Les adaptations par ordre chronologique : |
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Guermantes | Christophe Honoré | France | 2021 |
A la recherche du temps perdu | Nina Companeez | France | 2011 |
La captive | Chantal Akerman | France | 2000 |
Le temps retrouvé | Raoul Ruiz | France | 1999 |
Un amour de Swann | Volker Schlöndorff | France | 1984 |
Les adaptations des romans de Marcel Proust au cinéma ne sont que cinq. Alors que le cinéma de "qualité française" s'attaqua à presque tous les grands romans réalistes du XIX, il évita La Recherche. La faute à une réputation d’inadaptabilité du texte, de sa logique narrative et de son style spiralé, proprement littéraires et supposés intransposables.
Pourtant, depuis le début des années 1960, quelques réalisateurs, et pas des moindres, ont tenté de mettre en scène les personnages imaginés par l'écrivain. En 1962, Nicole Stéphane acquiert les droits d’adaptation cinématographique d’À la recherche du temps perdu. René Clément préconisait de réaliser Un Amour De Swann avec Brigitte Bardot dans le rôle d'Odette. Le projet échut entre les mains de Luchino Visconti. Dans son scénario, Suso Cecchi d’Amico supprime Du côté de chez Swann et Le Temps retrouvé. Visconti voulait en effet raconter une histoire avec un début, un milieu et une fin, privilégiant le sentiment proustien, mais pas le style. Ce film devait être la peinture d’une société comme on le voit chez Balzac. C'est ensuite Joseph Losey qui reprend le flambeau. Il confie le scénario au prix Nobel Harold Pinter. Mais, comme Visconti, il se noie dans les méandres de la construction, la profusion de personnages (plus de 200) et les liens souterrains entre les sept tomes d’A la recherche du temps perdu.
Peter Brook accepte de diriger Un amour de Swann, mais ne peut finalement se libérer. Il ne restait plus beaucoup de temps avant que la période légale n’expire, en 1985, et que Nicole Stéphane ne perde les droits d’adaptation. Peter Brook et Jean-Claude Carrière proposent alors leur scénario à Volker Schlöndorff, qui l’accepte avec enthousiasme. Et c’est ainsi qu’Un amour de Swann a pu se faire, in extremis.
Ainsi, si l'on exclut Céleste (Percy Adlon, 1980), Un amour de Swann (Volker Schlöndorff, 1984) est la première adaptation officielle du cycle romanesque, avec dans le rôle de l’esthète amoureux et jaloux d’une femme qui d’abord ne l’attirait pas Jeremy Irons ;dans celui de la demi-mondaine Odette Ornella Muti, et dans celui du décadent Baron Charlus rien moins qu’Alain Delon, stupéfiant dans le rôle. Le film de Schlöndorff, et le scénario de Jean-Claude Carrière, procèdent par réduction et condensation. Il condense la partie centrale de Du côté de chez Swann en une journée et une nuit dans une série de tableaux en costume sans le moindre enjeu temporel.
Raoul Ruiz adapte Proust en 1999 avec son film Le temps retrouvé, Loin de se contenter de n'adapter que le dernier volume de La Recherche, Raoul Ruiz réintroduit des épisodes d'au moins cinq des six tomes précédents. Surtout, il s'empare du projet global de La Recherche : le devenir d'un enfant, d'un adolescent et d'un homme qui devient écrivain en découvrant la puissance du signe. Le signe, mondain, amoureux, sensible ou artistique, en se développant dans l'écriture, permet d'échapper à la contingence du temps et d'atteindre à l'éternité de l'œuvre d'art.
Toute la mise en scène consiste donc à ne cesser de rappeler que la narration est tendue vers cette révélation. L'interprète principal, particulièrement inexpressif, s'efface devant les stars du film qui sont la matière première de son étude. Ces acteurs connus donnent aux spectateurs un souvenir de ses acteurs, "un effet proustien naturel". Des statues viennent souvent s'interposer entre la caméra et l'action et Ruiz suscite avec son art consommé du baroque, les signes cinématographiques qui sont une équivalence de ce que ressent le narrateur de La Recherche. Il va même pour cela jusqu'à condenser ou rajouter des scènes absentes. Cette lecture cinématographique de l'oeuvre littéraire se conclut par un bouleversant final qui, tout en trouvant une équivalence avec la dernière phrase de La Recherche, fait le constat modeste qu'il est impossible de s'approprier la totalité d'une œuvre d'art.
