La Hammer film production est devenue un studio anglais culte en se spécialisant dans le fantastique alors que rien à sa naissance ne la destinait à ce genre.
C'est en 1913 qu'un obscur émigré espagnol, Enrique Carreras, s'achète sa première salle de cinéma dans le quartier de Hammersmith, à Londres. Après avoir développé une chaîne d'exploitation, il s'associe en 1935 avec un comédien amateur du nom de William Hinds (nom d'acteur : Will Hammer) pour fonder une maison de production, la Exclusive Film Ltd.
Quatre films voient le jour entre 1935 et 1937, dont seuls le premier, The Public Life of Henry the Ninth (Bernard Mainwaring, 1935), et le second, The mystery of the Marie Celeste (Denison Clift, 1935), avec Bela Lugosi, retiendront l'attention. Le fils d'Enrique, James et son petit-fils, Michael, entrent à leur tour dans la société (en 1935 et 1943). Avec la guerre, la Hammer arrête de produire jusqu'en 1947. Ce sera de l'Exclusive Film Ltd que naîtra en 1947 la "Hammer Films" avec quatre directeurs : William Hinds, Enrique Carreras, James Carreras et Anthony Hinds (fils de William).
Au départ, les prétentions de la nouvelle firme sont modestes : produire avec de petits budgets, des policiers, des mélodrames, des comédies à consommation interne. Après River patrol (1948), un moyen métrage de 45 minutes débute la série. Une cinquantaine de films voient ainsi le jour jusqu'en 1955. Adaptés pour la plupart d d'adaptation de pièces radiophoniques à succès de la BBC (Le détective Dick Barton, films noirs, historiques, comédies...), bien peu franchiront les frontières du Royaume-Uni. Cependant, en 1953, la Hammer
illustre un genre nouveau en Grande-Bretagne, la science-fiction, avec The
four sided triangle, signé par un inconnu du nom de Terence
Fisher.
En 1955, Le monstre, de Val Guest, rend la Hammer mondialement célèbre. Adaptation cette fois télévisée d'une série de la BBC. Film de science-fiction avec des débordements dans l'horreur, une esthétique gothique avec un final sous les arches de l'abbaye de Westminster. Avec cette première incursion dans l'horreur, la compagnie se lance dans l'exploitation dès lors systématique d'un genre dont elle amorce le renouveau et qui va devenir sa marque de fabrique. Tandis que Val Guest récidive avec La
marque (1957) et Le
redoutable homme des neiges (1957), Terence Fisher réalise, avec Frankenstein s'est échappé (1957), un triomphe international qui enclenche des suites à commencer par La revanche de Frankenstein (1958). Le Frankenstein de Mary Shelley est tombé dans le domaine public. Les adaptations de James Whale pour la Universal, si elles restent gravées dans l'imaginaire, ne font plus peur à personne. La créature est devenue un objet de comédie avec Abbott et Costello contre Frankenstein (Charles Barton, 1948). La Hammer décide de revenir à la base du roman avec une dimension érotique et sanglante. Dans le rôle du baron Frankenstein, un acteur qui vient de connaître un très grand succès à la télévision avec 1984 de Orwell, Peter Cushing et, dans le rôle de la créature, un acteur inconnu et jusque-là difficilement employable vu sa taille, Christopher Lee.
La Universal passe un accord avec La Hammer qui peut se servir de tout son bestiaire. Entre 1957 et 1962, Terence Fisher remet au goût du jour les grands monstres cinématographiques immortalisés avant guerre par l'Universal : Le
cauchemar de Dracula (1958), La malediction des pharaons (1959), Les maîtresses de Dracula (1960) La nuit du Loup-garou (1961), Le
fantôme de l'Opéra (1962)... et en, dehors de la universal, Le chien des Baskerville (1959) ou Les deux visages du docteur Jekyll (1960).
Le succès de de cycle d'horreur gothique repose sur trois piliers : le choix systématique du Technicolor permettant des audaces érotiques et sanglantes inédites; la reprise de l'idée du star system d'hollywood des années 30 où Bela Lugosi et Boris Karloff sont remplacés par Peter Cushing et Christopher Lee ; le décorum gothique de la société victorienne dont les monstres mettent à mal les valeurs (puritanisme phobie sexuelle).
