Le nombre de plans est comptabilisé après montage. Ainsi Godard dit avoir tourné 149 plans pour Le Mépris alors que l'analyse du film par Nicole Brenez dans l'Avant-scène cinéma en décompte 176.
Le choix d'un grand nombre de plans implique un montage particulièrement efficace, alors que le choix d'un petit nombre de plans implique une maitrise de la durée et du déplacement à l'intérieur de chacun d'eux ; ce sont alors des plans-séquence. Un film standard comporte entre 400 et 600 plans ; avec des exceptions pouvant aller de 1 plan pour Empire de Warhol à plus de 2 000 pour un film de Eisenstein.
Les premiers films du cinéma ne comportent qu'un plan, un plan de trois secondes pour Le salut de Dickson (Laurie Dickson, 1891) ou de cinquante secondes pour les "vues" des films Lumière. Le terme "plan" n'existe alors pas et il faudra la naissance du montage pour qu'il soit utilisé.
Le
salut de Dickson (de et avec Laurie Dickson, 1891) |
La
sortie des usines Lumière (Louis Lumière, 1895) |
L'agencement des premiers plans est très lié à l'habitude du théâtre qu'ont spectateurs et cinéastes. Les plans sont fixes et de tailles semblables. Ils sont comme autant de scènes d'une pièce de théâtre. Aux "vues" uniques succèdent ainsi les "tableaux"
Cendrillon (Georges Méliès, 1899) |
Lattaque
du Grand Rapide (E. S. Porter, 1903) |
Avec Griffith et Eisenstein la succession des plans atteint une sophistication inédite avec des jeux sur Le nombre et l'échelle des plans , la profondeur de champ et les plans-séquences avec travelling et panoramique.
Avec l'émergence entre 1905 et 1920 du montage par continuité, les plans devinrent plus courts. Durant les années 20, la durée moyenne d'un plan était de cinq seconde dans le cinéma américain qui montèrent à dix secondes après l'arrivée du parlant. Vers le milieu des années 30, il y eut dans différents pays une tendance à faire des plans plus longs. Dans les films de Jean Renoir, de Kenji Mizoguchi d'Orson Welles ou Béla Tarr ou Gus van Sant, un plan peut durer plusieurs minutes. India song (Marguerite Duras, 1974) ne comporte que 73 plans
En 1948 Hitchcock a pour projet de réaliser un unique plan séquence pour La corde avec des changements de bobines masquées par des raccords invisibles. Il se désintéresse toutefois de cette performance extrême pour réaliser un film en onze plans avec six raccords très visibles. C'est ainsi à Andy Warhol que l'on doit le premier film moderne en un seul plan, même si des contraintes techniques l'obligent à arrêter la caméra pour changer de bobine. C'est en effet la performance expérimentale que recherche Warhol avec le plan unique de Empire (1964) : filmer l'Empire State Building en plan fixe depuis le coucher du soleil jusqu'au noir complet. Le film a été tourné durant la nuit du 25 au 26 juillet 1964 de 20h06 à 2h42 du matin depuis les bureaux de la Rockefeller Foundation situés au 41e étage du Time-Life Building. Ce sera ensuite L'arche russe (2003) : film comportant un unique plan-séquence de 96 minutes puis Victoria (Sebastian Schipper, 2014) 2h14.
Des légendes parfois tenaces accompagnent certains réalisateurs. A force de répéter les grandes sentences de Rossellini contre le montage ("les choses sont là, pourquoi les manipuler ?"), on a presque fini par le croire sur parole et par en faire un champion du plan séquence et du refus du montage. Si Allemagne année zéro ne comporte que 280 plans,une scène comme celle d'Europe 51, où Ingrid Bergman découvre à l'usine la réalité physique du travail à la chaîne, relève d'un usage frénétique et démonstratif du montage, un effet d'abstraction et d'accélération qui doit plus au cinéma russe des années 20-30 qu'au cinéma des années 50. Il s'agit là d'un cas extrême, mais les quatre grands films des années 50 mettent en oeuvre toutes les figures du montage classique. Voyage en Italie, avec ses 465 plans est tout aussi morcelé, à durée égale, que n'importe quel autre film de l'époque, alors qu'il a un programme narratif beaucoup moins chargé.
L'échelle d'un plan pourrait relever de l'analyse de l'image fixe et donc du cadre. La caméra en se déplaçant, les personnages en s'approchant ou en s'éloignant, peuvent définir plusieurs échelles de "cadre" à l'intérieur d'un même plan. D'un autre côté, c'est la variation de l'échelle des plans qui produit les effets de mise en scene. C'est donc dans le montage des différentes tailles de plan que l'on cherchera les effets signifiants. Pour ne pas écarteler l'échelle des plans entre l'analyse de l'image et l'analyse du montage, nous la laisserons donc ici.
Comme le note Gilles Deleuze, l'interêt de l'échelle du plan se situe bien entre l'analyse du cadre et celle du montage : "Le cadre donne une commune mesure à ce qui n'en a pas, plan lointain d'un paysage et gros plan de visage, système astronomique et goutte d'eau, parties qui ne sont pas au même dénominateur de distance, de relief, de lumière. Le cadre assure une déterritorialisation de l'image."
Pour Marcel Martin (Le langage cinématographique), il n'y a lieu de faire des distinctions qu'entre plan général, plans plus ou moins rapprochés et gros plan pour décrire la mise en scène. Sont néanmoins admis les termes suivants : plan général, plan d'ensemble, plan moyen, plan américain, gros plan, insert et très gros plan, (Esthétique du film et Dictionnaire du film). ... avec des définitions absentes ou contradictoires entre les auteurs. (Sans parler du plan de demi-ensemble ou du plan italien... inventés pour compliquer l'analyse !).
Nous retiendrons ainsi quatre grandes distinctions d'échelles de plans :