Irak 2003 : un blindé se fraye un chemin dans les rues de Faloudja bombardée. Sur un toit, Chris Kyle protège l'avancée des hommes derrière le char, les yeux rivés sur son arme et les alentours. Il aperçoit un homme muni d'un téléphone portable à l'étage de sa maison. Sortent bientôt par la porte du rez-de-chaussée une femme et un enfant. Dans son viseur, Kyle voit distinctement la femme sortir une grenade d'assaut et la donner à l'enfant. Il demande confirmation de cet acte de guerre à la surveillance vidéo aérienne qui ne peut rien lui dire d'autre que de tirer s'il est sur de lui. Le marine avec lui sur le toit lui déconseille de tirer sur un enfant : s'il est innocent, c'est pour Kyle la cour martiale assurée. Sûr de lui, Kyle rapproche son doigt de la détente.
Il se souvient. Enfant, il avait tué une biche qui se trouvait fort loin sous les yeux admiratifs de son père qui l'avait amené à la chasse. Son père divisait le monde en moutons, loups et chiens de berger. Cette dernière catégorie seule avait sa faveur : se servir de la violence pour protéger les faibles. Kyle avait ainsi protégé son frère cadet, Jeff, des coups de ses petits camarades. Plus tard, Kyle devient cow-boy de rodéo. Il espère que Sarah sa petite amie sera impressionnée mais celle-ci, las de ses absences a pris un amant. Le découvrant, Kyle la chasse et boit des bières avec Jeff. Ils voient à la télévision les attentats de 1999 contre les ambassades américaines en Afrique de l’Est. Kyle décide de s'engager. Ce sera dans les troupes d'élite des Navy SEAL (Sea, Air, Land : mer, air et terre). Pour lui, qui a désormais trente ans, l'entraînement y est rude. Un soir dans un bar, Kyle rencontre, Taya, une très jolie jeune femme qui a peu confiance dans la vie en général et dans les militaires en particulier mais dont il parvient à vaincre la méfiance à force d'échanges de questions et de verres de whiskies. Il la rappelle. Elle se laisse séduire et accepte sa demande en mariage lorsqu'il lui offre une bague constituée d'une ficelle improvisée. L'entraînement de Kyle couplé avec sa situation sentimentale épanouie ont fait de lui un tireur d'élite des Navy seal.
Quelques jours avant le mariage, Kyle et Taya découvrent, atterrés, les images des attentats du 11 septembre 2001. Le jour du mariage, les Navy seal se voient signifier leur départ pour l'Irak.
1ère Opex (opération extérieure) : Kyle a débarqué en Irak avec Marc Lee, son chef directe et Biggles. Kyle est donc sur le toit et tient en joue l'enfant s'approchant, grenade à la main du char des marines. Celui qui est à ses côtés lui déconseille de tirer. Ce qu'il fait cependant. Mortellement touché, l'enfant s'écroule. Sa mère se précipite vers lui, ramassant la grenade et la lance vers le char dans un geste interrompu par un nouveau tir mortel de Kyle. La grenade explose ainsi sans faire de victime. Rentrant au camp, Kyle se désespère que sa première victime soit un enfant. Les engagements se multiplient, Kyle voudrait même être avec les marines au sol, mais ceux-ci qui l'ont surnommé la Légende, préfèrent qu'il les protège du haut d'un toit.
Il faut débusquer Abou Moussab Al-Zarqaoui, le chef d'Al Qaïda en Irak qui se cache à Fallouja. Dix maisons par heure doivent être visitées. Kyle vient prêter main forte aux marines qui entrent dans une maison où se trouve le cheikh Sheikh al-Obeidi qui leur indique connaître le lieutenant de Zarkaoui, "Le boucher", un irakien névropathe qui terrorise leur communauté en mutilant ceux qui pourraient renseigner l'ennemi. II est prêt à le livrer car il a déjà mutilé une de ses épouses. Il réclame 100 000 dollars. Kyle convainc aussi ses supérieurs de collaborer mais, lors de leur retour vers la maison du cheikh, ils sont pris dans une embuscade. Grâce à la précision de leur tireur d'élite, le champion olympique de tir syrien, Mustapha, "le boucher" leur échappe. Tanya a suivi la fusillade presque en direct à la sortie d'une visite prénatale à l'hôpital car dans sa précipitation, Kyle a laissé tomber son téléphone. La fusillade ayant fait de nombreux blessés, les Navy seal sont consignés pour trois semaines... Jusqu'à leur retour chez eux.
