On distingue classiquement le plan fixe et deux grandes familles de mouvements de caméra : le panoramique qui est un pivotement de la caméra sur son pied et le travelling qui implique un déplacement du pied de la caméra.
1 - Le travelling parallèle
Alexandre Promio, opérateur de vues Lumière, réalise le premier travelling de l'histoire du cinéma. En 1896, il a en effet l'idée de placer sa caméra sur un bateau en mouvement. Cela donne Panorama du Grand Canal vu d'un bateau, tourné à Venise. En studio, on place la caméra et l'opérateur sur un chariot, c'est le carello, utilisé pour la première fois par Segundo de Chomon pour Cabiria (Giovanni Pastrone, 1914). Pour Week-end (Godard, 1967), la publicité affirme qu'on y voit le plus long travelling de l'histoire du cinéma. En fait, Godard le coupe au milieu pour éviter cettte performance trop démonstrative.
Il s'agit là de travellings parallèles au cours desquels l'axe de prise de vue reste parallèle à une même direction et ne quitte pas le sol. Le rapport entre la taille des personnages et le cadre reste constant. Les dollys, de plus en plus légères, montées sur des rails, de moins en moins onéreux ou même sur pneumatiques, vont rendre les travellings de plus en plus faciles.
2 - Les travellings optiques, à la grue
ou au steadicam
L'emploi du zoom, qui est un objectif à focale variable, permet de réaliser sans discontinuité des travellings optiques. Pour un emplacement de la caméra, un objectif à focale courte donne un champ large (et profond) ; le passage continu à une focale plus longue, resserrant le champ, le "grossit" par rapport au cadre, et donne l'impression qu'on se rapproche de l'objet filmé ; d'où le nom de travelling optique parfois donné au zoom (à noter qu'en même temps que ce grossissement se produit une diminution de la profondeur de champ).
Nombreux sont aussi les cas où les rails sont remplacés par des grues de plus en plus sophistiquées ou des véhicules de toute sorte pour porter la caméra. Le steadicam va plus encore faire regresser l'emploi du travelling sur rail au profit de la caméra portée. On classera ainsi plutôt dans la rubrique du plan-séquence ces travellings modernes où les contraintes techniques ont disparues... et ne sont donc plus des signes de mise en scène.
3 - Le travelling compensé
Le travelling compensé ou contrarié consiste à contrarier les effets simultanés d'un zoom arrière et d'un travelling mécanique avant ou l'inverse, zoom avant et travelling mécanique arrière, de telle sorte que le sujet principal reste cadré de la même manière, tandis que l'arrière-plan subit des déformations de perspective, respectivement un allongement, ou un tassement. Par exemple si la caméra s'éloigne, on rétrécit simultanément le champ à l'aide du zoom (ou on l'élargit quand la caméra s'avance) de façon que le sujet ne change pas de taille apparente, mais que l'arrière-plan se tasse derrière lui (ou au contraire se dilate dans l'espace). Cet écart, entre la taille inchangée du personnage et la mouvance inattendue des perspectives du décor où il évolue, est interprété par le public comme le signe d'un malaise du personnage.
Cet effet a été utilisé pour la première fois en 1958 par Alfred Hitchcock dans Vertigo quand Scottie sujet au vertige et accroché à la gouttière d'un toit, regarde la rue en puis quand il regarde le bas d'une cage d'escalier.
Hitchcock l'utilise aussi dans Psychose (1960) et dans Pas de printemps pour Marnie (1964). Après Hitchcock, le procédé est utilisé par Spielberg dans Les dents de la mer, quand le chef de la police aperçoit une attaque de requin depuis la plage et au début d’E.T.. François Truffaut l'utilise aussi dans Jules et Jim quand les deux amis découvrent la statue de la femme de leurs rêves ainsi que dans Fahrenheit 451. Chabrol utilise le procédé dans un sens symbolique tout à fait particulier : dans la scène finale de La femme infidèle, lorsque le policier emmène Michel Bouquet, le travelling arrière matérialise l'éloignement d'avec sa femme, Stéphane Audran, tandis que le zoom avant contrarié nous fait sentir que le couple n'a jamais été aussi proche. On le retrouve depuis, notamment dans Les affranchis, La communauté de l'anneau, La haine, Les rivières pourpres, Le roi Lion ou à la toute fin de L’Odyssée de Pi (Ang Lee, 2012)
4 - Le travelling circulaire
Dans Vertigo, Hitchcock a construit spécialement un décor qui permet de voir ce que Scottie imagine à ce moment, à savoir l'intérieur de la mission avant la chute de Madeleine. La caméra est fixe mais donne l'impression d'un travelling circulaire de 360° autour des amants. Le décor est filmé préalablement dans un panoramique à 360° qui combine images des murs de la chambre, un fond noir qui se transforme en la grange de la mission, fond noir, retour aux murs de la chambre, décor stylisé de la fenêtre pour terminer le plan et les 360° sur un fond vert uni. Le tournage de la scène proprement dite se fait donc avec les deux acteurs placés sur un plateau qui tourne dans le sens des aiguilles d'une montre. Ils sont devant la transparence où défile le décor, tournant lui-même à 360° dans le sens des aiguilles d'une montre. Scottie, voit enfin Judy transformée en Madeleine. Le plan commence lorsqu'il l'étreint et l'embrasse alors avec ferveur, libérant ses souvenirs. Les deux visages sont en gros plan jusqu'à ce que passe dans le viseur de la caméra la place dédiée à la salle de bain. Alors, avant que n'apparaisse ce qui devrait être la porte, la caméra recule et saisit derrière le couple un fond noir qui se transforme en la grange de la mission où Scottie avait embrassé Madeleine avant qu'elle ne s'échappe et (apparemment) saute du haut du clocher. Scottie assume alors de faire l'amour à une morte et après, une transition au noir, la caméra se rapproche à nouveau du couple, les saisit en gros plan avec, pour fond, le décor stylisé de la fenêtre pour terminer le plan et les 360° (du décor) sur un fond vert uni où les deux corps s'embrassent et se penche dans un crescendo de musique lyrique.
Brian de Palma reprendra la figure du travelling circulaire dans ses hommages à Hitchcock que sont Obsession (1976) et Body double (1984).
Principaux films :
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Body double | Brian de Palma | U. S. A. | 1984 |
Obsession | Brian de Palma | U. S. A. | 1976 |
Barry Lyndon | Stanley Kubrick | U. S. A. | 1975 |
Week-end | Jean-Luc Godard | France | 1967 |
Vertigo | Alfred Hitchcock | U. S. A. | 1958 |
Le train sifflera trois fois | Fred Zinnemann | U. S. A. | 1952 |
L'aurore | F. W. Murnau | U. S. A. | 1927 |
Cabiria | Giovanni Pastrone | Italie | 1914 |
Panorama du Grand Canal | Alexandre Promio | France | 1896 |