Les trois récits, sur terre, mer et airs, avec des durées différentes, sont enchevêtrés dans le film. Ils sont résumés ici séparément.
1 - La jetée, Une semaine.
Tommy et quatre de ses camarades parcourent les rues de Dunkerque à la recherche d'un peu d'eau alors que les avions de la propagande déversent des tracts, appelant les soldats anglais et français, encerclés dans la poche de Dunkerque en cette fin mai 1940 à se rendre. Les cinq soldats anglais, à la recherche d'eau, de nourriture ou de tabac, se sont laissés surprendre par la progression des troupes allemande dans la ville. Ils sont pris sous un feu nourri et sont tous tués, sauf Tommy, qui parvient à s'échapper et à atteindre un avant-poste français qui résiste à l'avancée allemande. Tommy regagne ensuite la plage où des centaines de milliers de soldats attendent un hypothétique embarquement pour l'Angleterre.
Cherchant à faire ses besoins dans les dunes, Tommy remarque un soldat qui semble enterrer l'un de ses camarades après lui avoir pris ses souliers. Tommy sollicite aussi un peu de la gourde pleine du soldat enterré. Les deux hommes se comprennent ainsi sans un mot et parcourent la plage au moment où celle-ci est attaquée par des bombardiers et des chasseurs de la Luftwaffe. A peine se relèvent-ils qu'ils aperçoivent des brancardiers emportant des blessés vers un navire en partance. Ils s'emparent alors d'un brancard où repose un blessé laissé pour mort et se précipitent jusqu'à l'avant de la file du navire évacuant les blessés.
On leur refuse toutefois de rester à bord et ils se cachent sur des piliers de la jetée en espérant se faufiler à bord du navire suivant. Cependant, le navire est attaqué lorsqu'il part. Dans le chaos, ils sauvent un autre soldat, Alex, menacé d'être écrasé par le navire qui coule. Ils se rendent sur un autre bateau au départ mais celui-ci est coulé par la torpille d'un sous-marin. Gibson sauve Tommy et Alex en ouvrant une porte de secours. Ils tentent vainement d'atteindre une chaloupe de secours déjà emplie de soldats. Le soldat commandant la chaloupe leur dit de ne pas paniquer ; il reviendra les chercher. En attendant, ils doivent nager et se maintenir à flot; l'eau n'étant pas froide. Gibson, Tommy et Alex parviennent à atteindre le rivage.
Tommy surprend la conversation du commandant Bolton et du colonel Winnant qui examinent la situation. Le Premier ministre a déclaré qu'il ne chercherait pas la paix et s'est engagé à évacuer 30 000 soldats. Pour évacuer plus d'hommes, sans perdre navires et avions qui seront engagés dans la future bataille d'Angleterre, la marine a réquisitionné des navires civils plus petits qui peuvent naviguer plus près de la plage.
Le lendemain, Tommy, Gibson et Alex rejoignent un groupe de soldats écossais qui ont localisé un chalutier de pêche échoué dans une zone sans doute extérieure au périmètre des alliés. Ils se cachent en espérant l'utiliser pour évacuer quand la marée montera. Son propriétaire, un marin néerlandais, revient et explique qu'il avait quitté le bateau pour attendre la montée de la marée. Peu de temps après, les Allemands tirent sur le bateau comme sur une cible d'exercice, ignorant que des soldats se trouvent à l'intérieur. Lorsque la marée monte, les trous de balle dans la coque rendent difficile le maintien du bateau à flot. En cherchant à réduire le poids du navire, Alex accuse Gibson, qui est resté silencieux, d'être un espion allemand, et demande qu'il sorte de l'intérieur du navire, s'exposant aux tirs ennemis. Tommy le défend, mais Gibson révèle qu'il est français et a volé l'identité du soldat qu'il avait enterré, espérant ensuite évacuer avec les Britanniques. L'altercation physique qui en résulte ramène le bateau en position verticale et le marin néerlandais peut démarrer le moteur. Cependant, les trous dans la coque ont rendu le bateau incapable d'aller très loin et il coule rapidement. Les hommes abandonnent le navire, à l'exception de Gibson, qui se noie.
