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(1914-1955)
Abstraction lyrique
Astronomie 1944 Collection particulière
Casse-lumière 1944 Collection particulière
La vie dure 1946 MNAM
Pierres traquées 1948  
Composition 1949 MNAM
Composition sur fond rouge 1951 c. P. Paris
Les toits 1952 MNAM
Les Grands Footballeurs -Parc des Princes 1952 coll. part.
Figures au bord de la mer 1952 Dusseldorf
Lavandou 1952 MNAM
Agrigente 1953 Zurich
Sicile (vue d'Agrigente) 1954 Grenoble
Fleurs dans un vase rouge 1954  
Fort d'Antibes 1955 Antibes, Musée Picasso
Les mouettes 1955  
Chemin de fer au bord.. 1955  
Le concert 1955 Antibes, Musée Picasso

peintre de nationalité française d'origine russe, né en 1914 à Saint-Petersbourg (Russie) Décédé en 1955 à Antibes (France)

Nicolas de Staël naît le 5 janvier 1914 à Saint-Pétersbourg. A la suite de la révolution russe, sa famille prend le chemin de l'exil. Il perd successivement son père et sa mère, il est recueilli en compagnie de ses soeurs à Bruxelles. Il se révèle brillant élève à l'Académie des Beaux-Arts de Saint-Gilles-Lès-Bruxelles.

Au cours d'un voyage en Afrique du Nord en 1938, il rencontre Jeannine Guillou, également peintre, avec qui il vivra désormais. En 1939, l'artiste fait la connaissance de la célèbre galeriste Jeanne Bucher qui s'intéresse à son travail. La guerre éloigne Nicolas de Staël de Paris ; il s'engage dans la Légion étrangère. Démobilisé, il rejoint Jeannine Guillou à Nice et commence à vendre quelques tableaux, ainsi qu'à étabir des contacts avec des artistes réfugiés dans la région : Alberto Magnelli, Sonia Delaunay, Henri Goetz, Félix Aublet. Sous leur influence, sa peinture évolue de la figuration à l'abstraction.

De retour à Paris en 1943, il rencontre le peintre César Domela qui contribue à l'évolution de sa peinture vers le jeu des clairs-obscurs. L'après-guerre est difficile pour Nicolas de Staël : ventes rares, privations, changements fréquents d'atelier, et surtout, la mort de sa compagne Jeannine Guillou, en février 1946.

En janvier 1947, Nicolas de Staël et Françoise Chapouton, qu'il a épousée, emménagent dans un grand atelier parisien proche de celui de Georges Braque. En 1951, René Char confie à l'artiste l'illustration de son livre "Poèmes".

Au début de 1952, à l'occasion de sa première exposition en Angleterre, il présente les premiers tableaux de son retour à la figuration, après avoir refusé quelques mois auparavant, d'être assimilé à ce qu'il appelait "le gang de l'abstraction avant". Désormais Nicolas de Staël présente de plus en plus d'oeuvres figuratives, notamment à la Galerie Jacques Dubourg ainsi qu'au Salon de Mai, à Paris, où il montre ses plus grands formats dont le Parc des Princes en 1952.

En 1953, Nicolas de Staël qui a découvert l'année précédente le Midi et sa lumière, aménage son premier atelier provençal à Lagnes, près d'Avignon. C'est aussi au cours de cette période qu'il se rend en Amérique pour superviser l'accrochage de ses oeuvres lors de sa première exposition personnelle aux Etats-Unis, à la Knoedler Gallery, New York. Il reçoit un accueil très favorable de la part des collectionneurs américains.

En septembre 1954, tandis qu'il connaît un succès grandissant, Nicolas de Staël se retire loin des siens à Antibes. Il multiplie les natures mortes, les paysages et les marines. Le rythme de production s'accélère mais l'anxiété assiège le peintre. Le 16 mars 1955, Nicolas de Staël se donne la mort, laissant inachevée sa plus grande toile, Le Concert.

 

Personnalité à la fin tragique, le peintre occupe, dans l’art de l’après guerre, une place unique. Dépassant l’opposition “abstraction-figuration” qui caractérise alors le monde de l’art, il suscite controverses et passion. Il acquiert très tôt une célébrité internationale puis l’intérêt d’un public de plus en plus vaste.

