Le samedi 1er avril 2017 au Café des Images :

18h45 : Apéritif chinois au restaurant du Café des Images

20h10 : The World de Jia Zhang-ke (2004, 2h23)

C'est avec grande joie que le Ciné-club s'est associé pour la deuxième année au Club Chine-Normandie pour une soirée exceptionnelle, le samedi 1er avril 2017. Un buffet chinois etait offert au restaurant du Café des images, moment de convivialité propice pour faire connaitre et apprécier la culture chinoise.

Il était suivi de la projection de The World (2004). Premier film de Jia Zhang-ke autorisé en Chine. Il montre la fascinante créativité de ce pays dans l'industrie des loisirs et de la mode, la marche forcée de l'industrie et de la construction. Jia Zhang-ke ne se départit pas pour autant du regard critique qui l'avait jusque là fait censurer dans son pays : Xiao Shan rentre à la maison (1995), Xiao Wu, artisan pickpocket (1997), Platform (2000), Plaisirs inconnus (2002).

Suivront Still Life (2006, Lion d'or à Venise), Useless (2007), 24 City (2008), I wish I knew - Histoires de Shanghai (2010), A touch of sin (2013) et Au-delà des montagnes (2015) qui vont s'intéresser à différents milieux économiques et se situer dans différentes provinces chinoises.

La jolie Tao travaille à World Park, parc à thème réunissant les monuments les plus célèbres du monde entier en miniature. Chaque jour, elle chante et danse devant le public. Son ami, Taisheng, est l'un des gardiens chefs de ce parc. Arrivé depuis trois ans à Pékin, il a fait venir de sa province plusieurs de ses parents dont un jeune homme qui travaille sous ses ordres. Lorsque l'ex petit ami de Tao vient lui dire au revoir avant de partir pour la Mongolie, Taisheng se rend compte qu'il tient à Tao et exige qu'elle se donne à lui dans sa chambre d'hôtel. Celle-ci refuse...

Ouverture des festivités

18h45 : accueil
Magnifique buffet par le club Chine Normandie
 
Le public discute
et les verres circulent

 

Présentation du film en salle.

Présentations et remerciements
Quelques mots d'explication avant la projection

Dans tous ses films, Jia Zhang-ke dépeint un monde en mutation prônant de nouvelles normes judicaires, de nouvelles normes économiques, de nouvelles technologies mais aussi de nouvelles valeurs spirituelles qui vont à l'encontre des anciennes valeurs chinoises et vis à vis desquelles les jeunes gens doivent trouver un épanouissement sentimental. Sa mise en scène met en parallèle les contrastes dus à l'évolution historique et économique de la société chinoise mais aussi les contrastes géographiques dus aux développements inégaux des provinces chinoises.

Deux de ses films seulement se situent à Beijing : Xiao Shan rentre à la maison (1995), son film de fin d'études et The world (2004), son premier film diffusé en Chine. Six se situent en partie ou en totalité dans sa province natale du Shanxi (Xiao Wu artisan pickpocket (1997), Platform (2000) à Fanyang, Plaisirs inconnus (2002, à Datong) puis le second des deux épisodes de Useless (2007), le premier des quatre épisodes de A touch of sin (2013) et les deux premiers des trois épisodes de Au-delà des montagnes (2015). Still Life (2006) se situe à Fengjie, en amont du barrage des Trois-Gorges, ville de la municipalité de Chongqing, qui sera recouvert par les flots. Jia reviendra à Chongqing pour le second épisode de A touch of sin (2013) suivre un tueur fou. Useless (2007) suit une couturière de mode à Guangzhou, riche capitale du Guangdond au sud de la Chine alors qu'ne deuxième partie montre les difficultés d'un ouvrier couturier du Shanxi. Jia revient dans le Guangdond pour le dernier épisode de A touch of sin (2013)

Débat en salle

Questions de spectateurs
Film (presque) unanimement apprécié


Le désir de vivre manifesté par tous les jeunes gens du film s'incarne dès la séquence initiale par la longue déambulation de Tao dans les loges du sous-sol de la salle de spectacle où, déguisée en indienne, elle ne cesse de réclamer le pansement qui lui permettra de soulager son pied avant d'entrer en scène. Dominant les aléas de son métier, elle connaît tout le monde, elle ne craint ni les fermetures éclairs défectueuses ni la peur d'arriver en retard, ni le trac.

A ses cotés, le gardien chef Taisheng fait bien pâle figure et le spectateur le considère d'abord comme un gêneur dans la relation qu'il anticipe entre Tao et son ex petit ami, venu lui dire au revoir. Hors du parc cependant, il prend toute autre dimension. Il gére avec son frère la venue dans la capitale de leurs nombreux parents provinciaux, vivant encore nettement plus mal qu'eux. Il réalise aussi quelques trafics lucratifs aux limites de la légalité.

L'univers du parc représente ce que la Chine sait faire de mieux ; recopier vite et énergiquement toutes les valeurs de l'occident. Il est vrai que le monde reproduit est en miniature mais il donne ce qu'il souhaite au public selon les formules publicitaires du parc : "Donne-moi un jour, et je te donnerai le monde" en lui donnant la possibilité de "faire le tour du monde sans quitter Pékin".

Parfois Tao et Taisheng bénéficient de cet environnement. Ils se réconcilient sur le tapis volant virtuel après avoir discuté dans un Paris by night en miniature. L'ascenseur de la tour Eiffel et le voyage sur le petit train du parc sont également des lieux privilégiés pour la rêverie de Tao. La parc correspond bien à son désir de beauté, propre et tranquille.

Relèvent également de cet univers moderne, universel, à la poésie propre et tranquille : les SMS visualisés en dessins animés plein écran, la dextérité dans la manipulation des tissus dont fait preuve Qun, le chantier de l'immeuble survolé par un Boing où Tao et "La petite" se retrouvent au soleil couchant. Mais dans le parc comme à l'extérieur menacent le danger et la corruption, le vol, la prostitution ou la mort.

Au fur et à mesure du déroulement du film, Jia offre à ses personnages, une épaisseur que l'on ne leur soupçonnait pas. Allers et retours entre parc et ville, ambition et réalité, fête et prostitution, lui permettent, sans échange de dialogue, quelques scènes d'une force d'abord étrange qui devient bouleversante : la corruption d'Anna puis de la camarade de chambre que Tao surprend avec le directeur sans que le spectateur ne comprenne d'abord qui est ce personnage, ou l'arrivée à la gare de parents de "La petite".

Jean-Luc Lacuve le 06/04/2017

Voir sur le site du ciné-club : Histoire du cinéma chinois (ses 6 générations),Les principaux films chinois, cartographie des films chinois.

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