La newsletter du Ciné-club de Caen
Bonjour,
au programme de cette lettre d'information :
 

1 - Compte-rendu du Ciné-club du 5 octobre

2 - Les sorties en salles

3 - Compte-rendu de la journée débat autour de la question "Comment parler d'un film aujourd'hui en salle de cinéma ?" organisée par L'écume des films à Saint-Lô le 30 septembre.

4 - Notre partenariat avec Tënk, le documentaire d'auteur sur abonnement

5 - A la télévision cette semaine

 

1- Compte rendu du ciné-club, le jeudi 5 octobre à 20h10 avec Un beau soleil intérieur (2017, 1h34) de Claire Denis.

Nous étions 90, jeudi soir dans la salle coupole. Le débat s'est engagé sur le discours de Gérard Depardieu qui clôt le film jusqu'à la dernière ligne du générique. Il est probable que cela soit  celui de la réalisatrice. En lui demandant de penser à elle, de garder son "beau soleil intérieur" et de "rester open" vis à vis de nouvelles rencontres, il transforme les larmes d'Isabelle en un sourire interrogateur. Elle semble désormais accepter de vivre dans l'incertitude des sentiments. Ce dernier discours a beau être aussi manipulateur que ceux qui l'ont précédé, il donne la clé d'un art de vivre possible. Il donne corps au petit livre jaune qu'Isabelle avait posé sur la table basse de son salon, Les vertus de l'échec. Ce n'est plus le visage d’une femme maltraitée qui apparait à l'écran mais celui d'une femme, qui parce qu'elle n'a pas trouvé ce quelle cherche, garde son avenir ouvert.

La construction selon les différentes rencontres d'Isabelle  a paru parfois un peu répétitive. Elle est une trace du projet initial du film. Avec l’écrivaine Christine Angot, la réalisatrice était partie pour adapter Fragments d'un discours amoureux, l’essai de 1977 de Roland Barthes. Au gré d’aléas divers, le projet a évolué mais garde trace de sa structure fragmentaire. Nul enjeu dramatique de vient lier les diverses rencontres d'Isabelle. Son mari tente bien, pour son propre intérêt de faire peser sur elle un rôle de mauvaise mère. Quelques plans très sobres sur l'enfant suffisent à indiquer qu'elle est bien la spectatrice souffrante de la situation mais que sa relation à sa mère, dans toute la spontanéité de son geste d'au revoir, reste privilégiée.

La succession des épisodes semble aléatoire, sans anticipation possible. La première rencontre a souvent déjà eu lieu ainsi avec Vincent, l'acteur ou Mathieu et Fabrice. Tout peut se finir rapidement et la rencontre ne dure que tant que chacun garde une part de mystère, une part de possible.

Les hommes qu'Isabelle a rencontré jusque là sont très typés et, pour tout dire, très peu sympathiques.  Seules les  performances d'acteur,  leur façon d'incarner leur personnage permet de prendre plaisir à les voir et surtout les entendre.

Le  discours de ces hommes fait rire tant ils se révèlent fuyants et manipulateurs voire immatures, lâches et inconséquents. En contrepartie de ces discours ce sont les effets du langage sur le visage de Binoche qui bouleversent. Sur lui se reflètent  toutes ses émotions : hésitation, affrontements, incompréhension sur les mots doux menteurs et ambigus ("je t'admire, je voudrais être toi"). Les larmes qui jaillissent sur le visage de Binoche, les sourires incrédules ou enfantins viennent balayer ses désillusions.

Quelques plans de mises en scène sont remarquablement en adéquation avec les personnages. Vincent claque la porte de l'appartement d'Isabelle la veille du week-end et c'est à lui qu'elle claque enfin la porte au nez lorsqu'il revient trop conquérant. L'acteur alcoolique est saisi dans un premier plan dans sa loge seul avec quelques bières alignées devant une glace qui les multiplie par deux. Lorsqu'il a rompu, il reste seul sur le quai du métro, hésitant comme toujours, bien loin d'aller chercher sa fameuse pizza pour la famille.

Le choix de mise en scène le plus décisif fait se succéder un discours et un visage. Maxime déclare à Isabelle après la ballade à la campagne où elle n'est pas allée : "Moi je préfère les gens aux paysages". Apparait alors en gros plan le visage de Juliette Binoche, recueillant une nouvelle fois son émotion : son visage est un paysage.

Claire Denis marche ainsi sur les pas des grandes comédies sentimentales douces amères où discours et visages jouent un rôle fondamental : celles de Hong Sang-soo, Eric Rohmer, Bruno Podalydès ou, plus lointainement, Jean Eustache avec  La maman et la putain.

 

2- Quelques autres sorties en salles récentes

Le redoutable
Gauguin -Voyage de Tahiti

 

3 - Les évènements cinéphiles

L'écume des films fêtait ses dix ans le 30 septembre 2017 en organisant une journée autour de la question "Comment parler d'un film aujourd'hui en salle de cinéma ?"

Trois intervenants, Agathe Fourcin, médiatrice culturelle de l'association MaCaO; Pascal-Alex Vincent, réalisateur, scénariste et enseignant de cinéma à La Sorbonne Nouvelle ; Jean-Luc Lacuve, rédacteur du site du Ciné-club de Caen et animateur d'une séance mensuelle de Ciné-club au Café des Images.

