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Dark shadows

2012

Genre : Fantastique

Avec : Johnny Depp (Barnabas Collins), Eva Green (Angelique Bouchard), Michelle Pfeiffer (Elizabeth Collins Stoddard), Bella Heathcote (Josette DuPres /Victoria Winters), Helena Bonham Carter (Dr. Julia Hoffman), Jonny Lee Miller (Roger Collins), Chloë Grace Moretz (Carolyn Stoddard), Gulliver McGrath (David Collins). 1h53.

En l'an 1760, Joshua et Naomi Collins partent de Liverpool, et prennent la mer avec leur jeune fils Barnabas, pour commencer une nouvelle vie en Amérique. Dans le Maine, ils fondent une pêcherie autour de laquelle se crée la ville de Collinsport. Vingt années passent et Barnabas est riche, puissant, et c'est un séducteur invétéré ... jusqu'à ce qu'il commette la grave erreur de briser le cœur d'Angélique Bouchard. C'est une sorcière, qui va lancer sa malédiction sur la famille Collins. Elle tue les parents en faisant s'effondrer sur eux une statue du château. Elle tue Josette, la fiancée de Barnabas en l'envoutant pour qu'elle se jette du haut du Cap des veuves. Effondré, Barnabas se jette à son tour du haut de la falaise mais Angélique lui jette un sort plus maléfique que la mort : celui d'être transformé en vampire et enterré vivant dans un cercueil cerclé de chaines dans la forêt.

1972, Victoria Winters arrive de New York à Collinswood comme gouvernante du jeune David dont la mère est morte en mer. C'est sa soeur qui dirige la maison. Elle a pour fille, Carolyn, âgée de 15 ans, rebelle et amatrice de rock ; et Roger, un bellâtre, pour frère. Hoffman, une amie, psychiatre alcoolique est sensée également s'occuper de David. Ebloui, Barnabas constate que Victoria Winters ressemble trait pour trait à Josette. Barnabas, au départ perdu dans ce monde totalement différent de celui dans lequel il a vécu, choisit de se réintégrer en commençant par renflouer l'entreprise Collins. Mais Angelique (appelée maintenant Angie) vit toujours et, apprenant que Barnabas est revenu, compte provoquer une vendetta contre la famille Collins si Barnabas se refuse à elle une fois de plus.

Burton confronte dans un feu d'artifice spirituel et décapant un casting hétérogène et incroyablement brillant aux images numériques tout comme il confronte son univers gothique du XVIIIe avec celui de l'année 1972. Il réussit ainsi une comédie fantastique refusant toute morale bien installée, centrale ou dominante. Lorsque le film se clôt, c'est sur le même constat de la force du sang qui n'a, en rien, réconcilié les vivants et les morts, les bourgeois et les aristocrates, la violence sexuelle et la pureté du sentiment.

Un casting de rêve et de chair

Le prologue situé au XVIIIe réussit à donner comme contrepoids à la splendeur visuelle des images numériques une très forte présence des acteurs. Johnny Depp, Eva Green et Bella Heathcote offrent une interprétation hallucinée dans l'univers gothique de Burton. L'interprétation se poursuit sur le même niveau de forte présence aussi bien physique que spirituelle dans la partie contemporaine. Le charisme de Johnny Depp, l'érotisme flamboyant d'Eva Green, la douceur évanescente de Bella Heathcote, la solide ironie de Michelle Pfeiffer, la beauferie de Jonny Lee Miller, l'excentricité rebelle de Chloë Grace Moretz, la fragilité de Gulliver McGrath, l'hystérie contrôlée d'Helena Bonham Carter sont autant d'éléments forts et disparates dont Burton réussit la confrontation dans un feu d'artifice spirituel et décapant refusant toute morale bien installée, centrale ou dominante.

Lorsque les parents ont abandonné leurs enfants (par accident pour Barnabas, par conformisme pour Victoria), même l'amour se doit d'être maudit pour rester fort et éternel. Barnabas semble constamment oublier Victoria. Il la rencontre presque par hasard en se promenant près de la mer, sur le balcon lors du happening et l'a presque oubliée alors que le château est en flammes et qu'elle se dirige vers le Cap des veuves. Ce n'est que lorsqu'elle chute que l'amour entraine la mort ou la survie fantomatique en vampire.

Le sang qui incarne au départ la position sociale ne va cesser d'éclabousser le film. La lutte sociale entre classes s'incarne d'abord par la lutte entre prolétariat et bourgeoisie. Dans le prologue, Angélique est la servante de bourgeois parvenus. La lutte se décale ensuite entre aristocratie décadente (en Amérique, les Collins se sont fait construire un château) et bourgeoisie (Angélique Bouchard à un patronyme qui fleure bon la bourgeoisie française révolutionnaire). Dans ce film, certainement l'un des plus centripètes de Burton, le sang sera ensuite le sang des vampires, de la lampe, de la robe de soirée d'Angélique, du tableau abstrait chez elle ou de sa voiture.

Du XVIIIe gothique aux seventies rugissantes

Tous les motifs habituels du XVIIIe gothique de Tim Burton se retrouvent ici : la forêt, l'arbre, le château en ruine, ses héroïnes évanescentes, l'obsession des mains et des têtes coupées ou désarticulées et ses femmes aussi dangereuses que longilignes.

Moins fréquent, ou moins souvent mis en avant, le thème de puissance démoniaque du désir physique contrarié (Joyce dans Edward aux mains d'argent) et le motif romantique de la lutte contre les éléments, comme si La mer de glaces de Friedrich venait s'adjoindre au motif de l'arbre solitaire sur la colline.

La confrontation de monde gothique du XVIIIe avec notre monde est bien plus poussée qu'habituellement chez Burton. En cette année 1972, les hippies croient que seul compte l'amour, que la paix vaincra la guerre. Ce que viendront contredire la sauvagerie de Delivrance de John Boorman, l'enseigne Mac Donald, le happening avec Alice Cooper (la mère Cooper)... et leur disparition sous les crocs de Barnabas.

La petite camionnette des hippies qui semblent ignorer la présence de la violence à l'arrière-plan comme les héros naïfs de Délivrance (recadrage du photogramme sur l'enseigne du cinéma)

À ceux qui occupent une place centrale dans la culture ou la contre-culture, Burton semble rappeler que l'innocence et la sauvagerie sont partout. C'est leur sans cesse surgissement qui fait la beauté de ce film comme elle fait la richesse (hélas souvent plus douloureuse) de notre monde.

Jean-Luc Lacuve, le 12/05/2012.

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