Autre manière d'adapter Proust encore, en forme d'écho et dans une réécriture assez libre, c'est La captive , de Chantal Akerman (2000). C’est un souvenir de La Prisonnière de Proust, plus que le roman lui-même, qu’adapte Chantal Akerman. Le film se déroule à l’époque contemporaine, et les personnages n’ont pas le même nom, Albertine et le narrateur devenant Ariane et Simon. Une façon aussi, en l’actualisant, de dire que ce que décrit Proust excède de loin le monde de cocottes, gigolos, aristocrates en déclin et bourgeois en essor de La Recherche… Un parti-pris intéressant qui est une porte d'entrée possible vers La Recherche, comme le déclare Nathalie Bittinger : "Pour contourner la difficulté de se confronter au monstre sacré, Chantal Akerman décide de ne pas relire Proust, de le citer de mémoire, elle en propose une trahison consciente". Le résultat pourra dérouter les puristes, mais il s'agit pourtant bel et bien d'une démarche filmique très proustienne : "On est dans un mélange entre adaptation, relecture, cinéphilie qui montre une incubation entre Hitchcock, Kubrick, qui fait que l’on est dans une sorte de mémoire totale" explique ainsi Thomas Carrier-Lafleur.
Guermantes de Christophe Honoré raconte dans un vrai-faux documentaire, comment son adaptation théâtrale du troisième tome de La Recherche, Le Côté de Guermantes, a été annulée en pleine répétition à l’été 2020 pour cause de pandémie mondiale et de restrictions sanitaires. Pour Nathalie Bittinger, dans ce film de Christophe Honoré, "Proust est vraiment presque fantomatique, à la marge, c’est avant tout un film sur les acteurs de la Comédie-Française et sur le théâtre au temps du Covid avec un travail sur l'autofiction puisque Honoré apparaît dans le film. Proust est dans les marges du film à cause du contexte, une adaptation théâtrale avortée." Le film met aussi en scène le passage d'un médium à l'autre, d'une époque à l'autre ce que l'on peut faire de Proust aujourd'hui et comment éviter les échecs successifs d'adaptation.
Les cinéastes proustiens
Marcel Proust était sceptique sur le cinéma naissant qu'il dédaignait avec cette phrase fameuse dans Le temps retrouvé (au sein du chapitre 3 : Matinée chez la princesse de Guermantes) : "Quelques-uns voulaient que le roman fût une sorte de défilé cinématographique des choses. Cette conception était absurde. Rien ne s'éloigne plus de ce que nous avons perçu en réalité qu'une telle vue cinématographique". La critique est sévère s'il faut entendre que "défilé cinématographique des choses" signifie "défilé monotone des choses".
Pourtant, dès 1923, suite à la mort de Proust, dans un numéro hommage la NRF, Paul Fierens déclare que Proust est plus près du cinéma que de la littérature et que, pour comprendre son esthétique, il faut aller voir du côté de cette technique encore relativement nouvelle. Jacques Bourgeois en 1946 dans la revue Cinéma affirme que Citizen Kane (Orson Welles, 1945) est un vrai film proustien et que Proust s'est trompé de médium mais que c'est le cinéma qui n'était alors pas assez développé pour rendre hommage à la pensée proustienne de l'art du monde et du réel. Mais, à partir des années 40, à partir d'un cinéma plus moderne qui travaille le temps, on serait du coté de Proust.
