Accueil Partie beaux-arts Histoire de l'art Les peintres Les musées Les expositions Thèmes picturaux

Agrigente

1953

Agrigente
Nicolas de Staël, 1953
Huile sur toile, 73 x 100 cm
Kunsthaus, Zürich

En septembre 1953, Staël, avec sa femme et ses enfants, parcourt l’Italie en voiture. De Rome il écrit à son marchand Jacques Dubourg: “Je roule de France en Sicile, de Sicile en Italie, en regardant beaucoup de temples, de ruines ou pas, des kilomètres carrés de mosaïques (…) Le point culminant fut Agrigente et le musée de Syracuse.”

La vallée des temples d’Agrigente, les carrières de pierres de Syracuse, les espaces arides et gorgés de soleil, les pierres antiques, impressionnent son regard et son esprit. Néanmoins la série de paysages de Sicile n’est pas peinte sur le motif, et il serait vain de chercher à retrouver l’angle de vision réel du peintre. Staël s’en imprègne, et sur de grands carnets à spirales il note au feutre les lignes principales. De retour en France, dans son atelier de Lagnes où il travaille dans un isolement qu’il veut extrême, il réalise cette série extraordinaire de paysages.

Agrigente, de 1953, se distingue des autres paysages de Sicile, aux couleurs éclatantes, par son équilibre chromatique presque entièrement fondé sur le contraste des noirs et des blancs, regroupés dans les deux masses puissantes de la falaise dans la moitié inférieure du tableau, et du ciel dans la moitié supérieure. Le noir absolu du ciel et le blanc fantomatique de la falaise occupent à eux seuls la presque totalité de la surface peinte. Etrange nocturne qui s’organise autour d’une seule ligne de force, celle, en “escalier”, de la falaise subtilement dessinée et accentuée par de petites surfaces rouges et jaunes. Mais le noir n’est pas uniforme, il vibre par le mouvement que l’outil du peintre, certainement une brosse large, sait lui donner. Tandis que le ciel vibrant et la falaise blanc-gris semblent soumis aux changements des phénomènes naturels se dressent les ruines rouges et jaune pur qui se gravent dans notre œil avec l’impact de ce qui dure.

Pour le chromatisme particulier de ce tableau, Staël se souvenait peut-être des couleurs violentes de Paolo Uccello dans Le Miracle de l’hostie (vers 1465), et dans La Bataille de San Romano (vers 1450, Florence, Musée des Offices), où les noirs, les rouges, les blancs dominent. En effet l’artiste cite à plusieurs reprises Paolo Uccello qu’il a admiré lors d’un voyage en Italie au mois de février de la même année et qu’il revoit encore en septembre, avec aussi Giotto et Piero della Francesca. Sa référence à la tradition picturale est une constante dans son œuvre.