Alex et Tommy nagent vers un dragueur de mines à proximité, mais celui-ci est coulé par un bombardier allemand. Le bateau de M. Dawson arrive et les emmène à bord, les sauvant in extremis d'une marée noire enflammée. Ils traversent la Manche, voient la côte de Dorset et sont emmenés dans un train. Alex et Tommy s'attendent à ce que leur retraite provoque le mépris du public britannique; Au lieu de cela, ils sont reçus en héros.
Sur la jetée, le commandant Bolton observe l'évacuation des derniers soldats britanniques. Il confirme que 300 000 ont atteint l'Angleterre, soit dix fois le nombre qu'ils avaient espéré. Il reste sur la jetée pour surveiller l'évacuation de l'arrière-garde française.
2- La mer, Un jour.
Dans le port de Weymouth dans le Dorset, la Royal Navy réquisitionne des navires de plaisance ou de pêche pour participer à l'évacuation. M. Dawson coopère sans problème, mais plutôt que de laisser un équipage de la marine prendre son bateau, lui et son fils, Peter, embarquent eux-mêmes, emportant les nombreux gilets de sauvetage nécessaires. George, un adolescent du voisinage qui se trouvait là, décide sur une impulsion de partir avec eux, espérant faire enfin quelque chose de remarquable dans sa vie. Alors qu'ils se dirigent vers Dunkerque, M. Dawson, ingénieur en aéronautique à la retraite, n'a aucun mal à reconnaitre les moteurs de trois Spitfires volant vers la France au-dessus d'eux.
Ils rencontrent un soldat sur la coque d'un navire torpillé par un sous-marin et moralement détruit par ce qu'il vient de vivre. C'était le soldat commandant plus tôt, avec un calme apparent, l'évacuation de l'une des chaloupes. Epuisé, il s'est moralement effondré et reste dans un état d'hébétude. Quand il découvre que Dawson navigue vers Dunkerque plutôt que vers l'Angleterre, il essaie de prendre le contrôle du bateau. Dans la bagarre, il bouscule George qui, en tombant, se cogne violemment la tête. Peter soigne la blessure de George le mieux possible, mais George, aveugle sait qu'il va mourir et est fier de ce qu'il a accompli.
Dawson continue vers la France. Il voit un Spitfire s'écraser dans la mer et s'approche au cas où le pilote pourrait être sauvé. Peter tire Collins de l'avion alors qu'il coule. Plus loin, ils rencontrent un dragueur de mines attaqué par un bombardier allemand. Dawson esquive les rafales tirées par le chasseur en révélant qu'il connait les techniques des avions de chasse grâce à son fils, le frère aîné de Peter, pilote abattu au 20e jour de la guerre. Ils manœuvrent ensuite pour prendre des troupes du navire qui coule, provoquant une marée noire de gazole. Dawson prend autant de survivants à bord que possible avant que le bombardier, en s'écrasant garce au tir de Farrier, ne provoque un incendie. Tandis que le bateau se remplit de naufragés, les Dawsons constatent que George est mort. Peter n'en dit rien au soldat traumatisé et cherche à le rassurer.
De retour à Weymouth, Dawson est félicité pour le nombre d'hommes qu'il a sauvés alors que le corps de George est évacué. Le soldat le voit avant de partir pour le train et s'assoit dans un compartiment avec Alex et Tommy. Rentré chez lui Peter apporte une photo de George au journal local, qui rend hommage au jeune héros.
3 - Les airs, une heure.