Un film peut être proustien sans être nécessairement une adaptation de Proust ou avoir comme sujet principal l'écrivain et son œuvre, car comme l'explique Thomas Carrier-Lafleur, "dire que des films peuvent être proustiens, c’est penser que le cinéma n’est pas tant un art du visuel qu’un art de la durée." L'exemple le plus éclairant est sans doute Il était une fois en Amérique (Sergio Leone, 1984). L'indice le plus explicite de l'hommage à La Recherche est la réponse à la question :"Qu'est-ce que tu as fait de tout ce temps ? et où Noodles répond "Je me suis couché de bonne heure". Et ce pendant 35 ans. On peut donc dire que "Longtemps, Noodles s'est couché de bonne heure". Dans ce chef-d'œuvre absolu, Leone qui a exploré toute la mythologie américaine s'affirme comme le grand cinéaste du temps avec la forme même du film un énorme flash-back non raconté dans l'ordre avec des jaillissements du temps perdu. Il revoit ainsi Deborah et Max, vieillis et poudrés comme dans le bal des têtes dans Le temps retrouvé. Une des scènes qui révèle bien cette parenté est celle où l'on voit l’ancien gangster aller aux toilettes, monter sur la cuvette, enlever le petit pan de mur jaunâtre qui permet de voir l’ancienne réserve du bistrot, et contempler une scène primitive d’il y a 46 ans. Le plan d’après, c’est son regard enfant qu’on voit.
Réécrire Proust, c'est ce que fait Ruiz avec Le temps retrouvé (1999) qui ne copie pas La Recherche mais l'adapte selon sa propre esthétique. Ruiz est un cinéaste théorique. Il lit sans arrêt les philosophes, notamment Deleuze et son image temps et Proust et les signes.Il commence par la fin mais c'est une fin qui fait office d'observatoire qui regarde tous les personnages et se souvient de tout. c'est le volume le plus théorique qui se termine par une longue dissertation sur la philosophie de l'art,l'adoration perpétuelle, qui fait une quarantaine de pages. Ruiz en recule pas et essaie d'intégrer cette pensée du temps
Dans le parcours du Cd-Rom Immemory (1997) de Chris Marker surgit la question : qu'est-ce qu'une madeleine ? et on peut alors cliquer à gauche sur le visage de Proust ou cliquer à droite sur le visage d'Hitchcock et on tombe sur Kim Novak dans Vertigo (1958). Proust a inventé une nouvelle façon de parler de soi. Il a légué à la littérature et au cinéma la figure du jaloux, comme personnage qui n'agit pas mais angoisse et enquête et cherche à décoder les signes du réel pour comprendre tout le monde de l'autre. C'est ce qui fait de Eyes wide shut (Stanley Kubrick, 1999) un grand film proustien.
Dire que des films peuvent être proustiens, c’est penser que le cinéma n’est pas tant un art du visuel qu’un art de la durée. C'est faire ressurgir tout un monde d'une sensation, incarner le jaillissement de la réminiscence, des sensations qui se superposent d'un coup avec des mélange de plans subjectifs et objectifs, réels et mentaux.
Mais la grande myhologie proustienne s'incarne aussi dans des éclats éparses où ne peut revenir qu'un moment ; la madeleine, le son de la cuillère dans la tasse de café, la colère de Charlus, la sonate de vinteuil, le petit pan de mur jaune et la mort de Bergotte. Ainsi John Jost dans All the Vermeers in New York (1990) reprend le texte de la mort de Bergotte, lu en français puis en anglais, avec un autre personnage qui meurt devant un autre tableau de Vermeer. A l'inverse, de grands cinéastes du temps refusent l'héritage de la grande culture proustienne. Ainsi Alain Resnais qui affirme sa proximité avec l'art populaire de la bande-dessinée. Il est pourtant difficile de ne pas voir un héritage proustien dans L'année dernière à Marienbad (1961) ou Je t'aime, je t'aime (1968).
