Méduse parfois Médusa, appelée aussi la Gorgone est dans la mythologie grecque l'une des trois Gorgones (avec ses sœurs Euryale et Sthéno). Elle est la seule à être mortelle. Fille de Phorcys et Céto, et donc petite-fille de l'union de la Terre (Gaïa) avec l'Océan (Pontos), elle appartient au groupe des divinités primordiales, tout comme ses cousines, la Chimère et l'Hydre de Lerne, qui, elles aussi, avaient des traits associés à l'image du serpent et ont été détruites par des héros. Même si elle figure au fronton de plusieurs temples, elle ne faisait l'objet d'aucun culte.Ses yeux ont le pouvoir de pétrifier tout mortel qui croise son regard. Après avoir été décapitée par Persée, son masque —gorgóneion — est remis à Athéna qui le fixe sur son égide. La représentation du gorgonéion sera longtemps utilisée comme une protection contre le mauvais œil.
Dans l’antiquité, la représentation de Méduse passé par trois phases.
La première est la Gorgone archaïque, qui va du VIIIe siècle av. J.-C. au Ve siècle av. J.-C. Les représentations les plus anciennes de Méduse ne comportaient que la tête. Celle-ci figurait parfois au fronton des temples. À la fin du VIIe siècle av. J.-C., le gorgonéion, tête sans corps ou masque de Méduse, est un motif fréquent dans la production des peintres de Corinthe, ville située non loin d'Argos d'où Persée serait originaire. Les masques archaïques ont le visage rond, des yeux protubérants, un nez épaté, une bouche grande ouverte découvrant dents et crocs, avec une langue qui dépasse. Ils ont souvent des cheveux bouclés entremêlés de serpents. Les masques les plus anciens peuvent être mâles ou femelles et sont souvent pourvus d'une barbe. Ce trait disparaîtra dès lors que le mythe sera associé avec celui de Persée.
Dans la deuxième phase, qui va du ve siècle av. J.-C. au IIe siècle av. J.-C., le gorgonéion va progressivement perdre son aspect grotesque et terrifiant, tout en gardant la langue sortie et les dents apparentes ; la barbe disparaît et les serpents se changent en boucles. La figure pourra prendre l'apparence d'une belle jeune femme, comme sur le Pelike en terre cuite : Persée décapitant Méduse l'un des premiers dans lesquels le visage de Méduse est celui d'une belle jeune femme, ou dans la Méduse Rondanini : seules les boucles de la chevelure rappelant son association avec les serpents et sa nature monstrueuse. À partir du milieu du Ve siècle, le gorgonéion se rencontre le plus souvent comme ornement de l'égide d'Athéna, ainsi que sur des vases ou des assiettes et sur les pièces de monnaie de nombreuses villes grecques. Il est utilisé comme décoration de porte et est très fréquent dans les mosaïques décorant les riches villas romaines. La face ronde de Méduse avec l'un ou l'autre de ses traits caractéristiques est particulièrement recherchée à l'époque romaine pour décorer le panneau central des mosaïques au sol. Une des représentations les plus remarquables est celle trouvée dans les Thermes de Dioclétien.
Enfin, la troisième phase, qui commence dès le IVe siècle av. J.-C., présente la Gorgone comme une figure traditionnelle, vue de profil ou de trois-quarts. Elle peut être dessinée dans son sommeil, avec les yeux fermés. Elle a cessé d'être un monstre, ayant perdu ses défenses de sanglier, sa barbe, son rictus et ses yeux protubérants. Cette humanisation progressive de la figure de Méduse correspond, selon Jean Clair, au progrès de la raison et de la culture occidentale.
À l'époque chrétienne, on trouve d'autres interprétations du mythe. Fulgence le Mythographe (Ve siecle) écrit que Méduse, ayant hérité d'une grande somme d'argent, s'en était servi pour développer l'agriculture. Son succès avait attiré l'attention de Persée, mais celui-ci, au lieu de l'épouser, l'aurait tuée, avec l'aide d'Athéna. Cela signifie, selon cet auteur, que l'union de la sagesse et de la force masculine peut vaincre le pouvoir et les charmes de la femme. Contrairement au récit antique, Méduse n'est plus un monstre à éliminer mais devient une femme fatale par l'association que fait le christianisme entre sexualité et péché. Au XIIe siècle, développant la position de Fulgence et d'Isidore, Bernard Silvestre propose dans son commentaire de Virgile une interprétation allégorique selon laquelle Persée, personnifiant la vertu et aidé par Athéna la sagesse, réussit à venir à bout des tendances perverses représentées par Méduse.
