Mise en scène

Le gros plan de visage est utilisé pour pour susciter l'émotion. Le très gros plan est un plan d'une partie du visage ou d'une autre partie du corps. Un insert est un gros plan d'objet souvent utilisés pour amorcer la mise en oeuvre d'une pensée.

Le gros plan

Pour Gilles Deleuze le gros plan n'arrache nullement son objet à un ensemble dont il ferait partie, dont il serait une partie, mais, ce qui est tout à fait différent, il l'abstrait de toutes coordonnées spatio-temporelles, c'est à dire il l'élève à l'état d'entité. Le gros plan n'est pas un grossissement et, s'il implique un changement de dimension, c'est un changement absolu. Mutation du mouvement, qui cesse d'être une translation pour devenir expression. C'est ce qu'Epstein suggérait quand il disait : ce visage d'un lâche en train de fuir, dès que nous le voyons en gros plan, nous voyons la lâcheté en personne, le "sentiment-chose", l'entité. Et quand Eisenstein critiquait les autres, Griffith ou Dovjenko, il leur reprochait de rater parfois leurs gros plans, parce qu'ils les laissaient connotés aux coordonnées spatio-temporelles d'un lieu, d'un moment, sans atteindre à ce qu'il appelait lui -même l'élément "pathétique", appréhendé dans l'extase ou dans l'affect.

Deleuze propose de dénommer icône, le gros plan de visage déterritorialisé lorsque le gros plan garde le pouvoir d'arracher l'image aux coordonnées spatio-temporelles pour faire surgir l'affect en tant qu'exprimé. Même le lieu présent dans le fond perd ses coordonnées et devient "espace quelconque" (ce qui limite l'objection d'Eisenstein).

En s'appuyant sur les propos de l'historien d'art Wolfflin, Gilles Deleuze distingue deux types de visages, tantôt l'un prévalant sur l'autre et apparaissant presque pur, tantôt les deux se mélangent dans un sens ou dans l'autre :

(5)
(6)
(7)
(8)

Dans la succession de ces plans de La maison du Docteur Edwards de Alfred Hitchock, les plans (7) et (8) sont des gros plans exprimant le coup de foudre mutuel de Constance Petersons et John Ballantine. Ces visages sont, selon la terminologie de Gilles Deleuze, des surfaces réfléchissantes de visagéification.

(9)
(10)
(11)
(12)

Dans la succession de ces plans de Loulou de Pabst, le plan (11) est un gros plan. C'est ici moins le contour réfléchissant qui est mis en valeur que, selon la terminologie de Gilles Deleuze, les traits intensif de visagéité. Le plan 4 est un insert mais à la même valeur iconique d'affect de terreur.

Très gros plans et inserts

L'insert est un gros plan d'objet. Le très gros plan est un plan d'une partie du visage ou d'une autre partie du corps.

Deleuze propose de regrouper sous le terme icône, non seulement le gros plan de visage déterritorialisé mais aussi certains insert d'objet ou très gros plans de visage. Un trait de visagéité n'est pas moins un gros plan complet qu'un visage entier. C'est seulement un autre pôle du visage, et un trait exprime autant d'intensité que le visage entier exprime de qualité. Si bien qu'il n'y a nullement à distinguer les gros plans et les très gros plans ou inserts, qui ne montreraient qu'une partie du visage. Dans de nombreux cas, il n'y a pas davantage à distinguer entre plans rapprochés, américains et gros plans. Et pourquoi une partie de corps du menton, de l'estomac ou du ventre. serait-elle plus partielle, plus patio-temporelle et moins expressive qu'un trait de visagéité intensif ou un visage entier réflexif ? Ainsi la série des gras koulaks dans La ligne générale d'Eisenstein. Et pourquoi l'expression n'arriverait-elle pas aux choses ? Il y a des affects de choses. Le tranchant, le coupant ou plutôt le transperçant du couteau de Jack l'éventreur dans Loulou n'est pas moins un affect que la frayeur qui emporte ses traits et la résignation qui s'empare finalement de tout son visage. (source : L'image-mouvement , p. 136 et suivantes)

On distinguera donc les insert-icônes chez Pabst ou Eisenstein destinés à susciter des affects des inserts de désignation chez Welles ou Hitchcock qui amorcent la mise en oeuvre d'une pensée.

source : L'image-mouvement (p. 136 et suivantes)

Retour