Conférence de Jean-Luc Lacuve
le jeudi 1er juin 2023, au musée des beaux-Arts de Caen.
En lien avec la grande exposition de l'été .

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Jean-Luc Lacuve, Ciné-club de Caen le 1er juin 2023

Qu'est-ce que Chat GPT a à nous dire et comment mieux se confronter au visage de Méduse.


Chat GPT : écris moi une conférence de 10 000 signes sur le visage de Méduse au cinéma

Mesdames et messieurs,
Je vous souhaite la bienvenue à cette conférence dédiée au visage saisissant de Méduse au cinéma. Méduse, cette créature mythologique terrifiante dotée de serpents en guise de chevelure et d'un regard pétrifiant, a captivé l'imagination des cinéastes du monde entier. Au cours de cette présentation, nous allons explorer les différentes représentations du visage de Méduse sur grand écran, ainsi que l'impact visuel et émotionnel de cette figure mythique.

Depuis les premières adaptations cinématographiques, le visage de Méduse a été conçu pour inspirer la terreur et l'émerveillement. La symbolique de ses serpents sifflants et de son regard pétrifiant a été utilisée pour créer une tension visuelle intense. Les cinéastes ont cherché à capturer la monstruosité de Méduse, à travers des effets spéciaux spectaculaires et des maquillages d'horreur. Son visage, marqué par la laideur et le grotesque, est devenu une icône du cinéma fantastique et du genre horrifique.

Parmi les adaptations les plus mémorables, nous pouvons mentionner le film "Clash of the Titans" réalisé par Desmond Davis en 1981. Dans ce long métrage, l'actrice Siân Phillips incarne Méduse, donnant vie à son visage monstrueux avec des prothèses et des effets visuels impressionnants. Le visage de Méduse est représenté avec une précision détaillée, mettant en évidence chaque écaille, chaque serpent et chaque expression de terreur qu'elle suscite chez ses victimes. Ce visage est devenu emblématique et a influencé de nombreuses adaptations ultérieures.

Cependant, au-delà de son aspect horrifique, le visage de Méduse au cinéma a également été utilisé pour représenter des concepts plus profonds. Méduse incarne souvent la puissance et la séduction féminine, son visage étant à la fois terrifiant et séduisant. Certaines adaptations cinématographiques ont exploité cette dualité pour explorer des thèmes tels que la sexualité, la représentation de la femme fatale ou l'expression de la féminité interdite.
De plus, le visage de Méduse au cinéma a également été un moyen de commenter les peurs et les angoisses de la société contemporaine. Par exemple, dans le film "Percy Jackson : La Mer des Monstres" réalisé par Thor Freudenthal en 2013, le visage de Méduse est utilisé pour représenter la peur de la surveillance et de la manipulation médiatique. Son regard pétrifiant est métaphorique, soulignant les dangers de la technologie et la perte de contrôle de soi.
En conclusion, le visage de Méduse au cinéma est un élément visuel puissant, capable d'inspirer à la fois la terreur et la fascination. Au fil des adaptations cinématographiques, son visage est devenu une icône du cinéma fantastique et horrifique, capturant l'imaginaire collectif.

Conclusion : des éléments intéressants notamment sa description, qui pourra nous suffire dans un premier temps ; l'importance des effets spéciaux ; Le choc des Titans comme film majeur pour la figure de Méduse. Le thème de la dualité ; des ouverture vers femme fatale ou puissance féminine. En revanche, dualité terreur-émerveillement pas exacte; "depuis les premières adaptations" assez imprécis et la référence à "Percy Jackson : La Mer des Monstres", introuvable en regardant même attentivement le film.

Abandonnons donc Chat GPT. Au cours des 25 extraits de films que je vous présenterai à partir de ce corpus de 15 films, je vous propose de voir comment la figure de Méduse diffère en passant du péplum (carton vert), au film fantastique (carton rouge), au film pour enfants et adolescents (carton jaune) avant de trouver un visage plus actif et émancipateur dans les productions plus récentes (carton bleu).

