John Singleton

(1968-2019)
9 films
   
   
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John Singleton suit des études de cinéma à l'USC (University of Southern California), où il est le lauréat à la fin des années 80 de trois bourses d'écriture (le Jack Nicholson Award en 1989 et en 1990, et le Robert Riskin Award en 1989). Il rejoint, lors de sa dernière année d'études, la Creative Artists Agency et vend dès cette époque le scénario de Boyz'n the Hood, la loi de la rue, chronique des difficultés sociales d'une bande de jeunes dans un ghetto de Los Angeles, qu'il réalise en 1991. C'est une révélation. Il est ovationné à l’issue de la projection au Festival de Cannes, dans la sélection « Un certain regard. En 1992, il est nommé pour l’Oscar du meilleur scénario et du meilleur réalisateur pour ce film. C’est la première fois qu’un cinéaste noir est nommé dans la catégorie du meilleur réalisateur et jamais un metteur en scène aussi jeune, 24 ans, n’avait été gratifié de cette distinction.

Dans le quartier noir urbain de South Central Los Angeles

John Singleton fait alors partie, avec Spike Lee, Matty Rich, Keenen Ivory Wayans, Reginald Hudlin, Robert Townsend, d’une nouvelle génération de cinéastes noirs. Ce groupe disparate n’entretientt pas de liens particuliers. Ils ont en commun leur précocité et une enfance passée dans les quartiers noirs urbains. Des quartiers qui allaient accéder à une tout autre notoriété dans les années 1990, plus seulement en raison du fort taux de criminalité qui y régnait, mais parce qu’une nouvelle culture, le hip-hop, émergeait et attirait les convoitises d’Hollywood et de Wall Street. La génération Singleton/Spike Lee apparaissait aussi comme la première véritable vague de cinéastes noirs américains. Ceux qui les avaient précédés, principalement les metteurs en scène de la « blaxploitation », ces films d’action, situés dans les ghettos noirs urbains, avec des vedettes noires, qui dominaient le box-office américain dans les années 1970, restaient le fruit d’individualités – Gordon Parks (Shaft) ou Gordon Parks Jr (Superfly) – sans que l’on puisse soutenir que la diversité qui s’était enfin installée à l’écran existait également derrière la caméra.

Une décennie après, Spike Lee, avec Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (1986) et Do the right thing (1989), qui mettent en scène, l’espace d’une journée d’été, les tensions raciales grandissantes d’un quartier de Brooklyn, jusqu’à l’émeute, relance brillamment et durablement la vague du cinéma noir américain.C’est après avoir découvert Do the right thing que John Singleton, alors étudiant en cinéma à la prestigieuse université de Californie du Sud, se dit que, pour son premier film, il se doit de parler de ce qu’il connait : le quartier de South Central Los Angeles, centre névralgique de la culture des gangs. Singleton, issu de la bourgeoisie noire, avait grandi dans la banlieue plus cossue de Pasadena, à l’extérieur de Los Angeles, mais South Central restait un aimant où il avait passé son adolescence. La découverte du cinéma néoréaliste italien, Rome, ville ouverte et Allemagne année zéro, puis celle d’un cinéma américain à la culture italienne très forte, Mean Streets et Le Parrain, convainquent le jeune réalisateur qu’il devient possible d’écrire sur un univers que l’on connaît à la perfection sans que le spectateur en possède les clés.

Boyz N the Hood suit trois adolescents de South Central, l’un veut poursuivre son éducation à l’université, le deuxième rêve d’une carrière sportive, tandis que le troisième a choisi la délinquance et fait partie d’un gang. Ce trio symbolisait à la perfection les chemins que pouvaient emprunter un Afro-Américain. Le sens du casting de John Singleton allait faire la différence, avec la présence de Laurence Fishburne, Angela Bassett et surtout Ice Cube. Ce dernier venait de quitter le groupe phare du rap américain, NWA, Niggaz Wit Attitudes, puis avait signé l’un des albums emblématiques de cette musique, AmeriKKKa’s Most Wanted.

Ce n’est pas le moindre des mérites de Singleton d’avoir su saisir avec autant de vérité la personnalité complexe du musicien pour la confronter à l’univers dont il était issu. Boyz N the Hood tendait un miroir dans lequel la communauté noire se regardait avec bonheur, tant le film abordait avec talent les différentes tendances de cette minorité : la tentation de se retrancher du reste de la société, la culture du ghetto, la présence de la religion aussi.