Trois Spitfires, pilotés par Farrier, Collins et leur chef d'escadrille, volent au-dessus de La Manche pour fournir un soutien aérien aux troupes qui attendent à Dunkerque. Ils savent que le temps qu'ils peuvent y consacrer est limité par leur carburant. Bien que la jauge de carburant de Farrier fonctionne mal, il continue. Ils rencontrent un avion de la Luftwaffe, qui abat le chef de l'escadrille. Farrier assume le commandement, et ils continuent vers la France. Ils réussissent à abattre un avion dans leur escarmouche suivante, mais l'avion de Collins est endommagé et il est obligé d'amerrir. Farrier le voit agiter ses bras comme pour le saluer et continue seul.
Farrier est témoin de la destruction du dragueur de mines à bord duquel se trouvent Tommy et Alex. Bien qu'il doive déjà passer sur sa réserve de carburant lorsque son réservoir principal tombe en panne sèche, il assume un nouveau combat et bat un chasseur et le bombardier, alors qu'il s'apprêtait à couler le navire de Dawson. Puis il atteint enfin Dunkerque, où l'évacuation se déroule sous le bombardement de l'ennemi. Il abat un bombardier qui allait massacrer les hommes sur la jetée puis vole en rase-motte sur la plage, stimulant le moral des soldats qui applaudissent et se réjouissent. Sans carburant, il plane au-dessus de la plage et sort manuellement son train d'atterrissage tout juste à temps pour atterrir. Comme il est au-delà du périmètre allié, il incendie son avion avant d'être fait prisonnier par les Allemands.
Le récit de la fameuse évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai-juin 1940 est focalisé sur trois trios de personnages. Ils ressentent intimement la nécessité, pour les premiers, de survivre à l'horreur d'un massacre annoncé ; pour les seconds, de rester fideles aux valeurs morales et, pour les derniers, de combattre techniquement et héroïquement. Ces trois aspects du film de guerre sont enchevêtrés sur trois durées (une semaine, un jour, une heure) et trois espaces (terre, mer, airs). Ils permettent une saisie au présent d'une histoire qui fut sans doute incompréhensible pour les soldats qui tentèrent d'échapper à un massacre annoncé.
Trois fois trois soldats pour 300 000 survivants
Le temps 1, celui de la semaine sur la jetée à laquelle sont sans cesse ramenés Tommy et son camarade Gibson puis le soldat Alex, est celui de la survie. Les soldats ne se parlent presque pas et ne pensent qu'à fuir et survivre. Le temps 2, celui de la journée de Mr. Dawson, de Peter et de George, est celui de l'affirmation des valeurs morales. Le temps 3, celui de l'heure de combat de Farrier, Collins et de leur chef d'escadrille, abattu prématurément, est celui des combats techniques, des héros de guerre classiques.
La peur, la morale et l'art du combat, trois éléments fondamentaux du film de guerre sont ainsi réagencés dans un film solidement charpenté. Tant est si bien qu'il acquiert une valeur abstraite qui rend superflue la caractérisation de l'ennemi. Celui-ci n'est jamais montré. Seuls les avions de la Luftwaffe (seulement reconnaissable à leur couleur jaune), une torpille et des tirs hors champs (dans la rue au début, sur le bateau échoué à la fin) ou les ombres entourant Farrier dans la séquence finale, sont montrés.
C'est cette même volonté d'abstraction et d'épure qui interdit aussi de rendre compte de la complexité géostratégique de l'évacuation des soldats. Commencée le 10 mai 1940, la bataille de France est une débâcle pour les Alliés. Encerclés après la percée allemande de Sedan, 400 000 soldats sont pris au piège dans la poche de Dunkerque. Du 26 mai au 4 juin, 300 000 d’entre eux parviendront, pour certains à monter in extremis à bord de navires militaires, et pour la majorité d'entre eux, dans des embarcations de marins patriotes anglais venus à leur secours. Cette "opération dynamo" permettra à Churchill de préparer sa bataille d'Angleterre.