En parcourant un corpus d'une quinzaine de films dans lesquels Méduse pétrifie tous ceux qu'elle regarde, on prolongera la réflexion sur les enjeux d'un visage figé au cinéma dont l'essence est pourtant bien de représenter le mouvement.

1/ Cartons verts : Méduse et Persée dans le péplum

1- Intro : Deuxième âge d'or du péplum après les années 10 : Cabiria et Maciste. Début des années 50 . Américains à Cinecitta : Quo vadis 1951 qui sauve la MGM, La tunique en 1953, Ben Hur en 59, Spartacus (1960) mais échecs commerciaux de Cléopâtre (1963) et La chute de l'empire romain (1964).

Le genre connaît une production très importante de 1960 à 1964. Les films, parfois avec un budget très limité, sont construits autour d'intrigues très simples dominées par la figure du héros, incarnation du bien et doté d'une force physique surhumaine. Riccardo Freda et Vittorio Cottafavi y excellent. Hercule à la conquête de l'Atlantide en 1961 de Vittorio Cottafavi, Romulus et Rémus en 1962 de Sergio Corbucci, Maciste en enfer en 1962 de Riccardo Freda, sont bien représentatifs du genre.

2- Méduse apparaît dans Les Titans (Duccio Tessari, 1962)(1926-1994). Ce péplum au ton de comédie est son premier film. Il en réalisera 30 dans les genres western et comédies 1962. Crios le plus intelligent des Titans a été libéré par Zeus pour chatier Cadmos qui a assassiné sa femme, qui a juste donné naissance à Antiope, pour épouser sa favorite. Un oracle le prévient qu'il mourra quand Antiope trouvera l'amour. Crios se fait gladiateur pour approcher le roi et tombe amoureux de sa fille. Cadmos la fait donc enlever dans une île

A voir dans l'extrait n°1 : description de Méduse (conforme à Chat GPT)  et utilisation des armes de Persée  (Le bouclier d'Athéna poli comme un miroir est une glace réfléchissante, un piège qui permet d'attaquer Méduse par derrière et pas même de lui trancher la tête, mais faute de moyen, de la pousser dans le vide. Le heaume, très visible utilisé plus tard.

3-Retour sur le mythe de Persée

Acrisios, roi d'Argos, et son épouse Eurydice engendrent une fille, Danaé. L'oracle de Delphes, interrogé, lui annonce qu'il n'aura pas de fils, mais que le petit-fils que lui donnera Danaé le tuera.De retour chez lui, Acrisios fait bâtir une chambre de bronze souterraine où il enferme Danaé et sa nourrice. Zeus aperçoit pourtant la jeune fille et la séduit après s'être transformé en pluie d'or. Danaé donne naissance à Persée et l'élève en secret, jusqu'à ce que les cris du jeune enfant, âgé de trois ou quatre ans, trahissent son existence. Acrisios fait exécuter la nourrice et exige de savoir qui est le père de Persée. Refusant de croire les déclarations de Danaé, il la fait jeter à la mer dans un coffre, avec son fils. Le coffre est emporté par les flots jusqu'à l'île de Sériphos, où Danaé et Persée sont secourus par un pêcheur généreux, Dictys, qui élève le garçon comme son fils.

Dictys est le frère du roi de l'île, Polydectès. Alors que Persée a atteint l'âge adulte, Polydectès aperçoit Danaé et s'éprend d'elle. Il organise un banquet où chacun apporte sa contribution, auquel il convie le jeune homme. Polydectès feint d'avoir besoin de présents pour les noces d'Hippodamie, fille d'Œnomaos. À la demande de Persée, Polydectès précise qu'il veut des chevaux ; le jeune homme répond alors qu'il apportera la tête de la Gorgone – pour fanfaronner, précise Apollodore. Polydectès le prend au mot et quand Persée apporte un cheval le lendemain, il refuse et insiste pour obtenir la tête de la Gorgone, menaçant de s'emparer de Danaé si le jeune homme ne s'exécute pas.

