A la suite d'un choc avec une nuée d'oies sauvages, le vol 1549 de l'US Airways perd ses deux moteurs peu après son décollage de l'aéroport de LaGuardia, à New York. Chesley 'Sully' Sullenberger, le commandant de bord, fait demi-tour et tente de rejoindre une piste d'atterrissage. Il vole trop bas, heurte une tour de Manhattan et explose.
Ce n'était qu'un cauchemar. Sully se réveille et s'en va courir près des rives de l'Hudson. Ce matin, avec son copilote Jeff Skiles, ils sont convoqués pour répondre du crash devant une commission d’experts. Toutes les télévisions ne parlent que de lui. La veille, le 15 janvier 2009, devant l'impossibilité de se poser sur une piste proche, le commandant avait décidé un amerrissage d'urgence sur le fleuve Hudson. Le bilan tient du miracle : tous les passagers et le personnel de bord, cent cinquante-cinq personnes, s'en sont sortis sains et saufs. Pourtant les avocats convoqués par le constructeur Boeing, qui a perdu son A320 dans le fleuve, prétendent que Sully n'a pas pris la bonne décision : les mesures d'un simulateur d'engin l'affirment : le moteur n°2 tournait encore au ralenti; Sully aurait pu et dû rejoindre LaGuardia ou Teterboro et y poser l’Airbus en toute sécurité.
Sully téléphone à sa femme, harcelée par les journalistes et qui aimerait qu'il rejoigne leur maison au plus tôt. En rentrant en taxi pour l'hôtel, le chauffeur leur affirme qu'il est un héros qu'il est la seule bonne nouvelle lue dans un journal depuis ce début d'année et la calamiteuse affaire Madoff. Pourtant le soir, Sully a encore le cauchemar d'une interview où on lui reproche sa fatale décision. Réveillé, Sully téléphone à Jeff lui aussi insomniaque et tous deux se réconfortent en parcourant les rues glaciales de Manhattan.
Le second matin, l'enquête se poursuit. Sully, désemparé, à un troisième cauchemar devant la fenêtre voyant son avion s'écraser. Sa femme s'inquiète et cette fois, revoyant le crash, il est obligé de lui dire qu'il risque de basculer vers le statut d'imposteur et perdre non seulement sa position d'expert qu'il monétise dorénavant grâce à un tout nouveau site internet mais également son métier et son droit à la retraite. Sa femme le rassure lui rappelant son statut de héros célébré par les medias.
Il voit un avion de chasse exposé et se rappelle son exploit de ramener un chasseur endommagé sur sa base militaire. Dans un bar de nuit, il est reconnu et célébré. Stimulé par les commentaires de la télévision qui narre ses exploits, il revoit pour la troisième fois comment il a manœuvré l'appareil pour un amerrissage réussi. Il entend alors la conclusion du journaliste au sujet d'un timing parfait. Il téléphone alors au représentant du syndicat local des pilotes lui demandant d'obtenir l'enregistrement de la boite noire des conversations du cockpit pour la commission fédérale du lendemain.
La commission d'experts se prépare à une exécution en règle du choix du pilote. Deux simulateurs de vol réussissent parfaitement à ramener l'avion sur les pistes de LaGuardia ou Teterboro. Sully ne semble portant pas désemparé et demande au bout de combien d'essais les pilotes en chambre ont réussi à ramener l'avion : pas moins de 17 fois. Et portant là n'est pas le plus convaincant. Ils ont réussi cela en réagissant immédiatement à la coupure des moteurs comme si on leur en avait donné l'ordre sur-le-champ. Or, face à l'imprévu, le facteur humain joue et un temps de réaction est nécessaire, même en prenant la bonne décision d'allumer immédiatement le moteur auxiliaire. La commission en convient et accorde 35 malheureuses secondes de délai de réaction. Sully s'en contente avec raison. Les deux essais en simulateurs avec ce délai aboutissent à un crash. La salle d'experts a changé de camp. Pourtant Sully demande une pause et c'est avec Jeff qu'il savoure enfin la conscience d'avoir fait exactement ce qu'il fallait faire dans une situation inattendue. A leur retour, Sully, demande le passage des bandes et pour la quatrième fois revoit les circonstances de l'accident et comment tout New York s'est mobilisé pour sauver les 155 passagers et membres d'équipage de l'avion posé en douceur sur les eaux glacées du fleuve Hudson. Sully rend hommage à ce travail collectif alors que Jeff ne regrette qu'une seule chose de cet exploit hivernal : ne pas l'avoir accompli en juillet.