Deux projections : un film du patrimoine, La baie des anges (Jacques Demy, 1963), un film à l'affiche, 120 battements par minute (Robin Campillo, 2017).

Le programme :

14h00, Geneviève  Troussier organise les prises de paroles des différents intervenants

Présentation de la séance

Débats à l'issue de la projection. 45mn - 1heure. : "Comment parler d'un film en salle de cinéma en 2017?".

Débat après la séance

Quizz dans la salle organisé part Jean-Noël Bernicot et Sionann O'Neill avec les adhérents.

Repas avec les adhérents et gâteau d'anniversaire dans une partie du hall du cinémoviking en présence de Clément Jodicius le responsable du cinéma et Jean Fabrice Reynaud fondateur du complexe.

20h15 projection du soir :  120 battements par minute (Robin Campillo, 2017).

"Peut-on débattre en salle ?" Les deux débats, très animés, ont servi de cas concrets pour développer quelques pistes de réflexion :

Discours témoignage : personnes particulièrement impliquées dans le thème du film. Le personnel hospitalier témoigne ainsi de la véracité de la situation tragique des malades du sida à Saint-Lô au début des années 80.

Discours autocentré : Pascal-Alex Vincent cite des questions auxquelles l'animateur a bien du mal à répondre ou à faire face : de quelle guerre s'agit-il dans  Les contes de la lune vague ? Il est intolérable de boire autant dans Le gout du saké.

Discours politique  : A quel engagement conduit le film aujourd'hui ? Le film de Campillo n'est-il pas un peu trop consensuel, s'attardant sur un passé sans faire le lien avec le présent ? On pourra répondre qu'il montre l'importance du combat au présent et non d'un combat abstrait; qu'il possède une épaisseur historique (lien avec 1848) et une dimension symbolique qui le font sortir du strict cadre temporel. Qu'il peut ainsi ëtre pris comme un film qui donne envie de s'engager.

Discours esthétique : en quoi La baie des anges est un film de Jacques Demy et pas d'un autre ? (importance du hasard, mélodrame...)

Discours analytique : déchiffrer le film comme un rébus qui donnera une clé interprétation... à prendre ou à laisser d'ailleurs. Ainsi des travellings arrières, fondus-enchaines et surimpression dans La baie des anges qui travaillent le mythe d'Orphée et laisseront probablement  Jackie-Eurydice dans l'enfer du jeu.

 

4 - Notre partenariat avec Tënk, le documentaire d'auteur sur abonnement

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7 nouveaux films font leur entrée chaque semaine, le vendredi, et restent disponibles pour les abonnés pour une durée de 2 mois. En tout, 70 films sont en tout temps disponibles, et les changements de films se font donc par glissement.

Tënk fonctionne par plage thématique: coup de coeur, histoire et politique, écologie, etc. Les films sont classés selon leur thématique, indépendamment de leur forme.

Au sein des 70 films proposés cette semaine, on trouvera le documentaire de Catherine Bernstein, Le modèle Turing (2012, 30')

Film produit à l''occasion du centenaire de la naissance du scientifique, Le modèle Turing retrace en trente minutes le parcours du mathématicien britannique Alan Turing. En 1936, il pose les fondements de l'informatique en inventant la vision algorithmique du savoir, la machine de Turing. Il permet aux Alliés de gagner la Seconde Guerre mondiale en créant un immense dispositif électromécanique qui permettait de décrypter les messages allemands codés par la machine Enigma, et considérés comme quasiment indéchiffrables. Après la guerre, il est l'un des premiers à théoriser l'intelligence artificielle. Installé à Manchester, il publie en 1948 un article sur  la mécanisation de l'intelligence. Il prévoit que la notion d'intelligence ne se limitera pas bientôt au seul cerveau humain. Il expose le jeu de l'imitation qui consiste à isoler dans deux pièces séparées, un ordinateur et un être humain et à positionner un examinateur dans une autre pièce. L'examinateur les bombarde de questions pour savoir qui est l'ordinateur et qui est l'être humain. Pour Turing, l'ordinateur devrait être capable dans un laps de temps de 5 minutes de tromper l'examinateur dans 70 % des cas.


L'article de Turing dans la revue Mind en 1948
Blade runner (Ridley Scott, 1982)

Notre choix au sein des films proposés par Tënk s'est porté cette semaine sur ce documentaire scientifque car l'article de Turing dans la revue Mind en 1948 n'est pas sans influence sur le scénario de Blade runner (Ridley Scott, 1982) programmé ce dimanche par Arte alors que sort au cinéma sa suite : Blade runner 2049 :

5- A la télévision cette semaine

de Ridley Scott, dimanche 8 octobre 20h55, Arte
de Clint Eastwood, dimanche 8 octobre, 21h00, TF1
de Steve McQueen, dimanche 8 octobre, 21h00, F2
de Mike Newell, jeudi 12 octobre, 20h00, CStar
de Michael Haneke, vendredi 13 octobre, 13h35, Arte
     

Jean-Luc Lacuve, le 8 octobre 2017

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