Trois thèmes occupent une place primordiale dans l'oeuvre de Nicolas de Staël à travers son désir de renouvellement et son retour à la figuration qui le conduisant à une liberté toujours plus grande : la matière, les paysages et les natures mortes, à partir de 1952.

I - LA MATIERE

L’entrée dans la matière

La peinture de Nicolas de Staël, son combat avec la matière, s’inscrit dans l'histoire du matériel et de l’immatériel dans l’art moderne. Sa pâte rugueuse et charnelle s’étire, se dilue, se fait opalescence à la fin de sa vie. Certaines de ses dernières toiles, aussi «figuratives» soient-elles, ne sont-elles pas le signe d’un passage du matériel à l’immatériel?

Depuis sa première rupture avec la figuration, en 1942, Nicolas de Staël est convaincu de l’impossibilité d’une abstraction radicale. En effet, très attaché à la peinture classique, il tente à tout prix de sauvegarder le rapport au monde exprimé à travers elle. Mais comment retrouver cette relation au monde dans le contexte de l’art moderne? Le recours à la peinture comme matière vivante (comme “substance animée” selon son ami Van Gindertael) constitue sans doute la réponse du peintre.

Nicolas de Staël se situe à l’aboutissement d’un développement historique dans lequel il s’incarne. Fidèle au tableau, il appartient - selon André Chastel - au dernier âge de la peinture, qui reste traitement de la pâte et recherche d’épiderme.

Baguette, bloc et nappe : de l’épaississement de la matière à son allègement

On peut distinguer, chronologiquement, les étapes suivies par de Staël dans l’utilisation de cette pâte triturée, accumulée, stratifiée, puis étalée, étirée jusqu’à la transparence. Des formes en baguette il passe au bloc (ou carreau, damier, tesselle, etc.) vers 1953 et enfin à la nappe, où la couleur est longuement tenue et développée comme dans Le Concert de 1955


À chaque étape, les outils du peintre varient. Au bloc répond le temps de déploiement du couteau ou même, plus tard, de la truelle, à la nappe le retour au pinceau.

En peignant ses premières toiles abstraites, en 1942-43, Nicolas de Staël utilise, classiquement, une matière encore fluide, comme dans Composition,1943. En passant à l’abstraction, il est à la recherche de plus de liberté. Cette liberté, il va la trouver en alourdissant progressivement la pâte. La matière, soudain détachée de la référence au monde et du poids de la figure, acquiert une surprenante densité, presque une autonomie. Astronomie, 1944 Casse-Lumière, 1944

Baguette. (1945-1949)

C’est en 1945-46 qu’il «entre» véritablement dans la matière et que, dès lors, cette matière - la texture même de la peinture avec son épiderme, son encroûtement, son feuilletage - domine et entraîne le reste. Il se lance dans un corps à corps sans réserve avec la toile. Il lutte avec la pâte et «attaque» l’espace à la manière d’un sculpteur, en taille directe. À partir de De La Danse, l’enduit se fait toujours plus dense et gras et la couleur plus variée et subtile.

Le style de Nicolas de Staël est encore peu personnel en 46-47 quand règnent les formes en baguette qu’André Chastel dénomme «bâtonnet» La vie dure , 1946. Mais, déjà, point sa «grande période» Pierres traquées , 1948 . En 1949, les bâtonnets tendent à se transformer en masses de couleur et s’éclaircissent. Les Compositions suivantes présentent des aplats géométriques dont les «polygones», souvent triangulaires, s’emboîtent entre eux, traités dans des nuances pâles et tendres.

Bloc. (1950-1952)

De 1950 à 1952, la matière s’épaissit toujours plus, se concentre: sédimentations, vibrations, interstices frémissants, écrasements, scarifications, fissures, emboîtements. La toile devient épiderme vivant, accidenté, couvert d’écailles mouvantes. On éprouve, à regarder les tableaux de Nicolas de Staël, le désir sensuel de les toucher, comme on peut désirer caresser une peau ou la nacre d’un coquillage.