Athéna avait surpris la conversation et comme elle était une ennemie jurée de Méduse, elle accompagna Persée dans son expédition. Elle le conduisit d'abord à la cité de Deicterion, à Samos, où se trouvent des statues des trois Gorgones, ainsi lui donna-t-elle l'occasion de distinguer Méduse de ses deux autres sœurs immortelles, Sthéno et Euryale. Puis elle l'avertit de ne jamais regarder Méduse en face mais seulement son image réfléchie et elle lui fit cadeau d'un bouclier poli comme un miroir.

Hermès aida aussi Persée; il lui donna une serpe très dure, pour couper la tête de la Méduse, la harpè. Mais il fallait encore à Persée une paire de sandales ailées, une besace magique, kibisis, pour mettre la tête de la Méduse et le casque sombre qui avait la propriété de rendre invisible, appartenant à Hadès.

Tous ces objets se trouvaient auprès des Nymphes du Styx, chez qui Persée devait aller les chercher; mais leur demeure n'était connue que des sœurs des Gorgones, les Trois Grées à corps de cygne qui n'avaient qu'un seul oeil et une seule dent, à elles trois. Athéna guida sa main et il trancha la tête de Méduse, d'un seul coup de serpe; alors, à sa grande surprise, Pégase, le cheval ailé, et le guerrier Chrysaor brandissant un sabre d'or, jaillirent de son corps. Cassiopée, mère d'Andromède, s'est vantée que sa fille soit plus belle que les Néréides. En punition, Poséidon envoie un monstre marin qui ravage le pays. Après avoir interrogé l'oracle d'Ammon, Céphée, roi d'Éthiopie et mari de Cassiopée, doit offrir sa fille en sacrifice. Persée s'arrêta pour se rafraîchir à Chemmis, en Egypte. Comme il longeait la côte de Philistia il vit Andromède livrée à un monstre marin qu'il délivra.

 

4-Persée l'invincible (Alberto De Martino, 1963) (1929-2015), est un péplum italo-espagnol qui met en scène pour la première fois les aventures de Persée contre Méduse et le sauvetage d'Andromède, mais au prix de nombreuses distorsions avec le mythe. Le film se donne une caution artistique avec en image de fond durant le générique Persée tenant la tête de Méduse (Benvenuto Cellini, 1554).

Lutte entre les royaumes d'Argos et de Seriphos. A Argos, Acrisios a épousé Danaé en seconde noce; Il avait déjà un fils Galénore. Quant à Danaé, son fils issu d'un premier mariage a disparu Il est toutefois sous la protection de Jupiter qui lui a laissé trois marques sur l'épaule. Acrisios, roi d'Argos, est son beau-père et non son grand-père. Andromède est la princesse de Sériphos et, par son rang, c'est d'abord elle qui protège Persée qui lui a appris le tir à l'arc. Le film serait féministe si les stéréotypes de genre reprenaient vite le dessus (faible, enlevée, infirmière lors des combats). Galénore serait une sorte de Phinée qui revendique son amour et est jaloux de Persée.

Si le film est un incontestable péplum, il emprunte aussi au film de chevalerie avec tournoi et attaque de château fort avec catapultes et huile bouillante ou au western avec de longues chevauchées.

La Gorgone est le second piège après le monstre du marais (extrait 1). c'est une version de l'hydre de l'herne (tuée par Hercule, le titre américain est le fils d'Hercule. En effet Méduse petite-fille de l'union de la Terre avec l'Océan , elle appartient au groupe des divinités primordiales, tout comme ses cousines, la Chimère et l'Hydre de Lerne, qui, elles aussi, avaient des traits associés à l'image du serpent et ont été détruites par des héros) dans lequel tombent les ennemis d'Argos (extrait 2). Elle n'a qu'un œil ; le percer lui est fatal. Originalité de la légende qui veut que Méduse, une fois morte, ses victimes pétrifiées reviennent à la vie, comme s'ils avaient été cryogénisés (extrait 3). Dans Les visiteurs du soir (Marcel Carné, 1942), Gil et Anne sont changés en Pierre pour l'éternité avec leur coeur qui ne cesse de battre (extrait 4).