1896 : Les plaisirs et les jours
1913 : Du côté de chez Swann
1918 : À l'ombre des jeunes filles en fleurs
1919 : Pastiches et Mélanges
1922 : Le côté de Guermantes
1923 : Sodome et Gomorrhe
1923 : La prisonnière
1925 : Albertine disparue
1927 :
Le temps retrouvé
1927 : Chroniques,
1952 : Jean Santeuil
1954 : Contre Sainte-Beuve
1961 : Le chagrin de la marquise
Combray. Le narrateur, adulte, songe aux différentes chambres où il a dormi au cours de sa vie, notamment celle de Combray, où il passait ses vacances lorsqu’il était enfant. Cette chambre se trouvait dans la maison de sa grand-tante : « La cousine de mon grand-père — ma grand-tante — chez qui nous habitions… » Le narrateur se remémore à quel point l’heure du coucher était une torture pour lui ; cela signifiait qu’il allait passer une nuit entière loin de sa mère, ce qui l’angoissait au plus haut point : « …le moment où il faudrait me mettre au lit, loin de ma mère et de ma grand-mère, ma chambre à coucher redevenait le point fixe et douloureux de mes préoccupations. » Pendant longtemps, il ne se souvint que de cet épisode de ses séjours dans la maison de sa grand-tante. Et puis, un jour, sa mère lui proposa une tasse de thé et des madeleines, qu’il refusa dans un premier temps puis finit par accepter. C’est alors que, des années après son enfance, le thé et les miettes du gâteau firent remonter toute la partie de sa vie passée à Combray : « … et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. » Cette partie de la vie du narrateur n’était pas seulement marquée par le drame du coucher. Elle fut l’occasion de s’éveiller aux sens (l’odeur des aubépines, la vue de la nature autour de Combray, lors de promenades familiales), à la lecture (les romans de Bergotte, auteur fictif qui d'ailleurs sera lui-même un personnage du roman) ; le narrateur se promène de part et d’autre de Combray avec sa famille : du côté de Méseglise, ou du côté de Guermantes si le temps le permet. Il adore sa mère et sa grand-mère, mais, plus globalement, sa famille apparaît comme un cocon dans lequel le narrateur enfant se sent heureux, protégé et choyé.
Un amour de Swann. Un amour de Swann est une parenthèse dans la vie du narrateur. Il y relate la grande passion qu’a éprouvée Charles Swann (qu'on a rencontré dans la première partie comme voisin et ami de la famille) pour une cocotte, Odette de Crécy. Dans cette partie, on voit un Swann amoureux mais torturé par la jalousie et la méfiance vis-à-vis d’Odette. Les deux amants vivent chacun chez soi, et dès que Swann n’est plus avec son amie, il est rongé par l’inquiétude, se demande ce que fait Odette, si elle n’est pas en train de le tromper. Odette fréquente le salon des Verdurin, couple de riches bourgeois qui reçoivent tous les jours un cercle d’amis pour dîner, bavarder ou écouter de la musique. Dans un premier temps, Swann rejoint Odette dans ce milieu, mais au bout d’un moment, il a le malheur de ne plus plaire à madame Verdurin et se fait écarter des soirées organisées chez elle. Il a alors de moins en moins l’occasion de voir Odette et en souffre affreusement, puis peu à peu il se remet de sa peine et s’étonne : « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, … pour une femme…qui n’était pas mon genre ! » Cette parenthèse n’est pas anecdotique. Elle prépare la partie de la Recherche dans laquelle le héros connaîtra des souffrances similaires à celles de Swann.
Noms de pays : le nom. Rêverie sur les chambres de Combray, et sur celle du grand hôtel de Balbec (ville imaginaire inspirée en partie à Proust par la ville de Cabourg). Adulte, le narrateur compare, différencie ces chambres. Il se souvient que, jeune, il rêvait sur les noms de différents lieux, tels Balbec, mais aussi Venise, Parme ou Florence. Il aurait alors aimé découvrir la réalité qui se cachait derrière ces noms, mais le docteur de la famille déconseilla tout projet de voyage à cause d’une vilaine fièvre que contracta le jeune narrateur. Il dut alors rester dans sa chambre parisienne (ses parents vivaient à deux pas des Champs-Élysées) et ne put s’octroyer que des promenades dans Paris avec sa nourrice Françoise. C’est là qu’il fit la connaissance de Gilberte Swann, qu’il avait déjà aperçue à Combray. Il se lia d’amitié avec elle et en tomba amoureux. Sa grande affaire fut à ce moment d’aller jouer avec elle et ses amies dans un jardin proche des Champs-Élysées. Il se débrouille pour croiser les parents de Gilberte dans Paris, et salue Odette Swann, devenue la femme de Swann, et la mère de Gilberte.
1984 : Volker Schlöndorff. Un amour de Swann. Avec : Jeremy Irons (Charles Swann), Ornella Muti (Odette de Crecy), Alain Delon (Baron de Charlus), Fanny Ardant (Duchesse de Guermantes), Marie-Christine Barrault (Madame Verdurin), Anne Bennent (Chloe), Nathalie Juvet (Madame Cottard). 1h50.
