Michel-Ange marche sur les sentiers de la campagne toscane en ruminant sa colère et en récitant des passages de L’Enfer de Dante.
1512. Michel-Ange rejoint à Florence son père et ses quatre frères qui vivent à ses crochets. Le pape Jules II Della Rovere lui doit de l'argent pour les fresques de la chapelle Sixtine et à versé 12 000 florins pour les quarante statues qui doivent orner son futur tombeau commandé en 1505. Avec cet argent Michel-Ange achète des maisons et une ferme au nom de son père. De retour à Rome, il est mécontent de son travail pour le Plafond de la chapelle Sixtine, toujours commandé par Jules II qu'il a commencé quatre ans plus tôt, en 1508. Il voudrait tout détruire et tout recommencer mais, en ce jour de Toussaint, l'inquisition et le pape ne lui en laisse pas le temps. Ils exigent de voir l'œuvre et de détruire l'échafaudage qui la cache. Raphaël aussi est persuadé du génie de Michel-Ange mais celui-ci, saoul et véhément, s'enfuit en l'insultant et lui jetant des pierres. Heureusement, son assistant, Peppe, vient lui dire que le pape est enthousiasmé par les fresques de la chapelle qu'il qualifie de divines. L’enthousiasme est général.
En 1513, Michel ange est réveillé par un cauchemar : il sait que le pape Jules II se meurt. Il a la vision de celui-ci emporté par un ange.
En 1515. François-Marie Della Rovere exige que Michel-Ange termine au plus tôt le tombeau craignant que le nouveau pape, Léon X Médicis, ne permette pas son inhumation dans Saint Pierre de Rome. Seul le Moise est terminé et le projet de quarante statues doit être remanié pour être fini en trois ans. François-Marie Della Rovere exige que Michel-Ange ne prenne plus aucune autre commande et s'en aille sur le champ à Carrare trouver le marbre dont il a besoin.
Michel-Ange rend visite au marquis et à la marquise Malaspina qui possèdent les mines de Carrare et qui lui font l'honneur de l'inviter à dormir dans la chambre ou Dante était venu se reposer durant quinze jours; Michel-Ange en cherchant à retrouver la présence de Dante, use du même passage secret qui le conduit dans la campagne au sommet de la carrière de marbre. Au petit matin, les ouvriers ont la surprise de l'y voir et viennent le chercher.
Michel-Ange, accompagné de Peppe et Pietro, assiste aux efforts des marbriers pour détacher de la falaise de gros blocs de pierre. Michel Ange remarque la beauté de Maria, la fille du chef de chantier. Lorsque tombe à terre un immense bloc de marbre, Michel-Ange décide de se l'approprier alors qu’il était destiné à son rival, Sansovino, une fois découpé en quatre. Michel-Ange veut le garder intact et surenchérit sur le prix proposé par son rival proposant à chacun des ouvriers deux gros florins chacun (un an de salaire) pour transporter le bloc jusqu'au port. Michel-Ange fait les calculs pour concevoir les rondins de bois, les cordages, les poulies et les fixations d'acier nécessaires au déplacement du bloc que tous qualifient dorénavant de "monstre". Lors du déplacement, une attache se brise entrainant la mort d'un ouvrier. C'est le forgeron quia utilisé un métal de mauvaise qualité qui est responsable. Michel Ange voudrait le châtier mais un habitant du village s'en est déjà chargé et il retrouve le forgeron baignant dans son sang.
Le pape Léon X ordonne à Michel-Ange de terminer la façade extérieure de la basilique San Lorenzo de Florence et de l’orner de sculptures. Il accepte à contrecœur, en fait les plans, mais est incapable d’accéder à cette demande. Il détruit la maquette confectionnée par Peppe et s'enferme dans sa chambre refusant de voir quiconque. François-Marie Della Rovere vient l'en sortir par la force l'exhortant de terminer le tombeau et lui donnant de l'argent supplémentaire. Mais les Médicis chassent le duc d'Urbino et exige de Michel-Ange qu'il cesse de s'approvisionner à Carrare au profit de leur propre carrière de marbre. Michel-Ange n'aura plus à payer celui-ci et pourra se servir à volonté.
1517. Dans les Alpes Apuanes de la Toscane sur les contreforts du Monte Altissimo à 1500 mètres d'altitude, Michel-Ange trouve le marbre de ses rêves. Il voudrait néanmoins ramener "le monstre" qui l’attend au port de Carrare. Là, les ouvriers lui apprennent que les bateaux qu’il a commandés sont repartis à vide. Michel-Ange retourne voir le marquis Malaspina qui le met en garde 'fait attention' lui dit-il ; son espion syrien, Al Farab, n'ignore rien de sa soumission aux Médicis qui l'empêche de réaliser le tombeau de Jules II avec le marbre de Carrare.