Le regard porté sur Méduse commence à changer avec Boccace, qui lui consacre un chapitre dans son ouvrage De mulieribus claris (Sur les femmes célèbres) écrit en 1374. Selon ce récit, Méduse est d'une telle beauté que les hommes qui la regardent en deviennent immobiles et perdent conscience. La Gorgone musicienne (1490), enluminure de Robinet Testard, tirée de l'ouvrage de Boccace en est une bonne illustration. Christine de Pizan reprend le même thème dans La Cité des dames (1405) et voit dans les serpents de simples boucles dorées. Elle inspirera les relectures féministes contemporaines.
A la renaissance, avec la redécouverte de l'antiquité, les attributs archaïques de Méduse font leur réapparition. Cet aspect terrifiant va désormais dominer la plupart des représentations visuelles Une des représentations les plus connues de cette époque est Persée tenant la tête de Méduse par Benvenuto Cellini (1554), message adressé aux ennemis du duc Côme de Médicis, libérateur de Florence/Andromède. Comme l'a montré Tobin Siebers, la tête de Persée et celle de Méduse présentent des profils identiques et ont toutes deux un nez aquilin, des joues délicates et les yeux baissés. Cellini révèle ainsi l'ambiguïté entre le héros et le monstre83.
Une autre représentation extrêmement expressive est Le bouclier d'apparat, peint par le Caravage, où le sang dégouline de la tête fraîchement décapitée. Le visage, qui exprime à la fois l'incrédulité et la surprise, a des traits quelque peu masculins, le peintre ayant fait son autoportrait. Caravage se représente lui-même et met en scène sa propre mort. En premier regardeur de la tête de Méduse, l'artiste se repésente en hurlement horrifié de lui-même. Il regarde le bouclier (comme miroir d'Athéna) se voit lui-même, se voit mort et peint sa propre figure en Héautontimorouménos ("bourreau à soi-même") baudelairien. Il est Persée et Méduse, bourreau et victime. Ce que Pascal Quignard traduira en une phrase attribuée au Caravage "Tout tableau est une tête de méduse. On peut vaincre la terreur par l’image de la terreur. Tout peintre est Persée" (Le sexe et l'effroi).
L'horreur qu'inspire le personnage culmine avec Tête de Méduse ( Pierre Paul Rubens, 1613) où les serpents et les scorpions entourant la tête captent le regard et suggèrent un personnage extrêmement venimeux.
Le buste que Le Bernin lui consacre vers 1640 rompt toutefois avec les représentations terrifiantes et inverse la perspective du mythe en présentant une très belle jeune femme en proie à une profonde souffrance morale, une angoisse spirituelle presque méditative
Füssli est un des premiers peintres romantiques à s'intéresser au personnage avec le tableau Persée fuyant avec effroi l'antre de la Gorgone (1817) et Persée rendant leur œil aux Grées .
Un mouvement de réhabilitation se développe avec l'école préraphaélite en Angleterre, qui présente Méduse comme une victime. On découvre alors que, dans le récit du viol de Méduse par Poséidon, c'est la victime, plutôt que le violeur, qui avait été punie par Athéna, inaugurant une longue tradition de justice biaisée96. Plutôt que de la répulsion, c'est de l'empathie que le poète et peintre Dante Gabriel Rossetti éprouve pour le drame intérieur de la femme, empathie qui s'exprime dans le tableau Aspecta Medusa, dont on ne sait s'il représente Méduse avant sa décapitation ou Andromède regardant le reflet de Méduse dans l'eau.. Ce nouveau regard est le sujet du cycle de Persée d'Edward Burne-Jones, un ensemble de huit panneaux dont Burne-Jones a décoré la maison de Lord Balfour. Sont Notamment représentés La découverte de Méduse et La naissance de Chrysaor et Pégase .
On ressent aussi ce mouvement d'empathie chez Alice Pike Barney (1892), ainsi que chez Carlos Schwabe (1895) et surtout chez Arnold Böcklin qui a traité le sujet en plusieurs tableaux
Fille de Phorcys et de Céto, et donc sœur des Grées, mais mortelle, Méduse est une belle jeune fille dont Poséidon s'éprend. Violée par ce dieu dans un temple dédié à Athéna, elle est punie par cette même déesse qui la transforme en Gorgone. Ses cheveux deviennent des serpents, ses yeux se dilatent et désormais son regard pétrifie tous ceux qui le croisent. Selon une autre version, que cite Apollodore, Méduse était une jeune fille tellement fière de sa beauté et de sa chevelure qu'elle avait osé rivaliser avec Athéna. Pour la punir, la déesse changea ses cheveux en serpents et modifia son regard. De même, selon Ovide « parmi tous ses attraits, ce qui charmait surtout les regards, c’était sa chevelure ». Elle vivait sur l'île de Sériphos.