À l'ombre des jeunes filles en fleurs
1918
Autour de Madame Swann. La narrateur entre dans la maison des parents de Gilberte Swann à Paris. Il s’y rend sur invitation de sa jeune amie, pour jouer ou goûter. Il est si épris qu’une fois rentré chez ses parents, il fait tout pour orienter les sujets de conversation sur le nom de Swann. Tout ce qui constitue l’univers des Swann lui semble magnifique : « …je ne savais ni le nom ni l’espèce des choses qui se trouvaient sous mes yeux, et comprenais seulement que quand elles approchaient les Swann, elles devaient être extraordinaires… » Il est heureux et fier de sortir dans Paris avec les Swann. C’est au cours d’un dîner chez eux qu’il rencontre l’écrivain Bergotte, dont il aime les livres depuis longtemps. Il est désappointé : le vrai Bergotte est à mille lieues de l’image qu’il s’était forgée de lui à la lecture de ses œuvres ! « Tout le Bergotte que j’avais lentement et délicatement élaboré… se trouvait d’un seul coup ne plus pouvoir être d’aucun usage… » Sa relation avec Gilberte évolue : ils se brouillent et le narrateur décide de ne plus la voir. Sa peine est intermittente. Peu à peu il parvient à se détacher d’elle, à ne plus ressentir que de l’indifférence à l’égard de Gilberte. Il reste néanmoins lié avec Odette Swann.
Noms de Pays : le Pays. Deux ans après cette rupture, il part à Balbec avec sa grand-mère. Il est malheureux lors du départ pour cette station balnéaire, car il va se trouver éloigné de sa mère. Sa première impression de Balbec est la déception. La ville est très différente de ce qu’il avait imaginé. En outre, la perspective d’une première nuit dans un endroit inconnu l’effraie. Il se sent seul puis, jour après jour, il observe les autres personnes qui fréquentent l’hôtel. Sa grand-mère se rapproche d’une de ses vieilles amies, madame de Villeparisis. C’est le début de promenades dans la voiture de cette aristocrate. Au cours de l’une d’elles, le narrateur ressent une étrange impression en apercevant trois arbres, alors que la voiture se rapproche d’Hudimesnil. Il sent le bonheur l’envahir mais ne comprend pas pourquoi. Il sent qu’il devrait demander qu’on arrête la voiture pour aller contempler de près ces arbres mais par paresse, il y renonce. Madame de Villeparisis lui présente son neveu, Saint-Loup, avec lequel le héros se lie d’amitié. Il retrouve Albert Bloch, un ami d'enfance, qu'il présente à Saint-Loup. Il rencontre enfin le baron de Charlus (un Guermantes, comme madame de Villeparisis et bien d’autres personnages de l’œuvre de Proust). Le héros est surpris par le comportement étrange du baron : celui-ci commence par dévisager intensément notre héros, puis une fois qu’il a fait connaissance avec lui, il se montre incroyablement lunatique. Petit à petit, le narrateur élargit le cercle de ses connaissances : Albertine Simonet et ses amies deviennent ses amies et au début, il se sent attiré par plusieurs de ces jeunes filles. Il finit par tomber amoureux d’Albertine. Le mauvais temps arrive, la saison se termine et l’hôtel se vide.
2011. Nina Companeez . A la recherche du temps perdu. Avec : Micha Lescot (Le narrateur), Dominique Blanc (Madame Verdurin), Didier Sandre (Le Baron de Charlus), Valentine Varela (La Duchesse de Guermantes), Marie-Sophie Ferdane (Gilberte) ,Bernard Farcy (Le Duc de Guermantes). 3h50.