 

5-Le choc des titans (Desmond Davis, 1981). Davis n’avait jamais réalisé de films à gros budget mais le producteur américain, Charles H Schneer, installé à Londres depuis 1960 et partenaire de Harryhausen, aurait été impressionné par son téléfilm Mesure for Mesure (1979) pour la BBC. Les acteurs sont pour la plupart issus du théâtre : Laurence Olivier, qui incarne Zeus, Claire Bloom (Hera) et Maggie Smith (Thetis). Les rôles de Persée et Andromède ont échu quant à eux à deux jeunes acteurs ayant aussi une expérience du théâtre : Harry Hamlin et Judi Bowker. Ce choix dans le casting, et le fait que Davis ait aussi adapté plusieurs pièces de Shakespeare pour la télévision, donne au film un côté "tragédie grecque" que les costumes rendent néanmoins un peu désuet.

Calibos, le fils gâté de la déesse de la mer Thétis, est fiancé à la princesse Andromède, fille de la reine Cassiopée de Joppé ; mais pour avoir commis plusieurs atrocités contre Zeus, y compris la destruction des chevaux volants sacrés de Zeus (à l'exception de Pégase), Calibos est transformé en une créature déformée ressemblant à un satyre.

Les effets spéciaux signés du maitre Ray Harryhausen pour qui c'est la quinzième et dernière incursion dans le cinéma fantastique. Créateur d’effets spéciaux qui ont marqué l’histoire du cinéma à travers des films comme Le septième voyage de Sinbad (Nathan Juran, 1958), harpies et squelettes vivants dans Jason et les Argonautes (Don Chaffey, 1963). Ray Harryhausen, conçoit les trucages "image par image". Et pour la première fois, il aura bénéficié d’un gros budget, grâce à la M.G.M., et travaillé sur un film tourné en 70 mm et enregistré en Dolby Stereo. Ce travail d’animation lui aura demandé quinze mois de travail.

La mythologie est parfois mise à mal. Le Kraken, par exemple, est une créature issue de la mythologie nordique. Quant à Diaskilos (le chien à deux têtes) et Calibos, ils ont été purement et simplement inventés pour les besoins du film. Si Diaskilos est évidemment inspiré de Cerbère, le chien gardant la porte des Enfers, il semblerait que Calibos tire son origine du personnage de Caliban, dans "La Tempête" de Shakespeare.


Le choc des Titans (Louis Leterrier, 2010). Revival du genre après Gladiator (Ridley Scott, 2000), Troie (Wolfgang Petersen, 2003), Alexandre (Oliver Stone, 2004), 300 (Zack Snyder 2007). Mais effets spéciaux numériques dans la lignée des Avengers dont Louis Leterrier réalise l'un des épisodes (L'incroyable Hulk).

Conclusion : Dans le péplum, Méduse apparaît à la fin du genre, comme un monstre parmi d'autres. Elle est une figure mineure dans la quête de Persée et dénuée d'ambivalence. Andromède retient toute l'attention du héros. Montée en puissance des trucages. Fin du morphing intuitif et des prise de vue image par image.

 

2 / Méduse dans le film fantastique

Méduse va trouver une plus grande autonomie dans le film fantastique qui va lui restituer le fait qu'elle soit initialement une victime et est ainsi un personnage ambivalent.

Le cirque du docteur Lao (George Pal, 1964) (1908–1980). Produit Le choc des mondes (Rudolph Maté, 1951) et quatre collaborations avec le réalisateur Byron Haskin, dont La guerre des mondes (1953). Il a lui-même réalisé Les aventures de Tom Pouce (1958), La machine à voyager dans le temps (1960) Atlantis, terre engloutie (1961) et Le monde merveilleux des frères Grimm (1962), Le cirque du docteur Lao (1964) (son dernier film)

George Pal. Western feel good movie. Lao dans la ville d'Abalone, en Arizona, réconcilie un couple, apprend à un jeune garçon que la vie est un cirque. Méduse (comme dans Les titans est définie par serpents et regard qui pétrifie) et n'est qu'un épisode.

