Jacob Portman, 16 ans, écoute depuis son enfance les récits fabuleux de son grand-père. Ce dernier, un juif polonais, a passé une partie de sa vie sur une minuscule île du pays de Galles, où ses parents l'avaient envoyé pour le protéger de la menace nazie. Le jeune Abe Portman y a été recueilli par Miss Peregrine Faucon, la directrice d'un orphelinat pour enfants "particuliers". Selon ses dires, Abe y côtoyait une ribambelle d'enfants doués de capacités surnaturelles, censées les protéger des "Monstres".
Un soir, Jacob trouve son grand-père, en apparence atteint de démence, mortellement blessé à la suite d’atroces blessures au ventre qui semblent être l’œuvre d’une bête sauvage. Jacob recueille son dernier souffle : des paroles énigmatiques où son grand-père l’exhorte à retrouver l’orphelinat en lui laissant des indices tandis que Jacob aperçoit un monstre terrifiant dans l’obscurité. Encouragé par sa psychologue, le Dr Golan, pour qu’il puisse affronter la réalité et se débarrasser de son syndrome de stress post-traumatique, Jacob fait le voyage avec son père sur l'île si chère à son grand-père.
Accompagné de son père, il découvre l'orphelinat en ruines et doute alors de l'existence des enfants particuliers. En s'enfuyant, il tombe et est porté par une enfant très forte, Bronwyn, vers ce qu'il ne sait alors pas être l'entrée d'une boucle temporelle. Dans celle-ci, l'orphelinat est flambant neuf et magnifique. Jacob découvre alors les pensionnaires de Miss Peregrine : Emma capable de maîtriser l’air, Olive capable de mettre le feu à tout ce qu’elle touche, Enoch capable de donner vie aux objets, Horace qui peut projeter ses rêves prémonitoires comme une séance de cinéma, Hugh qui abrite en lui un essaim d’abeille, Claire qui cache une grande bouche sous ses boucles blondes, Bronwyn doté d’une force herculéenne, Fiona qui peut faire pousser la nature, Millard qui est invisible et deux petits jumeaux masqués aux yeux plus terrifiants que ceux de Méduse. Jacob est particulièrement bien accueilli car il est le portrait craché de son grand-père à l’époque où il les avait rencontrés.
Après cette première rencontre, Jacob s'en va et tombe sur un café qui semble toujours vivre en 1943. Pris pour un espion, il est sauvé par Millard, invisible, qui jette des verres de bière aux consommateurs agressifs, et Olive qui simule un incendie. Jacob se réfugie à l'orphelinat mais l'attirance mutuelle qu'il ressent envers Emma rend Enoch jaloux. Il n'a pourtant pas l'intention de rester, estimant n'avoir pas de talent particulier.
Emma montre à Jacob de quelle façon Miss Peregrine abat un creux, qu'elle ne voit pas approcher car il est invisible. Elle tire une flèche avec son arbalète dans une direction précise à la seconde près. Jacob découvre alors son talent particulier : il voit les creux et pourra ainsi protéger les enfants particuliers.
Miss Peregrine explique qu'elle est une Ombrune, une femme capable de se transformer en oiseau. Elle est chargée de protéger des enfants dotés de pouvoirs particuliers en les maintenant dans une boucle temporelle qui les isole du monde. Ils vivent tous les jours la même journée du 3 septembre 1943 tout en pouvant faire ce qu’ils veulent tant qu’il respecte à la lettre le timing maintenu par la directrice. Miss Peregrine a dû constituer cette boucle à la hâte. Ils étaient en effet pourchassés par les sépulcreux (ou creux). Ceux-ci sont les amis de M. Barron qui ont suivi ce dernier dans sa quête de l’immortalité. Selon lui, en capturant une Ombrune et en catalysant son pouvoir de création de boucles temporelles, alors les particuliers pourraient atteindre l’immortalité. La première expérience tourna court, et les amis de M. Barron se changèrent tous en sépulcreux, être monstrueux issus de cette expérience ratée. Les sépulcreux se rendirent compte par la suite qu’ils pouvaient reprendre forme « humaine » (ou presque, les yeux à part) en dévorant les yeux des particuliers. C’est alors que démarra la chasse aux enfants particuliers, et la protection des Ombrunes de ces enfants.
Jacob est inquiet : la mort d'un troupeau de vaches indique que les creux approchent. Il assiste néanmoins avec émerveillement à la scène de "renouveau", lorsque Miss Peregrine récrée la boucle. La journée qui se répète dans la boucle évite de vieillir. Si un enfant particulier sort de la boucle, il arrive dans le monde réel de 2016, son âge le rattrape et il meurt ou vieillit un grand coup tel la fleur qu'emporta Jacob. En revanche, si l’Ombrune disparaît ou décide de fermer la boucle, alors le temps s’écoule normalement dans le monde réel pour les enfants particuliers.
De nouveau dans le monde réel, Jacob accompagne son père pour son livre de photographies sur les oiseaux mais ils tombent sur un ornithologue célèbre et voient aussi un cadavre sans yeux. Inquiet Jacob s'enfuit, poursuivi par l'ornithologue qui n'est autre que Barron qui a enfin atteint son but : il était aussi le Dr Golan qui incita Jacob à partir pour qu'il le mette sur la piste de miss Peregrine. Barron exige d'elle qu'elle se transforme en oiseau pour la mettre en cage et renouveler l'expérience de l'immortalité.