A Paris, les parents du narrateur changent de logement et vivent désormais dans une partie de l’hôtel des Guermantes. Leur bonne, la vieille Françoise, regrette ce déménagement. Le narrateur rêve au nom des Guermantes, comme jadis il rêvait aux noms de pays. Il aimerait beaucoup pénétrer dans le monde des aristocrates. Pour tenter de se rapprocher de madame de Guermantes, qu’il importune à force de la suivre indiscrètement dans Paris, il décide de rendre visite à son ami Robert de Saint-Loup, qui est en garnison à Doncières : « L’amitié, l’admiration que Saint-Loup avait pour moi, me semblaient imméritées et m’étaient restées indifférentes. Tout d’un coup j’y attachai du prix, j’aurais voulu qu’il les révélât à Madame de Guermantes, j’aurais été capable de lui demander de le faire. » Il rend donc visite à son ami qui le reçoit avec une très grande gentillesse et est aux petits soins pour lui. De retour à Paris, le héros s’aperçoit que sa grand-mère est malade. Saint-Loup profite d’une permission pour se rendre à Paris ; il souffre à cause de sa maîtresse, Rachel, que le narrateur identifie comme une ancienne prostituée qui travaillait dans une maison de passe. Le narrateur fréquente le salon de madame de Villeparisis, l’amie de sa grand-mère ; il observe beaucoup les personnes qui l’entourent. Cela donne au lecteur une image très fouillée du faubourg Saint-Germain entre la fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième. Le narrateur commence à fréquenter le salon des Guermantes. La santé de sa grand-mère continue à se détériorer : elle est victime d’une attaque en se promenant avec son petit-fils.
2021. Christophe Honoré. Guermantes. Avec : Christophe Honoré (Lui-même), Mickaël Pelissier (Le valet de Marcel), Stéphane Varupenne (Marcel), Claude Mathieu (La grand-mère), Anne Kessler (La comtesse de Marsantes), Éric Génovèse (Le père de Marcel et Legrandin), Florence Viala (La princesse de Parme), Elsa Lepoivre (La duchesse Oriane de Guermantes), Julie Sicard (Françoise et la comtesse d'Arpajon), Loïc Corbery (Charles San), Serge Bagdassarian (Le Baron de Charlus), Gilles David (Le comte de Norpois), Sébastien Pouderoux (Robert de Saint-Loup), Laurent Lafitte (Le duc Basin de Guermantes), Dominique Blanc (La marquise de Villeparisis), Yoann Gasiorowski (Bloch et le Prince Von), Rebecca Marder (Rachel). 2h19.
Le narrateur découvre que l’homosexualité est très présente autour de lui. Un jour, il découvre celle de monsieur de Charlus ainsi que celle de Jupien, un giletier qui vit près de chez lui. Charlus n’est pas seulement l’amant de Jupien ; riche et cultivé, il est aussi son protecteur. Le narrateur, après la découverte de l’inversion sexuelle de Charlus, se rend à une soirée chez la princesse de Guermantes. Cela lui permet d’observer de près le monde de l’aristocratie du faubourg Saint-Germain, et de se livrer à des considérations sur cette partie de la société. Après cette longue soirée, le narrateur rentre chez lui et attend la visite de son amie Albertine ; comme celle-ci se fait attendre, le héros s’irrite et devient anxieux. Finalement, Albertine arrive et la glace fond. Cela dit, le cœur du narrateur est instable. Il lui arrive de ne plus ressentir d’amour pour Albertine, ce qu’il appelle « les intermittences du cœur ».
Il fait un deuxième séjour à Balbec. Cette fois-ci, il est seul, sa grand-mère est morte. Cela l’amène à faire des comparaisons avec son premier séjour dans cette station balnéaire. En se déchaussant, il se souvient qu’alors, sa grand-mère avait tenu à lui ôter elle-même ses souliers, par amour pour lui. Ce souvenir le bouleverse ; il comprend seulement maintenant qu’il a perdu pour toujours sa grand-mère qu’il adorait. Ce séjour à Balbec est rythmé par les sentiments en dents de scie que le héros éprouve pour Albertine : tantôt il se sent amoureux, tantôt elle lui est indifférente et il songe à rompre. Il commence d’ailleurs à avoir des soupçons sur elle : il se demande si elle n’est pas lesbienne. Mais il n’arrive pas à avoir de certitudes. À la fin de ce second séjour, il décide d’épouser Albertine, pensant que, ce faisant, il la détournera de ses penchants pour les femmes.
Le narrateur est de retour à Paris, dans la maison de ses parents, absents pour le moment. Il y vit avec Albertine, et Françoise, la bonne. Les deux amants ont chacun leur chambre et leur salle de bains. Le narrateur fait tout pour contrôler la vie d’Albertine, afin d’éviter qu’elle donne des rendez-vous à des femmes. Il la maintient pour ainsi dire prisonnière chez lui, et lorsqu’elle sort, il s’arrange pour qu’Andrée, une amie commune aux deux amoureux, suive Albertine dans tous ses déplacements. L’attitude du narrateur est très proche de celle de Swann avec Odette dans Un amour de Swann. L’amour, loin de le rendre heureux, suscite une incessante méfiance, et une jalousie de tous les instants. Le héros se rend compte aussi que malgré toutes ses précautions, Albertine lui est étrangère à bien des égards. Quoi qu’il fasse, elle reste totalement un mystère pour lui. Cette vie en commun ne dure pas longtemps. Un jour, Françoise annonce au narrateur qu’Albertine est partie de bon matin.