The Gorgone (Terence Fisher, 1964), réalisateur phare de la Hammer, spécialisée entre 1957 et 1964 dans le film d'horreur gothique. Le Frankenstein de Mary Shelley est tombé dans le domaine public. Les adaptations de James Whale pour la Universal, si elles restent gravées dans l'imaginaire, ne font plus peur à personne. La créature est devenue un objet de comédie avec Abbott et Costello contre Frankenstein (Charles Barton, 1948). La Hammer décide de revenir à la base du roman avec une dimension érotique et sanglante. Dans le rôle du baron Frankenstein, un acteur qui vient de connaître un très grand succès à la télévision avec 1984 de Orwell, Peter Cushing et, dans le rôle de la créature, un acteur inconnu et jusque-là difficilement employable vu sa taille, Christopher  Frankenstein s'est échappé (1957), est un triomphe international qui enclenche des suites à commencer par La revanche de Frankenstein (1958).

La Universal passe un accord avec La Hammer qui peut se servir de tout son bestiaire.  Entre 1957 et 1962, Terence Fisher remet au goût du jour les grands monstres cinématographiques immortalisés avant guerre par l'Universal : Le cauchemar de Dracula (1958), La malediction des pharaons (1959), Les maîtresses de Dracula (1960) La nuit du Loup-garou (1961), Le fantôme de l'Opéra (1962)... et en, dehors de la universal, Le chien des Baskerville (1959) ou Les deux visages du docteur Jekyll (1960). Le succès de de cycle d'horreur gothique repose sur trois piliers : le choix systématique du Technicolor permettant des audaces érotiques et sanglantes inédites; la reprise de l'idée du star system d'hollywood des années 30 où Bela Lugosi et Boris Karloff sont remplacés par Peter Cushing et Christopher Lee ; le décorum gothique de la société victorienne dont les monstres mettent à mal les valeurs (puritanisme phobie sexuelle).

Après 1962, Terence Fisher reste la réference avec La gorgone (1964) et Les vierges de Satan (1968), la firme lance des artisans talentueux comme John Gilling : Le spectre du chat (1961), L'Invasion des morts vivants (1965), La femme reptile (1966) ; Robert Day : La déesse de feu (1965); Freddie Francis : Paranoïaque (1963) ; Don Chaffey : Un millon d'années avant J.-C. (1966) ; Don Sharp : Le baiser du vampire (1963)

Extrait 1 : La nuit du Loup Garou (1961) et Dracula ; extrait 2: la lente transformation extrait 3 : la belle jeune fille

Pour les effets spéciaux, il est fait appel à Roy Ashton, le grand expert des effets spéciaux de maquillage de la Hammer, l'auteur de la momie de La malédiction des Pharaons et de la transformation d'Oliver Reed en lycanthrope dans La nuit du Loup-Garou. Il prend pour modèle de méduse la célèbre sculpture de Cellini, sa tête tranchée tenue à bout de bras. Il entreprend une sorte de perruque faite de reptiles sculptés dans le bois et attachés à des lanières de cuir. Même avec un éclairage adapté, cela ne convainc pas le producteur qui se tourne vers Syd Pearson pour une réalisation plus rapide. Il imagine un dispositif qui permettait à une quinzaine de serpents de surgir d'une chevelure noire manoeuvrés à distance par cinq câbles prolongés par des bouts de fils très fins, tous connectés à une boîte de commande placée à presque un mètre derrière elle. Pour le rôle de Méduse, Barbara Shelley était prête à tourner avec de vraies couleuvres car elle en avait l'habitude. Le producteur décide néanmoins de confier le rôle à Prudence Hyman qui aura la lourde charge de porter la perruque de près de trois kilos. Qui plus est, lors du tournage de la décapitation du monstre, l'addition de deux erreurs va l'exposer au risque de perdre sa tête quand l'épée s'approche trop près et qu'elle oublie de baisser la tête : la prise sera refaite par un mannequin. Tout ceci contribue hélas à rendre bien peu crédible cette histoire.

