La vie et l'uvre d'Edward D. Wood Jr, connu pour être le pire réalisateur de tout les temps. Le film parcourt les six années (1953-1959) oùil réalisa ses trois films les pluq intéressants, Glen or Glenda, Bride of the monster, plan 9 from Outer Space, trois productions différentes, et autant de galères : Ed Wood semble être l'exact contraire des success stories qui habitent généralement les "films sur Hollywood".
Scène clé : la rencontre avec Orson Welles.
Message essentiel : Croyance forcenée dans le pouvoir du cinéma d'incarner le rêve qu'un créateur porte en soi. Qu'importe la technique et l'argent, qu'importe même le résultat, seul compte le désir de créer au sein d'une famille que l'on s'est choisie.
Pour Antoine
de Baecque- Cahiers du cinéma - :
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Le film de Tim Burton, s'il ne peut pas raconter une histoire est, en revanche,
au centre de la constitution d'une famille. De son élection : car Edward
Wood se choisit un père et des frères, et ne les possède
pas d'emblée. Edward Wood est une figure d'isolement, de solitude,
d'orphelin en attente d'adoption. La profession hollywoodienne n'est pas sa
famille, qui le rejette avec mépris. Il se choisit au contraire des
fantômes, des monstres, quelques maillons d'une chaîne évolutive
entre l'animal et l'homme, entre le cinéma et al vie. Bela Lugosi,
le vampire, la star déchue, sera son père, rencontré
dans un magasin de pompes funèbres, revu dans ses anciens films fétiches,
et accompagné dans le petit pavillon de Baldwin Hills où il
vit chichement. Lobo l'énorme lutteur, Vampira, l'égérie
mystérieuses des cinéphiles. Criswell, le mage hypnotiseur,
autant d'humains dégénérés en êtres fantastiques
seront ses frères. Burton retrouve ainsi le conte d'enfance qui anime
son univers, et le personnage d'Edward Wood le touche infiniment à
travers cet entourage de figures peu à peu constituées en noyau
protecteur. Il ne s'agit pas d'une troupe, ni d'une tribu, mais d'une communauté
de sentiments, d'un corps organique où la personne réelle se
confond avec la figure de fiction, et le film n'est jamais aussi beau que
lorsqu'il enregistre les humeurs et les émotions passant d 'un membre
à un autre. Edward Wood apprenant les gestes de Bela Lugosi, Edward
dansant avec Bela, Edward pleurant avec Bela, Edward filmant les dernières
sensations de Bela humant une rose qui lui échappe des mains, enfin
Edward baptisant sa famille selon le rituel de l'église baptiste, magnifique
communion où chaque membre de cette sainte famille monstrueuse de Wood
détourne la cérémonie religieuse du baptême est
une géniale résurgence de l'accaparement de Noël par le
monde de Halloween dans The Nightmare before Christmas, ou de la contamination
de la petite ville par le manoir gothique d'Edward aux mains d'argent. C'est
au revers de l'Amérique, au revers d'Hollywood, que Tim Burton élit
ses familles d'adoption.
Le cinéma possède ainsi le pouvoir de donner une famille à ses spectateurs privilégiés. Edward Wood a toujours tenu, au risque du pathétique, à remercier le cinéma de cet immense présent : cette reconnaissance a pris la forme d'uen croyance absolue dans sa puissance, dans le pouvoir de la caméra et de la projection. Tout ce qui était enregistré trouvait à ses yeux une valeur suprême inestimable. Peu importe qu'il s'agisse de stock shots, de séquences tournées à l'emporte-pièce, d'acteurs hébétés ou d'effets dérisoires, ce qui comptait était l'enregistrement sur pellicule. Cette croyance rend caduc tout jugement technique sur le cinéma d'Ed Wood, car ce n'est en aucune manière le bon rendu qui importe ici, mais le seul rendu. Tim Burton a été fasciné par cette philosophie du cinéma, par cette confiance absolue placée dans l'enregistrement et il travaille dans Ed Wood, cette croyance avec un profond respect et une grande affection. Son personnage, incarné jusqu'à l'extase par Johny Depp est littéralement enchanté : dès qu'il pénètre sur un plateau, pourtant chiche et dérisoire, il est emporté, ses lèvres suivent les paroles de tous les acteurs, ses yeux les dévorent, ses sens sont en alerte, ses nerfs à vif. Wood est sans cesse content de ses prises, uniques, et ses crises de désespoir, violentes et brèves, ne brisent pas la certitude placée en son propre génie. Puisqu'il a choisi le cinéma pour famille, il est cinéaste.
Toue la beauté d'Ed Wood, sa générosité également, consiste à prendre ce destin au pied de la lettre, chassant l'ironie fétichiste qui guette les amateurs de second degré se délectant des "fautes" du prétendu "plus mauvais cinéaste du monde". Le cinéma pour Ed Wood, est un destin, une vocation : il n'a rein à apprendre puisqu'il le possède en lui, puisqu'il est possédé par lui.
Ce récit de possession clôt Ed Wood comme un
envoûtement, comme un sortilège bienheureux. Tim Burton a choisi
d'aimer et de sauver son personnage, un héros qu'il pouvait pourtant
prendre de haut, dont il pouvait facilement se moquer, qu'il était
même autorisé - lui l'auteur américain le plus doué
du moment- à mépriser. Ed Wood gagne donc, par sa fin, une ultime
qualité, la modestie. Et le film s'achève sur le triomphe de
l'imaginaire où il a jusqu'à présent été
miné, troué, haché par l'échec. L'ange de cette
révélation est Orson Welles, le seul auteur qu'il admirait parce
qu'ils croyaient tous deux au cinéma de la même façon.
la rencontre avec Orson Welles, imaginée par Tim Burton pour relancer
l'enthousiasme et l'inspiration d'Edward, imaginée mais rendu avec
une vérité hallucinante puis la première de "Plan
9 from outer Space", elle aussi rêvée, sauvent le film de
la mort. Tim Burton se permet cette ultime revanche sur l'échec d'Ed
Wood, hommage à un personnage profondément bon et innocent que
l'on a malheureusement transformé, à coup de rire et de culte,
en monstre du cinéma.
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