Une suite de films honorables mais sans éclats

Parrainé par Spike Lee, que John Singleton considère comme son père spirituel, le cinéaste tente de retrouver la veine de ce premier coup d'éclat avec le drame Poetic Justice (1993), où il met en scène la chanteuse Janet Jackson et le rappeur Tupac Shakur, ainsi que Fièvre à Columbus University (1995),  Rosewood (1997), Shaft (2000), un remake du classique éponyme de la blaxploitation, Baby Boy (2001), avec le rappeur Snoop Dogg

Il reprend ensuite les commandes laissées vacantes par Rob Cohen pour tourner la suite du film d'action Fast & furious, 2 Fast and 2 furious  (2003) qui sera son plus gros succès commercial.

En 2005, il revient au polar urbain avec Quatre frères, dans lequel il dirige une nouvelle fois Tyrese Gibson. Au casting du film figurent aussi Mark Wahlberg, Terrence Howard, Chiwetel Ejiofor ou encore le rappeur André Benjamin. Six ans après, Singleton réalise Identité Secrète, un thriller d'action où des acteurs confirmés comme Alfred Molina ou Sigourney Weaver épaulent la star montante Taylor Lautner.

John Singleton meurt prématurément des suites d'un accident vasculaire cérébral, à l’âge de 51 ans, le 29 avril 2019, à Los Angeles.

Source : Samuel Blumenfeld, Le Monde du 30 avril 2019.

FILMOGRAPHIE :

1991 Boyz'n the Hood, la loi de la rue
(Boyz n the Hood). Avec : Cuba Gooding (Tre Styles), Ice Cube (Doughboy), Morris Chestnut (Ricky Baker), Nia Long (Brandi). 1h52.

Le passage de l'adolescence à l'âge d'homme pour trois amis du ghetto South Central à Los Angeles : Tre, un brillant élève qui s'est fait renvoyé de son école pour avoir déclenché une bagarre; Ricky, un athlète qui cherche à décrocher une bourse d'études pour une grande université; et son demi-frère Doughboy, plongé dans l'alcoolisme et la délinquance.

   
1993 Poetic Justice
Avec : Janet Jackson (Justice), Tupac Shakur (Lucky), Regina King (Iesha), Maya Angelou (Tante June). 1h49.

Après avoir assisté au meurtre de son petit ami, Justice décide de couper les ponts avec ses anciens amis, d'abandonner ses études et de devenir coiffeuse, tout en composant ses poèmes.

   
1995 Fièvre à Columbus University
(Higher Learning). Avec : Omar Epps (Malik Williams), Adam Goldberg (David Isaacs), Brigdgette Wilson-Sampras (Nicole), Michael Rapaport (Remy). 2h08.

Des jeunes gens de toutes régions, races, et origines sociales intègrent l'université de Columbus. Des problèmes pour chacun apparaissent, et ils doivent faire face à un sentiment de doute..

   
1997 Rosewood
Avec : Jon Voight (John Wright), Ving Rhames (Homme), Don Cheadle (Sylvester Carrier), Bruce McGill (Duke Purdy). 2h20.

L'histoire vraie, en 1923, d'un village Noir de Floride qui fut entièrement brûlé. Quelques survivants ne doivent leur vie qu'au courage et à la compassion d'une poignée d'hommes extraordinaires.

   
2000 Shaft
Avec : Samuel L. Jackson (John Shaft), Vanessa Williams (Carmen Vasquez), Jeffrey Wright (Peoples Hernandez), Christian Bale (Walter Wade Jr.). 1h39.

Une nuit, dans un bar de Manhattan, l'inspecteur John Shaft, flic noir aux méthodes peu orthodoxes et au sex-appeal infaillible, est appelé à la suite d'une agression raciste. Quelques minutes après son arrivée sur le lieu du crime, la victime - l'étudiant noir Trey Howard - succombe à un traumatisme crânien. La barmaid Diane Palmieri, unique témoin oculaire du drame, désigne discrètement à Shaft le coupable : Walter Wade Jr., un gosse de riche qui invoque avec arrogance la légitime défense et défie ouvertement le policier. Shaft arrête Wade, mais son avocat obtient sa libération immédiate, moyennant une caution substantielle.