Lors du générique final, viennent témoigner et se congratuler les passagers du vol ainsi que Sully et sa femme.
Le film comprend rien moins que quatre flashes-back sur l'amerrissage de l'avion, deux sur la jeunesse de Sully, et trois flashes mentaux comme autant de cauchemars. Pourtant l'impression de classicisme domine. Cette forme sans cesse pliée (Sully: héros ou antihéros ?) et dépliée (retour par la preuve de l'action) donne cette impression de simplicité grâce à sa dramaturgie en trois temps : humilité devant la tâche accomplie et doute possible; solidarité des hommes d'action; triomphe de la décision humaine, individuelle et collective, devant l'expertise déshumanisée
L'humilité du héros ordinaire
Le doute qui saisit Sully lorsqu'il retrace à sa femme la reconstitution de l'amerrissage ne saurait s'insinuer dans l'esprit du spectateur, encore sous le choc de la séquence première du faux crash dans Manhattan. Il est désormais la convaincu qu'aucune autre solution n'était possible. Ensuite, jamais l'intégrité de Sully, du fait aussi de l'interprétation de platitude surjouée par Tom Hanks, ne permet de croire qu'il ait voulu fanfaronner pour prouver une éventuelle virtuosité. Le second flash-back, sur le retour de l'avion de chasse, a également pour but de nous monter son sang-froid. Si le spectateur partage avec lui les doutes qui l'assaillent, il est surtout sensible à sa droiture.
Solidarité des hommes d'action
Face à l'adversité, la solidarité des hommes d'action joue à plein. Sully et Jeff sortent dans la nuit glaciale lors de la première nuit passée dans l'hôtel, discutent franchement dans le cockpit et surtout, lors de la grand messe de l'audition fédérale, c'est dans le couloir, seuls, qu'ils se réconfortent. Ce sourire devant la difficulté ou l'adversité, Sully l'avait appris jeune de celui qui l'avait entrainé au pilotage. Il sait aussi la fragilité du destin humain. Il peut ainsi perdre sa position d'expert et sa maison. Il sera jugé sur 208 secondes face à 40 ans de carrière et un million de passagers transportés.
Le facteur humain
Le film comporte peu d'effets spéciaux. L'image la plus marquante est celle de la reconstitution, magnifiée, de la célèbre image télévisée des passagers sur les ailes de l'avion flottant sur les eaux glacées de l'Hudson attendant les secours.
Eastwood ne joue par davantage sur le battage médiatique presque toujours hors champs (bref plan sur les cars télévisés devant sa maison, quelques plans sur les écrans géants de New York). Il ne montre que la fragilité de Sully face aux interviewes en face à face ou sur un plateau avec son présentateur aux allusions grivoises. Sully saura pourtant saisir l'expression "timing parfait" qui va lui permettre de prouver par l'absurde qu'il a raison. Les procédures déshumanisées de la commission d'enquête s'appuyant sur des données informatiques standards (moteur gauche capable de repartir) ou une simulation parfaite a posteriori ne tiennent aucun compte du facteur humain. Sully, demandant à ce que l'on soit enfin sérieux devant la réalité, convoque les 35 secondes nécessaires à la prise de la bonne décision : vérification des dégâts et retour. L'enregistrement des conversations réelles prouvent sa droiture et son héroïsme discret (il est le dernier à quitter l'appareil en perdition).
Le cinéma d'Eastwood, en extrayant au sein de la démagogie, de l'enflure et la gloriole, ce qui fait la beauté fragile de la décision humaine, rend toute sa place à l'expression de la solidarité et du travail bien fait.
Jean-Luc Lacuve le 10/12/2016.