Le syndrome de Stendhal (Dario Argento, 1981), Le giallo naît en Italie en même temps que le western spaghetti et marque le dynamisme de la production italienne alors que la comédie italienne est encore en plein essor. A la frontière du cinéma policier, du cinéma d'horreur et de l'érotisme, les giallo italiens sont caractérisés par de grandes scènes de meurtres excessivement sanglantes commis par des psychopathes qui souffrent de blessures psychologiques liées à l'enfance munis de gants noirs et armés d'un couteau qui glisse sur la peau nue des femmes avant que le sang ne sorte de leurs blessures ; une pointe de fantastique, un jeu de caméra très stylisé par des cadrages débullés, l'impact sonore et l'effet viscéral du son et une musique en forme de ritournelle inquiétante.

Le premier film du genre, La Fille qui en savait trop (Mario Bava, 1963), allusion à L'homme qui en savait trop (Alfred Hitchcock, 1956), montrant, comme pour le genre littéraire, le lien avec la culture anglo-saxonne. Dans Six femmes pour l'assassin (1964), Mario Bava introduit un des éléments emblématiques du genre, le meurtrier masqué avec une arme brillante dans sa main gantée de noir.

Dario Argento (né en 1940) abandonne l'histoire réaliste et invente un style où l'homicide est le coeur de l'histoire. Auteur de quelques chefs-oeuvres : L'oiseau au plumage de cristal (1970), Les frissons de l'angoisse (1975), Suspiria (1977), Inferno (1978). Il réalise encore Le syndrome de Stendhal (1996) et Le Sang des innocents (2001).

La tête de Meduse (Le Caravage) n'est pas seule à l'origine du trouble. Bien davantage La chute d'Icare, en lien avec la présomption de la jeune policière de vouloir résoudre l'énigme seule.

Le masque de la Méduse (Jean Rollin, 2010)

Medusa: Queen of the Serpents (Matthwe B.C. 2010)

Entre le bien et le mal ; sujet principal amnésique ou vampyre

 

3 / Méduse dans le film pour enfants et adolescents

Monstre et compagnie (Pete Docter, 2001), Méduse est séduisant et pleine d'humour dans le prolongement de sa courte apparition dans Hercule (John Musker, 1997)

Percy Jackson le voleur de foudre (Chris Columbus, 2010), Grâce à ses lunettes noire, Méduse (Uma Thurman !) peut s'adresser à ses victimes ou à Percy et tenter de les séduire avant de les tuer. Le téléphone remplace le bouclier, retour de l'hydre, de la tête comme arme et même des sandales ailées.

Méduse est désinvestie de sa malédiction de ne pouvoir aimer ni être aimé de par son regard pétrificateur.

4 / Méduse, portraits de femme

Pour en finir avec les serpents.

des femmes actives face au patriarcat

Black Medusa (Youssef Chebbi, 2021) et Medusa (Anita Rocha da Silveira, 2021)

Une recherche formelle des correspondances :

Méduse (Sophie Levy, 2022)

Le casque d'invisibilité, la grotte-piscine, des statues archéologisantes

4 - Ce que le cinéma fait au visage

Visage fixe : visagéification : le visage pense à quelque chose, se fixe sur un objet. Il admire ou s'étonne. Il marque un minimum de mouvement pour un maximum d'unité réfléchissante et réfléchie. En tant qu'il pense à quelque chose, le visage vaut surtout par son contour enveloppant. A quoi penses-tu ?

Visage mobile Visagéité : désir, inséparable de petites sollicitations ou d'impulsions qui composent une série intensive exprimée par le visage. Qu'est-ce qui te prend ? Qu'est-ce que tu as ? qu'est-ce que tu sens ou tu ressens ?