Aux États-Unis, l'audience de la Hammer ne cesse de grandir : elle a le privilège d'être distribuée par d'autres Major Companies comme la Fox, la Warner-Bros, la Columbia qui lui passent commande. Parallèlement au genre fantastique, la Hammer ne dédaigne pas produire parfois quelques oeuvres plus ambitieuses comme Tout près de Satan (Robert Aldrich, 1959) ou de prestige comme Les damnés (Joseph Losey, 1963).
Après 1962, outre Terence Fisher, qui reste sa grande révélation avec La gorgone (1964) et Les vierges de Satan (1968), la firme lance des artisans talentueux comme John Gilling : Le spectre du chat (1961), L'invasion des morts vivants (1965), La femme reptile (1966) ; Robert Day : La déesse de feu (1965); Freddie Francis : Paranoïaque (1963) ; Don Chaffey : Un millon d'années avant J.-C. (1966) ; Don Sharp : Le baiser du vampire (1963), Raspoutine, le moine fou (1965): Roy Ward Baker : Les monstres de l'espace (1967), Docteur Jekyll et sister Hyde (1971) ; Peter Sasdy : La comtesse Dracula (1971), La fille de Jack l'eventreur (1971).
La Hammer participe ainsi à la révolution pop, menée par les Beatles ou les Rolling Stones. Elle fait école en Italie avec Mario Bava et Riccardo Freda, aux USA avec Roger Corman et en Espagne avec James Franco.
Dans les années 70, le fantastique change en dehors de la Hammer avec Rosemary baby's ( Roman Polanski, 1968) et La nuit des morts vivants (George A. Romero, 1968) La Hammer mise sur toujours plus de vampire et de gothique ; le succès décline. Dracula 73 (Alan Gibson,1972) puis Dracula vit toujours à Londres (Alan Gibson, 1973), septième et huitième films de la saga Dracula se situent dans le swinging london alors que La légende des sept vampires d'or (Roy Ward Baker, 1974) est réalisé avec la Shaw brother. Les budgets se réduisent. La Universal, La Fox ou la Columbia cessent progressivement de commander des films au studio de la Hammer. En 1973, la compagnie entre en sommeil et ne produit plus pour le grand écran. La Hammer reprendra ses activités en 1980 sous l'égide de deux nouveaux producteurs exécutifs avec la réalisation de petits films pour la chaîne de télévision ITV. Retiré depuis 1973, Michael Carreras ouvre à Londres un musée des grands monstres cinématographiques.
La Hammer aura produit 140 films en vingt-cinq ans. Mais c'est au moment où le studio cesse de produire qu'une nouvelle génération de cinéphiles découvre ces films dans les salles de quartier se constituant ainsi une anthologie du fantastique qui crée une cinéphilie transgressive du fantastique, des témoins rebelles d'une époque révolue.
La légende des sept vampires d'or | Roy Ward Baker | 1974 |
Dracula vit toujours à Londres | Alan Gibson | 1973 |
Théâtre de sang | Douglas Hickox | 1973 |
La comtesse Dracula | Peter Sasdy | 1971 |
Les vierges de Satan | Terence Fisher | 1968 |
Les monstres de l'espace | Roy Ward Baker | 1967 |
Un millon d'années avant J.-C. | Don Chaffey | 1966 |
La déesse de feu | Robert Day | 1965 |
L'invasion des morts vivants | John Gilling | 1965 |
La gorgone | Terence Fisher | 1964 |
Le baiser du vampire | Don Sharp | 1963 |
Les damnés | Joseph Losey | 1963 |
Le fantôme de l'Opéra | Terence Fisher | 1962 |
Le spectre du chat | John Gilling | 1961 |
La nuit du Loup-garou | Terence Fisher | 1961 |
Les maîtresses de Dracula | Terence Fisher | 1960 |
Les deux visages du docteur Jekyll | Terence Fisher | 1960 |
Le chien des Baskerville | Terence Fisher | 1959 |
Tout près de Satan | Robert Aldrich | 1959 |
La malediction des pharaons | Terence Fisher | 1959 |
Le cauchemar de Dracula | Terence Fisher | 1958 |
La revanche de Frankenstein | Terence Fisher | 1958 |
Frankenstein s'est échappé | Terence Fisher | 1957 |
Le redoutable homme des neiges | Val Guest | 1957 |
La marque | Val Guest | 1957 |
Le monstre | Val Guest | 1955 |
The Mystery of the Mary Celeste | Denison Clift | 1935 |
The Public Life of Henry the Ninth | Bernard Mainwaring | 1935 |