2000. Chantal Akerman. La captive. Avec : Stanislas Merhar (Simon), Sylvie Testud (Ariane), Olivia Bonamy (Andrée), Liliane Rovère (Françoise), Françoise Bertin (La grand-mère), Aurore Clément (Léa, actrice) Vanessa Larré (Hélène), Samuel Tasinaje (Levy), Anna Mouglalis (Isabelle), Bérénice Bejo (Sarah). 1h58.
Albertine s’est enfuie de chez le narrateur alors que celui-ci commençait à ressentir la plus complète indifférence pour elle. Cela provoque un nouveau revirement de son cœur. Il fait tout pour retrouver sa maîtresse, et veut croire qu’il sera très vite en sa présence. Hélas, il apprend par un télégramme qu’Albertine est morte, victime d’une chute de cheval. Elle lui échappe ainsi définitivement. Son cœur oscille entre souffrance et détachement au fil du temps. Il se livre, auprès d’Andrée, à un travail d’enquêteur pour savoir si oui ou non elle était lesbienne et découvre bientôt que c'était effectivement le cas. Il se rend chez la duchesse de Guermantes et y croise son amour d’enfance, Gilberte Swann, devenue mademoiselle Gilberte de Forcheville : Swann est mort de maladie, et Odette s’est remariée avec monsieur de Forcheville. Swann rêvait de faire admettre sa femme dans les milieux aristocratiques : à titre posthume, son souhait est exaucé par le riche remariage d’Odette. Le narrateur fait un voyage à Venise avec sa mère. Au retour, il apprend le mariage de Gilberte avec son ami Robert de Saint-Loup. Quelque temps après, il se rend à Tansonville, non loin de Combray, chez les nouveaux mariés. Gilberte se confie au narrateur : elle est malheureuse car Robert la trompe. C’est exact, mais elle croit que c’est avec des femmes alors que Robert est attiré par les hommes.
A Tansonville, le narrateur, qui voudrait devenir écrivain depuis qu’il est enfant, lit un passage du Journal des Goncourt avant de s’endormir, et cela l’amène à croire qu’il n’est pas capable d’écrire. Il décide de renoncer à devenir écrivain.
Nous sommes en pleine Première Guerre mondiale. Le Paris de cette période montre des personnages globalement germanophobes, et totalement préoccupés par ce qui se passe sur le front. Charlus est une exception : il est germanophile. Saint-Loup s’est engagé et il est parti combattre. Il se fait tuer sur le champ de bataille. Après la guerre, le narrateur se rend à une matinée chez la princesse de Guermantes. En chemin, il a de nouveau conscience de son incapacité à écrire. Il attend la fin d’un morceau de musique dans le salon-bibliothèque des Guermantes et le bruit d’une cuiller, la raideur d’une serviette qu’il utilise déclenchent en lui le plaisir qu’il a ressenti autrefois en maintes occasions : en voyant les arbres d’Hudimesnil par exemple. Cette fois-ci, il décide d’approfondir son impression, de découvrir pourquoi certaines sensations le rendent si heureux. Et il comprend enfin que la mémoire involontaire est seule capable de ressusciter le passé, et que l’œuvre d’art permet de vivre une vraie vie, loin des mondanités, qu’elle permet aussi d’abolir les limites imposées par le Temps. Le héros est enfin prêt à créer une œuvre littéraire.
1999. Raoul Ruiz. Le temps retrouvé. Avec : Catherine Deneuve (Odette de Crecy), Emmanuelle Béart (Gilberte), Vincent Perez (Morel), John Malkovich (Le Baron de Charlus), Pascal Greggory (Saint-Loup), Marcello Mazzarella (Marcel Proust), Marie-France Pisier (Madame Verdurin). 2h38.
Sources :