Tanya accueille tendrement Kyle à l'aéroport militaire. Dans la chambre, elle constate la nouvelle corpulence de son mari : "Tes mains ont changé" dit-elle. Kyle se terre chez lui, inquiet du moindre bruit d'une tondeuse à gazon. Il rejoint sa femme à l'hôpital pour l'échographie. Mais c'est à lui que l'on prend la tension. Même son niveau élevé ne le fait pas sortir de sa ligne de conduite : tout va bien. Tanya est en colère mais sur le chemin du retour, elle sent que le bébé va naitre et le couple fait demi-tour vers la maternité. L'enfant est né, Kyle le tient dans ses bras mais sait qu'il repart en Irak.
Deuxième opex : Sur un aéroport irakien, Kyle croise son frère Jeff qui est épuisé moralement et totalement désabusé. Kyle, un instant désemparé, chausse ses lunettes noires. Dans l'hélicoptère, il dialogue avec ses supérieurs. Sa tête est mise à prix mais sa mission est de s'entourer des Navy seal pour traquer "le boucher". Marc Lee semble un peu désabusé. Ils finissent par le trouver, retranché dans un restaurant. Le voisin s'avère un sniper que Kyle reconnaît à son coude meurtri et qui leur permet d'entrer dans l'antre du boucher qui parvient à s'échapper en voiture. Kyle le poursuit : la voiture explose sous les tirs précis : le boucher est neutralisé. La tête de Kyle étant mise à prix, Mustapha est prévenu par téléphone mais ne peut tuer Kyle qui s'échappe alors que la foule proteste.
Un marine blessé exalte Kyle devant son fils mais celui-ci est sans cesse inquiété par le bruit de la dévisseuse du garagiste. Sa fille est née et il va la voir à la maternité. Elle pleure et il se met en colère devant une infirmière qui ne s'en occupe pas. Tanya insiste plus que jamais pour qu'il ne retourne pas au combat. Elle lui laisse cette fois sa fille dans les bras mais, une nouvelle fois, il a décidé de repartir.
Troisième opex : Un informateur à prévenu les Navy Seals de la localisation du sniper. Biggles et Kyle sont dans la première estafette blindée et discute de la bague de fiançailles achetée au rabais que Biggles veut offrir à sa future femme. Marc Lee et Dandridge suivent dans une autre estafette. Mais à peine arrivés sur les lieux, ils sont pris dans une embuscade. Kyle et Biggles montent sur un toit et, alors que tout semble sécurisé, Biggles est atteint d'une balle au visage par un sniper. Il est évacué d'urgence. Ses camarades sont informés que les tireurs sont regroupés plus loin et ils décident de leur donner immédiatement l'assaut. Marc Lee, insuffisamment sur ses gardes, se fait mitrailler et meurt.
Kyle rentre chez lui pour l'enterrement de ses camarades tombés au combat. La mère de Marc Lee lit une lettre où il se révèle sceptique sur son engagement et le bien fondé de l'intervention en Irak. Tanya veut retenir Kyle mais celui-ci, seulement inquiet du van qui les suit, lui explique que c'est parce que Marc Lee ne croyait plus en sa mission qu'il est mort. Kyle va voir Biggles à l'hôpital. Le soir, elle l'avertit que la prochaine fois, elle n'est pas certaine de continuer à l'attendre. Il la prend dans ses bras.
Quatrième opex : Dandridge apprend à Kyle que Biggles est mort sur la table d'opération. Les Navy seal doivent protéger la construction d'un mur dans la ville d'El Sar. Mustapha tue en effet tous les ouvriers. Kyle parvient à le tuer à 1600 mètres de distance et survit à un combat désespéré où ils sont sauvés par une tempête de sable.
Kyle, seul au comptoir d'un bar, reçoit un appel de Tanya, perplexe de l'entendre avouer qu'il est déjà de retour au pays. Il promet de rentrer vite. Chris est devant la télévision alors que s’entendent des bruits de guerre. Un mouvement de caméra révèle que le poste est éteint. Kyle est pris d'un accès de panique lors d'un barbecue où il croit qu'un enfant est agressé par un chien. Kyle consulte un psychologue qui lui conseille d'aider les autres marines revenus traumatisés de la guerre. Kyle redevient ainsi équilibré à la grande joie de Tanya et de ses deux enfants. Lors d'une partie de chasse, il explique à son fils, comme son père le lui avait appris, que c'est un acte grave que d'enlever la vie à un être vivant, fut-ce une biche.
Le 2 février 2013. Kyle a revêtu son impeccable costume de cow-boy que Tanya admire avec une distance amusée tant qu'on ne lui demande que d'enlever sa petite culotte. Kyle s'amuse à jouer au loup avec sa petite fille et confie la maison à son fils. Il part pour une séance de tir avec un jeune ancien combattant revenu d’Irak que sa mère lui a demandé d'aider. Tanya le regarde partir.
