Abonnez-vous à La newsletter du Ciné-club de Caen
sur demande à : jeanluc@cineclubdecaen.com

1 - Compte rendu de la séance de Seule sur la plage la nuit au ciné-club du vendredi 19 janvier

2 - Les sorties en salle

3 - Evènement cinéphile : N°61 de Eclipses revue de cinéma.

4 - A la télévision cette semaine

 

1- retour sur Seule sur la plage la nuit (2017, 1h32) de Hong Sang-soo, au ciné-club du vendredi 19 janvier, à 20h00 au Café des Images.

Avec 31 entrées payantes et 9 exonérées, nous étions donc 40 pour la projection de Seule sur la plage la nuit ce vendredi. Trois extraits ont été présentés : la transition entre les deux parties de Conte de cinéma; la fin de Baisers volés (François Truffaut, 1968) auquel Hong Sang-soo a probablement emprunté son personnage étrange ; l'extrait de Woman on the beach où le cinéaste exprime une façon de voir le monde plus complexe que celle que l'on se constitue avec des clichés (les extraits vidéos en lien ici ne sont pas très lourds ; il faut les relancer une fois téléchargés pour avoir la vidéo... et pas seulement le son).

1/ A la question du rôle de l'adagio du quintette de Schubert, on répondra qu'il magnifie le choix moral (mi décidé, mi subi) du personnage. En franchissant le pont du parc de Hambourg, Young-hee s'agenouille et explique ensuite à son amie : "C’est une prière, la promesse d’apprendre à me connaître moi-même et de mener une vie qui me ressemble". En plein désarroi amoureux, mélancolique et néanmoins pleine d'espoir, elle exprime ainsi le désir de prendre en main sa vie pour un nouveau départ. Son offre de partager l'appartement de son amie est néanmoins refusée, tout comme elle ne semble pas accepter la proposition de Jun-hee de ne pas la quitter pour la guider dans sa carrière. Ainsi, ce devoir moral qu'elle s'est imposée à elle-même, comme les personnages d'Eric Rohmer le font, se résout dans une solitude assumée que magnifie l'adagio du quintette de Schubert. Leitmotiv du personnage, celui-ci résonne à chaque fois que Young-hee assume sa solitude magnifique et douloureuse : lorsqu'elle joue du synthétiseur dans le salon, lorsqu'elle franchit le pont, lorsqu'elle caresse la fleur de chou jaune et lorsqu'elle se promène sur la plage. Autre grand moment musical, la chanson de Young-hee à l'extérieur du café dans la nette et froide lumière du soleil d'hiver où elle chante là encore un chagrin qu'elle assume.

Jee-young et Young-hee vers le parc de Hambourg puis Young-hee s'agenouillant sur le quintette de Schubert : "C’est une prière, la promesse d’apprendre à me connaître moi-même et de mener une vie qui me ressemble"

2/ Les question sur les deux parties du film, le rôle du rêve et la réflexion sur le cinéma s'enchaînent :

Seule sur la plage la nuit utilise la forme fétiche du cinéaste, adoptée dans 11 films sur 21 : une histoire construite en plusieurs parties comme pour mieux élargir les possibles du personnage (diapositive sur la structure de ses 21 films) .La répétition n'a pas pour but d'exhiber les différences ni même de montrer que les gens vivent différemment une même action. Hong Sang-soo ne nous dit pas qu'une aventure est plus juste qu'une autre mais que l'on pourrait vivre d'autres situations que celle unique que nous offre la vie. Cette structure est sans doute plus élégante que celle, trop trop excessive dans ses différences, mise en place par Kieslowski avec Le hasard et plus troublante encore que Smoking/no smoking d'Alain Resnais.

Les similitudes entre les deux parties son nombreuses. Young-hee est invitée par une amie, Jee-young puis Jun-hee, dans une ville censée être celle où tout le monde veut vivre, Hambourg (reconnaissable aux plaques d'immatriculation des véhicules) et Gangneung, ville côtière de Corée. Les couples constitués lui déplaisent tant l'homme semble avoir renoncé devant la femme, que ce soit Paul ou Myung-soo. Dans les deux parties, elle a été amoureuse d'un homme marié avec qui elle a rompu. A Hambourg, il ne vient pas la rejoindre et à Gangneung, elle ne le rencontre qu'en rêve. Une différence notable intervient pourtant. Dans la première partie, l'homme marié a un enfant et, dans la seconde seulement, il est un cinéaste et elle une actrice. Tant est si bien que deux possibilités restent valides : les deux parties s'inscrivent successivement dans le temps de la vie de Youg-hee ou la première partie est un film inspiré de sa vie que vient de voir l'actrice Youg-hee. (Extrait vidéo : passage de 37’20 à 39’20- de Conte de cinéma où la transition est plus subtile encore)

Le rêve, amorcé par un faux réveil de Young-hee, endormie sur la plage est l'occasion de connaitre ce qu'elle veut ou craint pour elle-même. Elle souhaite sans doute retrouver son ancien amant, le réalisateur Sang-won, vieilli et plein de douloureux regrets. Elle ne se fait pas faute de lui reprocher de raconter toujours les mêmes histoires en relation avec sa vie personnelle. Lorsqu'elle s'en va, le dernier mot revient à Sang-won demandant à ses assistants s'il a bien lu et été bon sur cette scène.