On reconnaît déjà là deux types de gros plan ; dont l'un serait surtout signé Griffith et l'autre Eisenstein. Célèbres sont les gros plans de Griffith où tout est organisé pour le contour pur et doux d'un visage féminin (notamment le procédé à l'iris). Mais dans La ligne générale d'Eisenstein, le beau visage du pope se dissout au profit d'un regard fourbe qui s'enchaîne avec l'occiput étroit et le lobe gras de l'oreille : c'est comme si les traits de visagéité échappaient au contour, et témoignaient du ressentiment du prêtre.

Le visage filmé en plan rapproché ou  gros plan devient dans le courant des années 1910 un visage plus ordinaire. Un visage dont on veut se rapprocher, comme le peintre se rapproche de son modèle mais dont il s’agit surtout d’intégrer la valeur expressive et la fonctionnalité narrative dans la continuité de la représentation filmique.

Ce visage muet sera incarné ou plutôt idéalisé par Lilian Gish et filmé par D. W. Griffith. Si ce dernier n’a certes pas inventé le gros plan, il serait le premier avec Thomas Ince, selon l’historien du cinéma Jean Mitry à l’avoir incorporé à l’action au tournant des années 1910, puis  en avoir formalisé l’usage en créant une harmonie entre les gros plans de visage de son héroïne et les plans moyens ou d’ensemble qui inscrivent les personnages dans le décor et l’action.

Naissance d'une nation (D. W. Griffith. 1915)

Encore rare au milieu des années 1910 et souvent isolé à la faveur d’un iris qui enserre harmonieusement le visage au sein de l’écran noir de l’écran, le gros plan place le visage au centre du récit et au cœur du drame tout en le fétichisant et en le détachant des aléas du monde et de l’histoire. Ainsi apparaît le visage pensif de Lilian Gish dans ce qui est le premier gros plan de Naissance d'une nation (1915), un plan médaillon raccordé sur le regard d’un des personnages principaux du film, Le petit colonel, soldat sudiste qui, dans un champ de coton, contemple à la dérobé le portrait ovale de sa bien-aimée nordiste. Dans ce visage photographié, filmé en gros plan, sublimé par le regard amoureux du protagoniste (et aussi sans doute du réalisateur)  et intégré à la chaîne des plans dont il est le maillon essentiel, c’est une partie de l’histoire du visage au cinéma qui s’ébauche : une histoire héritée de la photographie inséparable du gros plan et de ce désir de voir mieux, plus grand et plus près, qui a conduit ceux que l’on n’appelait pas encore des cinéastes à interrompre la continuité de la vue ou du tableau pour insérer un plan rapproché et agrandi, et, ce faisant, à inventer, grâce au montage, une nouvelle continuité faite de la discontinuité des plans et de leurs taille, qu'on appela découpage. Du plan-emblème de Barnes au plan–médaillon de Lilian Gish, au fur et à mesure que la caméra se rapproche, des personnages, et ce très rapidement à partir des années 1913-14, pour le filmer en alternant plans d’ensemble et plans plus rapproché » ce qui se joue c’est l’intégration du gros plan et avec lui du visage dans le régime narratif et dans la chaine filmique. Il s’agit de laisser l’expression naturelle du visage opérer comme véhicule de sens et d’émotion sans parasiter la fluidité narrative.

Le passage d'un pôle à l'autre peut être extrêmement rapide comme une courte séquence du Lulu de Pabst le montre : d'abord les deux visages de Jack et de Lulu sont détendus, souriants, songeurs, puis le visage de Jack par dessus l'épaule de Lulu, voit le couteau et entre dans une série de terreur ascendante. Enfin le visage de Jack se détend. Jack accepte son destin et réfléchit maintenant à l'appel irrésistible de l'instrument.

visagéification, visage réfléchissant
visagéité, visage intensif

 

Beauté essentielle ou existentielle

Bien pire qu'être pétrifié

Jean-Luc Lacuve, le 18 juin 2023.

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