Jean-Noël Picq, assis sur un siège rouge, fume et parle à ses invités, deux femmes et un homme. Il commente quelques parties du troisième panneau du triptyque du Jardin des délices, qui sont données à voir au spectateur. En bas à droite, Picq voit un cochon demi-habillé en religieuse, a moins que ce ne soit une religieuse demi-nue plus ou moins transformée en cochon qui de son groin tente d'embrasser un homme nu ; et cet homme nu a un geste : il tient la tête de cette religieuse pour l'attirer ou l'éloigner. Il y a une sorte de nain vêtu d'une armure qui semble s'intéresser vivement a leurs ébats et vouloir y participer ; ce nain a une flèche sur la cuisse et de son cimier pend un pied, un pied humain qui est attaché au cimier. Un peu plus haut, on peut voir un homme nu renversé et dévoré par deux chiens ; deux chiens, revêtus d'amures comme le nain, le dévorent. L'homme ne semble pas en souffrir. S'il fallait décrire son expression, ce n’est pas une expression de torturé, elle n'est pas extatique non plus. Cet acte de dévoration passe comme quelque chose de tout à fait normal qui n'évoque aucun sentiment.
On parle d'un symbolisme chez Bosch, ce qui implique en sens secret, un langage de métaphores à décrypter. Or, je ne vois aucun sens dans ce tableau donc aucun symbolisme, difficile même de trouver des correspondances, impossible de lui trouver une signification. Le propre de ce tableau des êtres qui s'y trouve est de s'y emboiter, de s'y associer de matière multiple sans qu'il soit possible de dire ce que cela veut dire.
On décrit uniquement ce que l’on reconnait à partir d’un canevas où il y a intégration de notion d’ordre, de notion de sens et, dans ce tableau il n'y a ni ordre, ni sens. Plus facile pourtant, vers le haut, un couteau planté entre deux oreilles gigantesques. ce pourrait être un char d'assaut, ou, mais c'est tellment évident, un pénis.
On jouit sans sexe, le sexe n'est que la canalisation de la jouissance et s'en sert qui veut, s'en contente qui veut. La jeune femme brune lui fait remarquer non pas insoutenable mais très grande tranquillité dans sa description comme dans sa voix
Jean-Noël Picq reprend la description : Un corps décharné, un sultan. Pas d'espace emboitement : tout ce qui peut embrasser, embrasse ; tout ce qui peut être pénétré, est pénétré ; tout ce qui peut entrer quelque part, entre. Et peu importe qu'il s'agisse d'une cavité humaine ou d'une cavité naturelle; des sept orifices un seul fait la différence entre l'homme et la femme. Chez lui pas de distinction entre les animaux de la terre et ceux de la mer; Il n'y a rien à prouver
Un loup garou qui tient jalousement sa femme alanguie, prête à être séduite par l'homme qui apparait dans le cul de la grenouille. Des hommes qui font une sorte de ski nautique et un pingouin qui les suit. Plus haut encore, la citée humaine avec des troupes en mouvements et des hommes jetés dans le fleuve ; citée détruite par le feu apocalypse humaine; ce qui va se passer en dessous; cette jouissance partielle à l'infini.
Diffusé le 13 avril 1981 sur A2 dans le cadre de la série Les enthousiastes. Jean Frapat commande à Jean Eustache pour sa série de l'INA, Les Enthousiastes, le portrait d’un passionné. Eustache propose à Jean-Noël Picq de parler peinture comme il le fait brillamment en privé. Après le dispositif déreangeant de Une sale histoire, le cinéaste propose à son ami de le mettre face à un auditoire séduisant de deux jeunes femmes, manifestement séduites par son discours.
En lieu et place du tableau Pick déploie un garnd rouleau d'un poster géant que Picq pose sur ses genoux pour lapprocher de plus près. Il y a fondamentalement quelque chose dillicite et de « désacralisateur » dans le dispositif dEustache. Il faut attendre la fin du moyen métrage pour voir la peinture de Jérôme Bosch filmée dune manière fluide, au rythme du glissement de la caméra.
On ne sait pas qui sont ces gens à qui sadresse
Picq ; desamis plsu que des critiques dart. Jouissance des mots qui dévorent luvre avec une élégance
sauvage : « Je ne vois aucun sens dans ce tableau, donc aucune signification
». Ici, on peut jouir sans le sexe. « On peut jouir davoir
une tête de lapin ». Et plus le tableau se découvre, parcelle
par parcelle, foulé par le regard du dandy, plus les paradoxes se mettent
à gronder : « Je trouve Bosch tout à fait tranquille ».
Editeur : Carlotta Films, avril 2024. Éditions 6 Blu-ray ou 7 DVD, restauration 4K : 80€. Du côté de Robinson (1964), Le père Noël a les yeux bleus (1965), La rosière de Pessac (1968), La rosière de Pessac 79 (1979), Numéro zéro (1971), La maman et la putain (1973), Mes petites amoureuses (1974), Une sale histoire (1979), Le Jardin des délices de Jérôme Bosch (1979), Offre d'emploi (1980), Les photos d'Alix (1980). | |
Suppléments : Près de trois heures d'archives télévisées et radiophoniques exclusives, sur le tournage des films, au Festival de Cannes, interviews plateau, interviews-fleuves de Jean Eustache et La soirée, Un projet de film inachevé écrit en totalité par Jean Eustache, tourné en 16 mm sans son ; Odette Robert, version réduite de Numéro zéro ; le dernier des hommes, postface, Les critiques André S. Labarthe, Jean Domarchi et le metteur en scène Marc’O y débattent du film de Friedrich Wilhelm Murnau. Un livre de 160 pages : projets de films + très nombreux entretiens + textes et analyses… |