Or, Danaé, chassée d'Argos avec son fils Persée, est recueillie par Dictys, un pêcheur de cette île. Celui-ci la prend dans sa maison et élève son enfant. Comme Polydecte, frère jumeau de Dictys et roi de l'île, s'était épris de Danaé et cherchait un moyen d'écarter le jeune Persée, il l'invite avec d'autres à lui faire cadeau d'un cheval pour la dot d'Hippodamie. Persée ayant répondu par bravade « la tête de Méduse ! », le roi le prend au mot et déclare que s'il ne la lui apportait pas, il épouserait Danaé. Se lamentant sur son triste sort, Persée se rend à l'autre bout de l'île. Il rencontre le dieu Hermès, qui lui dit de ne pas se décourager. Avec son aide et celle d'Athéna, Persée se rend chez les sœurs des Gorgones, les Grées (les « Vieilles »), qui sont nées avec des cheveux blancs et vivent dans une grotte où ne pénètre jamais la lumière du Soleil ni la clarté de la Lune ; elles n'ont ensemble qu'un seul œil et une seule dent, qu'elles se passent à tour de rôle. Comme elles refusent de coopérer, il leur subtilise leur œil et leur dent au moment où elles se les passaient de l'une à l'autre, pour les forcer à lui répondre. Il apprend ainsi le chemin qui mène chez les nymphes, après quoi il leur rend l'œil et la dent, ou, selon une autre source, il jette ceux-ci dans le lac Triton, en Libye, afin de les neutraliser définitivement.
Arrivé chez les nymphes, celles-ci lui indiquent la grotte où se trouvent les Gorgones et lui remettent trois objets magiques : des sandales ailées qui permettent de voler, le casque d'Hadès (la kunée) qui rend invisible parce qu'il est, selon Vernant, le « masque d'un trépassé », ainsi qu'une besace (la kibisis) pour y placer la tête de Méduse.
Ainsi équipé, Persée vole jusqu'au rivage de l'Océan et arrive dans la grotte où les trois Gorgones sont en train de dormir. Elles sont monstrueuses, avec leurs têtes couvertes d'écailles, leurs défenses de sanglier, la langue pendante, des yeux exorbités, des ailes et des mains de bronze, ainsi que des serpents autour de leur poitrine. Quiconque les regardait est changé en pierre. Couvert du casque d'invisibilité et ayant bien soin de détourner la tête, le héros réussit à s'en approcher grâce au reflet que lui renvoie son bouclier poli comme un miroir. Il se saisit de Méduse à tâtons et, Athéna guidant son bras, il la décapite avec la harpè, épée courbe qu'il tiendrait d'Hermès selon Apollodore. Du cou tranché de Méduse jaillissent deux fils, Chrysaor, père de Géryon, et Pégase, le cheval ailé. Le sang qui sort de sa blessure est recueilli par Asclépios : celui qui coulait de la veine gauche est un poison, tandis que celui de la veine droite est un remède capable de ressusciter un mort, le mythe manifestant ainsi l'ambivalence caractéristique du pharmakon.
Persée met la tête de Méduse dans sa besace et s'enfuit à l'aide de ses sandales ailées, tout en étant dissimulé, grâce à son casque d'invisibilité, aux deux autres Gorgones qui le poursuivent en poussant des lamentations. Il se sert de la tête de Méduse, qui n'a rien perdu de son pouvoir, pour pétrifier Atlas — un des titans défaits jadis par les Olympiens —, parce que celui-ci lui refuse l'hospitalité alors que tombait la nuit. Le lendemain, alors qu'il survolait le désert de Libye, quelques gouttes de sang tombées de la tête de Méduse se transforment en dangereux serpents, dont l'un tuera plus tard un des Argonautes. Continuant son voyage, Persée aperçoit la vierge Andromède attachée nue à un îlot rocheux en guise de sacrifice à Kétos, un monstre marin envoyé par Poséidon. Il la délivre, en devient instantanément amoureux et finit par l'épouser, après avoir obtenu l'accord des parents en tuant le monstre qui ravageait leur pays. Au passage, les algues autour du rocher ont été pétrifiées en corail. Comme l'oncle d'Andromède, Phinée, lui cherche noise en prétendant que la jeune fille lui était promise, Persée le pétrifie à l'aide du gorgonéion.
