La jolie Tao travaille à World Park, parc à thème réunissant les monuments les plus célèbres du monde entier en miniature. Chaque jour, elle chante et danse devant le public. Son ami, Taisheng, est l'un des gardiens chefs de ce parc. Arrivé depuis trois ans à Pékin, il a fait venir de sa province plusieurs de ses parents dont un jeune homme qui travaille sous ses ordres. Lorsque l'ex petit ami de Tao vient lui dire au revoir avant de partir pour la Mongolie, Taisheng se rend compte qu'il tient à Tao et exige qu'elle se donne à lui dans sa chambre d'hôtel. Celle-ci refuse. Ils se disputent. Dans le Paris de pacotille du parc et sur un faux tapis volant, ils finissent par se réconcilier.
Autour d'eux, les couples se forment. Niu le jaloux obtient le mariage avec Xiaowei en allant jusqu'à s'immoler par le feu. La troisième co-locatrice devient chef en couchant avec le directeur. Divers trafics interfèrent dans la bonne marche du parc. Le protégé de Taisheng vole dans les loges et se fait renvoyer. Anna, l'amie russe de Tao, espère revoir sa sur dont elle n'a plus de nouvelle, et, pour se payer un billet d'avion, se prostitue. Taischeng trafique de fausses cartes pour obtenir des téléphones internationaux. A cette occasion, il rencontre Qun, une styliste, arrivée depuis huit ans à Pékin et qui fait fortune dans la contrefaçon de modèles de haute-couture européens. Bien qu'attirés l'un par l'autre, ils ne deviennent pas amants ; Qun voulant revoir son mari parti depuis dix ans à Belleville et dont elle n'a plus de nouvelles. Ce renoncement rapproche Taisheng de Tao qui finit par se donner à lui.
Un cousin de province vient rendre visite à Taisheng avec "La petite", jeune homme ainsi surnommé parce que sa mère espérait une fille. Ils travaillent sur des chantiers. Un soir, exténué par des heures supplémentaires, "La petite" sera tué par un câble. Tao et Taisheng, bouleversés par cette mort, accueillent les parents du mort à la gare et les soutiennent lorsqu'ils viennent récupérer l'indemnité de décès de leur fils dans l'entreprise.
Xioaweia et Nui se marient. Durant la fête, Tao intercepte sur le portable de Taisheng un message de Qun qu'elle interprète mal. Elle s'enfuit. Taisheng finit par la retrouver dans l'appartement de Xioaweia et Nui, partis en voyage de noces. La réconciliation ne fait aucun doute. Le matin, la neige tant attendue par Tao tombe enfin. Les voisins s'agitent : deux morts viennent d'être retrouvés, asphyxiés par le gaz de leur chauffage. Tao et Taisheng sont allongés sur le sol. L'écran se fait noir. "Tao, sommes-nous morts ?" "Non ce n'est qu'un début, nous avons tellement encore à vivre."
Le désir de vivre manifesté par tous les jeunes gens du film s'incarne dès la séquence initiale par la longue déambulation de Tao dans les loges du sous-sol de la salle de spectacle où, déguisée en indienne, elle ne cesse de réclamer le pansement qui lui permettra de soulager son pied avant d'entrer en scène. Dominant les aléas de son métier, elle connaît tout le monde. Elle ne craint ni les fermetures éclairs défectueuses, ni la peur d'arriver en retard, ni le trac.
A ses côtés, le gardien chef Taisheng fait bien pâle figure et le spectateur le considère d'abord comme un gêneur dans la relation qu'il anticipe entre Tao et son ex petit ami, venu lui dire au revoir. Hors du parc cependant, il prend une toute autre dimension. Il gère avec son frère la venue dans la capitale de leurs nombreux parents provinciaux, vivant encore nettement plus mal qu'eux. Il réalise aussi quelques trafics lucratifs aux limites de la légalité.
L'univers du parc représente ce que la Chine sait faire de mieux ; recopier vite et énergiquement toutes les valeurs de l'occident. Il est vrai que le monde reproduit est en miniature mais il donne ce qu'il souhaite au public selon les formules publicitaires du parc : "Donne-moi un jour, et je te donnerai le monde" en lui donnant la possibilité de "faire le tour du monde sans quitter Pékin".
Parfois Tao et Taisheng bénéficient de cet environnement. Ils se réconcilient sur le tapis volant virtuel après avoir discuté dans un Paris by night en miniature. L'ascenseur de la tour Eiffel et le voyage sur le petit train du parc sont également des lieux privilégiés pour la rêverie de Tao. La parc correspond bien à son désir de beauté, propre et tranquille.
Relèvent également de cet univers moderne, universel, à la poésie propre et tranquille : les SMS visualisés en dessins animés plein écran, la dextérité dans la manipulation des tissus dont fait preuve Qun, le chantier de l'immeuble survolé par un Boeing où Tao et "La petite" se retrouvent au soleil couchant. Mais dans le parc comme à l'extérieur menacent le danger et la corruption, le vol, la prostitution ou la mort.
Au fur et à mesure du déroulement du film, Jia offre à ses personnages, une épaisseur que l'on ne leur soupçonnait pas. Allers et retours entre parc et ville, ambition et réalité, fête et prostitution, lui permettent, sans échange de dialogue, quelques scènes d'une force d'abord étrange qui devient bouleversante : la corruption d'Anna puis de la camarade de chambre que Tao surprend avec le directeur sans que le spectateur ne comprenne d'abord qui est ce personnage, ou l'arrivée à la gare de parents de "La petite".
Jean-Luc Lacuve, le 30/06/2005.