En 1951, Nicolas de Staël visite à Paris une exposition sur les mosaïques de Ravenne. Les tesselles de marbre, brillantes, lumineuses, lui font découvrir les vibrations optiques du discontinu et, par là même, leur pouvoir spatialisant. Comme dans le divisionnisme de Seurat ou dans l’utilisation par certains artistes contemporains du pixel de l’image numérique, en passant par la touche infiniment fragmentée des peintres hyperréalistes, Nicolas de Staël utilise le double système de la fragmentation et de l’inclusion dans un ensemble plus vaste d’éléments bruts. Selon que l’on se place près ou loin du tableau, comme dans un effet de zoom, on passe du pavé au magma, de la forme (identifiable du carreau) à la matière (informe). Les toiles de cette époque se caractérisent par ce réseau carrelé, épais, vibrant, décliné en une infinité de variations colorées (comme déjà, mais dans la fluidité, chez Paul Klee). L’aboutissement de cette recherche sera les Toits de 1952

Cette même année, Nicolas de Staël peint la série des Footballeurs. Enthousiasmé par un match en nocturne vu au Parc des Princes, il réalise dans les jours qui suivent 24 tableaux de formats divers (Parc des Princes, 1952) où il va détailler les mouvements des joueurs en articulant la forme par des empâtements bruts et des étalements de la pâte. Fin 1951, il avait écrit à sa sœur Olga: «J’ai choisi de m’occuper sérieusement de la matière en mouvement». Par ailleurs, dans des formats de plus en plus grands, il déploie de larges bandes de couleur étalée à la truelle, abandonnant à ce moment-là le couteau. La série des footballeurs marque le retour de Nicolas de Staël à la figure.


Nappe : l’allègement de la matière

À partir de 1953, il revient à la fluidité du pinceau, à la dilution de l’huile étalée au coton ou à la gaze, et la matière de ses toiles, d’accidentée et rugueuse, se fait de plus en plus légère, impalpable. Elle se dissout. Comme dans son ultime toile, Le Concert.

Les dernières années de sa vie, Nicolas de Staël continue à se renouveler. S’enfermer dans une formule est contraire à sa nature. Le Ciel à Honfleur de 1952 est, à ce titre, une œuvre charnière. Le peintre réussit là à concilier une pâte épaisse avec des transparences. Une nuée blanchâtre, rendue diaphane par endroits à l’aide de frottis, charge le paysage de lumière et d’humidité.

Figures au bord de la mer,

En 1955, dernière année de sa vie, le peintre oscille plus que jamais entre le doute et la certitude et se débat, comme il l’écrit lui-même, dans la contradiction de l’inachevé et du «trop abouti de la transparence». En diluant sa pâte, il semble se placer lui-même au bord de la dissolution, comme pris de vertige et aspiré par le vide.
Nicolas de Staël a, peu à peu, allégé, fluidifié, enlevé. Pierre après pierre, il a descellé les amas de peinture qu’il posait sur ses toiles. À force de déconstruire la muraille qu’il avait bâtie, il s’est trouvé devant un cadre nu, dépeuplé.

 

II - LES PAYSAGES. L’APPARENT RETOUR AU SUJET

A partir de 1952, le titre Paysage est de plus en plus présent dans l’œuvre de Nicolas de Staël et remplace celui de Composition. La série de Fleurs qui suivra, puis celle des Bouteilles, ainsi que son attrait pour les grands ciels de la peinture hollandaise (en particulier Ruysdaël) dénotent une attention portée de plus en plus vers le monde extérieur. Mais le traitement pictural d’un paysage ne varie pas beaucoup, chez l’artiste, de celui d’une “composition”, titre éminemment abstrait.
En peignant des paysages et des natures mortes, avec de seuls rectangles, empâtements et plages de couleur-forme, Staël renoue avec la grande peinture classique pour la remettre en question de l’intérieur. Cependant l’apparent retour au sujet est un moyen pour le peintre de se donner toute liberté par rapport à la réalité.

Quelque chose change néanmoins dans sa méthode par rapport aux années précédentes. En effet, à partir de la série des Footballeurs, 1952, il prend l’habitude de préparer une toile par de multiples esquisses. Parfois il ne s’agit que de notations de couleurs, dont il peut, à son gré, fournir des variantes car c’est toujours le peintre qui, selon ce que Kandinsky appelle “la nécessité interne” au tableau, organise la relation de la peinture avec la réalité. L’exposition montre ce passage de l’ébauche à l’œuvre, notamment avec les paysages de Sicile, véritable révélation sensible pour l’artiste. Pendant son voyage dans le sud de l’Italie, Staël n’a tracé que des dessins, la peinture viendra après, par la force d’impression du souvenir visuel métamorphosé.