Un carton annonce que l'ancien combattant a tué Kyle. Des images de télévision sur une musique élégiaque montrent les funérailles Chris Kyle sous la pluie, conduites par un cortège de voitures officielles traversant des foules tristes brandissant des drapeaux américains alors qu'alternent portraits des acteurs et des personnages réels.
Tout film de guerre pose la question de la mise en scène de la violence. Il est assez curieux qu'en dépit des affirmations de Clint Eastwood, opposé à l'intervention en Irak, ce que son film manifeste, il soit reçu par beaucoup comme un film pro-guerre. C'est probablement l'attitude du héros, qui se refuse à mettre en question son combat, comme la seule protection face à l'horreur, qui suscite cette controverse.
Une violence mise en scène
La violence est mise en scène, jamais donnée comme une jouissance ou même dans l'inconscience de qui l'on tue. La mise en scène des deux premières victimes de Kyle est exemplaire. Père, enfant et mère sont bien dessinés dans leur courage face à l'avancée des chars. Ils n'ont d'autres moyens que d'utiliser un enfant face à la démesure de ceux qui les envahissent. Aucune lâcheté chez eux. Les marines savent à quel danger ils s'exposent en devant se résoudre eux-mêmes à tuer des femmes et des enfants. Une erreur sur l'intention meurtrière de ceux-ci les condamne par ailleurs à la cour martiale. Kyle doit puiser au fond de lui-même, au fond des valeurs de son enfance pour se résoudre à ce geste : chien de berger et bible lui donnent la conviction qu'il doit tirer pour protéger ses camarades.
Une fois acceptée cette horreur d'une guerre où l'on doit tuer femme et enfant, reste à montrer que de l'autre côté règne une cruauté d'une autre nature : face à une population civile qui n'aspire à la paix, "le boucher" pratique les plus horribles châtiments tuant ses victimes à la perceuse. Comme rien ne peut justifier de telles violences, Eastwood se dispense de faire intervenir les politiques, discrédités d'avoir provoqué cette situation. Et on ne peut que le croire lorsqu'il se dit opposé à toute intervention militaire pour imposer les valeurs démocratiques à l'étranger.
Les Irakiens sont considérés comme des ennemis mais Mustafa, le sniper syrien, est montré agile tout aussi équilibré que Kyle, avec une femme et un enfant et s'il protège "le boucher", c'est dans la même optique de responsabilité qu'il tire.
A aucun moment, la puissance américaine n'est exaltée. Elle arrive dans des champs de ruine où est retranchée dans des campements protégés par des portes blindées, voire obligée d'entourer de murs les populations ; elle semble ne rien maîtriser. Marc Lee ne croit plus à son engagement comme le révèle la lettre que sa mère lit à son enterrement.
La légende et la réalité
La mythologie ancienne des héros de rodéo du western est désuète et celui qui devient "La Légende" sur le terrain de la guerre n'est pas démesurément fier de son surnom. Eastwood est aussi peu d'accord avec le trop facile surnom de son héros que Ford l'était avec la phrase du journaliste dans L'homme qui tua Liberty Valance (1962): "Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende". Ford et Eastwood ont, bien au contraire, la passion de mettre en évidence les plis de la réalité sous la légende trop lisse de l'hagiographie et c'est bien ici le destin tragique de Kyle qui est exalté.
De retour chez lui, Chris s'y sent absent, comme dramatiquement aspiré par son devoir de chien de berger. Taya le remarque : "Tes mains ont changé". Kyle a en effet pris du poids, du muscle inutile aux haltères, dès qu'on ne lui laisse plus mener à bien sa bataille contre "le boucher". Le premier retour se passe plutôt bien, un marine exalte Kyle devant son fils mais celui-ci est sans cesse inquiété par le bruit de la deviseuse du garagiste. Le regard complètement absent des autres clients montre bien leur absence d'empathie avec le discours ému du soldat blessé. La névrose de Kyle semble sur le point de le faire craquer avec le moment où il est sur le point de tuer l'enfant avec le bazooka.
Cette tension permanente du héros tragique, jamais réconcilié avec son présent, Eastwood lui donne une belle fin avec ces images pixélisées de la télévision sous la pluie, ces drapeaux mouillés qui pendent tristement aux mains de spectateurs silencieux devant la tragédie d'un homme, bien plus victime d'un combat personnel que défenseur d'un engagement militaire.
Jean-Luc Lacuve le 01/03/2015