté et Selina, grâce à ses neuf vies de chat, réussira à éliminer Shreck avant de trépasser. Enfin, en apparence...

Antoine de Baecque : Cahiers du cinéma n°458 juillet/aout 1992 :
" Ce qui existait autrefois au cœur des villes s'est réfugié aux marges : grottes égouts, toits. Les quatre figures centrales du film Batman, Pinguin, Catwoman et Max Shreck reviennent d'entre les morts et n'ont rien oublié.

Le trauma, l'épreuve de la mort ouvrait le premier épisode : l'enfant, futur Batman, assistait à l'assassinat de ses parents. Un même voyage initie au secod volet : Batman returns débute sur une naissance qui est, dans le même temps, un chemin vers le gouffre. Pinguin, l'enfant rejeté par ses parents pour sa monstruosité physique, flotte sur les eaux des égouts dans un berceau de paille. Ce n'est pas tant au Moïse de la Bible que Burton fait référence qu'à la mythologie grecque : la descente vers le royaume des ombres, sur les eaux fangeuses et froides du fleuve Styx, dans la barque de Charon.

Ce superbe générique porte la marque glacée qui ne cessera d'imprimer sur le film le signe de la décomposition morbide. Alors, c'est cette marque que l'on reconnaîtra sur chaque visage, sur chaque métaphore, sur chaque mutation pathologique. Batman, lui-même n'a jamais été si mélancolique si triste, fantôme offrant son corps de plus en plus dédoublé, mi gringalet mi chevalier armé, à cette histoire de "revenants". De même Max Shreck, s'il porte le visage infernal et terrible de Christopher Walken, est surtout un personnage hérité en droite ligne (physiologique et cinéphilique) de son homonyme Max Shreck, l'acteur qui incarnait le Nosferatu de Murnau, l'homme chauve-souris sortant de son cercueil. Enfin la mutation de Selina en catwoman, outre le moment d'anthologie rappelant la transformation de Docteur Jerry en Mister Love, est le couronnement de cette logique suicidaire du retour vers une vie chargée des souvenirs et des stigmates de la mort. Chaque revenant porte ainsi sa mort avec magnificence, et le film ne fonctionne que sur la prise en charge de ce drôle d'habit de deuil qui sert aussi de lugubre habit de fête.

Selina tombe la tête en arrière, et la caméra avec elle : Max vient de la pousser du vingtième étage de la Shreck Tower. Ecrasée au sol, dans la neige, Michelle Pfeiffer est morte lorsqu'une bande de chats vient, littéralement, visiter son cadavre. L'un pénètre dans sa bouche avec sa patte et la langue, d'autres la reniflent et l'appellent en miaulant, un dernier lui dévore le doigt et suce son sang. C'est alors que les yeux de la jeune femme s'ouvrent brusquement : ils voient depuis l'autre monde. Michelle Pfeiffer, enfin confrontée à son vrai rôle, se relève, amis elle conservera désormais la pâleur déplorable du cadavre. Rentrée chez elle, elle saccage tout, bombant d peinture noire ses habits trop jolis comme sa maison de poupée, de même que dans Batman 1, le Joker bavait sa haine de l'art et de la culture officiels en souillant de couleurs vives les toiles des maîtres du Gotham Museum. Selina, encore cadavre cherche une seconde peau qui pourrait lui rendre la vie. Elle déchire ses costumes de secrétaire modèle et se jette sur un trench de skaï ; un morceau de skaï et quelques couture pour faire une peau de chat, un dé à coudre et des aiguilles pour les griffes. Lorsque Catwoman se relève, miaulant, moulée dans sa gaine noire, on peut lire dans un coin de mur, imprimée en lettres roses, premier de ses coups de griffes, l'expression "Here hell", "ici, c'est l'enfer". Burton a filmé une résurrection comme une descente aux enfers, rythmée par la chute, le viol, le réveil et la rage destructrice. C'est cette épreuve cette vocation suicidaire permettant aux personnages de revêtir leur vraie peau et leur vrai destin qui confère à Batman returns son atmosphère illuminée : Gotham City est une ville d'après la mort où l'on fait la fête, où l'on décore les sapins de Noël, où l'on crée des super-héros dans le seul but d'oublier que chacun est un fantôme, avec l'unique joie de grimer des cadavres(..)

"No happy end" lance Catwoman au bon Batman, le brave Batman qui voulait la sauver d'une ultime et fatale rencontre avec le vampire Max Shreck. Pas de "Happy end", Catwoman exige une dernière confrontation avec la mort tout comme Pinguin et Max Shreck qui, tous, vont y laisser leur peau de mort-vivants et retourner à l'état de cadavre originel. Alors tout s'écoule dans une fin joyeusement et morbide et destructrice. Batman solitaire retourne à sa mélancolie. (...)
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Antoine de Baecque : Cahiers du cinéma n°458 juillet/aout 1992

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