Rentré à Sériphos avec Andromède, il apprend que Danaé et Dictys se sont réfugiés dans un temple pour échapper aux avances de Polydecte accompagné de son armée. Il pétrifie ces derniers, établit Dictys comme roi de Sériphos et part pour Argos avec Danaé et Andromède. Enfin, il fait remettre aux nymphes les trois objets magiques qu'elles lui avaient donnés et offre à Athéna la tête de Méduse, que la déesse, avec l'aide d'Héphaïstos, fixe sur l'égide. Celle-ci, fabriquée à partir d'une peau de chèvre ou de la propre peau de Méduse écorchée, avait également pour fonction de semer l'effroi, tout comme le gorgonéion, dont elle est en quelque sorte le double.
Le nom de Méduse est le participe présent d'un verbe grec qui signifie régler, protéger, régner sur. Il peut donc se traduire par "la protectrice". Dans les premiers états du mythe, Méduse est souvent désignée comme la Gorgone, du mot grec qui signifie « effrayant ». Le bruit terrifiant qu'émet la Gorgone est un de ses attributs essentiels selon Vernant, qui s'appuie sur Pindare : « des mâchoires rapides des Gorgones poursuivant Persée s'élève une plainte criarde et ces cris s'échappent tout à la fois de leurs bouches de jeunes filles et des têtes horribles des serpents qui leur sont associés. Ce cri aigu, inhumain, c'est celui qu'outre-tombe font entendre les morts dans l'Hadès. »
Les premières mentions du mythe apparaissent chez Homère, qui ne cite jamais Méduse ni Persée, mais seulement la Gorgone, et celle-ci est simplement une tête monstrueuse placée sur l’Égide. Ainsi, quand Athéna est prête à se lancer dans la bataille, elle « jette sur ses épaules la formidable égide que la terreur environne de toutes parts : sur cette égide sont la Discorde, la Force, la Poursuite et la tête effroyable et terrible de Gorgone, monstre d'un horrible aspect, prodige de Jupiter». Le bouclier d'Agamemnon est muni d'une tête de Gorgone sculptée sur un fond d'émail noir, « à l’aspect effrayant et aux regards horribles » . Dans l’Odyssée, alors qu'il est descendu aux Enfers, Ulysse craint que Perséphone ne lui exhibe « la tête de l’horrible Gorgone » et fait immédiatement demi-tour. Selon Vernant, cela laisse entendre que Gorgone « est chez elle au pays des morts dont elle interdit l'entrée à tout homme vivant. »
Hésiode nomme trois Gorgones : Euryalè, Stheinô et Méduse, cette dernière étant proprement la Gorgone, et il donne les premiers éléments du mythe Au vie siècle av. J.-C., le Pseudo-Hésiode mentionne l'exploit de Persée dans Le Bouclier d'Héraclès. Le poète tragique Eschyle a consacré une tétralogie à ce mythe dont on ne connait que des fragments (Danaé, Les Phorkides, Polydecte et Les Tireurs de filet).
Au ve siècle av. J.-C., Pindare évoque « les affreux gémissements des Gorgones et les sifflements que poussèrent les serpents entrelacés sur leurs têtes ». Dans le même poème, il décrit Méduse comme ayant de « belles joues » et attribue l'invention de la flûte au désir d'Athéna d'imiter avec cet instrument « les cris lugubres que de sa bouche effroyable poussait la féroce Euryale », sœur de Méduse. Cette mention établit un lien entre Méduse et l'art de la musique.
Vers la fin du ve siècle av. J.-C., Euripide livre d'autres éléments du mythe dans Ion. Il rappelle que « la Terre enfanta la Gorgone, ce monstre terrible » dont le « corps était armé de vipères aux plis tortueux », que « Pallas, la fille de Jupiter, lui donna la mort » et « couvrit sa poitrine de sa terrible dépouille ». La mère d'Ion possède deux gouttes du sang de la Gorgone : « Celle des deux gouttes qui a coulé de la veine cave / Chasse les maladies et entretient la vie », tandis que l'autre « donne la mort ; c'est le venin des serpents de la Gorgone ». En outre, le lange dont elle avait emmailloté son bébé portait en son centre la figure de la Gorgone.