De retour à Florence, Michel-Ange est heureux de célébrer le mariage de Pietro et Maria, enceinte de celui-ci et qu'il a pu arranger grâce à son argent. Sansovino vient lui aussi le mettre en garde. Quand Michel Ange se réveille le matin, il constate l'assassinat de Maria et Pietro, une vengeance probable des Della Rovere pour un tombeau qu'il ne finira jamais.
Désespéré, Michel-Ange reçoit en rêve la visite de Dante qui lui donne pour conseil "Ecoute !". Et c'est ainsi, libéré du diable et regardant le ciel en écoutant la nature, que Michel Ange continuera de créer jusqu’à ses quatre-vingt dix ans.
Sur le chemin de Toscane qu'il parcourait depuis le début, Michel-Ange, vu de face, porte la maquette de Saint-Pierre de Rome. En 1546, il en a été nommé architecte. Il vient présenter son plan en croix grecque proposé originellement par Bramante et dont il a simplifié le dôme, lui donnant un aspect plus léger. Michel-Ange se souvient de ses chefs-d'œuvre : La piéta, le David et le Moïse.
On ne voit jamais Michel-Ange peindre ou sculpter mais on ne voit pas les œuvres non plus. Tout juste, Michel-Ange passe un chiffon sur le genou droit du Moïse, seule partie qui se dégage alors du bloc de marbre. Quelques plans furtifs montrent la chapelle Sixtine dont le plafond est encore caché par des échafaudages et les toutes dernières images du film montrent Michel-Ange se souvenant de ses chefs-d’œuvre passés : La piéta, le David et le Moïse. Ce sont ainsi moins les œuvres d'art ou le travail de l'artiste qui intéressent Andreï Kontchalovski que les affres du créateur avec ses démons intérieurs et le pouvoir politique. Son ambition de vouloir rendre compte de manière réaliste de l'atmosphère de la Renaissance verse hélas dans l'académisme.
Un Michel-Ange entravé par le pouvoir politique
Michel-Ange possède un caractère taciturne et ombrageux ; il aime le poisson séché et le bon vin mais ne goute pas les mets raffinés. Son origine qu'il prétend noble mais relativement pauvre ainsi que la disparition de sa mère à six ans pourraient l'expliquer; Kontchalovski opte dès les premières séquences pour un père et quatre frères peu aimants, cherchant surtout à profiter de lui. L'ambition de Michel-Ange ne semble ici ne rien devoir à l'entourage cultivé de Laurent de Médicis mais s'incarner dans son obsession du gros bloc de marbre, le monstre, que ses calculs lui permettent de descendre de la montagne. Kontchalowky tente ici sans doute de rivaliser avec le Fitzccarraldo de Werner Herzog et de manifeste son goût de la performance comme dans Runaway train. Les goûts homosexuels de Michel-Ange sont euphémisés dans les relations agitées avec ses deux aides, Peppe et Pietro. Ses contradictions avec ses rivaux artistiques, Raphael et Sansovino, ne donnent lieu à aucun échange un peu approfondi puisque tous conviennent qu'il est un génie dont ils inspirent. Le pouvoir est considéré sans surprise comme castrateur : en subissant les demandes contradictoires des Della Rovere d'Urbino et des Médicis de Florence, Michel-Ange na pu réaliser, malgré sa longévité, autant d'œuvres qu'il aurait pu. Le conseil de Dante, apaisé, résumé en un seul mot "écoute" parait en décalage avec l'ambition titanesque du poète et du sculpteur d'autant plus que Michel-Ange est bien davantage, surtout après 1520 plus maniériste que classique.
Saleté et diablerie, preuves insuffisantes de réalisme
La reconstitution a des prétentions réalistes parce qu'on n'y montre pas les rues bien propres d'aujourd'hui. Mais les choix sont plus excessifs que la rénovation du western classique par le western spaghetti avec ses rues boueuses, ses déchets jetés des fenêtres avec une grande constance chaque fois qu'un personnage passe, ses étales de viandes bien sanglantes et une image nappée de vomi et de crasse assez peu discrete.
Face à cette recherche de saleté revendiquée comme authentique, on trouve aussi des plans sursignifiants de deux petits chats ou de la belle et placide Maria, la fille du chef des marbriers, comme autant d'ilots exceptionnels de tendresse et de sérénité. La crainte de l'enfer, se manifeste dans les propos des personnages mais aussi dans les chiens qui attaquent Michel-Ange la nuit ou une main qui sort du soupirail. Ces détails ont la volonté de "faire vrai". Ils sont hélas trop convenus pour que la mise en scène échappe à l'académisme d'une représentation prétendument réaliste d'un génie retiré dans ses pensées.
Jean-Luc Lacuve,le 28 octobre 2020.