Jacob avec les enfants particuliers vient néanmoins à bout des creux et renfloue le paquebot englouti pour aller sauver miss Peregrine. Ils trouvent la boucle dans le train fantôme sur la jetée de Blackpool. Le combat est gagné et les enfants particuliers reviennent à leur monde de 1943 hors d'une boucle pendant que Jacob réussit à revenir en 2016 avant la mort de son grand-père. Celui-ci l'exhorte à revenir en 1943 retrouver Emma en sautant de boucle en boucle. Les entrées se trouvent aussi bien dans les toilettes d'un restaurant en Californie que dans un photomaton au Japon ou sur un navire de guerre de l'armée en 1942 ce qui permet à Jacob de s’approcher au mieux de la bonne date où il avait laissé Emma. Ainsi Jacob et Emma, Enoch et Olive, qui ont aussi compris qu'ils s'aimaient, et les enfants particuliers vont-ils vivre heureux en vieillissant normalement en 1943.
Miss Peregrine et les enfants particuliers est le premier roman de Ransom Riggs, paru aux États-Unis en 2011. Au départ, le jeune auteur américain avait proposé à son éditeur de concevoir un livre de photographies basé sur de vieux clichés étranges du XIXe siècle dénichés dans des vide-greniers. Celui-ci lui suggéra alors de s’appuyer sur ces photos pour imaginer une histoire, ce qu’il fit. Le livre restera 70 semaines dans la liste des best sellers du New York Times dans la catégorie des oeuvres jeunesse. Si les thèmes et les motifs avaient de quoi intéresser Tim Burton, celui-ci ne semble pas avoir été en capacité de transfigurer en plus noir, plus mystérieux et plus adulte, ce gentil roman pour adolescents.
Des thèmes et des motifs chers à Tim Burton
Il est probable que Ransom Riggs connaisse l'univers de Tim Burton tant thèmes et motifs sont partagés par les deux auteurs. Le thème du fabulateur, toujours plus intéressant que le triste représentant de la classe moyenne américaine, que l'on trouve dans Ed Wood ou Big Fish, se retrouve ici entre le grand-père et le fils. A l’opposé de Abe, son fils, fort, bourru, ornithologue, aime regarder des matchs de football et boire. Il incarne l'Américain moyen, banlieusard, totalement opposé au monde enchanté de Miss Peregrine, auquel il ne croit pas. Si Jacob enfant croit aux histoires de son grand-père, il les rejette en grandissant pour s’intégrer à la société américaine concrète. C'est la croyance dans les indices mystérieux donnés par son grand-père qui le sauve d'une vie où il serait toujours opprimé par ses condisciples (scène dans le grand magasin).
L'opposition entre la banlieue et l'univers du conte que l'on trouvait dans Edward ou Alice se retrouve ici entre la banlieue californienne (amusante évocation dégoûtée de Barron d'avoir dû passer trois semaines dans un tel lieu sans saveur) et l'orphelinat à l'architecture gothique comme le château d'Edward. En poursuivant sur ces motifs visuels, on remarque la figure de l'arbre/ forêt, frontière et passage entre le réel et l'imaginaire dans Sleepy Hollow ou Big Fish et que l'on retrouve ici dans le talent particulier de Fiona à faire pousser presque instantanément la branche d'arbre jusqu'à la fenêtre pour leur permettre de fuir les creux ou les graines se transformant en lianes pour enserrer l'ennemi.
Le film reste dans la tonalité d'un récit mélancolique sur l’enfance cher à Tim Burton, du sentiment de solitude qui peut s’y rattacher. Il lie pour une fois une histoire personnelle et familiale aux blessures de l’Histoire. Le parallèle entre la persécution des Juifs par les Nazis et la persécution des enfants particuliers par les Sépulcreux vient en effet à l'esprit quand Abe évoque ses origines polonaises. Cependant la destruction de la maison par une bombe allemande le 3 septembre 1943, jour où Miss Peregrine dû établir à la hâte sa boucle temporelle, renvoie plus généralement à toutes les exactions commises en temps de guerre.
Une simple illustration d'un roman pour adolescents
Ce refus de s'impliquer vraiment dans un thème plus noir pour rester à la surface du conte pour adolescents banalise souvent le propos et l'émotion du film. Ainsi les histoires de boucles temporelles sont-elles un peu trop compliquées et laissent à distance un propos plus émouvant et plus simple sur la difficulté pour deux personnes qui s'aiment dans des temps différents (1943/2016) de se rejoindre. Ici le retour de Jacob en 1943 est bâclé par rapport aux combats qui ont précédé. Ceux-ci sont un peu trop calqués sur les combats des X-Men du professeur Xavier.
L’attaque des squelettes rappelle celui de Pirates des Caraïbes (Gore Verbinski, 2003) mais prend comme lui sa source auprès du travail artisanal de Ray Harryhausen sur Jason et les Argonautes (Don Chaffey, 1963). Tom Burton fait de nouveau appel à Eva Green qu’il avait déjà dirigée dans Dark Shadows. Le héros est incarné par Asa Butterfield, qui fut Hugo Cabret pour Martin Scorsese. Ella Purnell, qui tenait le rôle de la jeune Maléfique dans le film Disney, joue ici Emma. Tim Burton semble ainsi vouloir s'en tenir à un avatar de Harry Potter, plutôt réussi mais sans surprise.
Jean-Luc Lacuve, le 26/10/2016.