   
2001 Baby Boy
Avec : Tyrese Gibson (Jody), Taraji P. Henson (Yvette), Omar Gooding (Sweetpea), Ving Rhames (Melvin). 2h10.

Jody est un chômeur noir d'une vingtaine d'années qui vit encore chez sa mère Juanita. Il a deux petits garçons de deux femmes différentes, Yvette et Peanut. Sweetpea, son meilleur ami, accumule les embrouilles et passe la moitié de sa vie en prison. Juanita a décidé de refaire sa vie à 36 ans avec Melvin, un ancien gangster. Elle pousse Jody à voler de ses propres ailes. L'arrivée de Melvin va encore compliquer les choses. Entre violence et amour, entre rires et larmes, Jody va devoir faire face à son entourage. Mais plus que tout, c'est sa propre peur de grandir qu'il va devoir combattre.

   
2003 2 Fast 2 Furious
Avec : Paul Walker(Brian O'Conner), Tyrese Gibson (Roman Pearce), Eva Mendes (Monica Fuentes), Cole Hauser (Carter Verone). 1h45.

Brian O'Conner a signé sa plus belle action, mais aussi sa faute la plus grave, en laissant filer le chef du gang de voleurs de voitures qu'il avait mission d'infiltrer. Radié de la police de Los Angeles, ce jeune flic rebelle, fan de vitesse et de rodéos, a gardé intact son honneur mais a gâché une belle carrière. Après deux ans de galère, Brian O'Conner se retrouve à Miami et se voit offrir une ultime chance de se racheter. Le FBI et les douanes locales surveillent depuis plusieurs mois le puissant homme d'affaires Carter Verone, qu'ils soupçonnent de se livrer à des opérations de blanchiment d'argent. Mais leurs efforts sont restés vains, le seul indice dont ils disposent pour appâter et démasquer l'énigmatique criminel étant sa passion pour les rodéos. Le temps presse, Brian semble être le seul espoir.

   
2005 Quatre frères
(Four Brothers). Avec : Mark Wahlberg (Bobby Mercer), Tyrese Gibson (Angel Mercer), André Benjamin (Jeremiah Mercer), Garrett Hedlund (Jack Mercer). 1h55.

Ce sont quatre "frères", deux Blancs et deux Blacks, issus de familles qui les abandonnèrent très tôt à leur sort. Quatre laissés-pour-compte, quatre incorrigibles gamins qui accumulaient les "bêtises". Evelyn Mercer a été la seule à croire en eux, à les recueillir et à les aimer. Lorsque leur "mère" est abattue par deux braqueurs de supérette, les quatre frères se retrouvent pour un dernier hommage et constatent que le temps ne les a guère changés. Bobby, la tête brûlée, n'a rien perdu de son impulsivité et de sa virulence ; Angel, le macho, s'apprête à reconquérir une belle Latino abruptement plaquée ; Jack, le benjamin, espère encore imposer ses talents de rocker. Seul Jeremiah, le plus posé de la bande, a fondé un foyer et s'est lancé dans les affaires. Il est aussi le seul des quatre frères à faire confiance au lieutenant Green pour retrouver les assassins d'Evelyn...

   
2011 Identité secrète
(Abduction). Avec : Taylor Lautner (Nathan), Lily Collins ( Karen), Alfred Molina (Frank Burton), Jason Isaacs (Kevin).

Nathan Harper a toujours éprouvé la désagréable impression de mener une vie qui n’est pas la sienne. Lorsqu’il tombe par hasard sur une photo de lui, enfant, sur un site de personnes disparues, ses peurs les plus sombres deviennent brusquement réalité. Ses parents ne sont pas les siens, sa vie n’est qu’un mensonge soigneusement fabriqué pour cacher une vérité aussi mystérieuse que dangereuse... Alors qu’il commence à rassembler les pièces du puzzle, Nathan est pris pour cible par des tueurs. Il est obligé de fuir en compagnie de la seule personne en qui il ait confiance, sa voisine, Karen. Tandis que les deux jeunes gens s’efforcent d’échapper à une armée de tueurs et d’agents gouvernementaux, Nathan réalise que sa seule chance de survivre – et de résoudre le mystère de sa véritable identité – est d’affronter la situation à sa façon…