Cette vision par des anglais (dont un faux) ne peut faire mieux que de consacrer que quelques secondes aux soldats français derrières les barricades, hommage en forme de sèche synecdoque aux 40 000 soldats français qui se sont sacrifiés pour défendre Dunkerque face à la progression de l'armée allemande lourdement armée. Pareillement, il n'est pas fait allusion à la Première armée qui, abandonnée par ses alliés estimant la partie perdue, empêche néanmoins, à Lille, plusieurs divisions de la Wehrmacht de déferler sur Dunkerque.
Les états-majors ayant fait des choix lourds de conséquences sont réduits à la seule figure emphatique de l'amiral Bolton. Si le colonel Winnant est un personnage réel, l'amiral est un personnage fictif. Il est ainsi surjoué (phrases définitives et larmes à l'œil) avec à-propos par Kenneth Branagh. Dunkerque, à moitié détruite par les bombardements, reste ici presque intacte ; sa destruction est symbolisée par l'avion en flammes de Farrier.
Ainsi, à chaque fois, l'événement complexe est-il réduit à son ressenti immédiat par un nombre restreint de personnages. La mise en scène de pointes de présent, dans ce qu'elles peuvent avoir de plus terrifiant ou de plus intense, reste ainsi l'obsession de Nolan. L'arrière plan historique et sentimental est évacué, bien loin du récit de Verneuil dans Week-end à Zuydcoote (1964) ou de Il faut sauver le soldat Ryan (1998) de Spielberg. Le passé des personnages n'apporte un contrepoint à leur attitude que sur le seul versant moral avec le passé d'avionneur militaire et de père de héros de guerre de Dawson.
Des pointes de présent sans nappes de passé
L’entrelacement des trois lignes narratives permet de multiplier les points de vue et les décalages temporels en restant au plus près de l'émotion ressentie sans être tenu par un fil narratif chronologique continu. L'amerrissage de Collins est d'abord vu du ciel par Farrier qui croit que tout se passe bien puis par Collins qui ne parvient pas à s'extraire du cockpit et est sauvé in extremis par Peter.
La virtuosité de la mise en scène s'exprime pleinement dans la terreur due à la perception du son des avions ennemis pouvant surgir à n'importe quel moment, dans l'impact des bombes et des balles, dans les bombardements de destroyers chargés de soldats et sombrant en quelques secondes emportant les hommes dans des déferlantes d'eau, dans les duels aériens où la mort prend par derrière avant qu'on ne la voie. La partition omniprésente d’Hans Zimmer se compose d'une sorte de boléro ravélien menaçant longtemps d'exploser avec une seule note qui gonfle, se charge d'autres instruments, d'autres notes, pour culminer avec un inévitable bombardement. Elle sert alors presque davantage de continuité diégétique que le récit morcelé.
Car l'enchevêtrement du récit donne surtout l'impression qu'il est impossible de comprendre quoi que ce soit à une stratégie possible de survie : chaque tentative de fuite se transformant en une possible nasse mortelle. La mort frappe ainsi sans prévenir l'un des membres de chacun des trios, le chef d'escadrille dont on ne constate qu'en fin de combat que l'avion est brisé dans l'eau ; Gibson qui, pour une fois, ne parvient pas à s'extraire du chalutier percé et George, victime collatérale de la panique du soldat traumatisé. Même la psychologie classique, qui suppose une certaine continuité des comportements, est hachée par la guerre. Ainsi le soldat qui dirige avec un grand calme la chaloupe de secours après le torpillage du navire se retrouve-t-il ensuite, psychologiquement effondré, sur la coque du navire torpillé pour être finalement recueilli par Dawson (seuls sans doute les fans de Cillian Murphy dans Peaky Blinders auront immédiatement perçu qu’il s'agit du même personnage).
Dunkerque, loin de proposer un récit historique explicatif a posteriori, préfère une sorte de vision cubiste. Le récit perd sa linéarité pour décrire dans une succession de notes virtuoses, différents aspects de la réalité. Panique, sens moral et héroïsme alternent dans des personnages identiques ou différents pour un portrait de l'effroi des combats.
Jean-Luc Lacuve le 03/08/2017