 

Qu’est-ce qu’un paysage ? L’espace et la profondeur

Un tableau représentant la nature et où le “reste”, figures humaines ou constructions, n’est qu’accessoire. Dans tout paysage, même le plus “réaliste” (cf. la vision naturaliste du XIXe: Constable, Corot et Courbet que Staël aimait parmi tous), le point de vue de l’observateur détermine l’œuvre car c’est lui qui instaure la veduta, à proprement parler une vision vue: vue, ressentie et interprétée par le peintre.
“Peindre c’est ressentir”, disait Constable, le maître anglais du paysage. Cadrage, choix de la composition, organisation des éléments, l’artiste est toujours là dans ce qui se donne pourtant comme une découpe objective de la réalité. Constable rappelait que sous chaque haie, il pouvait trouver matière à son art, qui consistait à subordonner des données visuelles innombrables à une seule idée picturale.
Dans ce sens Staël s’inscrit dans l’histoire de ce genre majeur de la peinture, qu’il revisite et habite de la totalité de son être. Peu importe que le résultat soit abstrait ou figuratif.

“Je n’oppose pas, déclare t-il, la peinture abstraite à la peinture figurative, une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace.”


De cet espace, Staël donne une définition très parlante:

“L’espace pictural est un mur, mais tous les oiseaux du monde y volent librement; à toutes profondeurs.” (Lettre à Pierre Lecuire du 3, 12, 1949.)

Comme il l’écrit à plusieurs reprises, la profondeur est la seule recherche sérieuse dans un tableau, qui n’est que la représentation d’un espace organisé. L’espace et la profondeur, chez l’artiste, ne renvoient pas aux règles de la perspective classique, le tableau s’organise par couches de couleur-forme laissant apparaître en réserve les couleurs du fond, dans une suggestion de la profondeur difficilement nommable. La définition que Staël donne de l’espace semble s’ouvrir à tous les sens:

“N’évaluez jamais l’espace trop rapidement. Il y a des petites pommes de pin toutes ratatinées dont l’odeur nous donne une telle impression d’immensité, alors que l’on se promène à Fontainebleau en étouffant dans cette forêt exactement comme en mansarde à nains.” (Lettre à Pierre Lecuire du 3,12, 1949.)

L’espace peut donc, pour l’artiste, se concentrer en une pomme de pin dont c’est l’odeur et non pas la forme qui suggère l’immensité. On croirait lire Baudelaire dans ses Correspondances, et l’on sent à l’horizon l’expérience de la réminiscence proustienne où le narrateur retrouve, au contact d’une petite madeleine trempée dans du thé, la richesse du souvenir d’enfance.


La peinture de Nicolas de Staël est dans cette dimension de jaillissement et de révélation, on croit l’entendre parler couleur, matière, espace, et aussitôt elle nous transporte dans des expériences multiples qu’elle nous fait vivre à “toutes profondeurs”. Ainsi, comme l’a souligné Jean Pierre Jouffroy (La mesure de Nicolas de Staël, Ides et Calendes, Neuchâtel, Suisse, 1981), les pommes de Cézanne, les arbres de Staël ne tiennent pas lieu d’arbres ni de pommes mais d’autre chose qu’il nous faut “découvrir”. Derrière les choses, en apparence reconnaissables du visible, se fait entendre une autre figuration.

Entre 1952 et 1955, année de sa mort, Nicolas de Staël voyage beaucoup. Il va à Londres, New York, dans le nord de l’Italie où il découvre Ravenne et ses célèbres mosaïques, parcourt la péninsule jusqu’en Sicile - Agrigente, 1953 Sicile (Vue d’Agrigente), 1954 - se rend en Espagne, et enfin à Antibes. Paris reste, entre temps, le lieu d’allées et venues. La lumière locale, revécue par le peintre, sera un élément fondamental dans ses paysages qui débutent avec les gris du nord de la France et de la région parisienne. La lumière, la matière, les formes colorées et la manière de concevoir la composition de l’œuvre changent radicalement selon qu’il s’agit de paysages normands ou du sud de l’Italie, par exemple. Cette révolution plastique, à chaque fois recommencée, n’est pas seulement liée aux variations du motif et des lieux en question, elle naît de la confrontation de sa peinture avec le visible, vécue toujours comme une véritable expérience de l’être.