C'est donc un rêve à prendre au premier degré mais aussi au second, celui du pouvoir du cinéma sur la vie du cinéaste Hong Sang-soo et de son actrice Kim Min-hee. Seule sur la plage la nuit est en effet le premier des trois films de 2017 que Hong Sang-soo réalise avec pour actrice principale Kim Min-hee, l'ancienne top modèle pour laquelle il divorça après leur rencontre sur le tournage d'Un jour avec, un jour sans (2015). Seule sur la plage la nuit se nourrit d'une liaison qui suscita en Corée un scandale digne de celui qui poursuivit en leur temps Roberto Rossellini et Ingrid Bergman. Loin d'être un échec comme dans le film, leur relation a nourri trois créations communes à ce jour et Kim Min-hee est devenue une actrice confirmée en jouant le rôle principal de Mademoiselle (Park Chan-wook, 2016).

La séquence du rêve ouvre ainsi une quatrième porte, celle du cinéma. C'est tout l'art de Hong Sang-soo de brouiller les images toutes faites pour proposer différents possibles entre ses personnages. (Extrait vidéo Woman on the beach -8'45 à 11'45- où le cinéaste exprime une façon de voir le monde plus complexe que celle que l'on se constitue avec des clichés / un peu long à télécharger).

3- Le personnage étrange

Cet amour tout simple est un rêve mais pas une illusion hors du temps et de l'espace telle que l'introduit Hong Sang-soo introduit avec le personnage étrange qui intervient cinq fois. Dans la première partie, il demande l'heure puis fait fuir Youg-hee et son amie du banc où elles se sont assises. Enfin, il emporte Young-hee sur ses épaules dans le dernier plan de la première partie. Dans la seconde partie, l'homme étrange s'agite à laver les vitres du balcon alors que personne ne semble voir sa présence pourtant insistante. Lorsque Chun-woo se repose sur le canapé, laissant ses amies faire les courses, l'homme étrange est visible une cinquième fois, regardant la mer comme résigné à être exclu du monde.

Ce personnage étrange évoque par bien de points l'homme fou de Baisers volés (François Truffaut, 1968). Comme ici, celui-ci suit Christine et entre dans le champ à cinq ou six reprises. Le fou est l'image même du désir sauvage et illimité de la relation duelle qui exclut le passage vers un monde gouverné par la loi sociabilisé des adultes. (Extrait vidéo Fin de Baisers volés: à partir de 2'50- passer l'extrait en 16/9 sans quoi format carré)

Première des cinq apparitions de l'homme étrange et Fin de Baisers volés

Truffaut disait de cette scène :

"Avec les années qui passent, je crois que cette dernière scène de Baisers volés, qui a été faite avec beaucoup d'innocence sans savoir moi-même ce qu'elle voulait dire, devient comme une clef pour presque toutes les histoires que je raconte."

4- Le poème de Walt Whitman .Le titre original coréen est bien Seule sur la plage la nuit, titre et première phrase féminisée du poème du recueil Feuilles d’herbe (Leaves of Grass) de Walt Whitman, publié en 1855. Les situations concrètes sont très différentes mais on est dans la lignée de L'infini (L'infinito), célèbre poème de l'Italien Giacomo Leopardi.

Comme d'habitude, un pot était servi à l'issu de débat. Avis et impression ont continué à être échangés. La perception du personnage de Youg-hee a le plus fait débat. Sympathique, empathique ou pas, il est certain qu'elle reste seule sur la plage mais avec le désir d'aimer, le désir de cinéma ou de mourir avec élégance ; de mener une vie qui lui ressemble. C'est une vie que le cinéma a démultiplié pour l'actrice Kim Min-hee, comme pour nous, spectateurs.

(Diaporama de présentation en ligne jusqu'au prochain ciné-club).

 

2- Sorties en salle

Coeurs pur
L'échange des princesses

3 - Evènement cinéphile

Eclipses n°61 : M. Night Shyamalan, derrière les images

4- A la télévision cette semaine

de Steven Soderbergh, dimanche 21 janvier, 20h55, F2
de Paul Verhoeven, dimanche 21 janvier, 20h55, Arte
de Sidney Pollack, dimanche 21 janvier, 0h20, F3
de Olivier Assayas, lundi 22 janvier, 13h35, Arte
de Paul Verhoeven, lundi 22 janvier, 20h55, Arte
de Clint Eastwood, lundi 22 janvier, 21h00, TMC
de Paul Verhoeven, lundi 22 janvier, 22h55, Arte
de Alain Cavalier, lundi 22 janvier, 1h00, Arte
de André Téchiné mardi 23 janvier, 13h35, Arte
de Woody Allen, mardi 23 janvier, 20h55, Chérie25
de Charles Nemes, mardi 23 janvier, 21h00, HD1
de Claude Lanzman, mardi 23 janvier, 23h20, Arte
de John Ford, mercredi 24 janvier, 13h35, Arte
de Martin Scorsese, jeudi 25 janvier, 20h55, F3

 

Jean-Luc Lacuve, le 21 janvier 2018

Précédentes newsletters : 13 mai, 20 mai, 29 mai , 4 juin , 7 juillet , 6 août , 3 septembre , 17 septembre, 8 octobre , 22 octobre , 29 octobre , 12 novembre , 19 novembre , 26 novembre , 3 décembre, 10 décembre , 17 décembre , 30 décembre , 7 janvier

 

Retour à la page d'accueil