Dans l’année 1952, Staël peint un grand nombre de ciels, dont Ciel à Honfleur. Il s’agit ici, comme d’autres paysages de l’époque, d’une marine, sujet qui mieux qu’aucun autre permet au peintre de dépasser la dichotomie abstraction-figuration. Le tableau se présente comme une succession de bandes de couleur disposées à l’horizontale. Il participe de cette ambiguïté entre art abstrait et art figuratif les faisant par moments se rejoindre. Le dessin, épuré et réduit à quelques lignes, suffit à rendre l’essence du paysage, ainsi que de l’espace construit à partir des différents plans de couleur.


Les couleurs, uniformément pâles, vont des jaunes cassés de la bande inférieure aux dégradés des bleus cédant la place au gris-blanc central qui se prolonge par transparence dans le céleste et le gris-vert du ciel. L’effet de sfumato, obtenu par les glacis blancs sur la matière épaisse de la couleur, produit un effet singulier de perspective atmosphérique. Ce paysage, qui donne l’impression de se prolonger à l’infini, évoque la dimension du sublime kantien. Le sublime, dit Kant, est toujours de l’ordre de ce qui ne peut être saisi qu’en partie, la partie visible: tableau, appelle ici l’immensité infinie qui le déborde.

En novembre 1953, Staël acquiert une maison dans le Luberon, Le Castelet, à Ménerbes, où il s’installe fin décembre avec sa femme Françoise et leurs enfants. La maison est proche du château de Castille, près d’Uzès, où réside Douglas Cooper, historien d’art anglais. Staël se rend souvent chez Cooper où il découvre son importante collection de tableaux cubistes, parmi lesquels se trouvent des œuvres de Braque que l’artiste aime particulièrement. La route d’Uzès que Staël emprunte pour se rendre au château de Castille, donne lieu à une série de neuf vues très sobres, dont La Route d’Uzès. Après l’expérience de la lumière aveuglante de Sicile, Staël redécouvre cette région dans son visage hivernal, sous le brouillard et la neige.

Des pâles paysages du nord et de la région parisienne, aux éblouissements lumineux du sud de l’Italie, en passant par les routes de l’intérieur de la France et les plages de la Méditerranée - Le Lavandou, 1952- , de Staël mesure sa peinture aux sollicitations du réel dont il ne rend pas le visible mais l’essence.

III- LES NATURES MORTES : “L’OBJET ELEVE A LA DIGNITE DE LA CHOSE”

En même temps que les paysages, Nicolas de Staël renoue avec les autres genres classiques de l’histoire de l’art : le nu et la nature morte. Son admiration pour Chardin l’a conduit très tôt à copier ses œuvres, ses natures mortes.
L’exposition s’ouvre par une nature morte de 1941, œuvre de jeunesse, qui n’aura pas de suite. Car c’est seulement à partir de 1952 que ce sujet s’affirme dans sa peinture.

Il s’agit, au début, d’une série de pommes : Une pomme, Trois pommes, Cinq pommes, directement sorties des tesselles, motif abstrait des Composition(s) des années précédentes et qu’on retrouve dans Les Toits de 1952. Une série de bouteilles ainsi que de fleurs suivent immédiatement après. En 1953, l’artiste donne deux versions monumentales (200 cm x 350) des bouteilles. Entre 1954 et 1955, Staël revisite, avec d’autres moyens picturaux, la nature morte: vient la série des ateliers peints à Antibes, des étagères et palettes, des bocaux et des outils du peintre. Sa dernière toile restée inachevée, Le Concert, de 3,50 x 6m, œuvre ambiguë, difficile à classer, pourrait se lire comme une immense nature morte où flottent seuls, sur un fond rouge, un piano et une contrebasse, séparés par des pupitres et des partitions.

Dans ces œuvres, Staël touche à l’essence de la nature morte qui renvoie à la fugacité de l’existence. C’est dans la résonance que prennent ses objets toujours au bord de leur abîme que le peintre rejoint les plus grands maîtres du genre.

BIBLIOGRAPHIE